Édition du mardi 21 mars 2023

Réforme des retraites
Réforme des retraites : une crise politique qui ne se résout pas
Le texte portant réforme des retraites a été adopté hier, après le rejet de justesse des mentions de censure par l'Assemblée nationale. Mais entre fragilisation du gouvernement, manifestations sauvages et grèves qui se poursuivent, la crise semble loin d'être terminée. 

Neuf voix. C’est ce qui a manqué à la motion de censure déposée par le groupe Liot à l’Assemblée nationale pour renverser le gouvernement, hier, après avoir rallié toutes les voix de la Nupes et du Rassemblement national, quatre non-inscrits sur cinq et 19 députés LR sur 61. D’un point de vue strictement institutionnel, la Première ministre a donc réussi son pari, même de justesse, puisque la réforme des retraites est adoptée. D’un point de vue politique, c’est une autre histoire. 

Gouvernement affaibli, majorité absente

L’ambiance était quelque peu surréaliste à l’Assemblée nationale, hier, entre 16 heures et 19 heures, de très nombreux députés de la majorité ayant fait le choix de ne pas être présents. Certes, leur présence n’était pas obligatoire, puisque lors du vote des motions de censure, seules les voix « pour » sont comptabilisées. Il n’empêche : Aurore Bergé, la présidente du groupe Renaissance, et Élisabeth Borne elle-même à la fin des débats, se sont exprimées dans un silence glacial, ne recueillant que les faibles applaudissements des quelques dizaines de députés Renaissance présents. 

Les oppositions, en revanche, se sont montrées très offensives – entre l’oratrice du Rassemblement national lançant à ses troupes « Tenez bon, 2027 n’est plus très loin ! », celle de LFI comparant Emmanuel Macron à l’empereur romain Caligula, ou Olivier Marleix, pour Les Républicains, s’en prenant frontalement au président de la République et à sa « méthode ». 

Au final, donc, un tiers des députés LR ayant choisi de ne pas suivre les consignes de leur président de groupe de ne pas voter la motion de censure, le gouvernement a senti le vent du boulet. Ce qui pose, naturellement, la question de la survie du gouvernement et de sa Première ministre, politiquement très affaiblie, dans les jours et les semaines à venir, alors que plusieurs textes très importants, notamment sur le travail, l’immigration, les institutions, doivent être présentés. 

On imagine cependant que des décisions ne seront sans doute pas prises avant la fin complète du parcours de la loi portant réforme des retraites. Celle-ci doit maintenant être examinée par le Conseil constitutionnel, saisi à la fois par les oppositions et le gouvernement lui-même. Les Sages ont un mois pour rendre leur avis, sauf si le gouvernement déclare l’urgence, et réduit ce délai à huit jours. 

Des manifestations peu fournies mais violentes

En attendant, la question parlementaire étant pour l’instant réglée, c’est dans la rue que le gouvernement doit à présent tourner son attention, avec le maintien de grèves et de manifestations sporadiques et parfois violentes. 

Hier, après l’annonce du rejet de la mention de censure, des rassemblements non déclarés se sont formés à Paris, Strasbourg, Dijon, Lyon, Rennes, Saint-Étienne, Lille, Bordeaux, Limoges, Poitiers, Rouen, Brest… Le seul point rassurant pour l’exécutif est que ces manifestations, à chaque fois, ne rassemblent que peu de monde – pas plus de quelques centaines de personnes. Mais il s’agit le plus souvent de jeunes, non encadrés et déterminés, ce qui occasionne quelques dégradations et des heurts avec les forces de l’ordre.

Si, comme cela semble en prendre le chemin, ces manifestations sauvages, organisées sur les réseaux sociaux, devaient devenir quotidiennes, un réel problème de maintien de l’ordre – et de disponibilité des forces de l’ordre – va se poser au gouvernement. 

Grèves : les raffineries à l’arrêt

Sur le terrain des grèves, enfin, c’est aujourd’hui la question des raffineries qui attire tous les regards. Selon les syndicats, il n’y a « plus aucun produit qui sort » de l’ensemble des sept raffineries du pays, dont certaines sont en grève à « 90 % ». Jusqu’à présent, seules les expéditions étaient bloquées, mais désormais, c’est également la production elle-même qui s’arrête, peu à peu.

Ce sont pour l’instant les régions Paca et Occitanie qui sont les plus touchées par les conséquences de ce mouvement, avec un début de pénurie dans les stations-services, qui a obligé les préfets du Vaucluse, du Var, du Gard et des Alpes-de-Haute-Provence à prendre de premiers arrêtés de restriction. 

De nombreuses actions coups de poings et blocages continuent de se dérouler un peu partout dans l’Hexagone, pour faire la jonction avec la journée de grève nationale et de manifestations appelée jeudi par l’intersyndicale, qui ne désarme pas. 

On apprend ce matin que le président de la République, Emmanuel Macron, va s’exprimer demain à 13 h à la télévision, non sous la forme d’une allocution solennelle mais en répondant aux questions de deux journalistes de TF1 et France 2. Avec la très difficile mission, comme l’a exprimé la députée Renaissance Aurore Bergé, de « retisser le lien » avec des Français très majoritairement opposés à la réforme des retraites et choqués par les méthodes employées par le gouvernement.




Investissements
Soutien à l'investissement local : les nouvelles modalités d'attribution et de répartition pour 2023
Les nouvelles priorités d'attribution de la Dsil et de la DETR portent notamment sur la rénovation énergétique des bâtiments publics, le recyclage du foncier disponible ou encore les aménagements urbains « améliorant la résilience des territoires face au changement climatique ». Les préfets pourront dorénavant moduler les taux de subvention en fonction du caractère écologique des projets.

Le gouvernement vient de présenter, dans une instruction publiée hier et adressée aux préfets, les nouvelles règles de répartition et d’attribution des dotations et fonds de soutien à l'investissement en faveur des territoires pour l’année en cours.

Les modalités de gestion des principaux instruments financiers sont ainsi réunies dans ce document et concernent la dotation de soutien à l'investissement local (Dsil), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) et le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). La dotation de politique de la ville (DPV) fait, elle, l’objet d’une circulaire distincte (lire l'article ci-contre).

Cumulables avec le Fonds vert

D’un montant de « plus de 2 milliards d’euros » (1,046 milliard d’euros pour la DETR, 570 millions d’euros pour la Dsil, 212 millions d’euros pour la DSID), ce soutien aux projets d’investissement portés par les collectivités territoriales et leurs groupements illustrent, « avec le Fonds vert […] la volonté du gouvernement d’être au côté des élus locaux et de leur offrir une réelle visibilité pour concevoir et mettre en œuvre leurs investissements », assurent les ministres de l'Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, et des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Dominique Faure.

Ces derniers rappellent que les subventions accordées au titre de la Dsil, la DETR, la DSID et la DPV peuvent être cumulées « quand cela est nécessaire à l’aboutissement d’un projet », mais ne peuvent toutefois représenter « plus de 80 % du montant prévisionnel de la dépenses subventionnables engagée par le bénéficiaire ».

En outre, « il est notamment possible de cumuler les subventions du Fonds vert » avec ces dernières et le FNADT, soulignent les ministres. Le calendrier de programmation a, lui, été modifié et « à compter de 2023, 80 % des subventions au titre de la DETR, de la Dsil, de la DSID et de la DPV devront être notifiées avant la fin du premier semestre de l’année civile », dans le but donc de donner aux collectivités de « la visibilité » sur leurs projets. 

DETR et Dsil : des taux modulables

Les ministres précisent ainsi les catégories d’actions qui devront être financées prioritairement et rappellent aux préfets que l'attention portée à la transition écologique des territoires doit être « renouvelée et renforcée ».

Ils leur demandent ainsi de privilégier le financement de projets qui « renforcent la résilience des territoires face au changement climatique » et qui « contribuent à l'atteinte des engagements internationaux de la France, notamment à l'objectif de la neutralité carbone à l'horizon de l'année 2050 ». Devront ainsi être « tout particulièrement » priorisés, « les projets de rénovation énergétique des bâtiments publics, de recyclage et d'optimisation du foncier disponible, d'aménagements urbains améliorant la résilience des territoires face au changement climatique ainsi que la qualité du cadre de vie ». 

Dans ce cadre, les subventions attribuées au titre de la Dsil devront concourir à la transition écologique des territoires à hauteur d’« au moins 25 % des subventions ».  

En outre, les préfets auront la possibilité de moduler les taux de subvention, aussi bien pour la Dsil que pour la DETR, afin de tenir compte du caractère écologique des projets et de verdir le soutien financier de l’État, comme prévu par la loi de finances pour 2023

« L'objectif poursuivi à terme étant que les projets d'investissement public satisfassent de manière générale à un haut niveau d'exigence en matière environnementale », le gouvernement demande aux préfets d’accompagner « autant que possible les porteurs de projets pour les aider à concevoir et à mettre en œuvre des projets compatibles avec cet objectif », en mobilisant « autant que nécessaire les crédits de soutien en ingénierie ».

Le gouvernement souligne également que la DETR doit « impérativement » soutenir des projets ayant un impact sur le développement rural. Les préfets devront donc « vérifier le respect de cette condition d'éligibilité » lorsqu’ils accordent « un soutien à un EPCI à fiscalité propre ou à des communes nouvelles éligibles dont une partie seulement du territoire se situe dans un espace rural ».

Patrimoine, Jeux olympiques, ponts, CRTE…

Pour ce qui est des démarches contractuelles, les préfets demandent aux préfets de veiller à ce que les crédits de la DETR, de la Dsil, de la DSID et du FNADT contribuent à « la mise en œuvre des projets de territoire définis dans les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) », sans qu’ils soient, pour autant, réservés aux seules opérations inscrites dans ces contrats, « en particulier s’agissant de la DETR dont les priorités d’emploi restent fixées au niveau de chaque département ». 

Comme les années passées, les préfets devront également « être attentifs » à ce que les projets s’inscrivent « en soutien » des programmes « Action cœur de ville, Petites villes de demain, Agenda rural, France Services, Territoires d’industrie, Nouveaux lieux/Nouveaux liens, Avenir montagnes », entre autres. 

En ce qui concerne les territoires d’industrie, les projets menés par « les Sgar » (secrétariats généraux aux affaires régionales) ou « les référents départementaux » sont prioritaires.

S’agissant des priorités thématiques, les préfets sont invités à soutenir les projets de « rénovation et de mise en valeur du patrimoine culturel ou naturel » ainsi que « les travaux d'aménagements urbains et la sécurisation des ouvrages d'art relevant de la compétence des communes et des EPCI, notamment les plus petits d'entre eux ». Et cela « en cohérence avec l'initiative mise en œuvre par le Cerema dans le cadre de l'offre d'ingénierie France relance (« programme national Ponts ») ».

Le gouvernement demande, en outre, aux préfets de porter « une attention particulière » au financement de la construction et de la rénovation d’équipements sportifs - dont le financement relève en priorité des fonds de l’Agence nationale du sport - dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Ces dotations d’investissement pourront également « prendre en charge les projets favorisant l’accessibilité routière, cyclable ou piétonne aux sites olympiques et paralympiques ».

Un soutien aux actions relevant de l’Agenda rural et d’Avenir Montagnes devra être apporté via le FNADT et être mobilisé « en faveur des territoires fragiles qui bénéficient de contrats spécifiques avec l'Etat ».

Enfin, un certain nombre d’investissements nécessaires identifiés par les « pactes capacitaires » relatifs aux moyens des services d’incendie et de secours (afin de faire « cesser une situation de rupture capacitaire ou favoriser une stratégie de mutualisation », par exemple) pourront être subventionnés aussi bien par la Dsil, la DETR ou la DSID. 

Concernant cette dernière - qui permet de financer de façon souple les projets d’investissement portés par les départements - , son attribution au niveau régional devra soutenir des projets « portés dans le cadre de la Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance »  et concourant à « l’amélioration de la qualité et de l’accès aux services publics, particulièrement en matière scolaire ». 

Comme les années précédentes, les deux ministres insistent auprès des préfets afin qu’ils rendent transparentes les attributions de crédits.

Télécharger l’instruction.
 




Politique de la ville
Zoom sur la dotation politique de la ville
Le gouvernement vient de publier son instruction annuelle détaillant la répartition pour 2023 de la dotation politique de la ville. Il reviendra aux préfets d'attribuer les fonds aux communes en fonction des projets présentés. 

En même temps que sa circulaire sur « les règles d’emploi des dotations en faveur des territoires » (lire article ci-contre), le gouvernement a publié hier une instruction spécifique sur la dotation politique de la ville. L’enveloppe globale, comme le nombre de communes éligibles, restent stables. Mais les sommes réellement allouées aux communes seront décidées par les préfets. 

Conditions cumulatives

Cela fait plusieurs années que le nombre de communes bénéficiaires de la DPV (dotation politique de la ville) tourne autour de 200. Cette année 2023 ne dérogera pas à la règle, avec 199 communes concernées (182 en métropole et 17 outre-mer). 

La somme totale attribuée à la DPV, décidée en loi  de finances, ne varie pas non plus : elle est cette année, comme l’an dernier, de 150 millions d’euros. 

Le gouvernement explique que les critères d’éligibilité ont évolué cette année, précisément pour permettre la stabilisation du nombre de communes éligibles. Pour pouvoir toucher la DPV, les communes doivent remplir trois conditions cumulatives : avoir signé une convention avec l’Anru (Agence nationale de la rénovation urbaine) au 1er janvier 2021 ou comprendre un quartier prioritaire « connaissant des dysfonctionnements » ; deuxièmement, avoir plus de 16 % de la population résidant en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) ; troisièmement, être éligible à la DSU (dotation de solidarité urbaine), pour les communes de 5 000 à 9 999 habitants, ou pour les communes de 10 000 habitants et plus, « avoir fait partie au moins une fois au cours des trois derniers exercices des 250 premières communes éligibles à la DSU ». Les communes de moins de 5 000 habitants ne sont pas éligibles à la DPV. 

60 % des départements concernés

À partir de là, le gouvernement calcule le montant théorique que peut toucher chaque commune éligible (selon une formule très complexe mêlant le potentiel financier par habitant, la proportion de bénéficiaires des APL et le revenu moyen par habitant), et détermine à partir de ce chiffre l’enveloppe totale allouée à chaque département. 

L’instruction fournit les montants de cette « enveloppe départementale unique ». 59 départements sur 101 se voient attribuer une telle enveloppe – certains départements ne comprenant aucune commune éligible. 

Si certains départements comme la Meuse, le Loiret, la Charente, l’Ardèche, ne touchent guère plus de 200 000 euros, d’autres, eu égard au nombre de communes pauvres qu’ils comprennent, toucheront plusieurs millions d’euros. C’est le cas notamment du Nord (17,4 millions d’euros) et de la Seine-Saint-Denis (24,64 millions d’euros). Dans ce dernier département, pas moins de 22 communes sont éligibles à la DPV. 

Pour ce qui concerne les Outre-mer, la Martinique et la Guadeloupe touchent chacune entre 500 000 et 600 000 euros, la Guyane et Mayotte un peu plus d’un million d’euros, et La Réunion presque 3 millions. 

Les priorités d’attribution

L’instruction donne également la liste des 199 communes éligibles, mais pas la somme qui leur sera individuellement attribuée. En effet, comme c’est le cas pour toutes les enveloppes de type DETR, Dsil, etc., la DPV est à la main du préfet : celui-ci dispose d’une enveloppe globale pour le département, qu’il distribue en fonction des priorités définies par le gouvernement. La somme « théorique » calculée pour chaque commune (qui n'est d’ailleurs pas publiée) n’est donc pas forcément la somme que celle-ci recevra. « Les crédits réellement versés dépendent du montant du ou des projets inscrits au sein de chaque convention », précise le ministère. 

L’instruction détaille les priorités qui doivent être celles des préfets dans l’attribution des crédits, en 2023. Sans surprise, la transition écologique arrive en tête. Les préfets sont priés de prioriser « les projets de rénovation énergétique des bâtiments publics, de recyclage et d’optimisation du foncier disponible, d’aménagements urbains améliorant la qualité du cadre de vie ». Par ailleurs, une « attention particulière » doit être portée aux opérations de dédoublement des classes de grande section situées en zones REP et REP+ : il est possible, par exemple, de mobiliser ces crédits pour construire une nouvelle salle de classe. La DPV peut également permettre de « soutenir la construction d’établissements d’accueil du jeune enfant et de structures d’animation de la vie sociale », ainsi que « la construction, l’extension ou la rénovation d’équipements sportifs de proximité ». 

Rappelons que les communes bénéficiaires de ces subventions ont une « obligation de publicité » : non seulement, comme l’a fixé la récente loi Engagement et proximité, une commune qui bénéficie de subventions de l’État doit « publier son plan de financement et l’afficher de manière visible et pérenne », mais de plus, « la participation de l’État (doit être) signalée systématiquement de manière visible ». Les préfets peuvent demander « une preuve photographique » du respect de cette obligation pendant toute la durée de l’opération. 

Autre nouveauté : à compter de cette année, « 80 % du montant de l’enveloppe départementale devra être notifiée aux bénéficiaires avant le 31 juillet de l’exercice en cours ». 




Ruralité
Les nouveaux « néo-ruraux », des diplômés en reconversion professionnelle
La pandémie de covid-19 a conforté l'arrivée dans les campagnes de petits flux de « néo-ruraux » diplômés, désireux d'allier télétravail et projets de reconversion professionnelle, sans entraîner de départs massifs des villes, décrypte Aurélie Delage, enseignante-chercheuse à l'université de Perpignan.

Spécialiste d’aménagement et d’urbanisme, la chercheuse a participé à l’étude pluridisciplinaire Exode urbain. Un mythe, des réalités, pilotée depuis juin 2021 par la plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu) pour mesurer l’impact de la crise sanitaire sur les mobilités résidentielles (lire Maire info du 20 février).

Parmi les phénomènes observés, la poursuite de la « métropolisation », avec des habitants qui se concentrent toujours dans les grandes villes, de la périurbanisation, mais aussi d’une « renaissance rurale » qui entraîne un repeuplement de certaines campagnes. « Cette ‘’renaissance rurale’’ n’est pas nouvelle puisqu’on l’observe depuis les années 1970 », souligne Aurélie Delage. Entre mars 2020 et mars 2021, les communes de moins de 2 000 habitants ont ainsi représenté 18 % des flux migratoires, une proportion quasi équivalente à la période pré-covid.

« Ce phénomène n’affecte pas tous les espaces ruraux, mais d’abord ceux qui sont situés à proximité des villes, ce qui alimente la périurbanisation », nuance-t-elle.

L’Ouest et le Sud profitent globalement le plus de l’arrivée de nouvelles populations, en particulier les littoraux mais aussi le pourtour du Massif Central, le nord de la région Nouvelle-Aquitaine et des Vosges ainsi que le piémont pyrénéen. Les campagnes les plus attractives sont celles dont les espaces naturels ont été le plus préservés tout en restant accessibles en transport. 

« La pandémie a joué un rôle de catalyseur de projets de déménagement déjà existants, en particulier de familles confrontées à l’arrivée d’un deuxième enfant ou de personnes retraitées », précise Aurélie Delage. 

Loin de départs précipités dans des zones rurales mal connues, ces déménagements correspondent plutôt à des projets aboutis dans des endroits déjà familiers. « On revient en général dans un lieu où on a habité ou passé des vacances étant enfant », poursuit la chercheuse.

 « Transition personnelle »

Alors que l’image du « néo-rural » véhiculée dans les médias pendant la pandémie a plutôt été celle de cadres télétravaillant massivement à la campagne, l’étude n’a pas identifié de «  portrait-robot d’’’exodeur’’ » mais cinq profils différents. 

« Personne n’a vraiment constaté d’effet covid sur le terrain, mais une augmentation depuis 5-6 ans de l’installation de personnes en transition personnelle ou professionnelle », souligne Aurélie Delage.

Alors que les « néo-ruraux » étaient plutôt, traditionnellement, des personnes à la marge, à la recherche de foncier pas cher, la vague actuelle se caractérise davantage par la présence de personnes diplômées et porteuses de projets: nouvelles pratiques agricoles (herboristerie, etc.), artisanat (poterie, paysans boulangers), soins à la personne (yoga, ateliers bien-être).

Les travaux de l’historienne Catherine Rouvière établissent cinq vagues de « néo-ruraux » depuis les années 1970. La première se caractérise par l’arrivée de hippies désireux d’opérer un « retour à la terre » et vivant « dans l’angle mort du développement accéléré des Trente Glorieuses ». Dans les années 1975-1985, une nouvelle vague de « néo-ruraux » à la recherche de nature continuèrent de travailler en ville, puis d’autres candidats au départ vinrent travailler à la campagne à partir des années 1985. Dans les années 1995-2000, une vague de personnes en grande précarité économique considérèrent la campagne comme « un lieu refuge, où l’on vit moins durement qu’en ville ».

« Depuis 2005, Catherine Rouvière distingue deux catégories de néo-ruraux : les ‘’nouveaux autarciques’’ qui renouent avec une forme de critique radicale de la ville, opèrent un retour à la terre et vivent dans des habitats non conventionnels de type yourtes », poursuit Aurélie Delage. La seconde catégorie, les « civiques », se caractérise par des personnes désireuses « de mettre en œuvre au quotidien leurs convictions écologiques avec pour objectif de rompre avec des pratiques consuméristes ». Leur décision a parfois été accélérée par un burn-out ou une maladie. 

« Ce sont eux qu’on a identifiés sur le terrain, mais les flux restent très marginaux par rapport à l’ensemble des déménagements », remarque la chercheuse.

Parmi les autres profils de « néo-ruraux » figurent encore traditionnellement les retraités, « toujours plus nombreux », les ménages modestes contraints de s’éloigner des grandes villes pour accéder à un logement abordable, des cadres supérieurs en télétravail, dont le nombre a augmenté avec le covid, mais aussi des populations très précaires sensibles aux théories de l’effondrement.




Incendie et secours
Défense extérieure contre l'incendie : le gouvernement défavorable à une évolution de la loi
La délicate question de la Deci (Défense extérieure contre l'incendie) a été une nouvelle fois débattue au Sénat, la semaine dernière, avec la discussion et l'adoption d'une proposition de loi, contre l'avis du gouvernement. Décryptage. 

Plus de dix ans après la loi Warsman du 17 mai 2011, qui avait entre autres réformé la Deci, ce sujet continue de provoquer questions et insatisfactions chez les maires. Le Sénat s’en était déjà emparé en juillet 2021, avec la remise du rapport Maurey-Montaugé (lire Maire info du 9 juillet 2021), puis avec l’organisation d’un débat en janvier 2022 (lire Maire info du 7 janvier 2022). À l’issue de ce débat, la sénatrice de l’Ille-et-Vilaine Françoise Gatel avait interpellé le gouvernement sans mâcher ses mots, en l’exhortant à prendre enfin « la mesure du sujet ». 

Réforme inaboutie

Les problèmes sont multiples, et le premier est financier. Les sénateurs ont maintes fois fait remonter les échos de maires s’estimant incapables, financièrement, de procéder aux travaux nécessaires à l’alimentation des points d’eau incendie (PEI) dont ils ont la charge. 

Mais le Sénat estime également que la réforme de 2011 « n’a pas tenu ses promesses ». Cette loi et son décret d’application ont, en particulier, départementalisé le référentiel de défense extérieure contre l’incendie, avec la création du RDDECI (règlement départemental de la Deci), « établi en concertation avec les maires, puis arrêté par le préfet après avis du conseil d’administration du SIS ». 

Les sénateurs sont unanimes à dire que ces « concertations » ont été « mises en œuvre très inégalement », comme le souligne Hervé Maurey, qui estime que « 70 % des maires les ont jugées insatisfaisantes ». « Les règlements ne répondent pas toujours aux spécificités infra-départementales et ne sont pas proportionnés à la réalité des risques. (…) S’ajoute à cela l'absence d'évaluation de la mise en œuvre locale des règles de Deci et de leurs conséquences financières pour les communes », poursuit le sénateur de l’Eure. 

D’où le dépôt – faute de prise en compte suffisante de ces problématiques par l’État – d’une proposition de loi par Hervé Maurey et ses collègues du groupe Union centriste, en janvier dernier. 

Une commission de maires

Ce texte vise à intégrer le RDDECI dans un autre document, le Sdacr (Schéma départemental d’analyse et de couverture des risques). Pour l’élaborer, le préfet devrait « recueillir l'avis des communes et des intercommunalités compétentes, et une évaluation préalable objectiverait les difficultés ». Pour Hervé Maurey, il serait indispensable que « les règles respectent plusieurs principes : l'adaptation aux spécificités du territoire, au niveau infra-départemental ; l'équilibre entre les moyens des communes et ceux des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) ; la prise en compte de l'impact budgétaire sur les finances communales ». 

Enfin, le texte propose de créer une commission départementale, « composée de maires », chargée du suivi et de l’évaluation de ces règles. « Elle évaluera les conséquences en matière budgétaire, d'urbanisme et de développement économique, et pourra proposer au préfet des modifications du règlement. »

Lors du débat sur cette proposition de loi, mercredi dernier, la plupart des groupes politiques ont soutenu sans réserve ces propositions. Pour la radicale Nathalie Delattre, fusionner le RDDECI et le Sdacr est « un gage d’efficacité ». Pour Kristina Pluchet (LR), « il faut une Deci déconcentrée et évolutive, avec une concertation périodique des élus pour trouver des issues en cas de règlement trop uniforme et trop rigide ». Pour le socialiste Patrick Kanner, « les élus locaux dénoncent l'inadaptation des obligations en matière de Deci à la réalité du terrain », et ce texte est « un progrès ». 

La position du gouvernement

Adhésion, donc, sur la plupart des bancs, à la proposition de loi d’Hervé Maurey. Mais pas sur celui du gouvernement, qui a soutenu que ces dispositifs ne nécessitent pas une loi. 

Dominique Faure, ministre chargée de la Ruralité, a admis pendant les débats que le dispositif issu de la réforme de 2011 est « perfectible » et que les élus « restent souvent sans appui sur ce sujet complexe ». Si elle a souhaité des « évolutions », elle estime que celles-ci doivent se faire « par voie réglementaire » – c’est-à-dire par décret et non par le biais d’une nouvelle loi. 

Sur le fond, le gouvernement n’est pas favorable à la fusion des RDDECI et des Sdacr : ce dernier « doit rester un document stratégique, et non opposable. La distinction entre le Sdacr, document d'analyse et d'orientation, et le RDDECI, texte réglementaire spécifique à la défense contre l'incendie, est pertinente », a estimé la ministre. 

Par ailleurs, Dominique Faure a reconnu « une insuffisante concertation dans certains territoires », mais elle n’en conclut par pour autant à la nécessité « de créer par la loi une nouvelle commission, alors que tous partagent le constat d'un trop grand nombre d'instances de ce type ». 

Le gouvernement propose donc, en lieu et place de cette nouvelle commission, que « la Deci soit discutée au sein de la Commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité », dont il souhaite « élargir les compétences par décret ». Notons cependant que ces commissions sont composées de neuf représentants de l’État pour seulement trois maires et trois conseillers départementaux. 

La ministre accepte également de « lier » RDDECI et Sdacr mais « sans donner de portée réglementaire à ce dernier ». Enfin, elle a annoncé que l’État va « produire un guide de bonnes pratiques à destination des SIS sur le déploiement de la Deci, pour favoriser le développement des schémas communaux et intercommunaux ». Dominique Faure propose donc « un plan d’action en lieu et place de cette proposition de loi ». 

Peu de chances, donc, que le texte d’Hervé Maurey, pourtant voté unanimement par le Sénat, aille au bout de son parcours législatif. Il reste à voir si le « plan d’action » promis par la ministre deviendra réalité, et quand. 






Journal Officiel du mardi 21 mars 2023

Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Arrêté du 22 février 2023 portant déclassement du système d'oléoduc Donges-Melun-Metz
Ministère de la Transition énergétique
Arrêté du 3 mars 2023 fixant les critères d'éligibilité au chèque énergie et le plafond aux frais de gestion pouvant être déduits de l'aide spécifique

Copyright 2020 AMF - www.maire-info.com - Tous droits réservés