Édition du jeudi 22 septembre 2022

Fonction publique territoriale
Tendances RH des collectivités 2022 : difficultés de recrutement et manque d'attractivité
Les employeurs territoriaux ont présenté, ce 21 septembre, la 7e édition du Baromètre HoRHizons 2022 qui dévoilent les grandes tendances des collectivités en matière de ressources humaines. Cette étude confirme les tensions sur le recrutement. Les élus locaux déplorent l'étau qui se resserre cette année entre l'explosion des dépenses et le besoin impérieux d'attirer les candidats dans la FPT.

« Nous avons besoin de nouvelles perspectives salariales pour revaloriser nos agents, mais comment pouvoir agir dans un contexte inflationniste ? », a posé la secrétaire générale de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, Murielle Fabre, maire de Lampertheim (67), lors de la présentation de la 7e édition du Baromètre HoRHizons RH 2022 (voir méthodologie ci-dessous), mercredi 21 septembre. «Nous avons besoin de pouvoir agir dans le domaine des nos ressources humaines », a-t-elle insisté ! 

Le Baromètre HoRHizons 2022, réalisé pour l’AMF, les Départements de France, Régions de France, le CNFPT et la FNCDG, révèle que les collectivités gèrent principalement leurs ressources humaines «en réponse à la raréfaction des ressources financières et des moyens (pour 69,4 % des répondants) et aux contraintes normatives (pour 50,6 % des répondants) ». L’inflation, l’explosion des dépenses d’énergie, mais aussi toutes les revalorisations salariales nationales de ces derniers mois «pèsent sur le chapitre 12 de nos dépenses, à savoir les charges de personnel », a expliqué Murielle Fabre. Le seul point d’indice va coûter aux collectivités 1,13 milliard d’euros cette année et 2,3 milliards par an... 55 % des répondants indiquent que leur masse salariale est en augmentation (+ 24 % par rapport à la précédente édition du baromètre)... Certains postes de dépenses varient à la hausse automatiquement comme, par exemple, le glissement-vieillesse technicité (GVT) qui reflète à effectif constant la hausse des rémunérations liée à l’ancienneté des agents et à leur promotion.

Besoin de recruter

« Or, nous avons besoin de développer l’attractivité de la fonction publique territoriale : les collectivités ont besoin de recruter, assure Murielle Fabre. Pourtant elles n’y arrivent pas. » Pourquoi recruter ? En raison essentiellement des départs (pour 48,8 % des répondants). C’est pourtant 5,9 % de moins qu’en 2022. L’autre raison avancée est la création de poste (15,6%) ou les deux (remplacement et création de poste) pour 35,7 % des répondants. «Nous avons les départs à la retraite, mais aussi de nouvelles demandes de services publics de la part de la population (qui augmente) auxquelles il faut répondre, et les métiers en tension beaucoup plus nombreux qu’il y a quelques années », précise Murielle Fabre. 49,2 % des répondants envisagent donc de recruter prochainement. C’est 5 points de plus par rapport à 2020 et + 11 % par rapport à 2019.

Gérer le quotidien

Il y a nécessité de recruter pour gérer en premier lieu le quotidien. Les collectivités vont créer des postes dans les services techniques (48 %), dans les domaines de l’enfance, l'éducation, la jeunesse (31 %), de l’aménagement et du développement (19,2 %). Le développement durable n’apparaît qu’en sixième position (13,3 %). Les transitions écologiques, énergétiques, digitales avec une adaptation à venir des services publics locaux n’influencent la gestion des RH des collectivités que pour 26,1 % des répondants (- 5,5 % par rapport à 2020). À l’heure du changement climatique, les collectivités jugent donc qu’il y a plus urgent pour répondre aux besoins de leur population ! Un indicateur sur l’état du pays qui mériterait peut-être d’être analysé plus en profondeur… 

Peu de marges de manœuvre pour développer l’attractivité

Les marges de manœuvre des collectivités pour développer l’attractivité de la fonction publique territoriale restent minces. Olivier Richefou, président du département de la Mayenne, vice-président de l'Assemblée des départements de France et président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, constate un recours de plus en plus fréquent "à l'intérim pour faire venir des professionnels dans le champ social comme par exemple dans les maisons de l'enfance, et aux cabinets de recrutement. Ce n'est pas forcément une bonne nouvelle. Cela signifie que notre système ne pourvoit plus suffisamment [de postes]". Le régime indemnitaire, c'est important, mais il est temps de passer à autre chose. Le protection sociale complémentaire constitue un élément d'attractivité".

De l’aveu de François Deluga, trésorier de l’AMF, maire du Teich (33) et président du CNFPT, «nous sommes au taquet de ce qu’il est possible de faire. Notre inflation est beaucoup plus forte que celle impactant les citoyens car nous achetons beaucoup de choses comme, par exemple, le bois : elle atteint 10 % ! Dans ce contexte, il ne nous reste plus beaucoup de leviers, sachant que ce qui fonctionne pour attirer des candidats, c’est la rémunération, la protection sociale complémentaire (PSC), la promotion et l’image. En matière de régime indemnitaire et de promotion, on ne peut plus faire davantage. Il nous reste la formation et l’accompagnement des agents dans leurs parcours et transitions professionnelles ». Les collectivités semblent l’avoir compris, puisque 88 % des répondants font du développement de la formation et des compétences des agents un des axes prioritaires de leur stratégie RH.

Outre les salaires et les parcours professionnels, Michel Hiriart, président de la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG), voit aussi dans « le logement, un autre sujet sur lequel les collectivités doivent travailler pour développer l'attractivité de la FPT. Le secteur privé rencontre également des difficultés de recrutement », a-t-il souligné, ce qui accentue la concurrence. "Nous devons aussi revoir le système des promotions. La FPT promeut un agent quand elle en recrute trois. Nous devrions au moins être sur du deux recrutements pour un promu. Les contractuels devraient aussi pourvoir en bénéficier. La promotion fait partie de l'attractivité ! "

L’apprentissage est un autre axe qui fonctionne bien pour faire entrer des jeunes dans la FPT. Le nombre de contrats est estimé à 22 500 dans la FPT en 2022. Les premières estimations tablent sur 24 000 pour 2023. Or, son financement (cotisation de 0,1 % de la masse salariale versée au CNFPT par chaque collectivité) ne couvre pas les frais pour les années à venir, «le dispositif ayant été prévu pour 16 000 apprentis », rappelle François Deluga. 

En revanche, le télétravail ou le temps de travail ne constituent pas des arguments. Seulement 34,5% des répondants ont établi un protocole de télétravail et 5,3 % ont engagé une démarche pour en élaborer un. Il s’agit surtout des plus grandes collectivités. « Mais elles n’iront pas beaucoup plus loin que deux jours par semaine », prévient François Deluga. Concernant le temps de travail, la question des 1 607 heures semble bel et bien réglée. 83,4 % affirment que leur collectivité répond à cette obligation.




Marchés publics
Inflation : de nouvelles précisions sur les possibilités de modification a posteriori des contrats publics
Bercy vient de publier une note très détaillée sur les possibilités de modifier certaines conditions des contrats de commande publique, dans le contexte de hausse des prix et de difficultés d'approvisionnement.

Depuis un an que les prix ont commencé à s’envoler, la question se pose : que faire lorsqu’un contrat public a été conclu avant cette poussée inflationniste et que, par la suite, son exécution est mise en difficulté parce que les prix ont explosé entretemps ? 

Faute de jurisprudence et de textes législatifs précis sur ce point, le gouvernement a saisi le Conseil d’État pour connaître « les possibilités offertes par le droit de la commande publique pour modifier les conditions financières et la durée des contrats de la commande publique pour faire face à des circonstances imprévisibles, ainsi que leur articulation avec la théorie de l’imprévision ». 

Rappelons (lire à ce sujet Maire info du 4 avril) que la théorie de l’imprévision prévoit que lorsque survient « un événement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l'équilibre du contrat », il est possible de verser une indemnité au fournisseur. 

Circonstances imprévisibles

Le Conseil d’État a rendu sa réponse, très attendue, vendredi dernier, et la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie a aussitôt réalisé une fiche sur le sujet

Très technique, ce texte d’une vingtaine de pages tire les conclusions pratiques de l’avis du Conseil d’État pour les acheteurs publics. Avec deux enseignements majeurs : « Le Conseil d’État admet que les parties à un contrat de la commande publique puissent, dans certaines conditions et limites, procéder à une modification des clauses financières pour faire face à des circonstances imprévisibles » ; et que « le cocontractant a droit à une indemnité sur le fondement de la théorie de l’imprévision ». 

Sans entrer dans les détails extrêmement pointus évoqués dans la note de la DAJ, on peut résumer les choses ainsi : en principe, il n’est pas possible de modifier a posteriori un prix définitif dans un contrat public. Mais ce principe souffre des exceptions prévues par le Code de la commande publique, et notamment les modifications pour « circonstances imprévisibles » et « les modifications de faible montant ». 

Si des circonstances « que l’acheteur ne pouvait pas prévoir » le rendent nécessaire, une modification de la forme du prix fixée dans le contrat est possible, « dans le but de compenser les surcoûts imprévisibles supportés par le cocontractant », a rappelé le Conseil d’État. Ceci dans des conditions très précises : les circonstances doivent être imprévisibles « dans leur principe ou leur ampleur » au moment où le contrat a été passé ; et la modification doit être proportionnée, « dans le montant comme dans la durée ». Il est par exemple impossible que cette modification des prix conduise à « dépasser le surcoût effectivement subi par le cocontractant ». 

La DAJ précise par ailleurs que la situation doit être appréciée « au regard de l’équilibre financier du contrat » lui-même et pas « au regard de la situation financière globale » du fournisseur. Ce point est important : cela implique que même si un fournisseur est en excellente santé et fait des bénéfices importants à l’échelle nationale, il est tout de même en mesure de réclamer une modification d’un contrat avec une collectivité si « l’équilibre financier » de celui-ci est menacé.

Le cocontractant devra, dans tous les cas, fournir tous « les documents probants attestant de la réalité et de l’étendue des surcoûts supportés ». 

Dernière règle à retenir : le montant de la modification pour circonstances imprévisibles ne peut en aucun cas dépasser « 50 % de la valeur du contrat initial », pour les marchés et concessions passés par les pouvoirs adjudicateurs.

Modifications de faible montant

Il est également possible, a rappelé le Conseil d’État, de procéder à des modifications dites « de faible montant », « librement négociées » entre les cocontractants et sans qu’il soit nécessaire pour cela de démontrer « un bouleversement de l’équilibre du contrat ». Ces modifications peuvent s’effectuer sans procédure de publicité ni de mise en concurrence « lorsque le montant de la modification est inférieur aux seuils européens et à 10 % du montant du contrat initial pour les marchés de services et de fournitures et pour les contrats de concession ou 15 % du montant initial pour les marchés de travaux ».

Indemnité pour imprévision

Le Conseil d’État a également donné des précisions sur l’indemnité que peut réclamer le fournisseur dans le cadre de la théorie de l’imprévision. Point à retenir : la modification du contrat détaillée plus haut n’exclut pas le versement d’une telle indemnité, dès lors que le titulaire du contrat peut prouver le bouleversement économique du contrat.

Le versement de cette indemnité visant à « compenser les charges extracontractuelles » peut être décidée par « une convention d’indemnisation » entre les deux parties ou établie par un juge administratif en cas de désaccord entre les cocontractants.

En second lieu, le Conseil d’Etat considère que les parties peuvent conclure, sur le fondement de la théorie de l’imprévision, une convention d’indemnisation dont le seul objet est de compenser les charges extracontractuelles subies par le titulaire ou le concessionnaire en lui attribuant une indemnité, afin qu’il puisse poursuivre l’exécution du contrat pendant la période envisagée. Celle-ci ne peut être que temporaire et la convention doit précisément la fixer. La convention d’indemnisation, qui permet de maintenir un certain équilibre contractuel en indemnisant l’opérateur économique qui, malgré la situation tout à fait exceptionnelle à laquelle il est confronté, poursuit la prestation initialement prévue, n’a ni pour objet ni pour effet de modifier les clauses du marché ou du contrat de concession ni les obligations contractuelles réciproques des parties, ni d’affecter la satisfaction des besoins de l’autorité contractante, qu’elle vise précisément à préserver.

Dès lors, cette convention d’indemnisation, de même d’ailleurs qu’une décision unilatérale de l’autorité administrative fournissant une aide financière pour pourvoir aux dépenses extracontractuelles afférentes à la période d’imprévision, ne peut être regardée comme une modification d’un marché ou d’un contrat de concession au sens des dispositions du 3° des articles L. 2194-1 et L. 3135-1 et de celles des articles R. 2194-5 et R. 3135-5 du code de la commande publique.

Le versement de cette indemnité visant à « compenser les charges extracontractuelles » peut être décidée par convention entre les deux parties ou imposée par un juge administratif, « en l’absence d’accord avec l’administration ».

Le Conseil d’État a enfin rappelé que « la fin d’un contrat ne fait pas obstacle à l’octroi d’une indemnité d’imprévision » : pour les juges, « le bouleversement de l’économie du contrat par suite de circonstances imprévisibles peut n’être établi qu’après complète exécution du marché et que l’indemnité due éventuellement aux entrepreneurs à raison des charges extracontractuelles qu’ils ont eu à supporter peut être utilement réclamée par ces derniers qu’après notification du décompte général et définitif. » 

Ces dispositions ne sont pas nouvelles, et le Conseil d’État ne fait qu’apporter des précisions sur la lecture du Code de la commande publique. Elles apportent, certes, une sécurité aux entreprises contractantes, mais risquent de se traduire par des surcoûts importants – et, eux aussi, imprévisibles – pour les acheteurs publics et notamment les collectivités qui, elles, ne bénéficient d’aucune aide pour les compenser.




Finances locales
Finances locales : ce que pourrait réserver l'année 2023
Si la fiscalité locale devrait rester « globalement dynamique » l'an prochain, l'inflation et les diverses revalorisations continueront, sans guère de doute, d'impacter les budgets des collectivités. « La fin de mandat pourrait être perturbée par des réformes financières et fiscales importantes », estime La Banque postale, dans sa dernière note de conjoncture.

Après avoir retrouvé des marges de manœuvre au sortir de la crise sanitaire, après une année 2022 d'ores et déjà marquée par l’inflation et une hausse des coûts jamais vue « depuis 15 ans », que peuvent attendre les collectivités de l’année 2023 ? 

Dans un focus consacré à cette question et intégré à sa note de conjoncture, La Banque postale a tracé quelques perspectives pour l’année 2023 et les années à venir, sur la base des éléments déjà connus. 

Inflation et revalorisations

Si le millésime 2022 est « l’année d’une inflation record » depuis près de 40 ans (estimée à + 5,8 %), les conséquences de la hausse des prix devraient encore, sans surprise, largement perturber les budgets locaux l’an prochain. Au grand dam des collectivités puisque l’inflation est toujours attendue en progression, à hauteur de 4,7 %.

Et celle-ci serait accompagnée d’une série de revalorisations. Notamment celle « de nombreux contrats » - que ce soit de prestations de services, d’achat d’électricité et de gaz notamment - ou « des contributions à d’autres organismes » - tels que les établissements d’enseignement, les CCAS, les Sdis ou encore les associations - qui est regardée avec attention, mais « paraît difficilement évitable », souligne La Banque postale. 

En outre, les revalorisations du point d’indice (en juillet 2022) et du RSA (d’avril et de juillet 2022) devront être absorbées en année pleine à compter de 2023 et « impacteront les dépenses d’action sociale sans préjudice des décisions à intervenir au cours de l’année prochaine ».

Sans compter que, au regard de la flambée des prix, « une interrogation sur la revalorisation des tarifs des services publics (restauration scolaire, périscolaire, …) sera très probablement menée par les collectivités, notamment du bloc communal, pour la rentrée » prochaine, présagent les auteurs de la note de conjoncture.

Et si des compensations de l’État ont bien été adoptées dans la loi de finances rectificative pour 2022, celles-ci restent partielles et soumises à conditions, comme c’est le cas du dispositif visant à soutenir les communes les plus fragiles afin de résister à l'inflation et au dégel du point d'indice.

Fiscalité dynamique

En parallèle, toutefois, les collectivités pourraient se consoler avec une fiscalité locale qui devrait être « globalement dynamique » l’an prochain, et, ce, pour plusieurs raisons.

D’abord, les taxes foncières devraient bénéficier d’une « revalorisation forfaitaire des bases particulièrement élevée », celle-ci étant calculée sur l’évolution de l’indice des prix à la consommation harmonisé, qui sera connue en novembre 2022, et dont l’évolution d’août 2021 à août 2022, a atteint les 6,5 %. 

Ensuite, les impôts économiques pourraient également connaître une dynamique « à la faveur de la reprise économique de 2021 », explique la banque. Outre la CFE, la CVAE est particulièrement concernée, mais, on le sait, le gouvernement a d’ores et déjà décidé de la diminuer l’an prochain (avant sa suppression totale en 2024) et les modalités de compensation ne seront fixées qu’au terme du marathon budgétaire qui commence début octobre (le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, ayant toutefois déjà fait savoir qu’il souhaitait conserver « un lien entre l’activité économique et la rémunération des collectivités »).

Enfin, La Banque postale s’attend à une augmentation des taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) (« qui permettraient corrélativement d’adapter ceux de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, notamment dans les communes qui ne peuvent pas bénéficier du dispositif de majoration de cette dernière »), mais aussi à « la poursuite de la montée en puissance de la fiscalité spécifique : Teom, versement mobilité, taxe Gemapi, pour financer les dépenses correspondantes qui ont au demeurant une vocation écologique ». 

A l’inverse, les DMTO pourraient, pour leur part, connaître « un revirement de tendance », « influencé par un marché immobilier qui pourrait ralentir localement en lien notamment avec la remontée des taux d’intérêt et le durcissement des conditions exigées pour les emprunteurs ».

Indicateurs financiers : vers une refonte du système ?

Du côté des dotations et de la péréquation, si la réforme des indicateurs financiers doit commencer à produire ses effets - après une année 2022 « neutralisée » pour les communes et les ensembles intercommunaux, qui sera suivi d’un lissage des effets de bord jusqu’en 2028 - , il n’est « pas exclu qu’une refonte générale du système soit de nouveau imaginée sous l’impulsion des élus locaux », selon les auteurs de la note de conjoncture. En cause, les conséquences de cette réforme sur l’effort fiscal et le potentiel fiscal qui risque d’entraîner, dès 2023, « des variations de ressources assez considérables pour un nombre important de collectivités », selon les travaux réalisés par le CFL

La Banque postale publie, d’ailleurs, une carte sur les effets à terme de ces changements et sur l’évolution du potentiel financier de chaque commune à l’horizon 2028. Si les modifications apportées au calcul des potentiels fiscal et financier paraissent « globalement supportables », selon elle, celle-ci reconnaît qu’ils ne sont « pas négligeables individuellement ». En schématisant grossièrement, cette carte montre ainsi une hausse plus ou moins élevée du potentiel fiscal pour les communes situées sur les littoraux, en Bretagne, dans le Centre-Val de Loire, les Hauts-de-France et dans une partie des Alpes, tandis que les autres verraient le leur diminuer.  

Des dépenses orientées vers la transition écologique ?

Concernant les dépenses des collectivités, les auteurs de la note de conjoncture s’interrogent sur le fait de savoir si celles-ci seront à nouveau encadrées, après la suspension des contrats de Cahors et les sorties contradictoires des différents ministres sur ce sujet, et si, cette fois, elles seront « orientées vers la transition écologique ».

Malgré les propos rassurants du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, au début de l'été, ils rappellent que le programme de stabilité présenté, dans la foulée, par Bruno Le Maire « réactive » la contribution des collectivités locales à l’effort de redressement des comptes publics, Bercy ayant défendu une « modération » de leurs dépenses de fonctionnement de 0,5 % en moyenne chaque année. Dans un tel scénario, expliquent-ils, « les dépenses courantes continueraient donc à progresser, de l’ordre de 24 milliards d’euros en cinq ans selon les estimations de la direction générale du Trésor ». 

La Banque postale note, enfin, l’annonce d’un « fonds vert » doté de 1,5 milliard d’euros et destiné aux collectivités locales afin de les aider à lutter contre les événements climatiques, mais dont les modalités de financement et d’utilisation restent encore largement évasives. « Ce fonds semble s’inscrire dans la tendance des crédits octroyés par l’État aux collectivités locales, à savoir le financement de projets approuvés par l’État avec pour objectif la transition écologique », souligne-t-elle.

Télécharger la note de conjoncture.
 




Santé publique
Les sapeurs-pompiers peuvent désormais effectuer certains gestes médicaux d'urgence
Un arrêté paru ce matin met la dernière main à la réforme prévue par la loi Matras, qui permet aux sapeurs-pompiers de réaliser eux-mêmes un certain nombre de gestes médicaux dans le cadre des soins d'urgence.

Les sapeurs-pompiers vont désormais pouvoir administrer eux-mêmes un certain nombre de médicaments à des personnes en situation d’urgence médicale, ou encore effectuer eux-mêmes des électrocardiogrammes. Aussi curieux que cela puisse paraître, il leur était jusqu’à présent interdit de faire un geste aussi simple qu’administrer un aérosol à une personne souffrant d’un asthme aigu, de mesurer le taux de sucre d’un diabétique ou d’administrer de l’épinéphrine à un patient en situation de choc allergique (choc anaphylactique). 

Reconnaissance comme soignants

C’était une revendication de longue date de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), dans un cadre de crise aigüe des Urgences : reconnaitre comme soignants les sapeurs-pompiers non professionnels de santé – sous réserve de formation, naturellement. 

La loi Matras (loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels) a satisfait cette revendication. Son article 2 modifie l’article L1424-2 du Code général des collectivités territoriales qui définit les missions des services d’incendie et de secours. Alors que cet article ne mentionnait jusqu’à présent qu’une mission « de secours d’urgence », la loi Matras a ajouté celle des « soins d’urgence ». 

Cet article prévoyait que « les actes de soins d'urgence qui peuvent être réalisés par les sapeurs-pompiers n'étant pas par ailleurs professionnels de santé » seraient définis par décret. Le décret en question a été signé le 22 avril dernier. Il prévoit « les actes de soins d’urgence relevant de la compétence des sapeurs-pompiers ». Parmi ceux-ci, l’administration de produits médicamenteux auprès de patients souffrant d’asthme aigu ou de douleurs aigues, d’overdose d’opiacés, de choc anaphylactique, d’hypoglycémie. Le décret permet également aux sapeurs-pompiers de procéder à des électrocardiogrammes. 

Ces dispositions ne pouvaient, toutefois, pas entrer en vigueur avant la parution d’un dernier texte réglementaire : le décret prévoit en effet que « seuls sont habilités à accomplir (ces) actes (…) les sapeurs-pompiers ayant suivi une formation délivrée dans les conditions définies par un arrêté ». 

C’est ce dernier arrêté qui a été publié ce matin, ouvrant la voie à une entrée en vigueur effective du dispositif. 

Compromis

Cette réforme ne répond pas entièrement aux revendications de la FNSPF, qui l’a qualifiée de « compromis ». En particulier parce que ces gestes ne peuvent être effectués qu’avec l’accord d’un médecin régulateur du Samu – avec les difficultés que l’on connaît pour joindre ceux-ci – alors que les sapeurs-pompiers souhaitaient que l’accord d’un médecin sapeur-pompier suffise. La Fédération estime néanmoins qu’il s’agit d’une avancée « majeure », permettant d’apporter une réponse plus rapide à des situations vitales en l’absence d’un médecin. La réforme permet également de mettre fin à des dispositions qui peuvent paraître aberrantes : alors que les hôtesses de l’air sont habilitées à injecter de l’épinéphrine aux patients en état de choc anaphylactique, les pompiers ne l’étaient pas !

Extension de la NPFR

Signalons en outre que deux autres arrêtés concernant les sapeurs-pompiers ont été publiés ce matin au Journal officiel.

Le premier revalorise le montant de l’indemnité horaire de base des sapeurs-pompiers volontaires, en la portant à 8,36 € pour un sapeur, 10,13 € pour un sous-officier et 12,58 euros pour un officier. Il s’agit d’une revalorisation de 3 à 4 %, selon les grades. 

Le dernier arrêté fixe le montant de la « nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance » des sapeurs-pompiers volontaires (NPFR) pour 2022 et 2023. La loi Matras a en effet abaissé le seuil du bénéfice de cette indemnité à 15 ans de service et a introduit l’abaissement de 15 à 10 ans de la durée de service en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service. 

La Fédération des sapeurs-pompiers de France a reconnu dans cette réforme « une avancée certaine », mais attendait surtout une « revalorisation significative » de la NPFR, qu’elle n’a pas obtenue. 

Rappelons toutefois qu’à compter du 1er janvier 2023, les montants annuels de la NPFR s’établiront entre 512,20 euros pour au moins 15 ans de service et 3 074,85 euros pour au moins 35 années de service, avec, par exemple, pour les seuils de 20 et 25 années de service un doublement de cette prestation payée par les communes et EPCI, les départements et l’État.




AMF
David Lisnard rappelle aux députés les positions de l'AMF sur les grands sujets d'actualité
Auditionné hier à l'Assemblée nationale, le président de l'AMF a eu la possibilité de développer les positions de l'association sur de multiples sujets, allant du ZAN à l'inflation en passant par les relations entre communes et intercommunalités. Compte rendu.

David Lisnard, président de l’AMF, a été auditionné hier par les membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale. 

Après avoir présenté à la délégation l’AMF, cette « vieille dame créée en 1907 pour défendre les libertés locales », « plus grande association de maires urbains, de maires de villes moyennes, de maires ruraux », David Lisnard a listé, dans son propos liminaire, les « grands défis » qui se présentent aux maires et aux présidents d’intercommunalités : « Le défi écologique et climatique, le défi numérique, le défi démographique, le défi économique et social », et enfin « le défi démocratique, priorité absolue, car on ne relèvera pas les précédents défis si on ne résout pas la crise civique ». 

« Nous ne voulons pas perdre un euro »

Le maire de Cannes a ensuite répondu aux questions des membres de la délégation, sur des sujets très divers. 

Il a pu rappeler les positions de l’AMF sur le ZAN, en expliquant pourquoi l’AMF avait déposé un recours devant le Conseil d’État sur les décrets d’avril dernier. « Les décrets d’application ont été transmis dans l’urgence, à la veille de l’élection présidentielle, avec une nomenclature qui nous paraît mal établie », et des dispositions qui ne figuraient pas dans la loi. « C’est une pratique dont on ne veut plus », a affirmé le maire de Cannes. « Apparemment les choses vont évoluer », a-t-il poursuivi, annonçant que le ministre Christophe Béchu s’est engagé à faire « rapidement des propositions ». 

La députée de la Creuse Catherine Couturier a abordé les questions financières et l’inflation. « Les collectivités ont eu la possibilité d’être des amortisseurs sociaux. Elles n’en ont plus les moyens. Nous savons tous ici qu’une capacité d’autofinancement en baisse met en péril les investissements futurs, sauf à augmenter les tarifs des services, voire à les supprimer. La marge des manœuvres des communes et leur libre administration sont mis à mal. »  

David Lisnard a entièrement partagé ce constat, ajoutant que « la prochaine étape » que les collectivités vont subir, « c’est la hausse des taux d’intérêt. L’emprunt sera plus rare et plus cher ». 

Sur la suppression de la CVAE, David Lisnard s’est défendu de vouloir faire « un procès d’intention au gouvernement en début de quinquennat » : celui-ci s’est engagé à compenser « à l’euro près » cette suppression. « Mais dans le temps, on sait que les compensations ne sont jamais équivalentes aux suppressions. Nous voulons garder nos ressources et ne pas perdre un euro. Par ailleurs, il faut garder un lien fiscal entre la commune, les intercommunalités et les entreprises. On nous a annoncé, sans concertation, la suppression de la CVAE. Nous demandons, a minima, un dégrèvement. L’État nous répond que la compensation se fera par une fraction de TVA. Toute la question est de savoir comment celle-ci sera territorialisée. » Cette question sera un enjeu majeur des débats sur le projet de loi de finances pour 2023, qui va s’engager en octobre. 

Indexation de la DGF

Sur l’inflation toujours, Christine Pires Beaune, députée du Puy-de-Dôme, a demandé si l’AMF souhaitait « des aides uniformes aux collectivités » pour faire face à l'explosion des prix de l'énergie. La députée, spécialiste des finances locales, a insisté sur la nécessité d’une réforme de la péréquation, relevant que la péréquation « est payée par les communes elles-mêmes » et que cette situation « ne peut plus durer ». 

« Il y a une mesure uniforme que l’on demande et qui ne devrait même pas être discutée, a répondu le maire de Cannes, c’est l’indexation de la DGF sur l’inflation. » Comme celle des bases locatives, elle serait « logique et normale ». En revanche, « une application différenciée » serait acceptable par exemple sur la question des aides en matière d’énergie, dans la mesure où toutes les collectivités, en fonction des contrats qu’elles ont négociés, ne sont pas dans la même situation. David Lisnard a dit « partager » les positions de Christine Pires Beaune sur la péréquation, et « l’AMF les fera valoir ». Il a évoqué « l’urgence de la revalorisation des valeurs locatives des locaux commerciaux ».

Droit de véto

Interrogé par le député des Vosges David Valence sur les évolutions que souhaite l’AMF sur la question des rapports entre communes et intercommunalités, le maire de Cannes a développé sa vision de la « subsidiarité ». « C’est simple, je suis pour un droit de véto des maires : qu’on ne puisse rien imposer sur une intercommunalité à un maire. À lui de voir où est l’intérêt de sa commune et de s’expliquer avec les habitants qui l’ont mandaté. Ce n’est pas un détricotage (de l’intercommunalité), c’est cela la subsidiarité. »

La délégation a également abordé les questions de sécurité. Le président de l’AMF a annoncé à cette occasion que, lors d’une rencontre avec la ministre chargée des Collectivités locales, Caroline Cayeux, le matin même, il avait été décidé de réactiver la CCPM (commission consultative des polices municipales), en état de mort cérébrale depuis trois ans. David Lisnard a rappelé les positions de l’AMF sur le sujet des polices municipales : « Un, la sécurité est une compétence régalienne, elle est du domaine de l’État. Deux, la liberté doit prévaloir : on doit pouvoir avoir une police municipale ou pas – pas d’obligation –, l’armer ou pas – pas d’obligation. Enfin, on doit permettre d’avoir un vrai continuum de sécurité. (…) Mais on ne veut pas nous voir imposer un transfert de responsabilité sur le régalien. »

N'ayant pas pu répondre à toutes les très nombreuses questions posées par les députés, David Lisnard s’est engagé à revenir « très prochainement » poursuivre ces échanges avec la délégation. 

Voir la vidéo de l'audition.







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