Édition du mardi 12 septembre 2023 |
Fonction publique territoriale
Prime de pouvoir d'achat dans la fonction publique territoriale : comprendre le dispositif retenu par le gouvernement
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Le très attendu décret concernant la « prime de pouvoir d'achat exceptionnelle » dans la fonction publique territoriale va être présenté devant les instances consultatives avant la fin septembre. Le versement de cette prime sera facultatif, contrairement à ce qui se fait dans les autres versants de la fonction publique. Décryptage.Â
C’est le 23 juin que le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques avait annoncé un train de mesures destinées à améliorer le pouvoir d’achat des fonctionnaires (lire Maire info du 27 juin). Plusieurs mesures avaient alors été présentées : hausse du point d’indice de 1,5 %, rehaussement progressif des plus bas salaires (« bas de grille »), attribution de 5 points d’indice supplémentaires pour tous les agents de la fonction publique au 1er janvier 2024, reconduction de la Gipa (garantie individuelle de pouvoir d’achat) pour 2023… Et enfin, une annonce nouvelle : la mise en place d’une « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat », pour les agents de la fonction publique touchant moins de 3 250 euros brut par mois, d’un montant maximum de 800 euros brut.
Dans les fonctions publiques de l’État et hospitalière, cette prime est systématique. Dans la territoriale – libre administration des collectivités locales oblige –, elle est facultative, et peut être versée ou non, selon le libre choix des élus.
Pression syndicale
Les modalités de versement de cette prime ont été rapidement connues pour les versants État et hospitalier : le 1er août, un décret « portant création d'une prime de pouvoir d'achat exceptionnelle pour certains agents publics » est paru au Journal officiel. Pour la fonction publique territoriale, le décret était encore en attente.
Les organisations syndicales, depuis la parution du décret du 31 juillet, exercent une forte pression sur les employeurs territoriaux pour que ceux-ci décident de l’attribution de la prime sans attendre la parution d’un décret spécifique fonction publique territoriale, estimant que, au nom du principe de parité entre les différents versants de la fonction publique, les collectivités pouvaient s’appuyer sur le décret du 31 juillet. Ainsi, l’Unsa écrivait sur son site, le 29 août, que selon l’article L 714-4 du Code général de la fonction publique, « les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires de leurs agents, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'État ». Pour l’Unsa, cette disposition signifie que « rien n’interdit aux collectivités de décider dès à présent du montant de cette prime ». Même son de cloche à la CGT, qui estime que les modalités fixées par le décret du 31 juillet sont « transposables aux agents publics territoriaux sous réserve de l’adoption d’une délibération (…), sur le fondement du principe de parité en matière indemnitaire avec la fonction publique de l’État ».
Mais les employeurs publics sollicités par les syndicats, comme à Bagnolet ou à Clermont Métropole, ont préféré attendre la parution d’un décret spécifique. Celui-ci a enfin été rédigé, et il va être présenté devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) le 20 septembre.
Modalités
Le projet de décret, que Maire info a pu consulter, ne diffère que très peu du décret État/hospitalière du 31 juillet. Le dispositif ne présente que deux différences : d’abord, bien sûr, le caractère facultatif de la prime (« l’organe délibérant (…) peut instituer une prime de pouvoir d’achat exceptionnelle forfaitaire ») ; et le fait que la prime pourrait être versée en « une ou plusieurs fractions », contrairement à la fonction publique de l’État ou hospitalière, où la prime sera versée « en une seule fois ».
Pour le reste, les conditions d’éligibilité, les montants et les plafonds sont les mêmes. Seraient exclus du bénéfice de la prime les (très rares) agents publics éligibles à la prime de partage de la valeur (« prime Macron ») ainsi que « les élèves et étudiants en formation en milieu professionnel » employés en stage dans les collectivités. La prime serait en outre réservée aux agents recrutés avant le 1er janvier 2023, encore en emploi au 30 juin 2023, et ayant perçu une rémunération brute « inférieure ou égale à 39 000 euros » entre le 1er juillet 2022 et le 30 juin 2023 (ce qui correspond bien aux 3 250 euros brut mensuels annoncés par le ministre).
Lorsqu’un agent est employé par plusieurs collectivités (cas de nombreuses secrétaires de mairie par exemple), chaque collectivité employeuse versera une part de la prime à proportion de la rémunération qu’elles lui versent. Pour les agents à temps partiel, le montant de la prime sera proratisé, en fonction de la quotité de travail.
Le montant maximum de la prime dépendra de la rémunération des agents, et s’échelonne entre 300 euros (pour les agents qui perçoivent plus de 33 600 euros brut par an) et 800 euros (pour ceux qui perçoivent moins de 23 700 euros annuels, soit 1 975 euros brut par mois). Répétons-le, il s’agit là de plafonds. Les employeurs sont donc libres de verser des primes inférieures.
Dans une « foire aux questions » publiée par la DGAFP le 4 août, il est précisé que les éléments de rémunération pris en compte sont ceux qui « entrent dans l’assiette de la CSG (…) de laquelle est exclue (…) la Gipa et la rémunération perçue au titre des heures supplémentaires ». La prise en charge partielle des frais de transport, n’étant pas assujettie à la CSG, n’est pas non plus prise en compte dans la rémunération retenue pour déterminer le montant de la prime.
Cotisations sociales
Enfin, une question essentielle se pose aux employeurs territoriaux : cette prime est-elle, ou non, soumise à cotisations sociales ? On se rappelle en effet que la « prime Macron » ou prime de partage de la valeur présente le grand avantage, pour l’employeur comme pour le salarié, d’être exonérée de cotisations sociales et, pour le salarié, d’être non imposable sur le revenu.
Il n’en ira hélas pas de même pour les employeurs publics : la DGAFP indique en effet clairement dans sa FAQ que « cette prime est soumise aux cotisations et contributions de Sécurité sociale ainsi qu’à l’impôt sur le revenu ».
Le projet de décret va maintenant devoir être débattu devant le CSFPT et le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) avant d’être publié.
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Aménagement
Transformation des zones commerciales : le plan de Bercy
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Hier a été donné le coup d'envoi du programme de transformation des zones commerciales situées en entrée de ville. Au menu : un appel à manifestation d'intérêt doté de 24 millions d'euros pour une vingtaine de projets, un « paquet normatif » porté par le projet de loi Industrie verte, et une « task force d'État ».Â
Trois ministres, des architectes, des représentants de sociétés foncières et de grandes enseignes, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe : le parterre d’invités et d’intervenants était dense pour lancer, hier à Bercy, le plan du gouvernement destiné à « réinventer » les zones commerciales. L’enjeu est de taille : au nombre de 1 500, ces zones couvrent près de 500 millions de mètres carrés – autant de gisements fonciers essentiels dans un contexte contraint, entre zéro artificialisation nette et crise du logement.
Fruit de neuf mois de concertation entre experts, élus locaux, urbanistes, commerçants, etc., le programme porté par Olivia Grégoire, ministre chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, s’attaque ainsi, « sans jugement de valeur », à la « France moche » des zones périphériques, tant décriée par les esthètes de la ville, et pourtant centrales dans la vie des Français.
72 % de leurs dépenses sont en effet encore concentrées dans ces entrées de ville, « symboles de la consommation de masse, de l’automobile pour tous, du pavillon pour chacun », et des parkings XXL. Surcapacités, monoactivité, imperméabilisation des sols : le modèle uniforme de ces commerces « boîtes à chaussure » ne répond plus aux enjeux actuels et au besoin de diversification des usages. « La course aux mètres carrés est bel et bien terminée. Il y a un momentum économique et social. Notre but est de se saisir ensemble de ce moment », a ainsi martelé Olivia Grégoire.
Raccourcir les délais
Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, venu défendre le plan de Bercy, a appuyé le discours d’Olivia Grégoire. « Ces espaces déjà artificialisés sont des réservoirs à projets. Le rôle de l’État est de donner des outils aux acteurs pour qu’ils s’en saisissent. ». Or « nos règles en matière de PLU, d’autorisations administratives pour les surfaces de plus de 10 000 m², conduisent à des blocages », a-t-il relevé. En cours d’adoption, le projet de loi Industrie verte comprend ainsi un « paquet normatif » destiné à favoriser l’émergence des projets de transformation des zones commerciales. Le texte réforme la grande opération d’urbanisme (GOU), un outil issu de la loi Élan de 2018 permettant de raccourcir les délais procéduraux. La GOU autorise notamment la mise en compatibilité de l’ensemble des documents d’urbanisme avec le projet, pour un gain de temps estimé « entre 2 et 5 ans ».
Concrètement, le projet de loi prévoit de faciliter le recours à cet outil en supprimant le transfert automatique de la compétence urbanisme des maires aux présidents d’intercos, prévu dans le dispositif initial : les maires pourront ainsi conserver leur compétence et « accepter le recours à la GOU », a indiqué Christophe Béchu. Autre nouveauté : le transfert des droits commerciaux au sein d’une zone commerciale doit être facilité : plus besoin d’autorisation d’exploitation commerciale (AEC) au-delà de 1000 m² s’il s’agit d’un projet de transformation. Le « paquet normatif » intègre aussi la possibilité d’autoriser des projets dérogeant aux règles du PLU, un accès facilité au droit de préemption commercial et artisanal, et le recours au « permis d’innover ».
Appel à projets
Autre volet du plan de Bercy : l’expérimentation d’une « vingtaine » de projets pilotes, sélectionnés via un appel à manifestation d’intérêt lancé aujourd’hui auprès des collectivités, aménageurs et acteurs privés. Trois cibles sont visées : les zones commerciales dynamiques situées en zone dense, celles en déprise, et celles situées dans des zones peu denses.
Le programme est doté d’une enveloppe de 24 millions d’euros pour cette première vague d’expérimentation, cumulable avec le Fonds vert et les aides liées aux dispositifs Action cœur de ville et Petite ville de demain. Une enveloppe destinée au financement des études préalables afin de définir le programme de transformation (75 000 euros par projet), et à celui de la conduite de projet ou assistance à maîtrise d’ouvrage (75 000 euros).
Par ailleurs, l’État s’engage à financer une partie du déficit d’opération commerciale « pour quelques territoires en déprise », « dans une limite de 500 euros par m² de surface commerciale bâtie restructurée et à 100 euros par m² de surface non bâtie nécessaire à l’opération commerciale », indique le dossier de presse. Des « crédits déblocables avant la fin de l’année », a assuré Christophe Béchu. Destinée aux projets déjà engagés ou matures, la première vague de lauréats sera dévoilée en novembre prochain ; la deuxième, début 2024. Le dossier de presse présente trois exemples de territoires pré-identifiés pour l’expérimentation : Chartres, Barentin et Grasse.
Task force et fiscalité
Le plan de Bercy prévoit par ailleurs la mise en place d’une « task force », pilotée par la Direction générale des entreprises et l’Agence nationale de cohésion des territoires. En clair, une équipe chargée d’un « accompagnement sur mesure » des projets lauréats (ingénierie, expertise administrative et juridique, fléchage des autres enveloppes d’aides et remontée aux ministères des obstacles normatifs), l’animation d’une communauté nationale d’acteurs et d’élus engagés pour la transformation des zones commerciales, une synthèse annuelle des expérimentations, et enfin, un guide juridique et opérationnel pour les collectivités et les aménageurs.
Des moyens insuffisants, estime déjà Intercommunalités de France, compte tenu « de l’urgence liée au manque de foncier disponible à l’heure du ZAN et de l’impératif de sobriété foncière ». Dans son communiqué, l’association prône notamment la mise en place d’un fonds dédié aux friches commerciales, et une réforme de la taxe sur ces friches.
Présent à Bercy, Alain Chrétien, maire de Vesoul et vice-président de l’AMF, a de son côté précisé que l’association a été entendue dès le lancement du groupe de travail en novembre 2022. Tout en rappelant ses points de vigilance : ne pas opposer centres-villes et zones de périphérie, être responsable dans la mise en œuvre des projets pour éviter les effets d’aubaine et d’éviction, simplifier le fonctionnement des commissions départementales des autorisations commerciales (CDAC).
« L’argent public ne peut pas tout résoudre. Chacun doit prendre sa part, y compris financière. Il faut continuer à mettre la pression sur la politique Action cœur de ville », a également pointé le maire de Vesoul. Étendu aux entrées de ville, le second volet 2023-2026 de ce programme « Action cœur de ville », dévoilé en novembre 2022, avait donné le ton. Reste que comme pour le ZAN, le volet fiscal de cette petite « révolution » annoncée se fait attendre.
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Ecole
Le manque d'enseignants reste criant, malgré les promesses gouvernementales
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Le président de la République et le nouveau ministre de l'Éducation nationale avaient promis que toutes les absences d'enseignants seraient remplacées dès cette rentrée. Des chiffres publiés hier par les syndicats montrent que ces promesses sont très loin d'être tenues.Â
C’était le 31 août dernier, sur France inter : le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, affirmait qu’il « y aura un enseignant devant chaque élève » dès la rentrée. Ce qui apparaissait comme une promesse quelque peu hasardeuse, à quatre jours de la rentrée, est clairement démenti par les faits, quinze jours plus tard.
Des manques dans la moitié des établissements ou plus
Deux études parallèles ont été menées depuis la rentrée, la première par le syndicat enseignant Snes-FSU, la seconde par le syndicat des personnels de direction SNPDEN-Unsa. Si les chiffres diffèrent un peu, les deux enquêtes vont dans le même sens.
Selon le Snes-FSU, qui a mené une enquête dans « 508 établissements représentatifs, mélangeant collèges, lycées et respectant une diversité géographique », il manquait à la fin de la semaine dernière au moins un enseignant « dans 48 % des collèges et lycées généraux et technologiques ». Un chiffre qui monterait à 60 % dans l’académie de Créteil, et 57 % dans l’académie d’Orléans-Tours.
Selon le SNPDEN, qui est en train de terminer une enquête auprès de 2 700 chefs d’établissement, la situation est encore pire, puisqu’il manquait à la rentrée, selon le syndicat, au moins un enseignant dans « 58 % des établissements » – une situation jugée « identique » à celle de l’an dernier.
Contractuels
Pourtant, c’est le président de la République lui-même qui avait pris l’engagement, d’abord pendant sa campagne de 2022 puis, encore, au printemps dernier, de résoudre le problème des enseignants manquants dès la rentrée 2023, affirmant même en mars que les enseignants absents « seront remplacés du jour au lendemain ».
Sauf que pour y parvenir, il faudrait procéder à un recrutement massif d’enseignants, ce qui suppose, de surcroît, de s’attaquer à la question de l’attractivité de ce métier. Pour pallier les absences et les trous dans les emplois du temps, le gouvernement fait, aujourd’hui, la même chose que ce qui est fait depuis des années à chaque rentrée : chercher en catastrophe des contractuels, recrutés parfois à Pôle emploi après avoir constaté des carences dans tel ou tel établissement. Le site de Pôle emploi propose à ce jour pas moins de 7 610 offres d’emploi d’enseignants ! Une bonne partie, il est vrai, concerne l’enseignement privé ou des organismes de cours particulier, mais on y trouve des centaines d’annonces émanant des rectorats, du type : le rectorat de Montpellier recherche « un professeur de lettres modernes » pour exercer 9 heures par semaine au collège de Bourg-Madame, 7 heures au collège de Font-Romeu et une heure au lycée de la même commune, pour un salaire brut de 1825 euros par mois pour un débutant. L’académie de Nancy-Metz propose une offre pour un professeur de SVT à Longlaville, 8 h 30 par semaine, 955 euros brut par mois.
Dans la seule académie de Créteil, le rectorat avouait fin août chercher à recruter ainsi quelque 200 contractuels.
Les professeurs recrutés de cette manière, s’ils doivent être titulaires d’un bac +3 dans leur matière, ne reçoivent en revanche aucune formation pédagogique, contrairement aux titulaires d’un concours, et sont jetés du jour au lendemain devant des élèves sans que le métier d’enseignant leur ait été appris.
Échec du Pacte
L’autre recette miracle censée régler la pénurie d’enseignants est le fameux « Pacte » lancé par l’ancien ministre Pap Ndiaye. Objectif : demander aux enseignants titulaires de remplacer leurs collègues absents sous forme d’heures supplémentaires. Ce qui, à l’époque, avait été présenté comme une revalorisation de salaire des enseignants, et avait été peu apprécié par ceux-ci : il y a tout de même une différence notable entre augmenter les salaires et proposer aux enseignants de « travailler plus pour gagner plus », selon une formule célèbre.
Résultat : le Pacte semble très largement boudé par les enseignants, soit par rejet de principe, soit, tout simplement, parce que ceux-ci n’ont pas le temps de faire des heures supplémentaires. Alors que le ministère tablait sur 30 % d’enseignants signant le Pacte, les chiffres tourneraient plutôt, en cette rentrée, autour de 10 %, selon le SNPDEN. Dans certains lycées, comme le relate la presse régionale, les chiffres sont encore bien inférieurs, avec par exemple 2 enseignants sur 70 ayant accepté le Pacte dans un lycée du Val-de-Marne.
Ce dispositif pose enfin un autre problème, soulevé par les syndicats : celui de creuser les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. Il apparaissait déjà, avant le Pacte, que les hommes font plus d’heures supplémentaires que les femmes dans l’Éducation nationale, parce qu’elles restent davantage contraintes par les tâches domestiques. D’après les premières remontées des syndicats, les choses se passent de la même façon pour le Pacte, signé par nettement plus d’hommes que de femmes. Avec à la clé, donc, un nouveau creusement de l’écart de rémunération entre les unes et les autres.
La politique du gouvernement, dans ce dossier, ne semble donc pas une réussite. Reste à savoir ce qui ressortira du plan de « reconnaissance du métier d’enseignant » que veut élaborer Gabriel Attal, et à propos duquel un cycle de concertation avec les organisations syndicales va s’ouvrir demain. Sauf que pour l’instant, la question des salaires n’est pas à l’ordre du jour des discussions.
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Ecole
Inégalités scolaires : l'école peine à atténuer le rôle déterminant de l'origine sociale
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En France, l'école « peine à déjouer le rôle exercé par l'origine sociale, le sexe et l'ascendance migratoire sur les performances et les parcours des élèves », constate France Stratégie qui pointe une « fabrique des inégalités [qui] se fait tout le long de la scolarité ». Elle appelle à se questionner sur le « ciblage des politiques de lutte contre les inégalités scolaires ».
L’ascendance migratoire, le genre, mais surtout l’origine sociale déterminent les trajectoires scolaires des élèves français, sans que l’école n’arrive significativement à réduire les inégalités qui se construisent à travers « des mécanismes d’accumulation », de la petite enfance jusqu’à l’entrée dans l’enseignement supérieur. C’est la conclusion de France Stratégie, dans une étude publiée la semaine dernière, dans lesquels le service de prospective rattaché à Matignon présente « un panorama inédit » des parcours scolaires.
« La fabrique des inégalités se fait tout le long de la scolarité, selon un processus de sédimentation, auquel chaque étape contribue avec ses modalités propres », constatent les auteurs de l’étude.
De la crèche à la sortie du lycée
D'après eux, le fondement de ces inégalités commence dès la petite enfance, au sein de l’environnement familial mais aussi au travers de l’accès aux crèches, deux endroits où s’acquièrent « des aptitudes qui influent durablement sur les futures trajectoires scolaires et professionnelles ». Et bien que les apports des crèches bénéficient le plus aux enfants qui vivent dans des foyers à faibles revenus, ce sont pourtant ces derniers qui « y sont le moins inscrits ».
Si la maternelle permet de réduire une partie des écarts entre les élèves des différentes catégories sociales, les écarts vont de nouveau se creuser en primaire puisque si « la moitié seulement des écarts à la fin de l’école primaire » existait déjà à l’entrée au CP, « l’autre moitié résulte de disparités apparues entre le CP et le CM2 ». Ainsi, l’école primaire constitue une étape importante de « la cristallisation des trajectoires ».
Ensuite, les inégalités vont « décanter » et s’accélérer au collège qui , « bien qu’unique », prépare les futures bifurcations avec « la surreprésentation massive des élèves des classes populaires – en particulier des garçons » dans les classes spécialisées (notamment Segpa) quand celle des enfants favorisés et des filles l’est « dans les options ou sections destinées aux bons élèves (latin, sections européennes, etc.) », explique France Stratégie, qui évoque des « phénomènes de ségrégation sociale et scolaire ». Alors qu’ils progressaient « davantage que les autres » au primaire, les enfants issus de l’immigration voient leur position « se dégrader ».
Les orientations en fin de troisième viendront amplifier des divergences fortement corrélées aux origines et au sexe : « Près de 80 % des élèves d’origine favorisée, 61 % des filles, 55 % des enfants de natifs entrent en seconde générale et technologique, contre 35 % des élèves d’origine modeste, 48 % des garçons et 47 % des enfants d’immigrés », relèvent les auteurs de l’étude, qui poursuivent : « Au lycée, la réussite reste dépendante de l’origine et du genre, et ce quelle que soit la filière. Non seulement les enfants des catégories populaires et les garçons passent moins souvent le baccalauréat, et en particulier le bac général, mais ils le réussissent moins bien. Le deuxième cycle de l’enseignement secondaire représente, pour près de la moitié d’une classe d’âge dans laquelle sont surreprésentés les garçons et les enfants des catégories modestes, la fin du parcours scolaire. »
« La transition vers l’enseignement supérieur viendra parachever la construction scolaire des inégalités de chances », conclut France stratégie.
Le rôle majeur de l’origine sociale
Reste que, selon le service de Matignon, l’origine sociale est « de loin » le facteur le plus influent dans les trajectoires scolaires. Ainsi, sept ans après leur entrée en 6e, près des deux tiers (64,2 %) des élèves des catégories socialement favorisées entreprennent des études supérieures, contre un peu plus d’un quart (27,5 %) parmi les enfants de familles modestes. À l’inverse, en fin de 3e déjà, « seuls 10 % des enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures par exemple figurent parmi le quart des élèves qui réussissent le moins bien, contre environ un tiers des enfants d’ouvriers ».
Les auteurs observent même que « la dépendance de la réussite scolaire au milieu socioéconomique et culturel des élèves figure parmi les plus élevées de l’OCDE ». Résultat, « même avec de bons résultats en début de scolarité, les enfants de familles modestes ont des parcours plus heurtés aux débouchés moins favorables ».
Globalement, « les enfants des familles socialement favorisées ont des scolarités plus longues, redoublent moins, sortent nettement moins souvent précocement du système scolaire, choisissent des orientations perçues comme plus "rentables" et compensent davantage d’éventuelles difficultés ».
L’écart filles-garçons moins prononcé qu’ailleurs
S’agissant du critère de genre, les écarts entre filles et garçons y sont plutôt moins prononcés que dans d’autres pays et que ceux liés à l’origine sociale. Mais à l’avantage des premières.
Les performances et résultats moyens des filles sont ainsi supérieurs à ceux des garçons « de manière constante », et « dès avant le début de la scolarité ». « À l’âge de 4-5 ans, les filles disposent déjà d’un socle de compétences plus solide que les garçons, en littératie* comme dans la plupart de compétences sociocomportementales », explique France Stratégie qui note que « les filles et les garçons, quels que soient leur milieu social et leur origine migratoire, connaissent des trajectoires scolaires aux débouchés nettement différenciés ».
Résultat, sept ans après leur entrée en 6e, près de la moitié des filles entreprennent des études supérieures, mais à peine plus d’un tiers pour les garçons. Cependant, si « les filles ont en moyenne de meilleurs résultats, [elles] s’orientent dans des parcours moins valorisés sur le marché du travail » ce qui conduit à « une nette sous-représentation » dans les filières scientifiques et industrielles, mais aussi en classes préparatoires.
Ascendance migratoire : un poids presque « inexistant »
Enfin, les écarts qui séparent les enfants d’immigrés et de natifs sont « très faibles, voire inexistants », selon France stratégie.
Bien que leurs performances scolaires sont en moyenne « plus fragiles » et leurs trajectoires moins favorables que celles des autres élèves, le poids de l’ascendance migratoire reste « modéré ». En effet, sept ans après leur entrée en 6e, 43 % des enfants de natifs entreprennent des études supérieures, pour 38 % des enfants d’immigrés.
En fait, « la trajectoire scolaire des enfants d’immigrés s’explique d’abord, comme pour les autres élèves, par les caractéristiques sociales de leurs parents ». « A origine sociale et familiale et contexte de scolarisation comparables, les désavantages des enfants d’immigrés en termes de performances s’estompent, voire disparaissent », estime France Stratégie.
Alors que le gouvernement est confronté au retour du problème du manque d’enseignants, le rapport conclut que « l’école en France peine à déjouer le rôle exercé par l’origine sociale, le sexe et l’ascendance migratoire sur les performances et les parcours des élèves ». Une mise en perspective qui appelle « une réflexion sur les politiques publiques », et notamment sur le « ciblage des politiques de lutte contre les inégalités scolaires, tant du point de vue de leur temporalité que des publics qu’elles visent », juge France stratégie, qui publiera, fin septembre, un rapport relatif aux politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes.
Télécharger la synthèse.
*Aptitude à lire, à comprendre et à utiliser l'information écrite dans la vie quotidienne.
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Aménagement du territoire
Le gouvernement lance une nouvelle vague de soutien à la création de tiers-lieux
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Dominique Faure, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, a annoncé une nouvelle vague pour l'année 2023 du programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens ». 80 projets de tiers-lieux vont être soutenus dans « les territoires sensibles et fragiles sur le plan socio-économique ».
Présenté par le gouvernement en 2019, le programme Nouveaux lieux, nouveaux liens de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) avait alors pour but « d'accompagner financièrement et de labelliser, en trois ans (2020, 2021 et 2022), 300 « Fabriques de territoires », une moitié se situant dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville et une autre moitié dans les territoires non métropolitains » (lire Maire info du 18 juin 2019).
Le gouvernement a annoncé hier vouloir aller plus loin en lançant une nouvelle vague de sélection de tiers-lieux. En effet, « en lien avec France Tiers-Lieux, le dispositif « Fabriques de territoires » a permis de soutenir 300 tiers-lieux (…) pour une subvention de fonctionnement de 50 000 euros par an pendant trois ans ». Le but est cette fois-ci de retenir 80 projets « sur tout le territoire pour un soutien forfaitaire par projet de 50 000 euros en 2023 ».
Priorité aux territoires sensibles
Il est toujours complexe de définir ce qu’est un tiers-lieu. Pourtant, selon l’Observatoire des tiers-lieux produit par France Tiers-lieux, on en compte actuellement 3 500 en France. Ce sont des « lieux hybrides engagés dans l’action publique », des « moteurs pour la vie locale » qui proposent notamment des évènements culturels ou des activités variées. Ce sont aussi des « lieux de coopérations de d’engagement citoyen » où la transition écologique est au cœur des actions. Ce sont aussi des « lieux d’apprentissage et d’insertion ».
L’Observatoire des tiers-lieux pointe le fait que 62 % des tiers-lieux se trouvent en dehors des métropoles et un 1/3 en territoires ruraux. C’est en effet, selon France Tiers-lieux, « un nouveau visage de la France qui innove, en hyper-proximité, là où l’action doit se mener pour préserver nos ressources, pour retrouver une qualité de vie pour lutter contre les fractures économiques ». C’est aussi un véritable avantage pour l’économie des territoires : 44 % des tiers-lieux engagés sont actuellement engagés dans la fabrication locale soit près de 1 540 lieux « mobilisés pour participer à la relocalisation de la production ».
Ces éléments de description montrent que les tiers-lieux peuvent être de véritables atouts, notamment pour les « territoires sensibles et fragiles sur le plan socio-économique » que veut désormais cibler cette deuxième vague de l’appel à manifestation. Ainsi, « seuls les territoires ne comptant à ce jour aucun tiers-lieu labellisé seront éligibles au dispositif de soutien : 80 projets seront retenus sur tout le territoire pour un soutien forfaitaire par projet de 50 000 euros en 2023 ».
380 Fabriques de territoire
Les tiers-lieux qui vont être accompagnés dans ce cadre doivent être « ancrés dans leurs territoires » et doivent délivrer « des services de proximité aux habitants des territoires d’implantation ». Ainsi, « seront prioritaires les projets mutualisant les fonctions habituelles des tiers-lieux et celles de lieux de services de proximité sous le format de tiers-lieux mixtes et multi-services afin de répondre à des besoins immédiats de la population ».
D’autres critères sont évoqués dans le communiqué de presse : « Les tiers-lieux choisis devront être capables de contribuer à rendre les territoires plus accessibles, plus attractifs pour le tissu économique, plus sobres et mieux équipés. Ils devront également permettre le déploiement d’activités productives. Les projets sélectionnés devront enfin réunir les conditions d’une installation durable de ces offres associées aux besoins des acteurs, dans le territoire. Les 380 Fabriques de territoire formeront une communauté de lieux ressources pour les territoires, animées par le groupement d’intérêt public France Tiers-Lieux ».
Pour savoir quels sont les territoires ne comptant à ce jour aucun tiers-lieu, il est possible de se référer à la carte de l’ANCT ci-dessous.
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Journal Officiel du mardi 12 septembre 2023
Ministère de la Culture
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Ministère de la Transition énergétique
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