Édition du lundi 20 mars 2023

Réforme des retraites
Censure : les différents scénarios
C'est aujourd'hui que vont être débattues les motions de censure répondant à l'engagement de la responsabilité du gouvernement, jeudi dernier. Que se passera-t-il ensuite, qu'une motion de censure soit adoptée ou non ? Éléments de réponse.  

Ce lundi 20 mars va-t-il marquer l’épilogue de la crise politique qui secoue le pays depuis plusieurs semaines ? C’est en tout cas aujourd’hui que le texte portant réforme des retraites va être définitivement adopté, ou pas, selon le sort qui sera réservé aux motions de censure déposées vendredi dernier. 

Deux motions de censure

Elles sont finalement au nombre de deux. L’une est issue du Rassemblement national, et porte la signature des 88 députés du groupe. Très brève, elle dispose que le texte portant réforme des retraites représente « une atteinte grave aux principes démocratiques », dans la mesure où l’Assemblée nationale n’a « jamais pu (le) voter ». 

La seconde motion de censure a été déposée par le député Liot de la Meuse, Bertrand Pancher. Si elle est plus longue et plus détaillée, son contenu est fondamentalement le même : le texte que le gouvernement a fait passer par voie de 49.3 « ne dispose d’aucune légitimité démocratique ». Les signataires accusent le gouvernement d’avoir « détourné l’esprit de la Constitution » en utilisant un texte financier rectificatif pour « transformer l’une des composantes majeures de notre contrat social ». « Si cette méthode venait à prospérer, concluent les signataires, elle créerait un précédent dangereux qui permettrait aux gouvernements de faire passer de vastes réformes sociales par des procédures détournées, contraintes, et dangereuses pour notre démocratie. » 

Cette motion de censure est transpartisane : déposée par le groupe centriste Liot, elle comprend des signatures de députés du Parti socialiste, du Parti communiste, de la France insoumise et d’Europe écologie - Les verts. 

Incertitude

Une motion de censure, comme son nom l’indique, a pour objectif de censurer un gouvernement, c’est-à-dire de le faire tomber. Pour une décision aussi cruciale, la Constitution prévoit que la majorité absolue de l’ensemble des députés soit requise. Autrement dit, il faut que la motion de censure recueille 287 voix pour et pas une de moins : les députés qui s’abstiendront ou qui ne participeront pas au vote seront réputés soutenir le gouvernement. 

Seule la motion de censure du groupe Liot représente une menace potentielle pour le gouvernement. Elle a en effet de bonnes chances de réunir les voix de toute la gauche, du groupe Liot et du groupe RN, ce qui représente un total de 257 voix. Mais pour atteindre la barre fatidique des 287 voix, il faudrait également qu’elle reçoive le soutien d’au moins 30 députés LR. Cela semble, à cette heure, fort peu probable : le nombre de députés LR qui ont annoncé publiquement leur intention de voter la censure ne dépasse pas la dizaine. Mais il semblerait néanmoins bien imprudent d’être formel, en ces temps troublés.

En cas de victoire de la censure

Première option – la moins probable, donc : la motion de censure est adoptée. Cela emporterait deux conséquences immédiates : premièrement, le texte portant la réforme des retraites serait automatiquement considéré comme rejeté par le Parlement ; deuxièmement, la Première ministre serait contrainte à présenter sa démission. 

Constitutionnellement, le fait que le gouvernement tombe n’implique nullement une dissolution de l’Assemblée nationale. Le président de la République aurait parfaitement le droit de nommer un nouveau Premier ministre et de lui confier la mission de constituer un nouveau gouvernement. Mais depuis des mois, Emmanuel Macron a répété que si le gouvernement devait être renversé par une motion de censure, il dissoudrait l’Assemblée nationale. 

Rappelons que ce cas de figure ne s’est présenté qu’une seule fois dans la Ve République, le 4 octobre  1962. L’Assemblée avait alors renversé le Premier ministre Georges Pompidou. Sans grand effet, d’ailleurs : le général de Gaulle avait alors dissous l’Assemblée nationale, provoquant des élections législatives qui avaient redonné la majorité au parti gaulliste… permettant au président de la République de renommer le même Georges Pompidou à Matignon. 

Conseil constitutionnel

Si la motion de censure échoue, la procédure est terminée et le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale sera considéré comme adopté. Il pourrait alors être promulgué immédiatement. Mais ce ne sera certainement pas le cas, car il est évident que l’opposition va saisir le Conseil constitutionnel, ce qui a pour effet de suspendre la promulgation du texte (article 61 de la Constitution). La saisine du Conseil constitutionnel doit être faite à la demande « d’au moins 60 députés ou 60 sénateurs ». On est en droit de penser qu’il y aura non pas une, mais plusieurs saisines, bien des parlementaires ayant émis des doutes sur la conformité à la Constitution non seulement de certaines dispositions du texte, mais également de la méthode employée par le gouvernement pour accélérer les débats. 

Si le Conseil constitutionnel est saisi, il a un mois pour se prononcer. Le gouvernement peut toutefois ramener ce délai à huit jours. 

L’opposition de gauche a par ailleurs annoncé qu’elle lançait la procédure de demande de référendum d’initiative partagée prévue par l’article 11 de la Constitution (lire article ci-dessous). 

Grèves et manifestations

Quoi qu’il en soit, ces procédures parlementaires ne semblent pas désarmer le mouvement social, alors qu’une nouvelle journée de grève et de manifestations est prévue pour jeudi prochain, le 23 mars. La colère provoquée, dans une partie de la population, par l’usage du 49.3, n’est pas retombée, et le week-end a été marqué par la poursuite de manifestations disparates dans de très nombreuses villes. La plupart d’entre elles se sont déroulées dans le calme, mais des incidents ont aussi émaillé certains rassemblements sauvages, notamment à Paris, où le préfet a décidé d’interdire les rassemblements place de la Concorde et sur les Champs-Élysées. 

Des grèves se poursuivent dans le secteur des raffineries, des transports, du traitement des ordures ménagères. Les épreuves anticipées du bac, qui se déroulent aujourd'hui et demain, pourraient être perturbées par ces grèves, bien que plusieurs syndicats, dont la CFDT, aient expressément appelé à une forme de « trêve » pendant ces deux jours. Il n’est pas sûr que cet appel soit suivi. 




Réforme des retraites
Référendum d'initiative partagée : de quoi parle-t-on ?
La Nupes a déposé, vendredi, une proposition de loi pour contrer la réforme des retraites, avec l'objectif de la faire adopter par un référendum d'initiative partagée (RIP). Qu'est-ce que cette procédure, et quelles sont ses chances d'aboutir ? 

Le président de la République, Emmanuel Macron, a dit hier soir souhaiter que « la réforme des retraites puisse aller au bout de son cheminement démocratique ». Ce « cheminement » passera-t-il par un référendum ? C’est en tout cas ce que souhaitent les députés de la Nupes, qui ont lancé une procédure dans ce sens, vendredi. 

Fenêtre de tir

Ces députés ont en effet déposé vendredi sur le bureau de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, une proposition de loi en ce sens, signée, ont-ils annoncé, par 252 parlementaires. 

Ils ont donc passé la première étape – la moins compliquée – de la procédure prévue depuis 2008, dite de « référendum d’initiative partagée » : la Constitution, à l’article 11, prévoit en effet que cette procédure peut être engagée sur une proposition de loi signée par « un cinquième des membres du Parlement ». Le Parlement, c’est-à-dire l’Assemblée nationale et le Sénat, compte 925 membres (577 députés et 348 sénateurs), ce qui place la barre à 185. Avec 252 signatures, ce seuil est largement atteint. 

Deuxième étape : après que la présidente de l’Assemblée nationale aura statué pour savoir si la proposition de loi est recevable ou non, celle-ci sera examinée par le Conseil constitutionnel, afin de définir si oui ou non, la proposition entre dans le champ des textes susceptibles d’être soumis à référendum : la Constitution dispose en effet que seuls peuvent être soumis à un éventuel référendum d’initiative partagée les textes « portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ».

La proposition de loi déposée par la Nupes n’a pas été rendue publique, mais d’après ce qu’en disent ses auteurs dans la presse depuis vendredi, elle vise à rendre impossible le report de l’âge légal de la retraite au-delà de 62 ans. Il s ‘agit donc bien d’un texte relatif à « la politique sociale de la nation », conforme donc à l’article 11 de la Constitution. 

Reste une autre condition, avant même le recueil des soutiens populaires, et qui va ressembler à une course contre la montre. La proposition de loi éventuellement soumise à RIP ne peut, dit la Constitution, « avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an ». Il semble donc que la proposition de loi serait recevable si elle était déposée pour avis devant le Conseil constitutionnel avant la promulgation de la loi portant réforme des retraites. En effet, dans un avis rendu en 2019, le Conseil constitutionnel a clairement établi que ce critère est estimé « à la date d’enregistrement de la saisine ». Si, à cette « date d’enregistrement », la réforme des retraites n’a pas été promulguée, on ne peut dire que la proposition de loi déposée par la Nupes vise à la faire abroger… Il y a donc là une très étroite fenêtre de tir que l’opposition ne souhaite pas manquer. 

Pas de « suspension »

Si le Conseil constitutionnel donne son accord, la procédure de recueil des soutiens pourra démarrer. En effet, l’article 11 de la Constitution dispose qu’en plus du soutien du cinquième des parlementaires, la proposition de loi doit recueillir celui d’un dixième du corps électoral. Le corps électoral était de 48,7 millions d’électeurs au moment de la présidentielle de 2022, il est donc certainement un peu plus élevé aujourd’hui. Il faudrait donc autour de 4,9 millions de soutiens pour aller au bout de la procédure, recueillis sous neuf mois. 

Le lancement d’un telle consultation aurait-il pour effet de suspendre « automatiquement » l’application de la réforme, comme l’ont affirmé certains porte-parole de la Nupes ? Absolument pas. Rien de tel ne figure ni dans la Constitution ni dans la loi organique du 6 décembre 2013 portant application de l’article 11 de la Constitution. D’ailleurs, les parlementaires qui ont affirmé un peu vite cette « suspension » ont eux-mêmes reculé, se contentant désormais de demander au chef de l’État de suspendre la promulgation le temps nécessaire. Ce n’est, toutefois, pas possible : une fois la loi votée, ou le cas échéant confirmée par le Conseil constitutionnel, le président de la République doit la promulguer sous quinze jours. Sauf à demander au Parlement de se prononcer à nouveau sur le texte adopté – ce qui, reconnaissons-le, est assez peu probable. 

Pas non plus de référendum automatique

C’est la loi organique du 6 décembre 2013 qui fixe les règles du recueil des « soutiens » à la proposition de loi. Les 4,9 millions d’électeurs nécessaires doivent apporter leur soutien « par voie électronique ». Pour permettre aux électeurs ne disposant pas d’internet de s’exprimer, il sera alors obligatoire de mettre à leur disposition un poste informatique « au moins dans la commune la plus peuplée de chaque canton ». Tout électeur peut présenter un soutien sur papier et demander à le faire enregistrer « par un agent de la commune ». 

Dernière question : l’obtention des 4,9 millions de soutien entraîne-t-elle automatiquement l’organisation d’un référendum ? Là encore, la réponse est non, contrairement à ce que laissent entendre certains parlementaires. Une fois que les soutiens nécessaires ont été obtenus (ce qui doit être prononcé par le Conseil constitutionnel et publié au Journal officiel), le texte doit être examiné « au moins une fois par chacune des deux assemblées dans un délai de six mois ». C’est uniquement si cette condition n’est pas réalisée que le président de la République est obligé d’organiser un référendum. Autrement dit, il suffit de faire passer le texte devant les deux assemblées pour qu’il n’y ait pas de référendum, même si le texte est rejeté par le Parlement.

Toutes ces conditions étant ce qu’elles sont, on ne peut que constater qu’il y a relativement peu de chances que cette procédure puisse conduire à l’annulation de la réforme des retraites. 




ZAN
Zéro artificialisation nette : ce qu'il faut retenir du texte adopté au Sénat
La proposition de loi des sénateurs Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc, visant à corriger la loi Climat et résilience sur son volet ZAN, entame sa navette parlementaire. Avec, au coeur des discussions, la garantie rurale - ligne rouge du gouvernement.

Sang-froid, équilibre et lucidité : telles sont les qualités requises pour affronter le « ZAN », dispositif issu de la loi Climat et résilience, que souhaitent « corriger » les sénateurs pour assurer sa mise en œuvre effective. Depuis son apparition en 2018 dans le plan Biodiversité, l’objectif de zéro artificialisation nette des sols d’ici 2050 reste un sujet explosif. Sans en avoir les moyens, les élus locaux doivent faire face, très pragmatiquement, au phénomène mondial du changement climatique. Le Sénat œuvre depuis plusieurs mois pour rationaliser le débat et rendre applicable le dispositif dans tous les territoires, y compris ruraux. L’examen du texte en séance publique a démarré le 14 mars : son contenu s’est enrichi au fil des amendements, pour être adopté dans la nuit du 15 au 16 mars. 

Calendrier « réaliste », gouvernance « territorialisée »

En premier lieu, le texte adopté au Sénat décale d’un an l’entrée en vigueur des Sraddet modifiés pour intégrer les objectifs de la loi Climat et résilience. Par ailleurs, le texte autorise la tenue simultanée de la consultation du public et des personnes publiques associées, et réduit le délai d’approbation du préfet de trois à un mois. Il permet aussi la consultation simultanée des personnes publiques associées et du public lors de la modification des Scot et PLUi, de même que la saisine de la commission départementale de conciliation en cas de difficultés sur l’application du ZAN. 

Sur la gouvernance, le texte prévoit toujours d’instaurer une nouvelle instance, au-delà des conférences des Scot prévues par la loi Climat. Il s’agit de la « conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation », « incarnation organique de la volonté de territorialiser la mise en œuvre du principe de ZAN des sols, en cohérence avec les principes de libre administration des collectivités territoriales, de subsidiarité et de différenciation défendus par le Sénat », indique le communiqué du Sénat du 17 mars.

Grands projets : une liste couvrant un large spectre 

Le texte sort du décompte ZAN les projets de « construction, d’aménagement, d’infrastructures ou d’équipements d’ampleur nationale ou européenne et qui présentent un intérêt général majeur ». Et allonge la liste, en y incluant les projets à maîtrise d’ouvrage directe ou déléguée de l’État ; ceux relevant d’une concession de service public de l’État ; « les projets d’implantation d’unités industrielles valorisant l’utilisation d’une ressource naturelle renouvelable, concourant à la transition énergétique, ou relevant de l’indépendance nationale, ou représentant un intérêt pour la souveraineté économique nationale ou européenne » ; les projets « d’agrandissement ou de création d’infrastructures ou d’équipements interrégionaux, nationaux ou européens » ; ou « toutes actions ou opérations d’aménagement réalisées au sein des circonscriptions des grands ports maritimes ou fluvio-maritimes de l’État ». Ces projets feraient l’objet d’une inscription dans le Sraddet, après avis de la conférence régionale du ZAN, mais aussi des communes et EPCI « sur le territoire desquels ces projets sont implantés ».

Garantie rurale : bonus pour les communes nouvelles 

Considérée comme un « garde-fou » par son instigateur Jean-Baptiste Blanc, la garantie rurale du Sénat prévoit d’attribuer à chaque commune un hectare par décennie pour ne pas bloquer leur développement. Une ligne rouge pour le ministre Christophe Béchu, venu défendre l’approche du gouvernement – et celle de la proposition de loi concurrente à l’Assemblée : « Un hectare pour tous, cela me pose un problème : je n’ai jamais pensé que la justice résidait dans le fait de donner la même chose à tout le monde. Des communes avec quelques habitants seraient traitées comme celles de 2 000 habitants. UrbanSIMUL permet de connaître le nombre d’hectares qui ont été urbanisés et ce que représenterait le 1 % proposé pour chaque commune. ». Le texte final ajoute au droit à l’hectare une majoration de 0,5 ha par commune déléguée, avec un plafond à 2ha, pour les communes nouvelles. 

Friches, érosion côtière et outils juridiques

Sur la nomenclature des sols – dont on attend une deuxième mouture d’ici juin –, le texte reconnaît comme non artificialisée « une surface à usage résidentiel, de loisirs, ou d’infrastructures de transport, dont les sols sont couverts par une végétation herbacée ». Apport du débat en séance publique, est aussi considérée comme non artificialisée « une surface occupée par des constructions, des installations et des aménagements nécessaires à l’exploitation agricole ». Afin de favoriser leur réhabilitation, les friches sont clairement désignées comme des surfaces artificialisées. Tenant compte du recul du trait de côté, le texte prévoit aussi que « les surfaces artificialisées rendues impropres à l’usage en raison de l’érosion côtière ayant fait l’objet d’une renaturation (…) sont décomptées de l’artificialisation ou de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers constatée sur la période de dix ans concernée. »

Sur les outils devant armer les maires pour l’application du ZAN, le texte conserve ses dispositifs initiaux de sursis à statuer sur certains permis, et de droit de préemption « sur les espaces propices à la renaturation ou au recyclage foncier ». L’État est par ailleurs sommé de mettre à disposition des collectivités, gratuitement et sous format numérique, les « données complètes et continues de consommation d’Enaf, d’artificialisation et de renaturation des sols (…), ainsi que les données et les cartographies relatives aux friches établies par l’État. ». De quoi constituer un « référentiel commun » entre État et collectivités, crucial pour des débats éclairés. Prochaine étape : l’inscription du texte à l’ordre du jour – déjà chargé – de l’Assemblée nationale. Reste que son avenir au Palais Bourbon semble assez incertain, puisque le gouvernement, au Sénat, a contesté par amendement six articles sur 13 – ce qui ne correspond pas au soutien qu'il avait annoncé précédemment. Ces six amendements ont été rejetés par le Sénat. Il risque de ne pas en aller de même à l'Assemblée, où le gouvernement dispose d'un majorité, même relative. 

Consulter le texte adopté par le Sénat.




Politique de la ville
Politique de la ville : le calendrier se précise enfin
La préparation de la prochaine génération de contrats de ville - la précédente couvrant pas moins de 1 514 quartiers dits QPV - tarde à être officiellement lancée. Tout le monde attendait le comité interministériel des villes en décembre, mais les maires doivent patienter jusqu'à la présentation de Quartiers 2030. Ce qui n'empêche pas le ministère de la Ville de travailler en coulisses. Les élus devraient bientôt recevoir les premières ébauches de la future géographie prioritaire.

Les élus doivent ronger leur frein et attendre que le programme Quartiers 2030 soit dévoilé pour en savoir plus sur les futurs contrats de ville. C'est la raison pour laquelle le comité interministériel des villes – le premier du quinquennat –, a été déjà reporté à plusieurs reprises depuis la mi-décembre. Sa date reste suspendue à l'agenda du président de la République. 

Cela ne sera « sans doute pas avant fin mars », regrette  Gilles Leproust, vice-président de l'AMF et président de Ville et Banlieue. Or le temps presse et les élus sont très impatients de connaître les modalités des prochains contrats de ville.  « On a reculé d'un an l'échéance mais le risque, aujourd'hui, c'est qu'on retombe dans une course à l’échalote avec tout le monde en tension » alerte le maire d'Allones. « Le contrat de ville n'est efficace que si le droit commun est fléché. Or l'intérêt du CIV est justement de mobiliser l'interministériel pour avoir un point précis de cet engagement », ajoute Gilles Leproust. Un point sur lequel les maires ont  insisté lors de leur réunion de travail avec la première ministre Élisabeth Borne, début mars. 

Du côté du gouvernement, on assure que ce sujet a bien été l'enjeu de la « réunion de travail » entre la Première ministre et onze ministres, le 9 février, en lieu et place d'un CIV. « Une réunion très positive » où la Première ministre a demandé à chaque ministère de réfléchir à ce que chacun peut faire pour les quartiers indique une source gouvernementale. Avec un message du ministre de la Ville Olivier Klein à ses collègues, « qu'au moins une fois par semaine », chacun « soit aussi un ministre de la ville ».

Le calendrier est serré, reconnaît-on au cabinet du ministre de la Ville. Une lettre est « sur le départ », pour  informer les associations d'élus des différentes étapes à venir. Olivier Klein multiplie d'ailleurs les rencontres. La semaine dernière, il a rencontré la présidente de France Urbaine, la maire de Nantes, Johanna Rolland. La semaine précédente, le 9 mars, il s'était rendu au Conseil national des villes. Son agenda prévoit une rencontre avec les élus de Ville et banlieue le 28 mars.  

Un Lego à construire

On sait néanmoins que ces contrats nouvelle génération seront « un moyen pour Quartiers 2030 de s'exprimer sur le territoire », explique le cabinet du ministre.  En théorie, les contrats de ville doivent être signés fin 2023 pour entrer en application en janvier 2024. Le ministère est en train d'analyser « l'évolution sociale des territoires pour vérifier si la liste des quartiers correspond toujours à une concentration de pauvreté ». L'Insee a livré les premières données sur la base du carroyage, autrement dit une étude des quartiers dans lesquels la densité de la population et celle de la pauvreté justifient qu'ils soient inscrits dans la politique de la ville. 

Doit suivre la phase de dialogue entre préfets et élus locaux « pour tracer les limites de la géographie prioritaire ». Cela devrait arriver « assez vite ». Une phase « d'allers-retours » entre préfets et élus, et entre territoires et l'agence des territoires (ANCT), « pour vérifier la conformité à la loi » Lamy de 2014 qui reste la base juridique des contrats. Un travail spécifique est engagé pour les territoires ultramarins, car les données statistiques manquent, ce qui suppose de travailler à leur découpage différemment.  

Le ministère l'assure, il veut « laisser un peu plus la main aux territoires. On a entendu les élus qui nous ont dit bien connaître les quartiers. On leur fait confiance pour trouver les bons périmètres ». 

« Le travail fin commence », répète-t-on. Celui qui va déterminer les quartiers qui restent et ceux qui sont amenés à sortir de la politique de la ville. Des rumeurs estiment que 200 quartiers pourraient entrer et 150 en sortir. Il est cependant trop tôt pour de quelconques conclusions, se borne à répondre le ministère. 

Ce qui est certain en revanche, c'est que les territoires qui ne seront plus retenus dans la géographie politique de la ville ne deviendront pas des « territoires de veille ». Le ministère abandonne ce concept de la loi Lamy qui semble avoir déçu tout le monde. « Mais on verra comment les accompagner ».

La liste définitive des quartiers ne sera donc connue qu'en janvier 2024. Ce qui laisse à penser qu'il ne sera pas possible de signer les contrats, en réalité, avant mi-2024.

Le dernier changement portera sur leur nom – on sait que le ministre souhaiterait les rebaptiser. 

Question financements, les élus ne doivent pas compter sur de grands soirs, puisqu’il n'est pas prévu de loi de programmation. Quant à des financements supplémentaires, tout le monde attend les arbitrages sur Quartier 2030...

L'autre question qui taraude les maires, c'est celle de la convergence entre la géographie de la politique de la ville et celle de l'éducation prioritaire pour éviter le phénomène des « écoles orphelines ». Un chantier à l’œuvre, assure-t-on côté ministère de la Ville, celui de l’Éducation nationale préfèrant, lui, ne pas commenter. Mais « les directions des ministères y travaillent », assure-t-on de source ministérielle. Mais les deux cartographies ne seront pas revues en même temps, celle de la politique de la ville est pour janvier 2024, quand celle de l'Éducation nationale n'est pas annoncée avant septembre 2024. Le but est « au moins de rester sur la convergence actuelle », à savoir près de 70 % de QPV en éducation prioritaire.

La ville aussi a sa concertation nationale 

Le ministère a lancé la concertation « quartiers 2030 », et installé pour cela la semaine dernière (le 6 mars) la commission « participation citoyenne des quartiers ». Elle a été confiée à Mohamed Mechmache, co-auteur  il y a dix ans d'un rapport Pour une réforme radicale de la politique de la ville. Ça ne se fera plus sans nous, président fondateur de la coordination Pas sans nous. Elle doit durer quinze mois. Son but : construire et faciliter la participation des habitants dans les projets des quartiers. En trois étapes : la première, de début avril jusqu'à la fin mai, est de « soutenir et accompagner les dynamiques locales de concertation ».  La deuxième, qui doit durer tout l'été, « voire au-delà »,  vise « à suivre la façon dont la parole des habitants s'inscrit dans les contrats de ville ». La troisième et dernière doit coïncider avec la signature des contrats de ville. Et donc vérifier le passage « de l'écrit aux réalisations ». 

Le cabinet du ministre l'assure, « ce n'est pas la fin des conseils citoyens ». Ils restent une option, mais sans exclusive. Avec un principe : « Là où les conseils citoyens fonctionnent, on les maintient et on s'appuie sur cette dynamique pour recueillir la parole des habitants. Mais on peut inventer d'autres modes de concertation ». En résumé, le ministère préfère miser sur la « diversification des formes et modalités de participation ».  Cette orientation fait écho aux attentes exprimées par les élus de l’AMF qui avaient demandé un assouplissement des modalités de la participation citoyenne, 
lors des travaux de la commission de réflexion sur le futur des contrats de ville, en janvier 2022. La commission est chargée de donner le « cadre éthique » de cette concertation. De façon à « n'oublier personne », notamment que les « jeunes, personnes âgées, précaires, qu'on n'entend pas forcément puissent participer au débat ». 

Autant de sujets qui alimenteront sans doute la prochaine commission politique de la ville de l'AMF, qui se réunit ce mercredi 22 mars. 


 




Sports
Dérogations aux interdictions de publicité pendant les JO de Paris: les maires gardent la main
Le projet de loi « Organisation des Jeux olympiques et paralympiques 2024 » sera examiné dès aujourd'hui en séance publique par les députés. Parmi les 19 articles du texte, l'un concerne la publicité pouvant être affichée dans une commune. Si l'installation de publicité est facilitée, pour le moment, rien ne semble être imposé aux maires.

C’est le 22 décembre dernier que le projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 a été adopté en Conseil des ministres. Quelques mois plus tard, après un passage au Sénat, le texte arrive à l’Assemblée nationale (lire Maire info du 23 janvier). 

Si ce projet de loi a beaucoup fait parler de lui sur les moyens mis en œuvre pour assurer la sécurité autour de cet évènement de grande ampleur – pénalisant parfois certains territoires comme les littoraux (lire Maire info du 10 février) – d’autres dispositions concernent spécifiquement les communes. 

Sécurité 

Le premier chapitre de la loi concerne les « adaptations nécessaires en matière d’offre de soins et de formation aux premiers secours ». Trois articles visent à assurer que le système de soin francilien puisse faire face à l’afflux de spectateurs et de visiteurs en créant notamment un centre de santé, en autorisant des professionnels étrangers à exercer pour une durée limitée et en élargissant le périmètre des acteurs autorisés à délivrer des formations aux premiers secours (lire Maire info du 2 novembre). 

La plupart des dispositions de ce projet de loi visent à mieux garantir la sécurité pendant les Jeux. Vidéoprotection, expérimentation d’utilisation de traitements algorithmiques sur les images captées, élargissement de la procédure d'enquête administrative… Les principaux points d’attention de ce projet de loi visent à ce que les 22 villes qui vont accueillir des épreuves aient un arsenal de sécurité suffisant, mais jugé excessif pour une partie de l'opposition.  

Expérimentation en transports 

Au sein de ce projet de loi, deux expérimentations vont être menée à l’occasion des JOP 2024 au niveau des transports. La première « autorise l’expérimentation des caméras « augmentées » dans l’espace public jusqu’au 30 juin 2025. (…) La date escomptée de promulgation de la loi est censée offrir un temps suffisant afin de mettre en œuvre les premiers traitements dès la fin de l’année de 2023. »

Autre disposition importante pour les communes : l’article 18 du projet de loi permet au préfet de police, dans sa zone de compétence et à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2024, de délivrer des autorisations de stationnement à des personnes exploitant des taxis accessibles aux personnes en fauteuil roulant. La ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra avait déclaré en séance au Sénat le 25 janvier dernier que « pour être au rendez-vous de l’exigence d’accessibilité des transports franciliens durant ces Jeux, il était nécessaire de passer de moins de 250 taxis adaptés aux personnes à mobilité réduite (PMR) à plus de 1 000. »

Le Sénat a d’ailleurs « supprimé l’obligation pour les personnes morales de disposer de dix autorisations de stationnement au minimum pour bénéficier de l’expérimentation, qu’il a étendue aux personnes physiques. Il a par ailleurs ouvert le bénéfice du dispositif aux taxis accessibles aux personnes à mobilité réduite, et non plus aux seuls taxis accessibles aux personnes en fauteuil roulant. »

Dérogations aux interdictions de publicité

L’article 14 concerne directement les collectivités territoriales, et notamment celles qui sont concernées par le relais de la flamme olympique. « L’ensemble des communes concernées par le parcours de la flamme n’est pas encore connu mais près de 70 départements seront traversés », peut-on lire dans le rapport sur le projet de loi. Le parcours définitif de la flamme devrait être dévoilé progressivement au cours de l’année 2023.

Le texte prévoit l’ « extension de la dérogation légale temporaire aux interdictions de publicité dans l’espace public pour le relais des flammes olympique et paralympique, et pour l’installation d’un compte à rebours à Paris. » Cette dérogation doit « permettre d'une part au CIO et au comité d'organisation d'afficher leurs sponsors le long des parcours des flammes olympique et paralympique et, d'autre part, de permettre à des sponsors des jeux d'accompagner la mise en place dans Paris d'un dispositif de compte à rebours. » 

Il est à noter que les dérogations sont possibles uniquement dans un périmètre restreint et non dans toute la commune. Le texte mentionne « une bande de cent mètres de part et d’autres du tracé du parcours, et un périmètre de deux cents mètres autour des sites de départ et d’arrivée des étapes. »

Il est indiqué que le comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) « doit informer les maires et les représentants de l’État dans les communes et départements concernés de la nature, de la localisation et de la durée d’implantation des dispositifs publicitaires. Ces paramètres sont déterminés par les contrats liant le Cojop à ses partenaires marketing. Ils doivent garantir le respect des conditions figurant à l’article 5 précité : optimiser l’insertion architecturale et paysagère, réduire l’impact sur le cadre de vie environnant, garantir la sécurité des personnes et l’intégrité des sites et bâtiments et, enfin, prévenir d’éventuelles incidences sur la sécurité routière. »

Concrètement ces dérogations contournent les restrictions ou interdictions de publicité prévues dans le Code l’environnement concernant les « immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, monuments naturels, sites classés, cœurs des parcs nationaux, réserves naturelles, arbres, immeubles présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque », les aéroports ou gares, équipements sportifs, centres commerciaux, etc. 

Police de la publicité 

Si cet article a des allures de carte blanche pour les publicitaires, le texte précise cependant que « l’installation, le remplacement et la modification de ces dispositifs restent soumis à déclaration préalable auprès du maire et du préfet. »

Pour rappel, les compétences en matière de police de la publicité sont exercées par le préfet, sauf s’il existe un règlement local de publicité, auquel cas ces compétences sont exercées par le maire. Or, à partir de janvier 2024, « les compétences en matière de police de la publicité [seront] exercées par le maire au nom de la commune », selon une modification prévue dans le Code de l’environnement.  

L’autorité compétente peut alors s’opposer à cette installation, ou imposer des conditions destinées à « optimiser l’insertion architecturale et paysagère des dispositifs, à réduire leur impact sur le cadre de vie environnant, à garantir la sécurité des personnes et l’intégrité des sites et bâtiments ou à prévenir d’éventuelles incidences sur la sécurité routière, dans un délai fixé par décret. Pour le cas des immeubles présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque, le maire ou le préfet, après avis de la commission départementale compétente, peut y interdire toute publicité par arrêté. »

Le rapport du Sénat insiste sur le fait que les dépenses liées à la publicité installée tout au long du parcours du relais seront entièrement prises en charge par le Cojop.« Les communes faisant partie du relais sont volontaires, et les seuls coûts qu’elles supporteront ont trait aux dispositifs qu’elles souhaiteront installer à cette occasion (nourriture, activités sportives, évènements festifs…).»

Cette dérogation va aussi s’appliquer pendant la Coupe du monde de rugby à Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Nice, Paris, Saint-Denis, Saint-Etienne et Toulouse. Dans ce cadre précis, les dérogations ne concernent que l’affichage promotionnel lié à l’événement et pas la promotion des partenaires commerciaux de la Coupe du monde de rugby.

Cet article 14 a été adopté sans modification au Sénat mais il fait déjà l’objet de nombreux amendements notamment de la part de députés qui craignent une dégradation du patrimoine local. Certains députés semblent aussi estimer que cette publicité devrait bénéficier aux communes financièrement et qu’une partie des profits réalisés par les partenaires de marketing olympique pourrait amortir les engagements financiers de ces dernières. Les discussions débuteront cet après-midi à l’Assemblée. 






Journal Officiel du dimanche 19 mars 2023

Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Arrêté du 16 mars 2023 relatif au remboursement des mises à disposition non prononcées dans le cadre de l'article L. 213-4 du code général de la fonction publique
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Arrêté du 16 février 2023 modifiant l'arrêté du 29 mai 2015 relatif au contenu de la notice d'information annexée aux contrats de location de logement à usage de résidence principale
Journal Officiel du samedi 18 mars 2023

Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
Décret n° 2023-186 du 17 mars 2023 relatif à l'établissement de la qualité d'agriculteur actif, de jeune agriculteur ou de nouvel agriculteur, telles que définies en application du Plan stratégique national 2023-2027 relevant de la Politique agricole commune

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