Édition du vendredi 10 mars 2023

Santé publique
Plafonnement des tarifs de l'intérim médical : les maires, inquiets, demandent de « l'anticipation »
Les dispositions de la loi Rist, qui plafonne la rémunération des vacations des médecins intérimaires dans les établissements de santé, vont entrer en vigueur le 3 avril. Si les associations d'élus sont favorables à ce plafonnement, elles appellent l'État à faire preuve d'anticipation. 

2 000, 3 000, jusqu’à 5 000 euros par jour. C’est le tarif que perçoivent certains médecins intérimaires pour venir travailler dans un service d’urgence. Face à l’opprobre que suscitent ces pratiques (et à leur coût pour les finances publiques), le législateur a décidé de plafonner ces tarifs – via la loi dite Rist (loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification). Le plafond a été fixé à 1 170 euros brut pour une vacation de 24 heures. 

Mais beaucoup craignent aujourd’hui que la mise en œuvre de cette disposition, le 3 avril prochain, provoque des dysfonctionnements. 

Concertations locales

Le ministre de la Santé, François Braun, ne mâche pas ses mots quand il évoque ce sujet : dans un débat parlementaire, il a évoqué « un intérim cannibale qui rémunère injustement le nomadisme professionnel et détruit la cohésion des équipes ». Le terme de « mercenariat » est également souvent évoqué pour qualifier ces pratiques – dont François Braun a rappelé, cette semaine encore au Sénat, qu’elles sont « minoritaires », la question étant non de s’attaquer « à l’intérim médical de manière générale mais à ses dérives ». 

Reste que les élus comme les professionnels sont inquiets, à l’approche de l’échéance du 3 avril. Témoin, la sénatrice socialiste des Côtes-d’Armor Annie Le Houérou, qui indiquait le 2 mars dernier, lors d’une séance de questions au gouvernement : « Nous sommes alertés par les praticiens hospitaliers, notamment dans les services d'urgence, qui peinent à boucler les plannings faute d'intérimaires acceptant les nouveaux tarifs. » 

C’est la même question que pose Frédéric Chéreau, maire de Douai et co-président de la commission Santé de l’AMF : « Nous sommes évidemment favorables au plafonnement, parce que les dépenses liées au paiement de l’intérim sont totalement déraisonnables, explique-t-il à Maire info. Mais nous avons la crainte d’un bras de fer entre les médecins urgentistes et l’État. Que va-t-il se passer si certains urgentistes jouent la politique de la chaise vide ? »

Du côté de l’Association des petites villes de France (APVF), les craintes sont les mêmes : dans un communiqué publié hier, les maires des petites villes disent souhaiter « la fin du mercenariat » mais vouloir à tout prix éviter que celle-ci « menace le fonctionnement des établissements de proximité », qui sont « très dépendants des intérimaires ». L’association demande au ministre de la Santé si des « dérogations » pourront être accordées après le 3 avril « pour ne laisser aucun établissement sans solution ». 

Il paraît donc indispensable, tant à l’AMF qu’à l’AMRF, de préparer très en amont le basculement. « Il faut absolument anticiper les conséquences de ce plafonnement, insiste Frédéric Chéreau, il faut partager l’information avec les maires. » Même préoccupation à l’AMRF, qui constate que « les concertations locales que doivent mener les ARS avec les acteurs locaux pour anticiper les risques de fermetures de services et apporter des solutions sont encore trop disparates sur le territoire ». L’association appelle l’État à « renforcer » ces concertations, quitte, si nécessaire, « à repousser une nouvelle fois encore la mise en œuvre concrète de ce plafond tarifaire » (qui devait initialement entrer en vigueur en octobre dernier). 

Le ministre de la Santé semble sur la même longueur d’onde. Début mars, au Sénat, il a indiqué avoir « demandé aux agences régionales de santé (ARS) d'animer des concertations locales, territoire par territoire, avec les préfets et les élus pour affiner les diagnostics, établissement par établissement ». Il leur a demandé de « construire des solutions avec les professionnels de santé du territoire, mais également avec les centres hospitaliers universitaires (CHU) et les établissements sièges de groupements hospitaliers de territoire (GHT), dont c'est la responsabilité. »

La question de la ville

Sans oublier la médecine de ville, car, comme le répète inlassablement Frédéric Chéreau, « le vrai sujet des urgences, c’est la médecine de ville ! ». Alors que les statistiques montrent que les deux tiers des patients reçus aux urgences devraient, en réalité, être reçus en ville, la véritable question est là : comment assurer une permanence des soins, en ville, qui permette aux patients de se tourner vers un généraliste de garde plutôt que d’engorger les urgences ? Des réflexions devraient être menées sur plusieurs fronts, estime le maire de Douai, non seulement sur la présence des médecins, par exemple au sein des maisons médicales de garde, mais y compris sur les modalités d’accès aux soins : « Il faudrait réfléchir par exemple à la suppression du ticket modérateur dans les maisons médicales de garde, pour que leur accès, comme celui des urgences, soit perçu comme gratuit ». Et d’ajouter : « Du côté des maires, nous sommes prêts à appliquer des solutions innovantes. Il faut que l’État invente – la santé est de sa compétence – et nous participerons à l’effort collectif. » 

La question de l’intérim, on le voit, n’est qu’une partie d’un problème bien plus général. Reste que beaucoup de questions se posent, à moins d’un mois de l’échéance du 3 avril. Les établissements privés, par exemple, vont-ils s’aligner sur les tarifs imposés par la loi Rist dans le public ? S’ils ne le font pas, la distorsion qui s’établirait alors entre établissements publics et privés risquerait de vider littéralement les hôpitaux publics. Le ministre de la Santé se veut optimiste sur ce point : il a indiqué le 2 mars que « les acteurs du secteur privé se sont engagés (…) à nous suivre sur la voie d'une rémunération raisonnée de ces périodes d'intérim médical ». À voir. 




Social
L'aide à domicile ne veut plus de « bouts de ficelles »
« Nous sommes dans une situation très grave à l'heure où la demande va s'accentuer du fait du vieillissement, de demandes plus fortes d'accompagnement à domicile de personnes handicapées, de malades de longue durée et de familles en difficulté », alerte l'UNA.

« Nous l’avons échappé belle, cela aurait pu avoir lieu au mois d’août ». L'ironie de la présidente de l'UNA (Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles), Marie-Reine Tillon, à propos de la première journée nationale des aides à domicile, le 17 mars, témoigne du niveau de colère des professionnels de ce secteur. Non qu'ils remettent en cause l'intérêt de cette journée voulue par le gouvernement pour « les remercier pour leur engagement et reconnaître la place essentielle qu'ils et elles tiennent dans notre société » selon le communiqué du ministère. Mais ils contestent en revanche que le « virage domiciliaire », défini comme l'objectif poursuivi, soit une réalité… 

Car tout ne va pas mieux dans le secteur, alerte une nouvelle fois l'UNA, qui fédère près de 630 structures du secteur non lucratif (dont des CCAS). Depuis 2018, chaque année, à cette même période, la fédération publie un sondage Opinion Way réalisé auprès des directeurs des services d'aide et de soins à domicile du réseau de l'UNA, permettant de faire un point sur la situation des aides à domicile, tous secteurs confondus (personnes âgées, handicapées, familles). D'année en année, les signaux se dégradent. Cette année encore, les indicateurs déjà rouges virent à l’écarlate. 

Toujours plus de demandes d'aide refusées

Les refus de prise en charge augmentent. C'est le cas en 2022 d'une demande sur dix (+ 20 % par rapport à 2020) (2). Une demande sur quatre ne peut être prise en charge que partiellement (le ratio était d'une demande sur cinq en 2020), et c'est particulièrement le cas dans les services de soins à domicile (SSIAD) et davantage en province qu'en région parisienne. Sept directeurs sur dix témoignent de ruptures dans la prise en charge, toutes régions et tailles de structures confondues.

La principale raison est la même que depuis des années, mais là encore aggravée faute de réponses adéquates, selon les professionnels : le manque de personnel. Celui-ci fait défaut soit en raison de l'absentéisme – le secteur de l'aide à domicile reste l'un des métiers le plus risqués en termes d'accidents du travail – mais aussi, et surtout, parce qu'il est de plus en plus difficile de recruter du personnel : plus d'un poste sur deux ouverts au recrutement en 2022 (52 %) n'a pas été pourvu. Le pourcentage était de 31 % en 2020, de 19 % en 2018. Dans la majorité des cas, ce sont des postes dits opérationnels, autrement dit des auxiliaires de vie et des aides-soignants. 

Tandis que le personnel en place vieillit, les départs vers la concurrence (notamment les Ehpad) augmentent, tout comme les besoins (en raison notamment du vieillissement de la population). Ce qui fragilise un peu plus les structures, déjà pour certaines exsangues. 

L'UNA assure « balayer devant sa porte ». « Nous travaillons sur l'amélioration des conditions de travail », explique Marie-Reine Tillon. Le témoignage de la directrice d'UNArtois, une structure dotée d'un service polyvalent d'aide à domicile (SPASSAD), de 280 salariés, vient à propos pour démontrer les pistes internes mises en œuvre pour améliorer les conditions de travail (offre de CDI et non des CDD renouvelables, nouvelle politique de prévention des risques professionnels, nouvelles méthodes de recrutement, etc.). Le résultat est tangible avec notamment « la réduction de moitié l’an dernier de nos accidents, de 20 à 10 par an. On constate aussi que le nombre de jours d’arrêt est moins important. On ne peut plus faire l’impasse sur le fait de prévenir ces risques et, forcément, d’y investir argent et formation », explique sa directrice Magalie Westrelin. « Mais j'ai un tarif contraint depuis six ans, qui me fait perdre 2 euros de l’heure !  Ce n'est pas entendable qu’une structure qui a un impact social comme la nôtre, qui accompagne 1 400 personnes, perde deux euros de l’heure ! », ajoute la directrice. Les salaires continuent, eux, de rester le maillon très faible de ces métiers mal reconnus.

« Cela fait des années que nous fonctionnons avec des bouts de ficelle, nous sommes au bout du système », réagit Marie-Reine Tillon. Les professionnels réclament donc des moyens. Pour financer « le tutorat de l'apprentissage » (en développement dans ce secteur aussi), « pour accompagner les reconversions », pour réformer la tarification des services et éviter que certaines structures ne ferment (« un quart des structures sont en très grandes difficultés avec le risque de disparition d'un certain nombre d'entre elles »). Et en urgence « un plan de sauvetage de l'aide à domicile ». L'UNA en évalue le coût à 100 millions d'euros, « immédiatement, sur un an ».

 
(1) Enquête menée du 25 octobre 2022 au 10 janvier 2023 auprès d'un échantillon de 131 directeurs de structures adhérentes à l'UNA. 
(2) La comparaison avec 2021 n'est pas possible faute d'enquête cette année-là en raison du covid-19.




Polices municipales
Polices municipales : France urbaine fait 30 propositions pour améliorer « l'attractivité de la filière »
L'association France urbaine a dévoilé hier ses propositions pour améliorer l'attractivité de la police municipale, dans un contexte où les communes font face à de graves difficultés de recrutement. 

« Il est nécessaire de pouvoir valoriser et améliorer l’attractivité de cette filière qui, au quotidien, a prouvé sa capacité opérationnelle comme dans tant d’autres métiers de la fonction publique territoriale. » David Marti, maire du Creusot et co-président de la commission Sécurité et prévention de France urbaine, constate que « les policiers municipaux doivent faire face à de nombreux défis qui peuvent fragiliser leur action mais aussi leur métier ». D’où la volonté de France urbaine de travailler à « l’attractivité » de cette filière.

« Difficultés aigües de recrutement »

Un groupe de travail a été confié, sur ce sujet, à Nathalie Koenders, première adjointe au maire de Dijon, qui a piloté ces réflexions visant à « identifier les freins à lever et les leviers à mobiliser pour assurer aux collectivités la capacité à recruter et fidéliser les compétences indispensables ». 

En partant d’un constat largement partagé : les polices municipales sont de plus en plus présentes, mais les élus sont confrontés « à des difficultés aiguës de recrutement ». Selon une enquête menée auprès des adhérents de France urbaine, l’été dernier, « il existe aujourd’hui 7 postes de policier municipal vacants par collectivités adhérentes, et 67 postes de PM seraient à pourvoir d’ici 2026 pour chaque collectivités membre de France urbaine ». Naturellement, ces chiffres sont à considérer en gardant à l’esprit que France urbaine ne regroupe que des grandes villes, dont les effectifs des polices municipales se comptent en centaines, mais ces chiffres sont néanmoins parlants. Une concurrence très importante existe aujourd’hui entre collectivités pour recruter des policiers municipaux, et le vivier de recrutement semble aujourd’hui nettement insuffisant, alors que les besoins sont estimés à quelque 11 000 recrutements d’ici 2026 

France urbaine fait donc une trentaine de propositions, précises, pour améliorer la situation.

Rifseep

L’association souhaite lever un certain nombre de « freins » réglementaires et agir sur « quatre axes » : le recrutement, la formation, la gestion des carrières et le soutien aux agents.

Parmi les principales propositions, on retiendra celle consistant à « étendre aux policiers municipaux le Rifseep (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel) dont bénéficient les policiers nationaux ». Ce qui permettrait aux collectivités de disposer de davantage de marge de manœuvre pour agir sur la rémunération. L’association demande également que les carrières soient « fluidifiées », « en révisant notamment la structure des grilles et grades au sein de la filière », et souhaite que les freins aux mobilités inter-versants soient « levés ».

France urbaine propose également « d’ouvrir de manière encadrée l’autorisation d’emploi Assistant temporaire de police municipale à toutes les collectivités, de manière à faire découvrir le métier et susciter des vocations en veillant évidemment à limiter ce recours et l’emploi du dispositif dans le temps afin d’éviter la substitution ». 

Concours, formations, carrières

Il faut aussi, estime France urbaine, agir sur les concours, notamment « en réduisant les délais entre chaque concours, en les aménageant et en diversifiant les préparations ». Si l’association juge qu’il ne faut pas « modifier les épreuves écrites », afin de maintenir « un recrutement de qualité », elle pense en revanche qu’une « évolution de barème des épreuves sportives » devrait être envisagée : « Le concours de gardien de police municipale prévoit une épreuve éliminatoire de sport basée sur la performance plutôt que la capacité physique générale, ce qui pourrait décourager voire pénaliser certains candidats. » 

France urbaine juge également que la formation des agents, si elle est « en progrès », reste « insuffisante ». « Certains agents fraichement recrutés attendent parfois plus de 9 mois avant de pouvoir partir en Formation initiale d’application (FIA) et ne peuvent même pas, en attendant d’aller sur la voie publique, faire de la police administrative avec des agents titulaires ». 

Mais France urbaine – comme l’AMF et le CNFPT – est opposée à la création d’une « école nationale de formation des polices municipales », qui serait à ses yeux contre-productive – l’idée avait été un moment brandie par le gouvernement. Une telle école « risquerait de créer une confusion avec le reste des forces de sécurité intérieure » et « impliquerait une perte de maîtrise des maires sur les agents ». En revanche, l’association souhaite que plus de « visibilité » soit donnée aux quatre centres de formation du CNFPT dédiés aux policiers municipaux. 

Enfin, en matière de retraites, France urbaine propose « d’étendre le bénéfice de la catégorie active à l’ensemble des cadres d’emploi de la filière », et d’octroyer des bonifications, pour le calcul de l’âge de la retraite, permettant « de prendre en considération la reconnaissance de la pénibilité et des difficultés d’exercice du métier ». 

L’ensemble des propositions de France urbaine est à retrouver dans une plaquette d’une vingtaine de pages, diffusée hier. Ces propositions pourraient être débattues dans le cadre de la Commission consultative des polices municipales, qui devrait renaître de ses cendre en avril prochaine, a récemment promis la ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure. Mais il faudrait commencer par nommer un président à cette commission, qui n’en a plus depuis le 6 avril 2020. 




Aménagement urbain
Logistique durable : l'avenir ne pourra pas se planifier sans les élus
Les préoccupations des élus en matière de gestion logistique au sein des communes n'ont jamais été aussi fortes. Un échange avec les acteurs du secteur a eu lieu mercredi à l'AMF sur l'importance de la gestion logistique et le rôle primordial que peuvent jouer les communes pour construire une logistique durable.

L'AMF a organisé mercredi dernier une rencontre dédiée à la thématique de la logistique urbaine, avec la participation du Groupement des autorités responsables de transport (Gart), du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), de la Fédération nationale des agences d'urbanisme (Fnau) et Afilog (Association de référence de l'immobilier logistique).

La montée du e-commerce, la nécessaire revitalisation des centres-villes, la difficulté d’accéder au foncier, l’urgence climatique : tous ces enjeux appellent à repenser les modes de transport et de stockage des marchandises.

Vers une indispensable logistique durable 

« Il y a trois séries de flux dans un centre-ville :  les livraisons vers les commerces, les déplacements pour les achats et les flux de gestion des déchets, de l’espace public des travaux publics de l’entretien, explique Frédéric Cuillerier, maire de Saint-Ay (45) et président de la commission transports, mobilité et voirie de l'AMF. Aujourd’hui, les collectivités ont pris en main l’aménagement du territoire à l’intérieur de la ville mais elles se heurtent à quatre contraintes : le tissu urbain historiquement resserré ; l’évolution du e-commerce (qui représente 10 % de la logistique) ; l’importance des ZFE ; et la volonté de l’État de réduire l’importance de cette logistique dans nos zones d’activité. »

Zoé Chaloin, chargée de mission urbanisme pour la Fédération nationale des agences d'urbanisme, explique qu’une vraie prise de conscience a eu lieu depuis le premier confinement : « Pendant le covid, les regards des citoyens et des élus a changé sur la logistique. On s’est rendu compte qu’elle était présente dans nos villes et cela a fait un déclic. De plus, le foncier devient de plus en plus rare avec le ZAN, les conflits d’usage sur les voiries augmentent… » Le maire de Lens, Sylvain Robert, observe aussi de son côté une saturation des axes routiers et explique que s’il n’existe « pas de solution face à la recrudescence d’achat en ligne, anticiper la saturation à venir est l’enjeu » de demain.

Concertation 

Claude Samson, président d’Afilog, a expliqué qu’il était nécessaire qu’un travail partenarial débute entre les élus et les acteurs de la logistique. « Quelles que soient les concertations que l’on peut avoir avec l’État, la réalité des choses se passe sur le terrain, dans les territoires et les communes. Nous travaillons sur la décarbonation des bâtiments logistiques mais s’ils ne sont pas bien localisés, ça ne sert strictement à rien. Si le transport prend la main sur le plan environnemental c’est contre-productif.» C’est pourquoi il faut travailler, selon lui, au plus près du terrain car « celui qui accorde le permis de construire, c’est le maire de la commune et il est extrêmement important d’avoir un dialogue avec les communes. »

La mise en place de ce dialogue permettra aussi « d’avoir une vision sur les terrains à mettre en œuvre pour, par exemple, être proche d’une rivière ou d’une voie ferrée »

Pour le maire de Langeais (37), Pierre-Alain Roiron, une meilleure concertation entre tous les acteurs permettra avant tout de mener « une réflexion globale autour de la logistique » qui « entraîne des coûts pour les collectivités locales » notamment « pour que ces camions circulent. »

Mutualisation 

Lors de ces ateliers qui ont eu lieu dans les locaux de l’AMF, la question de la mutualisation est revenue à plusieurs reprises. En effet, Alain Chrétien, maire de Vesoul (70) et co-président de la commission Développement économique, tourisme et commerce évoque la possibilité de mettre en place, à terme, un service public logistique des centres-villes. La mutualisation des moyens de transport est « un vrai sujet ». Tous les camions de livraison « consomment de l’espace public au quotidien ». Ainsi, un opérateur pourrait porter cette charge de transport tandis que les autres pourraient le financer. 

Comme le souligne Frédéric Cuillerier, certaines pratiques fonctionnent déjà et sont à encourager comme l’optimisation des livraisons avec des logiciels ; le verdissement des flottes ; les reports modaux ou encore la planification de la logistique avec concertation locale poussée. 

La maire de Saint-Ay a donné deux exemples d’organisation locale qui devraient inspirer les autres communes à l’avenir. A Grenoble, depuis 2015, la ville est partenaire du plan d’action « Logistique urbaine durable » qui vise à améliorer et faciliter les livraisons et expéditions de marchandises à l’échelle de la métropole. Autre exemple : la Métropole du Grand Nancy a lancé l’année dernière l’élaboration d’un Schéma logistique territorial (SLT) qui associe l’ensemble des professionnels de la logistique afin de « construire la logistique urbaine de demain. »

D’ailleurs, Hélène de Solere, cheffe de projets logistique urbaine et interurbaine du Cerema, a rappelé aux élus que le programme InTerLUD a été reconduit par le gouvernement pour une durée de quatre ans. Ce programme s’adresse notamment aux collectivités et leur permet de disposer d’un soutien du Cerema pour mettre en œuvre une méthodologie (formation des techniciens, accompagnement des élus) et une fédération de tous les acteurs économiques.

Le rôle de l’élu 

La sensibilisation aux enjeux actuels a aussi fait l’objet de nombreuses réflexions lors de cette rencontre. Les élus, en première ligne sur le terrain, recueillent les plaintes des habitants concernant les nuisances sonores liées aux livraisons, les circulations qui se font de plus en plus complexes dans certaines rues du centre-ville à cause des camions, etc. Mais ils constatent parfois « une contradiction » de la part des administrés. Le besoin d'être livré à domicile est de plus en plus fort et les clients sont de plus en plus impatients. Ce mode de consommation a des conséquences sur les flux à l'intérieur des villes, ce qui est loin de plaire aux habitants. 

Pour le maire de Vesoul, il est nécessaire de mener une réflexion plus philosophique autour du progrès social qui repose sur une sorte de « course à la vitesse ». « Est-ce bien nécessaire de commander une brosse à dents à trois heures du matin ? », questionne l’élu. « La crise climatique doit nous faire poser les bonnes questions et je pense qu’en tant qu’élus, nous avons des messages à faire passer aux citoyens », explique le maire qui envisage la sensibilisation comme une piste pour désengorger les centres-villes et réduire la pollution. 
 




Urbanisme
Dérogations aux règles de hauteur pour les constructions énergétiquement performantes : le décret est paru
Un décret paru ce matin au Journal officiel permet aux constructions « exemplaires » sur le plan environnemental de déroger aux règles de hauteur définies dans les documents d'urbanisme. Explications.

C’est l’un des innombrables décrets découlant de la loi Climat et résilience du 22 août 2021. L’article 210 de ce texte dispose qu’une commune, par exemple, peut « autoriser les constructions faisant preuve d'exemplarité environnementale à déroger aux règles des plans locaux d'urbanisme relatives à la hauteur ». Les modalités d’application de cette disposition devaient être fixées par décret. C’est désormais chose faite. 

25 cm par niveau

Il s’agit de remédier à un problème bien connu : les constructions les plus performantes sur le plan environnemental nécessitent souvent une augmentation de l’épaisseur des planchers – c’est le cas par exemple des constructions en bois. En conséquence, expliquait le ministère de la Transition écologique lors de la présentation du projet de décret devant le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen), « ces constructions peuvent, à nombre d’étages égaux, rencontrer des difficultés eu égard au plan local d’urbanisme (PLU) qui contraint les hauteurs autorisées ». 

Pour éviter que les règles d’urbanisme risquent de bloquer un projet de construction environnementalement performant, la loi permet donc désormais de déroger aux règles de hauteur dans ce cas. Il restait à savoir dans quelles limites. C’est l’objet de ce décret, qui fixe l’autorisation de dépassement à « 25 centimètres par niveau » et à « un total de 2,5 mètres en tout point au-dessus de la hauteur de la construction autorisée par le règlement du plan local d'urbanisme ». Le décret précise clairement que, primo, « ce dépassement ne peut être justifié que par des contraintes techniques résultant de l'utilisation d'un mode de construction faisant preuve d'exemplarité environnementale » ; et, secundo, que cette dérogation n’autorise en aucun cas l’ajout d’un étage supplémentaire. 

Les maîtres d’ouvrages souhaitant bénéficier de cette dérogation devront joindre leur demande à la demande de permis de construire.

Seuils

Il restait à savoir ce que l’on appelle « l’exemplarité environnementale » permettant cette dérogation. Le décret précise qu’une construction « fait preuve d'exemplarité énergétique si elle atteint des résultats minimaux, en termes de besoin en énergie, consommation en énergie primaire, consommation en énergie primaire non renouvelable et impact sur le changement climatique de la consommation en énergie primaire » ; et fait preuve « d’exemplarité environnementale si elle atteint des résultats minimaux en termes d'impact sur le changement climatique liés aux composants du bâtiment et évalué sur l'ensemble du cycle de vie du bâtiment ». 

Ces « résultats minimaux » sont fixés dans un arrêté qui accompagne le décret publié ce matin.

Ce décret a été plutôt favorablement accueilli par les représentants des élus, lors de la séance du Cnen du 5 mai 2022 – bien que ceux-ci aient regretté de ne pas disposer, au moment de l’examen, des seuils fixés par l’arrêté. Le travail nécessaire à la fixation de ces seuils est probablement la raison qui explique le délai anormalement long entre l’approbation du projet de décret par le Cnen et la publication de celui-ci, ce matin. 

Les représentants des élus ont également fait remarquer que s’ils sont « favorables au renforcement des exigences en matière de contrôle des règles de construction », il faut encore que l’État se donne les moyens de procéder à ces contrôles. Or le Conseil général de l’environnement et du développement durable lui-même a établi que les effectifs des services de l’État dédiés à l’urbanisme ont diminué d’un tiers entre 2012 et 2020. 

Le ministère de la Transition écologique a répondu « qu’une attention particulière (serait) portée par les services de l’État auprès des collectivités territoriales sur cet aspect au regard des nouvelles conditions posées par le projet de décret ». Dont acte. 






Journal Officiel du vendredi 10 mars 2023

Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Décret n° 2023-173 du 8 mars 2023 pris pour l'application des articles L. 152-5-2 et L. 151-28 du code de l'urbanisme et modifiant les critères d'exemplarité énergétique et d'exemplarité environnementale définis aux articles R. 171-1 à R. 171-3 du code de la construction et de l'habitation
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Arrêté du 8 mars 2023 modifiant l'arrêté du 12 octobre 2016 relatif aux conditions à remplir pour bénéficier du dépassement des règles de constructibilité prévu au 3° de l'article L. 151-28 du code de l'urbanisme

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