Édition du vendredi 15 septembre 2023

Transition écologique
Rénovation écologique des écoles : un peu d'argent et beaucoup d'inquiétudes
Le premier Comité d'animation du plan de restauration écologique des écoles a été réuni hier, au ministère de la Transition écologique. Objectif du gouvernement : rénover 40 000 écoles primaires publiques en dix ans. Mais ni les moyens ni la méthode de gouvernance ne convainquent, pour l'instant, les représentants des élus.

« Une bonne nouvelle qu’il ne faut pas bouder », beaucoup de flou et des points d’inquiétude. Hier, au sortir de la première réunion du Comité d’animation du plan de restauration écologique des écoles, les deux représentants de l’AMF ont dressé, lors d’un point presse, un bilan plus que réservé de cette rencontre. Delphine Labails, maire de Périgueux et co-présidente de la commission éducation de l’AMF, et Christian Métairie, maire d’Arcueil et co-président de la commission Transition écologique, ont notamment réaffirmé qu’il est « hors de question » que les maires ne soient pas libres de choisir eux-mêmes les écoles qu’ils souhaitent rénover en priorité. 

Financements en hausse

Au chapitre des « bonnes nouvelles », la confirmation par Christophe Béchu d’une rallonge de 500 millions d’euros au Fonds vert, qui sera exclusivement fléchée vers la rénovation écologique des écoles. Le Fonds vert sera donc bien porté de 2 à 2,5 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2024, et cette rallonge sera pérennisée jusqu’en 2027. Cette information était connue depuis le mois de juillet, mais elle prend à présent un caractère officiel, et est confirmée dans le guide Rénovation des écoles dévoilé hier par le ministère. 

Cette augmentation de l’enveloppe est évidemment bonne à prendre, vu l’ampleur du chantier. Delphine Labails a rappelé hier que la rénovation écologique des écoles répond à des exigences tant climatiques que pédagogiques – il est en effet prouvé que dès que la température dépasse les 23 ° C, l’attention des enfants et leurs capacités d’apprentissage diminuent. Or la maire de Périgueux rapporte que la semaine de la rentrée, des températures de 30 ° C ont été relevées dans les classes de sa commune. 

L’isolation thermique des écoles, mais aussi la renaturation des cours d’école, constitueront un chantier majeur pour les communes dans les années à venir. D'autant qu'il s'agit de projets globaux, qui incluent généralement des sujets d'accessibilité, de désamiantage, de pratiques pédagogoiques, etc. Le chantier est estimé, a-t-il été rappelé hier, à au moins 40 milliards d’euros. On ne peut évidemment qu’être frappé par le fossé entre cette somme et les 2 milliards d’euros sur quatre ans promis par le gouvernement. « Il est bien évident que les communes n’ont pas les moyens de mettre les 38 milliards restants », constate Christian Métairie. D’autres financements de l’État vont pouvoir être mobilisés, dont la DETR et la DSIL, ainsi que le programme Actee+, porté à 220 millions d’euros en 2023, mais cela « ne fera pas le compte ». En outre, la Banque des Territoires a lancé au mois de mai le dispositif EduRénov qui mobilise 2 milliards d’euros en prêts et 50 millions d’euros en ingénierie pour accompagner 10 000 projets de rénovation des écoles d’ici 2027. Pour le reste, le recours à l’emprunt sera sans doute la seule solution qui restera aux communes. Ou, comme le souhaite le gouvernement, celui au tiers financement, comme le permet désormais, à titre expérimental, la loi du 30 mars 2023. Ce texte autorise les collectivités et EPCI à conclure des contrats de performance énergétique avec des tiers, dérogatoires au Code de la commande publique qui, jusqu’à présent, interdisait le paiement différé. Mais ce dispositif, outre sa complexité, est pour l’instant inapplicable en l’absence de décret d’application. Celui-ci, annonce le gouvernement, sera publié « en septembre ». 

Flou sur le guichet unique

C’est également une certaine déception qui règne sur le très attendu « guichet unique » promis par le gouvernement. Les représentants de l’AMF n’ont pas réussi à y voir clair dans la présentation de ce que Christophe Béchu lui-même a appelé « une sorte de guichet unique », formule qui n’a pas le mérite de la clarté. Christian Métairie a avoué n’avoir « pas forcément compris » comment les choses allaient se dérouler. Il faut d’ailleurs noter que le terme de « guichet unique » n’est même pas mentionné dans le guide diffusé hier par le ministère. Il semble néanmoins que l’interlocuteur des maires sera « un binôme associant le sous-préfet et un cadre de la DDT ». 

Les élus ont noté hier qu’au moins autant que le guichet unique, ils auraient souhaité entendre parler d’un « dossier unique », c’est-à-dire de la possibilité de pas constituer un dossier différent pour chaque école. 

Pilotage « par en haut »

Reste la question de la gouvernance, et c’est apparemment là que le bât blesse réellement. 

D’abord, le ministre de l’Éducation, Gabriel Attal, présent à la réunion d’hier matin, a indiqué que les aides de l’État pourraient être conditionnées à la démarche « d'autoévaluation et d'innovation pédagogique », déclenchée à la suite du CNR éducation. Mais aujourd'hui, moins de 15 % des établissements y sont engagés, et qui plus est, ans associer les maires. À Périgueux, a illustré Delphine Labails, une telle condition fermerait l’accès aux financements à 16 écoles sur 17. 

Les représentants de l’AMF se sont par ailleurs dits « particulièrement inquiets » de la façon dont l’État envisage de piloter les choses, par en haut. On peut en effet lire dans le guide publié hier que « Christophe Béchu et Gabriel Attal écriront dans les prochains jours aux préfets et aux directeurs académiques des services de l'Éducation nationale afin qu’ils identifient les projets prioritaires à accompagner et les besoins au niveau local ». Une fois encore – comme c’est le cas pour la quasi-totalité des politiques publiques en ce moment – il s’agit d’une forme de recentralisation : ce seraient donc les préfets et les Dasen qui décideraient des écoles à rénover en priorité, et non les maires, alors que les communes sont propriétaires des bâtiments ? Christophe Métairie et Delphine Labails ont jugé hier ce projet « inacceptable » : « Il relève des prérogatives du maire de choisir les écoles qui seront rénovées », insiste la maire de Périgueux, tandis que son homologue d’Arcueil estime que le gouvernement ferait mieux de « déléguer des enveloppes aux communes » en leur laissant le choix de leur utilisation la plus judicieuse – les maires étant tout de même mieux placés que les Dasen pour connaître l’état du patrimoine scolaire de leur commune et les chantiers à prioriser. Les Dasen seraient, en revanche, nettement plus attendus pour donner aux maires des données fiables sur les ouvertures et fermetures de classe, ce qui permettrait aux maires de mieux cibler leurs investissements. 




Eau et assainissement
Sécheresse et pénuries d'eau : Christophe Béchu veut « contraindre » les élus locaux à rénover leurs réseaux d'eau
Alors que près de 200 communes sont toujours privées d'eau potable, le ministre de la Transition écologique estime que « la crise de l'eau n'est pas encore derrière nous » et met en garde les élus sur les canalisations défaillantes. À Mayotte, où des manifestations ont eu lieu ce week-end, l'armée va être mobilisée pour procéder à des distributions d'eau.

Près de deux tiers des nappes phréatiques ont un niveau inférieur aux moyennes de saison et 189 communes restent privées d'eau potable en ce début septembre… La météo a beau se rafraîchir depuis quelques jours, la sécheresse continue d’affecter la France, selon les chiffres que vient de dévoiler le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, dans un entretien à Libération.

Pénuries : quatre fois moins de communes qu’en 2022

Au 8 septembre, le nombre de communes victimes de pénuries d'eau a ainsi plus que doublé par rapport au dernier bilan du 10 août qui n’en recensait que 85 (elles étaient encore 119 au 1er août), mais elles restent, toutefois, près de quatre fois moins nombreuses que l’an passé lorsque 700 d’entre elles avaient été impactées par le manque d’eau.

« Beaucoup se trouvent sur le bassin méditerranéen, dans le couloir rhodanien, mais on a aussi quelques cas en Bretagne », a détaillé l’ancien maire d’Angers. Au total, ce sont « 40 000 personnes » qui se retrouvent alimentées par des camions-citernes ou via la distribution de bouteilles d’eau minérale. 

S’agissant des nappes phréatiques, si la situation est jugée « plus favorable » que l’an passé, le ministre estime « qu’il n’y a pas lieu de se réjouir » puisqu’en août « 62 % des nappes phréatiques avaient un niveau inférieur aux moyennes de saison, et 18 % étaient à un niveau très bas ». « L’an dernier, à la même date, 77 % d’entre elles se trouvaient sous les moyennes et 20 % très bas », soulignait Christophe Béchu, juste avant la publication, hier, du désormais très attendu point de situation mensuel des nappes phréatiques du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). 

Alors que « les prévisions saisonnières de Météo-France sur les mois de septembre, octobre et novembre privilégient des températures plus élevées que la normale sur l’ensemble du territoire et des conditions plus humides sur l’extrême sud », le BRGM prévient que, « sur les deux tiers sud du territoire, les épisodes pluviométriques ne devraient pas engendrer une recharge significative des nappes ».

« La crise n’est pas encore derrière nous », alerte donc le ministre pour les semaines à venir : « Les nappes ne se rechargeront qu’à partir du mois d’octobre. Ces prochaines semaines seront décisives, chaque geste compte, dans tous les secteurs ». 

Canalisations : « Demander des comptes aux communes »

Pointant l’inaction de « certains élus locaux » qui « n’ont pas investi dans leurs réseaux d’eau et ont une responsabilité dans ces pénuries », il a affirmé vouloir à la fois « les aider et les contraindre ». « Engager des travaux sur les canalisations, ce n’est pas populaire, ça coûte cher, vous défoncez la chaussée, ça gêne la circulation… Les maires y renoncent trop souvent », à ses yeux.

« Dès l’an prochain, on va procéder de manière plus coercitive, en demandant des comptes aux communes dont les canalisations sont défaillantes. L’État va maintenir des subventions mais ne va pas payer à 100 % des travaux que ces élus ont renoncé à faire », a donc fait savoir Christophe Béchu.

Sur ce point, l'AMF souligne, ce matin, que « la question de la sécheresse et celle des réseaux ne sont pas aussi directement liées ». En effet, « la gestion patrimoniale de l’eau comprend les réseaux, mais surtout la ressource elle-même qui subit des pressions de plus en plus forte tant en qualité qu’en quantité ».
 
Le ministre a, toutefois, indiqué que, « dès cette année, nous avons débloqué 53 des 180 millions d’euros du Plan eau pour aider les communes où le taux de fuite atteint plus de 50 % » et que « dans 170 communes, des chantiers ont commencé ». Il prône, par ailleurs une mutualisation de la gestion de l’eau car « 11 000 gestionnaires d’eau potable dans le pays, à la fois publics et privés, c’est trop ! ». 

« On veut de l’eau ! » : Manifestations à Mayotte 

Aux 40 000 personnes souffrant des pénuries d’eau en métropole, il faut également ajouter les 300 000 habitants de Mayotte que n’a pas semblé intégrer le ministre dans le décompte présenté à Libération.

L’île de l’Océan indien est actuellement soumise à sa plus importante sécheresse depuis 1997 et l’eau y est sévèrement rationnée depuis deux semaines. Celle-ci ne coule désormais plus qu’un jour sur trois. Et « quand il y a de l’eau, elle n’est pas potable », s’indignait, mercredi sur RFI, Estelle Youssouffa, députée de Mayotte (LIOT). 

Une situation « pourtant prévisible » qui a déclenché la colère des habitants qui ont lancé, ce week-end, des manifestations contre les coupures d’eau aux cris de « On veut de l’eau ! ». 

« À ce jour, aucune distribution n’a été organisée, contrairement aux engagements du ministre des Outre-mer », lors de son déplacement sur l’île au tout début du mois, a dénoncé la députée mahoraise. Et les distributions ne seraient pas prévues avant « le 25 septembre », selon elle, alors qu’« un pack d’eau, c’est 12 euros (pour) six bouteilles de 1,5 litre… quand il y en a dans les supermarchés ». « C’est grave », a fustigé Estelle Youssouffa qui déplore, en outre, le fait que les Mahorais « continuent pourtant à payer des factures (...) d’eau maronnasse, visiblement dégueulasse et impropre à la consommation ».

Et si le ministère des Armées a annoncé, hier, que l’armée allait être mobilisée pour « débuter prochainement » la distribution d’eau à Mayotte, la situation ne semble pas près de se rétablir puisque le département le plus pauvre de France dépend « à 80 % » des eaux pluviales pour son approvisionnement et que la prochaine saison des pluies n’est pas attendue avant novembre.

Un problème d’ailleurs plus profond, selon la députée de Mayotte : « Aujourd’hui, la production d’eau potable, en temps normal, elle est de 36 000 m3 par jour alors que les besoins sont à 44 000. Ca veut dire que, quand il pleut, quelle que soit la saison, on a quand même des coupures d’eau ».

Condamnant également l’« imprévoyance » de l’État, le député européen Younous Omarjee (La Gauche/LFI) a rappelé pourtant, dans un entretien à L’Humanité, que « les moyens budgétaires ne manquent pas », citant notamment des fonds européens prévus pour investir dans des équipements de désalinisation de l’eau de mer qui n’ont « jamais été installés » par l’État français. 

Car, contrairement au reste du pays, Mayotte est « la seule région française où ce n’est pas la région qui est l’autorité de gestion des fonds européens, mais l’État », a-t-il critiqué, alors que la Commission européenne vient tout juste d’annoncer qu’elle débloquerait des « fonds d’urgence » pour faire face à la situation actuelle.

Et Estelle Youssouffa de conclure : « Non seulement, ces fonds d’urgence – dont la mobilisation dépend donc de l’État – doivent permettre de distribuer de l’eau aux plus fragiles tout de suite, mais ils doivent aussi permettre de faire les réparations et les investissements nécessaires » que réclame tant Christophe Béchu.




International
Culture, coopération décentralisée : la France suspend tous les projets impliquant les pays du Sahel touchés par des coups d'État 
Le gouvernement a annoncé hier, à la stupéfaction du monde culturel, l'interdiction de toute coopération culturelle avec le Mali, le Niger et le Burkina-Faso. Une décision qui pourrait directement toucher nombre de festivals ou d'événements organisés par les communes. La décision a choqué à tel point que le gouvernement tente ce matin un rétropédalage.

L’annonce est tombée sans préavis avant-hier : sur requête du Quai d’Orsay, le secrétariat général du ministère de la Culture a fait envoyer par les Drac (Directions régionales des affaires culturelles) un message à toutes les structures conventionnées. « Tous les projets de coopération  qui sont menés par vos établissements ou vos services avec des institutions ou des ressortissants [du Niger, du Mali et du Burkina Faso] doivent être suspendus sans délai et sans aucune exception. (…) Tous les soutiens financiers doivent également être suspendus, y compris via des structures françaises, comme des associations par exemple. De la même manière, aucune invitation de tout ressortissant de ces pays ne doit être lancée. » Le message indique par ailleurs que « la France ne délivre plus de visas pour les ressortissants de ces trois pays, sans exception. » Les artistes de ces trois pays, si l’on comprend bien les intentions du gouvernement, vont donc être collectivement punis parce que des militaires de leur pays ont procédé à un coup d’État. 

Ce message a sidéré les acteurs de la culture, qui rappellent que même après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le gouvernement français n’a jamais interdit l’accès du territoire français aux artistes russes – et a même cherché à les soutenir et les protéger, dès lors qu’ils ne s’affichaient pas comme des soutiens actifs de Vladimir Poutine. 

Dès hier, le Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles), associé à d’autres structures comme l’Association des centres chorégraphiques nationaux, l’Association des centres dramatiques nationaux ou l’Association des scènes nationales, a publié un communiqué véhément pour dénoncer cette instruction « comminatoire, (…) totalement inédite par sa forme et sa tonalité ». Ces structures jugent que « cette interdiction totale n’a aucun sens d’un point de vue artistique et constitue une erreur majeure d’un point de vue politique. C’est tout le contraire qu’il convient de faire (…) : affirmer avec force la solidarité de la France avec les artistes ».  

Beaucoup se sont immédiatement demandés si cette instruction des Drac devait conduire à annuler ou déprogrammer des événements – concerts, représentations théâtrales, festivals, expositions. Les trois pays touchés par cette interdiction étant francophones, de très nombreux festivals tournant autour de la francophonie sollicitent en effet leurs artistes. La question a été posée par exemple par les organisateurs du festival lyonnais Sens interdits, qui doit se tenir à la mi-octobre et prévoit cinq représentations données par des artistes maliennes. 

Le gouvernement a répondu, hier, à cette interrogation, de façon un peu rassurante, et à rebours du courrier des Drac : « Aucune déprogrammation d’artistes, de quelque nationalité que ce soit, n’est demandée ni par le ministère des Affaires étrangères, ni par le ministère de la Culture. (…) Cette décision n’affecte pas les personnes qui seraient titulaires de visas délivrés avant cette date »  – ce qui est le cas, par exemple, des artistes invitées au festival Sens interdits. En revanche, puisque la France ne délivrera plus de visas « jusqu’à nouvel ordre », des artistes qui seraient déjà programmés mais n’auraient pas, à ce jour, déjà obtenu un visa, devront de facto être déprogrammés. 

Tentative de déminage

La ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, invitée ce matin sur RTL, a tenté de désamorcer la bombe en affirmant que la France « ne boycotte jamais d’artistes, nulle part ». La ministre a plaidé que la délivrance des visas, sur place, n’est « matériellement plus possible », ce qui empêche de fait la venue des artistes, mais qu’il n’est « pas question d’arrêter d’échanger avec des artistes, des lieux culturels, des musées, des théâtres dans ces pays ». 

On ne peut que constater que ces déclarations paraissent parfaitement contradictoires avec le message diffusé la veille et la formule selon laquelle « tous les soutiens financiers doivent être suspendus, y compris via des structures françaises, comme des associations par exemple » – ce qui n’a rien à voir avec des questions de visa. 

En fin de matinée, aujourd'hui, la Fédération nationale des collectivités pour la culture (FNCC) a publié un communiqué intitulé : « Pourquoi rompre les liens avec les artistes ? ». La Fédération rappelle que « dans leur grande majorité, les institutions culturelles destinataires de cette demande sont également placées sous la tutelle politique de collectivités territoriales ». Elle demande donc à connaître les raisons qui ont conduit le gouvernement à prendre « une décision (...) sans précédent ».

L’aide au développement également bloquée

Cela conduit à se poser la question de ce qu’il doit advenir des projets de coopération décentralisée entre les collectivités françaises et les trois pays concernés. On sait en effet que l’État français a suspendu toute aide au développement vers le Niger, dès l’annonce du coup d’État fin juillet, comme il l’avait fait pour le Mali en novembre 2022. 

Mais qu’en est-il des projets d’aide au développement des collectivités locales ? Ces décisions n’engagent-elles que l’État, ou les collectivités doivent-elles, elles aussi, « suspendre » les projets réalisés dans le cadre du 1 % Santini-Oudin ? Les projets sont nombreux dans la région : selon les données du rapport 2022 sur l’aide publique au développement des collectivités territoriales françaises, les cinq pays du Sahel représentent à eux seuls 15 % de l’effort des collectivités. Celles-ci ont consacré 3,2 millions d’euros à l’aide au Burkina Faso, 2,8 millions à l’aide au Mali et presque 980 000 euros à celle au Niger, majoritairement pour des projets liés à l’eau et l’assainissement.  

La réponse est claire : selon nos informations, la Commission nationale de la coopération décentralisée a bien été informée que les collectivités doivent suspendre tous leurs projets de coopération décentralisée vers ces pays, à l’exception de quelques-uns d’entre eux qui sont déjà trop avancés. Maire info reviendra sur ce sujet plus précisément dans une prochaine édition.

Une mauvaise nouvelle pour les populations locales qui attendaient tel projet d’alimentation en eau ou de construction d’une école, et qui ne sont, pas plus que les artistes, responsables des actes des différentes juntes militaires. 




Numérique
Souveraineté numérique : vers une nouvelle législation pour l'hébergement des données des collectivités ?
Le groupe de travail sur la souveraineté numérique vient de dévoiler ses recommandations. Plusieurs d'entre elles concernent les collectivités qui hébergent toutes des données personnelles.

Les membres de la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP) ont confié à Anne Le Hénanff, députée du Morbihan, la mission de formuler des recommandations afin de renforcer notre souveraineté numérique. Un certain nombre d’auditions ont été menées dans ce cadre pour pouvoir « définir des mesures concrètes et réalistes pour assurer et renforcer l’indépendance de la France (…) en matière de souveraineté numérique »

À l’heure où les cyberattaques contre les collectivités de toute taille se font de plus en plus fréquentes, la gestion et surtout le stockage des données sont des sujets majeurs. Selon un rapport réalisé par les députés Philippe Latombe et Jean-Luc Warsmann, avec la crise sanitaire, « nombre de problématiques numériques ont refait surface, de la protection des données de santé aux enjeux de cyber-sécurité, face aux attaques informatiques qui ont notamment touché des collectivités territoriales et des structures de soins. Dans ce contexte compliqué, la question de la souveraineté numérique est réapparue avec force ». Ainsi, ce rapport, tout comme les conclusions présentées par la CSNP, soutient que la France et l’Europe doivent faire de ce sujet une priorité « pour répondre à la demande de protection des citoyens, de compétitivité des entreprises, et, enfin, à une double exigence d’efficacité et de transparence des institutions publiques ».

Parmi les 10 recommandations présentées dans ce récent avis daté du 12 septembre, trois concernent directement les collectivités. Des pistes sur les moyens à engager pour garantir une véritable souveraineté numérique sont donc présentées dans ce document d’une dizaine de pages. 

Obligation d’un hébergement sécurisé 

D’abord, les membres de la CSNP définissent le cloud (endroit où sont stockées des ressources informatiques) souverain comme étant un cloud de confiance, « transparent, non soumis à des législations extraterritoriales, et dont des certifications garantissent son niveau de confiance ».

En France, ce type de certification existe grâce au référentiel intitulé SecNumCloud développé par l’Anssi qui vise à « permettre la qualification de prestataires de cloud avec pour objectif de certifier le niveau de confiance d’un hébergeur ». 

Une circulaire datant du 31 mai 2023 impose d’ailleurs l’utilisation d’un hébergeur de confiance pour l’ensemble des données sensibles, « par exemple, les secrets liés aux délibérations du gouvernement et des autorités relevant du pouvoir exécutif, à la défense nationale, aux procédures engagées devant les juridictions ou encore le secret de la vie privée, au secret médical », etc. Or la circulaire « exclut de facto les données non considérées comme sensibles » et notamment celles des collectivités. 

Ainsi, « bien que les collectivités territoriales soient amenées à gérer quotidiennement des données personnelles telles que l’état civil, les affaires scolaires, les données médicales, ou des données sur la sécurité des personnes », elles ne sont pas concernées par cette obligation d’un hébergement sur un cloud respectant la qualification SecNumCloud. 

La Commission invite alors l’ensemble des administrations, des collectivités territoriales, des établissements de santé et des universités (recherche) à « avoir recours à des hébergeurs de confiance pour les données sensibles ou nécessitant une protection particulière ». 

Accompagner les collectivités

Le rapport pointe très justement que si le besoin est réel de la part des collectivités de protéger au mieux leurs données, les moyens dont elles disposent aujourd’hui sont insuffisants. C’est pour cela que « les membres de la CSNP estiment également essentiel l’accompagnement des petites collectivités et des établissements publics qui ne disposeraient pas des moyens humains et financiers nécessaires pour se conformer à cette doctrine ». À noter que les offres labélisées « sont généralement plus coûteuses, ce qui peut constituer un frein » pour les collectivités. De plus, si l’obligation d’hébergement sur un cloud SecNumCloud vient à peser sur toutes les collectivités, il serait complexe pour les petites communes par exemple de s’acquitter de plusieurs milliers d’euros par an pour l’hébergement de leurs données. 

Enfin, les membres de la CSNP proposent que « les missions des préfets soient renforcées pour accompagner et veiller à la mise en œuvre de la sécurisation des données sensibles et à caractère personnel des collectivités locales, notamment au regard du RGPD, mais également des établissements publics de santé et des universités. Avec des moyens renforcés, les préfets s’assureront du bon déroulement des migrations des données concernées vers des clouds de confiance. Dans l’éventualité où le recours à ces opérateurs cloud représenterait un surcoût conséquent pour ces acteurs, il est nécessaire que l’État le prenne en compte en prévoyant un accompagnement humain et/ou financier ».

Télécharger l'avis sur la souveraineté numérique. 




Budget
16 milliards d'euros d'économies dans le budget 2024 
Pour réduire le lourd endettement de la France, le gouvernement présentera fin septembre un budget pour 2024 qui scelle la fin progressive du « quoi qu'il en coûte » et identifie 16 milliards d'euros d'économies, sur fond de croissance moins dynamique qu'espéré.

Le projet de budget, qui sera présenté le 27 septembre en Conseil des ministres, est affecté par un environnement économique morose qui a conduit l’exécutif à réviser en baisse à 1,4 %, contre 1,6 %, sa prévision de croissance du produit intérieur brut pour l’an prochain. 

« En 2024, la croissance continuera de progresser », après 1 % prévu pour 2023, a déclaré le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, devant la presse. « Elle sera tirée par notre production manufacturière, par la sortie définitive de la crise inflationniste et par la reprise de la consommation », a-t-il poursuivi. « La récession en Allemagne, les difficultés en Chine et la persistance de taux d’intérêt élevés auront néanmoins un impact sur cette croissance. »

Jeudi, la Banque centrale européenne a relevé encore une fois son taux d’intérêt de référence, à son plus haut historique, un mouvement visant à lutter contre l’inflation mais qui alourdit le coût de la dette pour la France.

Gages de sérieux

La charge de la dette, estimée à 38,6 milliards pour 2023, devrait atteindre 48,1 milliards l’an prochain – soit l’équivalent du budget prévu pour la défense – et jusqu’à 74,4 milliards en 2027. Dans ce contexte plus difficile, et alors que s’approche le verdict en octobre des agences de notation Fitch et Moody’s sur la santé financière française, le gouvernement entend donner des gages de sérieux budgétaire. 

Il ambitionne de réduire l’endettement du pays de 111,8 % du PIB en 2022 à 108,1 % en 2027. Le déficit public devrait passer de 4,8 % du PIB en 2022 à 4,4 % en 2024 puis 2,7 % à la fin du quinquennat, sous l’objectif européen des 3 %. « Cette accélération du désendettement est fondamentale au moment où tous nos partenaires européens sont engagés dans cette voie », a souligné Bruno Le Maire, alors que l’inflation devrait reculer à 2,6 % l’an prochain contre 4,9 % en 2023, selon l’exécutif. 

Le gouvernement compte réaliser 16 milliards d’économies l’an prochain, dont l’essentiel (10 milliards d’euros) proviendra de la suppression progressive du bouclier tarifaire pour l’électricité, qui a permis de contenir les factures. « Nous sortirons des prix gelés mais nous maintiendrons la fiscalité au niveau plancher à nouveau en 2024 pour garantir les prix les plus bas possibles pour les ménages », a assuré le ministre. 

S’y ajouteront les réductions des aides aux entreprises (4,5 milliards) et à la politique de l’emploi (1 milliard) ainsi que 700 millions issus de la réforme de l’assurance-chômage. 

Vert contre brun

D’autres économies déjà évoquées, comme la suppression du dispositif Pinel d’aide à la construction neuve (2 milliards), le resserrement du prêt à taux zéro (PTZ, 900 millions) ou la réforme des retraites, produiront leurs pleins effets ultérieurement.

Pour faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État, le gouvernement peaufine « une taxation des surprofits » des sociétés concessionnaires d’autoroutes et compte relever l’accise sur le gaz (une taxe), « sans impact sur le consommateur », a souligné Bruno Le Maire. Il s’interroge aussi sur les marges « élevées » du raffinage, dont TotalEnergies est le numéro un en France.

Il table aussi sur la lutte contre la fraude (1,5 milliard par an à horizon 2027) et l’instauration de l’impôt minimal sur les sociétés (1,5 milliard dès 2026).

Ce serrage de vis ne remet toutefois pas en question, selon le ministre, la stratégie du gouvernement d’alléger la fiscalité pour les entreprises comme les ménages, au cœur de sa politique depuis 2017. La CVAE, un impôt de production pesant sur les entreprises, sera supprimée à hauteur de 1 milliard l’an prochain. 

Les ménages verront le barème d’imposition sur le revenu rehaussé de 4,8 %, mais ils devront attendre 2025 pour voir se concrétiser la promesse d’une réduction d’impôts de 2 milliards. 

Dans le même temps, le gouvernement se targue aussi d’un budget teinté de vert : 7 milliards d’euros seront consacrés à la transition énergétique. Des niches fiscales brunes (favorables aux énergies fossiles) seront supprimées, comme celle qui allégeait les taxes sur le gazole non routier. « Toutes les recettes fiscales brunes, à l’euro près, iront vers la transition écologique et vers le verdissement de notre économie »: « l’État ne se met pas un euro dans la poche», a assuré le ministre.   
 






Journal Officiel du vendredi 15 septembre 2023

Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Décret n° 2023-876 du 13 septembre 2023 relatif à la coordination en matière de politique de l'eau et de la nature et de lutte contre les atteintes environnementales
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Décret n° 2023-877 du 14 septembre 2023 relatif aux dispositifs du bouclier tarifaire gaz et électricité en faveur de l'habitat collectif résidentiel et de l'amortisseur électricité pour les très petites entreprises

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