Édition du jeudi 1 décembre 2022

Crise énergétique
Coupures d'électricité : les maires seront prévenus trois jours à l'avance
On commence à en savoir plus sur l'organisation des « délestages », c'est-à-dire des coupures d'électricité qui, de façon de plus en plus probable, risquent de toucher le pays cet hiver. Les collectivités locales, et en particulier les maires, auront un rôle important à jouer lors de ces épisodes.

Plus les jours passent, plus il semble inéluctable que le pays va être touché par des coupures d’électricité cet hiver, résultat d’une situation inédite due à la concomitance de la crise ukrainienne et de l’indisponibilité d’une large partie des réacteurs du parc nucléaire français. Le gouvernement commence à préparer largement les esprits à cette possibilité, Enedis ayant, de son côté, déjà préparé le dossier depuis longtemps. 

Anticipation

Les choses se sont accélérées mardi, après le Conseil des ministres lors duquel la Première ministre a présenté une communication sur ce sujet : la possibilité de procéder à des délestages « ne peut être à ce jour exclue ni confirmée, et doit donc être préparée ». Le principe a été posé de coupures qui n’excéderont pas deux heures, et n’affecteront jamais un département tout entier, mais des « portions de départements ». Il va donc s’agir « d’anticiper les effets de ces coupures dans la vie quotidienne », dans la mesure où elles vont nécessairement « perturber (…) les communications téléphoniques, les transports, les écoles, etc. » Le gouvernement demande donc à tous les acteurs, notamment « opérateurs, État, collectivités territoriales et élus », de s’engager dans la préparation de cette situation. 

Une circulaire de la Première ministre a été envoyée, hier, aux préfets, pour donner de premières indications, mais elle n’a à cette heure pas encore été rendue publique. 

Coupures localisées

On sait toutefois, dans les grandes lignes, comment les choses vont se passer en cas de coupures. Si l’on entre dans une phase de grande tension sur l’approvisionnement, ce qui dépendra essentiellement de la température, le signal EcoWatt (lire Maire info du 21 octobre) passera au rouge. Dans ce cas, des mesures d’urgence pourront encore éviter les coupures : demande aux usagers de réduire au maximum la consommation, diminution de la tension de 5 % sur le réseau… En dernier recours, si cela ne suffit pas, RTE (le gestionnaire du réseau de transport d’électricité) devra déclencher des coupures, qui auront lieu entre 8 h et 13 h et entre 18 h et 20 h, « sur des zones géographiques précises », indique un document d’Enedis que Maire info a pu consulter. 

Ces délestages seront décidés par RTE mais opérés techniquement par Enedis, qui distribue l’électricité. Contrairement aux rumeurs, il faut savoir que le compteur Linky ne sera nullement impliqué dans ces coupures : les coupures seront opérées sur ce qu’on appelle les « départs » moyenne tension ou basse tension (un départ basse tension alimente environ 2000 foyers en ville et 1000 en zone rurale). En cas de coupure d’un ou plusieurs de ces départs, tous les clients qui y sont raccordés seront privés d’électricité, qu’ils soient équipés d’un compteur Linky ou non. 

Qui sera coupé et qui ne le sera pas ?

Les coupures, dans ce contexte, concerneront tout le monde : foyers, entreprises, collectivités, administrations… Le gouvernement a clairement indiqué que les réseaux de transport, les écoles, les réseaux de communication, etc., ne seront pas épargnés, ce qui va évidemment avoir des conséquences sérieuses sur le fonctionnement des infrastructures. 

Seul un certain nombre de structures définies dans un arrêté du 5 juillet 1990 sont considérées comme « prioritaires » et ne pourront être privées d’électricité. C’est le cas des hôpitaux et des Ehpad, notamment, ainsi que d’un certain nombre d’entreprises et structures intéressant la sécurité nationale. La liste de ces structures prioritaires n’est pas publique. Rappelons que les installations d’eau et d’assainissement, malgré les demandes insistantes de la FNCCR, ne sont, de façon incompréhensible, toujours pas intégrées à cette liste prioritaire, alors que la coupure de leur alimentation en électricité pourrait poser des problèmes majeurs de santé publique (lire Maire info du 20 septembre). 

Enedis n’est pas en mesure de « cibler » spécifiquement un hôpital, par exemple, c’est-à-dire de couper l’électricité dans un quartier mais de la conserver dans l’hôpital. Autrement dit, les quartiers qui abritent un hôpital ou une autre structure prioritaire seront épargnés par les coupures. Ce qui signifie, par exemple, qu’il n’y a quasiment aucun risque que la ville de Paris, du fait de la densité des établissements de santé qu’elle abrite, soit touchée par des coupures. 

Quid des personnes en risque vital ?

Un problème spécifique se pose pour les personnes dont la vie dépend de l’alimentation en électricité. C’est que l’on appelle, dans le jargon d’Enedis, les PHRV (personnes en haut risque vital) : personnes placées sous appareil respiratoire, en dialyse à domicile, enfants nourris par intraveineuse, etc. Ces patients sont au nombre de quelques milliers seulement, mais ils font évidemment l’objet d’une attention particulière. Leur foyer pourra être coupé, mais ils seront systématiquement prévenus (par SMS, appel téléphonique, etc.) en amont pour pouvoir prendre leurs dispositions. En cas de non-réponse aux messages d’Enedis, l’opérateur prévoit des visites à domicile « pour prévenir de la coupure ». 

Comment sera organisée l’information des clients ?

RTE, en lien avec les services météo, sera en mesure de prévoir un risque de coupure sur un territoire donné trois jours à l’avance. À J-2, les personnes à haut risque vital seront informées par tout moyen. La veille de la coupure, l’annonce précise des lieux sur lesquels interviendront les coupures sera faite à 18 h 30, et un communiqué de presse sera diffusé à 21 h 30. À partir de 18 h 30 donc, les clients pourront se rendre sur le site MonEcoWatt, saisir leur adresse et savoir s’ils seront touchés le lendemain (en espérant que le site sera calibré pour accueillir les centaines de milliers de connexion simultanées qui ne manqueront pas d’arriver). 

Et l’information des maires ?

À J-3, au moment où paraîtra l’annonce d’une « vigilance renforcée » par RTE, les communes éventuellement concernées par une coupure seront directement informées par les équipes régionales d’Enedis. Mais ce n’est qu’à J-1 en fin de journée que les maires sauront avec certitudes si leur commune, ou une partie de leur commune, sera touchée par un délestage. 

On ne connaît pas encore les détails des instructions envoyées hier aux préfets, mais il est déjà clair que les communes seront sollicitées dans ce dispositif, comme elles le sont lors des plans canicule ou grand froid, notamment pour apporter une attention particulière aux personnes fragiles. 

Ces coupures, dans les communes, auront des répercussions très concrètes : arrêt des réseaux de transport fonctionnant à l’électricité, impossibilité d’allumer la lumière, voire le chauffage, dans les bâtiments publics, dont les écoles, impossibilité d’utiliser les outils informatiques en mairie… Pour ce qui concerne l’éclairage public et la signalisation (feux tricolores), les choses sont moins claires : l’arrêté du 5 juillet 1990 définissant les sites prioritaires qui ne peuvent être coupés en cas de délestage inclut « les installations de signalisation et d'éclairage de la voie publique jugées indispensables à la sécurité ». Lesquelles ? On l’ignore à cette heure. 

Appels d’urgence : les maires appelés au secours

L’un des problèmes majeurs qui va se poser en cas de délestage est celui de l’accès aux numéros d’urgence. Il y a quelques semaines déjà, devant une commission du Sénat, la directrice générale d’Orange avait prévenu que « si les services mobiles sont éteints dans une zone géographique pendant deux heures, il n’y aura pas d’accès aux services de numéros d’urgence pendant un temps. » 

Selon Europe 1, qui a pu avoir accès à une version de la circulaire de la Première ministre, celle-ci confirme que dans les périmètres soumis à un délestage, « les usagers ne pourront pas joindre les services de secours (numéros d'appels d'urgence 15, 17, 18, 115, 196) ». « La téléphonie mobile et internet ne fonctionneront pas dans les zones privées d’électricité », confirmerait Élisabeth Borne dans ce texte. 

Le seul numéro qui pourrait rester joignable, dans certaines zones, est le 112, parce qu’il s’agit « d'un numéro accessible quel que soit l'opérateur, donc avec des chances bien plus élevées que l'appel soit acheminé, dès lors que la zone d'émission serait couverte par au moins un opérateur ». Les zones non couvertes par le 112 vont être identifiées dès maintenant, afin d’y prévoir, avec l’appui des maires, « des mesures palliatives ». La Première ministre demande aux préfets de solliciter les maires, pour qu’ils activent « des cellules de crise, en prévoyant en mairie ou dans des lieux prédéfinis une présence physique en capacité de relayer l'alerte aux services de secours, de santé et de sécurité, pendant la durée du délestage et de la coupure éventuelle du réseau téléphonique ». 

Par ailleurs, Matignon souhaite que soient organisées des permanences de secours, notamment dans les commissariats et les gendarmeries, « afin de prendre en compte une demande de secours d’urgence par un citoyen » qui se déplacerait physiquement. 

Il semble par ailleurs que le gouvernement envisagerait la fermeture des écoles, le matin, dans les secteurs touchés par un délestage. 

Toutes ces informations sont encore au conditionnel et doivent être confirmées. Maire info reviendra sur cette question dès la parution de la circulaire. 

 




Budget de l'état
Budget 2023 : très critique, le Sénat réajuste les dotations consacrées aux collectivités    
Pointant un « climat de défiance » entre l'État et ses territoires, les sénateurs ont accueilli fraîchement la toute nouvelle ministre chargée des Collectivités. Ils reprochent notamment au gouvernement de vouloir supprimer le critère de la longueur de voirie sur la dotation de solidarité rurale.

« Bienvenue dans la chambre des territoires, madame la ministre ! Ce soir, vous repartirez armée... Les élus locaux sont inquiets. » Accueillie à la chambre haute par la sénatrice d'Ille-et-Vilaine Françoise Gatel (Union centriste), la toute nouvelle ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, a pu prendre la mesure de son nouveau portefeuille, hier, en venant défendre un budget qui ne lui a été attribué que 48 heures plus tôt, en remplacement de Caroline Cayeux

« Les collectivités territoriales ne sont pas une caisse de charité ni un problème, mais une solution », lui a d’ailleurs d’emblée rappelé l’élue bretonne, avant que les sénateurs adoptent cette « mission », en première lecture, en y intégrant toute une série d’ajouts concernant aussi bien la dotation d’intercommunalité, la DETR ou encore la Dsil. En attendant l’examen de l’article consacré aux « contrats de confiance », qui prévoit d’imposer un encadrement des dépenses de fonctionnement, le sénateur centriste de Haute-Savoie Loïc Hervé a dénoncé un « inutile climat de défiance ».

Baisse du budget

Rappelant la baisse de plus de 630 millions d’euros des crédits consacrés au budget des collectivités, le rapporteur spécial Claude Raynal (PS) a pointé une « diminution en autorisations d'engagement », conséquence « d'un effet de périmètre, avec l'extinction de dispositifs ponctuels et la non-reconduction d'abondements exceptionnels ». Or, « l'inflation a atteint un niveau historique en 2022 et devrait se poursuivre en 2023 », a appuyé, de son côté, l'autre rapporteur Charles Guené (LR) prévenant d’un « effet ciseau » attendu l’an prochain qui « pourrait engendrer un repli de l'autofinancement et de l'investissement des collectivités ».

Assurant d’un « soutien sans faille aux élus locaux et aux territoires face à des défis inédits », Dominique Faure a souligné que « cette mission démontre que l'État accompagne toutes les collectivités territoriales à la fois dans l'urgence, mais aussi à long terme, sans en laisser aucune de côté ». « L'État est au rendez-vous […] nous avons trouvé le bon équilibre », a fait valoir la ministre, listant le filet de sécurité, le bouclier tarifaire, l'amortisseur électrique, mais aussi l'augmentation « inédite » de 320 millions d'euros de la DGF. 

Sur ce point, on peut noter l’amendement du sénateur centriste de l’Eure Hervé Maurey qui prévoit d'« augment[er] la dotation aux communes rurales » en réduisant « l’inégalité » existant entre elles et les communes urbaines dans la répartition de la DGF. Cette mesure porterait ainsi « la dotation versée aux communes de moins de 500 habitants de 64 euros à 96 euros, pour tout nouvel habitant ».

DSR : « Pour relier une ferme au bourg, il y a des routes ! »

Mais c’est un sujet beaucoup plus terre-à-terre, bien que financier, qui a particulièrement irrité les sénateurs : la dotation de solidarité rurale (DSR). Et plus précisément, la suppression annoncée par le gouvernement du critère de voirie dans le calcul de répartition de cette dotation, pour le remplacer par un indicateur « extrêmement compliqué » qui « pénaliserait les petites communes rurales ». « Prendre en compte le critère de densité de population revient à favoriser les communes les plus urbanisées », a déploré Patrice Joly, sénateur socialiste de la Nièvre.

« Madame la ministre, pardonnez-moi, mais on ne va pas vous décrire ce qu’est la ruralité ! », a tonné Françoise Gatel, suivie sur ce point par nombre de sénateurs. « Est-ce qu’on peut se parler en français ? […] La ruralité se caractérise par un habitat dispersé, très étendu, parce qu’il y a des fermes. Et donc pour rejoindre la ferme au bourg, il y a des routes », a rappelé, exaspérée, la sénatrice d’Ille-et-Vilaine, estimant que le « seul critère sur la DSR qui est vraiment rural, c’est la longueur de voirie. Plus vous êtes petit, plus vous [en] avez, et il n’y a aucune subvention sur la voirie ». 

Ce « bricolage » masquerait ainsi, à ses yeux, « un vice caché » dans une dotation « ciblée et claire ». « C’est tellement flou qu’il y a plusieurs loups dans cette affaire », a-t-elle renchéri, ajoutant : « La voirie dépend de la déclaration des élus ruraux, mais, madame la ministre, ils sont allés à l’école les maires ruraux, ils savent mesurer une longueur de voirie ! Si l’administration n’a pas confiance, qu’elle envoie un contrôleur ! »

Résultat, le critère de voirie a été réintroduit par les sénateurs, avec un avis défavorable du gouvernement. 

DETR et Dsil : le « caractère écologique » d’un projet supprimé

Sur la question des dotations d’investissement, les sénateurs ont également adopté plusieurs amendements visant la DETR et la Dsil, mais là aussi avec l’avis défavorable du gouvernement. Ils pourraient donc ne pas être retenus dans la version définitive du texte.

Ils ont ainsi rejeté l’ajout d’un nouveau critère fondé sur le caractère écologique des projets dans la détermination par les préfets du taux de subventionnement des attributions de DETR et de Dsil. « Particulièrement vague », il pourrait s’avérer « inopérant », selon les auteurs de l’amendement.

La chambre haute a également mis fin à une « doctrine purement administrative » en fixant « un principe législatif selon lequel une collectivité territoriale ne peut se voir exclure du bénéfice d’une dotation d’investissement au seul motif qu’elle ne s’inscrirait pas dans une démarche contractuelle ou partenariale impulsée par l’État ».  

Alors que « certaines communes se voient refuser le bénéfice de la DETR au motif que le coût de leur projet n’est pas suffisamment élevé », les sénateurs ont décidé d’interdire aux préfets de fixer « un montant minimal de dépenses subventionnables en-dessous duquel les communes ne peuvent solliciter » la dotation.

Ils ont également choisi de recentrer l'éligibilité à la DETR sur les communes denses ou très peu denses, de l’exclure pour les communes membres de métropoles, tout en renforçant « l’information des membres de la commission DETR sur les demandes de subvention éligibles mais finalement non retenues ».

Autant de modifications qui n’ont donc pas trouvé l’aval de l’exécutif.

Déplafonnement de la dotation d’intercommunalité

Le gouvernement s’est toutefois prononcé favorablement – ou a laissé au Sénat « la sagesse » de décider – sur plusieurs autres amendements, ceux-ci ayant donc des chances d’être maintenus dans la version finale du budget 2023.

Le déplafonnement, pour l’année 2023, de la dotation d'intercommunalité pour les intercommunalités les plus fragiles a ainsi été validé « afin de réduire l’écart de dotation d’intercommunalité par habitant ». Mais sous certaines conditions : être une communauté de communes, regrouper moins de 20 001 habitants et remplir des critères de potentiel fiscal et de dotation par habitant définis. « 54 communautés de communes » seraient ainsi concernées. À noter également, l'adoption d'une garantie de non-baisse de la dotation d'intercommunalité en 2023 et 2024, qui n'a cependant pas reçu d'avis favorable de la part de l’exécutif.

Autre garantie, cette fois soutenue par ce dernier, celle du maintien de la DPEL à toutes les communes nouvelles et pas seulement celles déléguées. 

En outre, le Sénat a décidé de fixer à 3 000 euros le plancher d’attribution au titre de chacune des fractions de la dotation « biodiversité ». Cet amendement confirme également l’élargissement, déjà adopté à l’Assemblée nationale, au profit des communes hors zone de cœur, et signataires de la charte d’un parc national. « L’objectif est d’assurer une égalité de traitement entre toutes les communes situées dans un parc national et de poursuivre le mouvement de verdissement des concours financiers de l’État aux collectivités locales », selon l’exposé des motifs de l’amendement

Afin de financer ces mesures d’élargissement, l’amendement s’accompagne d’une augmentation des crédits de la dotation « biodiversité », à hauteur de 7,3 millions d’euros.

Consulter le PLF 2023.
 




Éducation
Un rapport pointe le manque de « co-construction » entre État et collectivités en matière d'éducation 
L'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR), vient de rendre un rapport sur « l'articulation des compétences des collectivités territoriales et de l'État » dans les politiques de l'enfance et de l'éducation. Ce rapport conclut clairement que les collectivités doivent avoir un rôle accru dans la gouvernance de la politique éducative. 

Ce rapport est en réalité terminé depuis plusieurs mois (il a été remis au gouvernement en mars), mais il vient seulement d’être rendu public. 

Quarante ans après les grandes lois de décentralisation, l’articulation entre l’État et les collectivités territoriales dans le domaine de l’éducation n’a encore trouvé ni « son équilibre institutionnel » ni « sa maturité opérationnelle », constatent les auteurs du rapport, et elle fait encore l’objet de « divergences d’approche ». 

Les collectivités ne veulent plus être des « prestataires »

Le rapport décrit des procédures administratives qui rendent la coopération entre État et collectivités « complexe et peu lisible ». Les collectivités, qui se sont vu confier de nombreuses responsabilités de gestion des établissements, se sentent trop souvent cantonnées au rôle de simples « prestataires », alors qu’elles souhaitent « participer à la définition des projets éducatifs et à leur conception ». Face à cette volonté, l’État, écrivent les rapporteurs, fait preuve d’une excessive « prudence vis-à-vis d’un rôle plus prégnant des collectivités ».

Toutefois, les choses ont commencé à changer avec la volonté de l’État d’initier des dispositifs de gouvernance partagée (cités éducatives dans les quartiers politique de la ville, Territoires éducatifs ruraux, Projets éducatifs de territoire). 

La mission estime que « les collectivités ont largement pris leur place dans le paysage et particulièrement en termes d’investissements », mais qu’elles ne se satisfont pas, globalement, de l’articulation avec les services de l’État, qui apparaît « encore imparfaite, parfois instable et en attente des décisions de fond qui permettraient d’appliquer réellement le principe de libre administration ». 

Zoom sur les PEDT

Le rapport aborde de façon approfondie de nombreux sujets : périscolaire, numérique, question du bâti scolaire, éducation populaire, PEDT… Ce chapitre sur les PEDT est intéressant, dans la mesure où il permet de faire le point sur le dispositif, qui patine clairement. Seulement un quart des communes qui disposent d’une école publique ont un PEDT, avec une « baisse continue » du nombre de ces communes depuis 2018, avec le retour à la semaine de quatre jours. En particulier, les rapporteurs notent que « les PEDT tendent à devenir plus mono-communaux que pluri-communaux. Les communes les plus rurales qui s’inscrivaient souvent dans un PEDT intercommunal ont renoncé plus que les autres à la démarche. » 

La démarche PEDT a aussi été victime « d’un manque de budget », soulignent les rapporteurs, avec un État qui « s’est progressivement désengagé au profit des collectivités ».

Co-construction

Dans leurs préconisations, les rapporteurs concluent à la nécessité de mettre en place une véritable co-construction entre État et collectivités. Ils appellent à revoir le fonctionnement et l’architecture des instances de concertation – rappelant au passage que depuis 2013 et la suppression du Conseil territorial de l’Éducation nationale (CTEN), « il n’existe plus d’instance officielle de dialogue entre le ministère et les associations d’élus ». Dans les instances où siègent encore les élus, notamment le Conseil supérieur de l’éducation (CSE), leur avis est peu entendu – ils y sont d’ailleurs sous-représentés, puisque sur 100 membres, 12 seulement sont des représentants des collectivités locales. Le CSE est uniquement consultatif, et les rapporteurs notent que les textes qui y sont discutés ne sont quasiment jamais modifiés, même quand les élus s’y opposent – voire quand le Conseil rend un avis négatif. 

La liste des préconisations de la mission donne donc une place essentielle à cette question de la « co-construction ». Il est notamment proposé de « refondre les instances nationales, académiques et locales », en donnant aux instances territoriales « une fonction de co-construction des projets éducatifs locaux ». « Pour qu’une articulation efficace entre l’État et les collectivités territoriales puisse s’installer dans la durée, il convient de définir, au niveau national, un nouveau type de concertation et des instances de gouvernance dans lesquelles les acteurs impliqués selon leurs compétences respectives seront représentés », concluent les rapporteurs. 

Cette problématique de la gouvernance est prise en compte par Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, qui a installé une instance informelle de dialogue entre le ministère et les associations nationales d’élus, dont la première séance s’est tenue le 22 septembre. Un des axes de réflexion porte notamment sur les instances de concertation locales (CAEN, CDEN…). 




Chasse
La proposition de loi limitant l'engrillagement des espaces naturels est en passe d'être adoptée
Hier, la commission des affaires économiques du Sénat a adopté en deuxième lecture la proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée. Son adoption définitive est attendue pour 2023.

« Un fléau ». Voilà comment le sénateur Laurent Somon,  rapporteur de la proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée, qualifie l’installation de grillages qui se multiplie. C’est en Sologne que cette réalité est la plus visible. Environ 4 000 kilomètres de clôtures entravent actuellement la circulation des animaux. 

Cette pratique s’est amplifiée depuis les années 1990, que cela soit pour chasser ou protéger des parcelles privées. La principale raison selon le rapporteur :  « La désagrégation des relations sociales traditionnelles qui animaient les campagnes » et  « une perte de savoir-vivre ensemble. » En matière de chasse, la prolifération « des enclos derrière des clôtures de plus de 1,80 mètre de haut et enterrées de plusieurs dizaines de centimètres » est aussi largement mis en cause. 

Bérangère Abba, alors secrétaire d'État chargée de la Biodiversité, avait soutenu cette proposition de loi. « Ruptures de continuités écologiques, problèmes sanitaires, absurdité des lâchers quand on sait nos besoins de régulation et que dire de l’éthique de ces chasses qui n’en sont pas. Oui, ces pratiques doivent cesser », avait-elle déclaré sur Twitter en décembre 2021. 

Presque un an plus tard, le texte a reçu l'approbation unanime du Sénat le 10 janvier 2022 et de l'Assemblée nationale le 6 octobre dernier. Après quelques modifications, hier, la commission des affaires économiques du Sénat a adopté en deuxième lecture la proposition de loi de Jean-Noel Cardoux. 

Les risques de l’engrillagement 

Encadrer l’installation de ces clôtures devient une urgence. Déjà, c’est une priorité pour assurer la sécurité dans les territoires car « en cas d’incendie de forêt, les parcelles sont inaccessibles aux pompiers ». Avec la multiplication des incendies en France, comme cela a été constaté cet été, la régulation de l’engrillagement est un sujet d’actualité. 

La multiplication des clôtures pose aussi problème « en matière de sécurité sanitaire du fait de l’importation et de la concentration d’animaux et des risques que cela présente pour les élevages français » et présente un risque de destruction de la faune et de la flore car ces grilles « conduisent au piétinement des sols. »

Ces grillages sont aussi régulièrement pointés du doigt par les promeneurs et habitants qui les accusent de défigurer les paysages des campagnes. Le rapporteur pointe le risque pour « le développement du tourisme rural, de nombreux chemins ruraux étant bordés de hauts grillages. Certains chemins communaux sont même barrés par des grilles canadiennes (1) tellement espacées qu’elles présentent un danger pour les cavaliers, les vélos et les enfants. »

Interdictions et contrôles  

La proposition de loi impose que les clôtures soient désormais « posées 30 centimètres au-dessus de la surface du sol », et limitées à 1,20 mètre de haut. Ainsi, elles ne constituraient pas un danger pour la faune ou la flore. Le texte permet aussi aux agents de l’OFB de contrôler l’intérieur de ces espaces clos et les agents assermentés des fédérations pourront constater la non-conformité des clôtures. 

Quelques modifications sont intervenues à l’Assemblée nationale notamment l’élargissement de ces dispositions « à toutes les zones naturelles et forestières définies par les plans locaux d’urbanisme (PLU) ». Des exceptions sont prévues dans le texte notamment pour les parcelles agricoles, les clôtures d’intérêt public ou celles nécessaires à la défense nationale, à la sécurité publique, à la protection des jardins ouverts au public et des sièges d’exploitations agricoles ou forestières. En contrepartie de cette obligation d’abaissement des clôtures, une contravention de 4e classe « pour toute pénétration non-autorisée dans une propriété » est prévue dans ce texte.  

Le délai de mise en conformité des clôtures existantes a aussi été modifié et réduit de 7 ans à 4 ans, « ce qui paraît suffisant notamment pour réguler les animaux qui pourraient être relâchés », selon le rapporteur du texte. L’année 2027 est donc la nouvelle date butoir. Concernant la rétroactivité de la loi, les clôtures installées à partir de 1993 seront concernées, les députés et sénateurs ayant retenu la « prescription trentenaire ». 

Interdiction d’agrainage et d’affouragement

Si toutes les modifications adoptées par l’Assemblée nationale ont été approuvées par la commission, un article a néanmoins fait l’objet d’une modification. Les députés ont en effet voté l’interdiction de l’agrainage et l’affouragement (2) dans les enclos, à l’exception des enclos scientifiques en octobre dernier. 

Selon le rapporteur, « cette interdiction générale est illogique puisqu’elle s’appliquerait aussi bien aux espaces clos de manière étanche qu’à ceux ouverts à la faune. Ces derniers doivent être soumis au droit commun de la chasse comme le reste des espaces complètement ouverts pour éviter les dégâts aux cultures. » Un amendement a donc été déposé pour interdire ces pratiques « uniquement dans les espaces hermétiquement clos laissant au gouvernement le soin de préciser les exceptions. » 

Pour rappel, conformément aux dispositions de l'article L425-5 du code de l'environnement, l’agrainage et l’affouragement sont actuellement autorisés dans des conditions définies par le schéma départemental de gestion cynégétique.

Pour Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, « ce texte a réussi à rassembler députés et sénateurs et le gouvernement derrière un objectif commun de protection de nos espaces naturels pour mettre fin à des pratiques d’engrillagement et de chasse artificialisée néfastes. Cet assentiment des deux assemblées doit permettre une application rapide de la loi dès 2023 après le vote solennel du Sénat attendu le 6 décembre ».

(1) Grilles posées horizontalement au sol, au-dessus d'une fosse, permettant de barrer le passage aux bovins ou au cervidés.

(2) Pratique consistant à nourrir des animaux sauvages, dans leur environnement naturel ou anthropisé, avec du grain ou du fourrage. 




Santé publique
Mouvement de grève rarissime des médecins libéraux 
« Un coup de semonce », voire le combat de « la dernière chance pour sauver la médecine de terrain » : médecins et biologistes libéraux sont appelés à fermer cabinets et laboratoires jeudi et vendredi, les uns pour réclamer des hausses de tarifs, les autres pour éviter une ponction de leurs bénéfices. Pour la première fois depuis 2015, un très large front syndical appelle à la grève pour faire pression sur l'exécutif.

Ce « mouvement historique » a été initié par le jeune collectif Médecins pour demain, qui a rassemblé en quelques semaines près de 15 000 membres sur Facebook, symptôme d’une colère qui se répand parmi les 110 000 praticiens libéraux en exercice.

Avec pour revendication le doublement du tarif de la consultation – de 25 à 50 euros –, ce groupe a rallié les syndicats à sa cause. Ceux-ci y voient un moyen de peser dans la négociation ouverte avec l’Assurance maladie en vue d’un nouvel accord pour les cinq prochaines années.

« Cinquante euros, ça peut paraître complètement fou, mais c’est un point sur l’horizon pour s’approcher de la moyenne européenne » du tarif de consultation, autour de 45 euros, fait valoir Jérôme Marty, du syndicat UFML.

La hausse des tarifs est présentée par les syndicats comme une nécessité pour créer un « choc d’attractivité » vers une médecine de ville écrasée par les tâches administratives au détriment du soin, et qui n’attire plus les jeunes.

Même si toutes les organisations n’appellent pas à la grève, à l’image de SOS Médecins et du syndicat des pédiatres mobilisés sur le front de l’épidémie de bronchiolite, « des milliers de cabinets médicaux seront fermés », assure Médecins pour demain.

Un rassemblement est prévu à Paris près du ministère de la Santé à 14 heures.

Une vingtaine d’actions sont annoncées dans d’autres grandes villes, devant des caisses d’assurance maladie, des agences régionales de santé, des centres de transfusion sanguine. 

« Stress »

Au-delà du sujet financier, les médecins s’inquiètent pour leur liberté d’installation, de plus en plus remise en question, notamment au Parlement où s’accumulent les propositions de loi sur les déserts médicaux. Ils sont vent debout contre l’éventualité que certains infirmiers puissent être autorisés à prescrire. L’union sacrée s’étend aux internes de l’Isni, toujours mobilisés contre l’ajout d’une dixième année d’études pour les futurs généralistes.

À la veille de la grève, l’Assurance maladie a écrit aux praticiens pour « réaffirmer le rôle central du médecin généraliste traitant dans le parcours de soins ». Sans s’engager sur un montant, elle s’est dite prête « à revaloriser les tarifs des actes et consultations », dans un courrier de son directeur général, Thomas Fatôme.

Mais il n’est pas certain que ce message d’apaisement entame la mobilisation, qui a reçu le soutien de l’Ordre des médecins, et qui pourrait rebondir au moment délicat des fêtes de fin d’année. « Si nous ne sommes pas entendus, nous appellerons à la grève dure et illimitée à partir du 26 décembre », prévient déjà Médecins pour demain.

Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a indiqué jeudi sur BFMTV souhaiter laisser « l’Assurance maladie travailler avec les syndicats ». Mais il a dit comprendre « parfaitement le stress, voire la détresse dans laquelle se trouvent un certain nombre de nos médecins parce qu’ils sont crevés, parce qu’ils sont tout seuls ».

Son successeur au ministère de la Santé, François Braun, est « à l’écoute des médecins libéraux et les incite à s’engager dans la négociation avec l’Assurance maladie afin d’identifier des solutions concrètes », assure son entourage. Il sera cependant « particulièrement attentif, pendant cette journée de mobilisation, à ce que la continuité des soins des Français soit assurée », prévient son cabinet. Des réquisitions sont possibles.

Les médecins ne sont pas seuls dans ce mouvement, qui concerne aussi les biologistes libéraux. Pointés du doigt pour leurs profits records liés aux tests covid-19, les laboratoires refusent mordicus la ponction de 250 millions d’euros par an sur les autres examens, inscrite dans le budget de la Sécurité sociale.

Ce secteur a annoncé non pas deux mais trois jours de mobilisation, de jeudi à samedi.






Journal Officiel du jeudi 1 décembre 2022

Ministère du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion
Arrêté du 28 novembre 2022 habilitant les territoires pour mener l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée »
Ministère de la Transformation et de la Fonction publiques
Arrêté du 30 novembre 2022 modifiant l'arrêté du 9 mars 2022 portant dérogation à l'utilisation du vote électronique en vue du prochain renouvellement général des instances de dialogue social dans la fonction publique de l'Etat
Première ministre
Décret n° 2022-1489 du 30 novembre 2022 relatif à l'entrée en vigueur immédiate d'un arrêté

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