Édition du vendredi 16 septembre 2022

Crise énergétique
Bouclier tarifaire pour les petites communes : des annonces qui prêtent à confusion
Le gouvernement a annoncé cette semaine une prolongation du « bouclier tarifaire » en 2023, afin de protéger, outre les ménages et les petites entreprises, « les petites communes ». Mais contrairement à ses affirmations, ces dernières ne sont pas protégées sur le prix du gaz. 

« Pour éviter (des) augmentations qui ne seraient pas soutenables, nous allons prolonger en 2023, le mécanisme du bouclier tarifaire pour tous les ménages, pour les copropriétés, les logements sociaux, les petites entreprises et les plus petites communes », a déclaré la Première ministre, Élisabeth Borne, mercredi 14 septembre. En 2023, ce « bouclier » permettra de plafonner la hausse des prix « de l’électricité et du gaz » à 15 %, a précisé la Première ministre. Hier, en clôture des Assises de l’APV, la ministre chargée des Collectivités territoriales, Caroline Cayeux, a été encore plus directe : « Le bouclier tarifaire est prolongé en 2023 afin de limiter à 15 % la hausse du prix de l’électricité et du gaz pour les plus petites communes ». 

Déclaration surprenante : pour les communes, qu’elles soient grandes ou petites, le bouclier tarifaire ne s’applique plus au gaz. Explications.

Le TRV

Quand on parle de « bouclier tarifaire », on évoque en fait le plafonnement de l’augmentation des TRV, c’est-à-dire des tarifs réglementés de vente. Ce « bouclier » ne concerne donc que ceux qui peuvent bénéficier de ces tarifs. 

Depuis qu’a commencé l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie, il a été acté que le marché serait divisé en deux : d’un côté, les fournisseurs dits alternatifs, dont les tarifs sont libres ; de l’autre, un fournisseur historique, dont les prix sont fixes, c’est-à-dire « réglementés ». Au fil des années, le nombre de catégories de consommateurs autorisés ou non à se fournir au TRV a diminué, jusqu’à une extinction totale (c’est-à-dire l’impossibilité, pour tout consommateur, de bénéficier de ces tarifs régulés) programmée à des dates différentes pour le gaz et l’électricité.

Le gaz naturel

Pour le gaz, les TRV (applicables uniquement par Engie et quelques entreprises locales de distribution) coexistent depuis 1999 avec une offre de marché. Depuis le 1er décembre 2020, les collectivités – y compris les petites communes – ne peuvent plus bénéficier des TRV, qui ne profitent plus qu’aux seuls particuliers. À partir du 1er juillet 2023 – sauf évolution législative qui interviendrait d’ici là – les TRV sur le gaz disparaîtront totalement, y compris pour les ménages. 

Entre octobre 2021 et février 2022, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour bloquer le tarif réglementé du gaz. Mais – et c’est un « mais » qui a une importance considérable pour les communes – ces décisions ne s’appliquent qu’à ceux qui peuvent bénéficier de ces tarifs réglementés, c’est-à-dire aux seuls ménages (logements individuels, logements sociaux, copropriétés…). Autrement dit, les communes, même les plus petites d’entre elles, ne sont toujours pas éligibles au TRV gaz, et ne sont donc nullement concernées par le plafonnement à 15 % annoncé par la Première ministre. 

L’électricité

Il n’en va pas de même pour l’électricité, car le calendrier est différent. 

Depuis le 1er décembre 2020, les collectivités en général n’ont plus droit au TRV, sauf les plus petites d’entre elles : la loi prévoit en effet que ceux-ci restent accessibles aux « consommateurs professionnels qui emploient moins de 10 personnes et dont le chiffre d’affaires, recettes ou total de bilan annuel n’excède pas 2 millions d’euros ». Les collectivités qui emploient moins de 10 agents et ont des recettes inférieures à 2 millions d’euros restent donc éligibles au TRV depuis le 1er janvier 2021. Elles ont donc bénéficié du blocage des prix (4 % maximum d’augmentation en 2022) et seront concernées par celui qu’a annoncé la Première ministre avant-hier (plafond à 15 % l’année prochaine). 

Les propos de la Première ministre et de Caroline Cayeux semblent donc devoir donc être nuancés : les « petites communes » seront donc bien un peu protégées pour l’électricité, mais, en l'état actuel de la législation, pas pour le gaz. 

Faut-il voir dans la déclaration de Caroline Cayeux l’amorce d’une réforme à venir ? C’est en tout cas ce qu’espère la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies), dont un expert, interrogé ce matin par Maire info, veut voir dans ces déclarations « de bonnes intentions », qui doivent « maintenant être suivies d’effet ». La FNCCR souhaite le rétablissement du TRV gaz pour les collectivités, et « pousse » pour qu’une telle mesure soit intégrée dans le projet de loi pour l’accélération du développement des énergies renouvelables. 

Incertitude sur les chiffres

Reste à savoir combien de communes ou d’intercommunalités sont concernées par ce bouclier tarifaire électricité – c’est-à-dire celles qui ont moins de 10 agents et moins de 2 millions d’euros de recettes.

Un certain flou règne sur la question, puisque des chiffres allant jusqu’à 33 000 ont été évoqués. Bruno Le Maire, dans son audition devant les députés, avant-hier, a parlé de « 30 000 ». Quant à la ministre chargée des collectivités territoriales, Caroline Cayeux, en clôture des Assises de l’APVF, hier, elle a parlé de « 28 000 collectivités ». Quels qu’ils soient, ces chiffres étonnent par leur ampleur. À la FNCCR, on se dit « surpris », les estimations menées par la fédération sur ce sujet ayant abouti à un nombre de communes nettement moins important.

Il serait pour le moins utile de connaître le chiffre précis. Et de lever l’ambiguïté entre « communes » et « collectivités ». Est-ce que, dans ces chiffres, le gouvernement ne compte que les communes, ou d’autres types de structures comme les syndicats ? Et quel est, par ailleurs, le nombre de communes répondant aux critères, c’est-à-dire ayant droit au TRV, mais étant volontairement sorties du système, après avoir cédé aux sirènes des fournisseurs alternatifs qui leur promettaient monts, merveilles et économies faramineuses ? 

Charges de centralité

Enfin, plus généralement, il faut souligner que, même pour l’électricité, le fait de réserver les tarifs réglementés aux plus petites communes laisse de côté la plus grande partie du problème. Le chiffre de « 30 000 communes » brandi, par exemple, par Bruno Le Maire, est fait pour donner l’impression que la presque totalité des 35 000 communes du pays sont « protégées ». Sauf que celles qui ne le sont pas, si elles sont minoritaires en nombre, sont celles qui sont le plus durement frappées par la crise : villes, petites villes, bourgs-centres, ce sont eux qui portent l’essentiel de ce que l’on appelle les « charges de centralité », c’est-à-dire les services publics qui irriguent leur territoire et les communes alentours : piscines, bibliothèques, installations sportives, écoles, etc. Étrange « bouclier », donc, qui ne protège pas ceux qui en ont le plus besoin.

Pour résoudre le problème, l’AMF a réitéré, hier, lors de sa conférence de presse de rentrée, sa demande de rétablissement de l’accès aux TRV pour le gaz et l’électricité et pour toutes les communes et intercommunalités, quelle que soit leur taille. 




AMF
L'AMF se réjouit de la reprise du dialogue avec l'exécutif, mais attend les actes
Lors de sa conférence de presse de rentrée, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité a salué « l'évolution du discours » tenu par le gouvernement à l'égard des collectivités. Mais déplore qu'il ne se traduise pas dans les travaux préparatoires au projet de loi de finances 2023.

A plusieurs reprises ces dernières semaines, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité a rencontré des membres de l’exécutif, depuis les ministres jusqu’au président de la République. « Nous avons obtenu de [ce dernier] des engagements », a révélé David Lisnard, maire de Cannes (06) et président de l’AMF. Le président de la République devrait recevoir deux fois par an les présidents des associations d’élus réunies dans Territoires unis (AMF, Départements de France et Régions de France) pour discuter stratégie. Quant à la position de l’AMF sur la dotation globale de fonctionnement (DGF), « nous lui avons en effet rappelé que les dotations constituent un dû de l’Etat aux collectivités. Il faut donc une stabilité en euros constants. Le président a reconnu que la position se défendait », a explicité David Lisnard. Si la DGF n’est pas indexée sur l’inflation, son montant baisse de fait.

Un accord de principe aurait aussi été obtenu sur la nécessité d’une réorganisation des services de l’Etat déconcentrés pour que les collectivités ne soient plus confrontées à des décisions contradictoires entre les préfets et les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Enfin, un travail sur une nouvelle loi de décentralisation devrait être entamé début 2023 et donnera lieu à une nouvelle rencontre entre l'AMF et le chef de l’État. 

« Conserver notre capacité à faire » 

Malgré ces points positifs, reste un point noir majeur : le projet de loi de finances 2023. « Nous tirons la sonnette d’alarme car nous devons conserver notre capacité à faire », a alerté David Lisnard, soulignant au passage que le thème du prochain Congrès des maires porterait justement sur cette capacité à faire des maires. « Ce que nous savons du projet de loi de finances [2023] ne nous semble pas aller dans le bon sens, a renchéri le premier vice-président délégué de l’AMF André Laignel, maire d’Issoudun (36), également président du Comité des finances locales. La suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est une erreur. Qu’elle soit envisagée en deux temps n’y change rien ». L’AMF a également rappelé que les collectivités ne portaient en rien les difficultés des finances publiques : « Les collectivités ne sont responsables ni de la dette, ni des autres aspects. Nous avons un solde positif de 3 milliards d’euros dans nos comptes et notre dette est auto-financée », a précisé André Laignel.

L’éventuel encadrement des dépenses de fonctionnement des collectivités à + 0,5 % équivaudrait, selon le maire d’Issoudun, à une contribution des collectivités au redressement des comptes publics d’environ « 15 milliards d’euros sur cinq ans ». L’exécutif a indiqué avoir renoncé à une contribution des collectivités au redressement des comptes publics de 10 milliards d’euros mais le dispositif envisagé aurait finalement des conséquences financières plus lourdes. Quant à la DGF, sa non-indexation sur l’inflation est proprement « inacceptable », pour André Laignel. Avant de prévenir : « Il s’agit de trois lignes claires sur lesquelles nous ne serons pas d’accord si le gouvernement n’évolue pas ! » 

Multiples préoccupations des maires

L’AMF, qui a constitué début juillet un comité législatif pour mieux travailler en amont avec le Parlement sur les projets de textes - Villes de France a annoncé avoir fait de même -, attend beaucoup du débat dans les deux chambres pour amener l’exécutif à revoir sa copie. Face à la menace de l’utilisation du fameux article 49-3 de la Constitution engageant la responsabilité du gouvernement pour faire adopter un texte au Parlement, André Laignel a malicieusement répondu que « rien n’est jamais sûr dans la vie »… Sous-entendu, l’utilisation de cette arme parlementaire pourrait être à double tranchant pour celui qui l’emploie. Avant de conclure que si le « ton » de l’exécutif avait changé, finalement « rien n’a changé dans la méthode »…

Au grand dam des élus locaux dont les préoccupations, au-delà des questions financières, sont multiples. Le président de l’AMF a rappelé les différentes problématiques : maîtrise du foncier avec le zéro artificialisation nette (ZAN), risques majeurs (recul du trait de côte, incendies, sécheresse…), revitalisation rurale, bureaucratie. Autant de thèmes sur lesquels l’AMF s’est fortement investie ces derniers mois. 




Forêts
Après les catastrophes de l'été, pour la Fncofor, « l'ONF doit être renforcée »
Pour les communes forestières, réunies cette semaine pour leurs premières rencontres nationales post-covid, il est essentiel de renforcer le rôle de l'Office national des forêts (ONF) au regard des défis posés par le réchauffement climatique et la multiplication des incendies.

Pour les communes qui sont impliquées dans la gestion et l’exploitation de leurs forêts, l’été catastrophique qui s’achève, entre sécheresse et mégafeux, prouve à l’évidence qu’il faut rétablir toute la capacité d’agir de l’ONF, fortement affaiblie par les coupes budgétaires des années 2000 et 2010.

« Réduire les moyens de l’ONF alors que leur périmètre d’intervention devrait s’accroître, c’est une mauvaise idée ! Il n’y a pas d’alternative à un établissement public national qui a les compétences techniques, scientifiques et les moyens humains pour gérer ce bazar », s’exclame Dominique Jarlier, président de la Fédération nationale des Communes forestières, qui rassemble 6 000 collectivités, dans un entretien à Maire info.

L’office, qui gère 11 millions d’hectares de forêts publiques, dont 2,9 millions de forêts communales, a perdu en vingt ans 40 % de ses effectifs, passant de 12 800 à environ 8 400 emplois, dont 1 000 postes supprimés sous le dernier quinquennat. Le nouveau contrat d'objectifs et de performances (COP), passé en juillet 2021 avec l’État, prévoit d’acter 500 suppressions supplémentaires sur cinq ans, par le biais de départs en retraite non remplacés ou de départs « naturels ».

Les agents de l’ONF, parmi lesquels la part de fonctionnaires baisse régulièrement au profit de l’embauche de contractuels de droit privé, ont régulièrement manifesté leurs inquiétudes et leur mal-être, alors que plusieurs d’entre eux se sont suicidés ; la nomination d’une nouvelle directrice générale, ce mercredi 14 septembre, vient les renforcer. Le poste était vacant depuis le limogeage, en mars dernier, du précédent directeur, visé par une enquête du ministère de l’Agriculture en raison de son management brutal.

En effet, la nouvelle directrice de l’office, Valérie Metrich-Hecquet, est vue par les syndicats comme une des responsables des récentes coupes sombres dans les effectifs, en tant que secrétaire générale du ministère de l’Agriculture de 2014 à 2018, puis directrice de la DGPE, la direction générale de la performance économique au ministère de l’Agriculture, qui chapeaute la gestion de la forêt.

Concrètement, moins d’agents signifie moins d’entretien de la forêt – et donc de concours à la défense des forêts contre les incendies (DFCI), mais aussi moins de possibilité de gérer correctement plus d’espaces, notamment certaines forêts communales qui tombent parfois en déshérence.

Des forêts communales mal gérées faute d’effectifs

« Il y a 900 000 hectares de forêts publiques communales – du moins, 900 000 hectares identifiés – qui ne relèvent pas du régime forestier car l’ONF nous dit qu’elle n’a pas le temps de s’en occuper et d’établir des documents d’aménagement », explique Dominique Jarlier, également maire de Rochefort-Montagne (63), qui soutient que même en sous-effectif, il faudrait qu’il soit possible de produire des documents d’aménagement « simplifiés ». Ces documents sont des plans de gestion présentant une analyse de la forêt et les programmes des coupes et travaux.

Or, des forêts non gérées peuvent présenter un risque accru d’incendie : en cas de sécheresse prolongée, comme ce fut le cas cet été, les broussailles et la végétation au sol peuvent fournir un combustible idéal et empêcher les pompiers de pénétrer dans la forêt pour combattre les flammes, comme ce fut le cas lors de l’incendie géant de la Teste-de-Buch, en Gironde – même s’il s’agissait là d’une forêt majoritairement privée, mais non entretenue.

« Même à supposer que l’ONF reste en déficit chronique – ce qui n’est pas certain, puisqu’il y a eu un excédent budgétaire de 50 millions d’euros en 2022, à la faveur de l’augmentation des prix du bois - cela ne représente rien par rapport aux coûts des incendies ! Que vont représenter 500 personnes par rapport à ce qui s’est passé en Gironde ? », martèle Dominique Jarlier.

Le Sénat, dans un rapport publié au début du mois d’août sur la lutte contre l’intensification du risque incendie, a d’ailleurs recommandé au gouvernement de revenir sur les coupes dans les effectifs de l’office public, pour « redéployer plus de postes sur l’expertise DFCI hors region méditerranéenne, en étendant le périmètre géographique de la mission d’intérêt general DFCI à l’ensemble du territoire national. »

L’impératif de la maîtrise du foncier forestier

La croissance des friches et des anciennes parcelles viticoles et agricoles abandonnées, souvent en lisière des bourgs, est un autre problème, car leurs propriétaires sont souvent évanouis dans la nature au gré des successions – c’est ce qu’on appelle les biens vacants ou les biens sans maître.

Pour autant, comme la Fncofor l’a démontré lors de ces rencontres, il existe des possibilités pour les élus d’agir, même sans l’ONF. Plusieurs outils ont été présentés, comme le sylvo-pastoralisme, avec la constitution d’association foncières pastorales libres, en partenariat avec le département du Lot – ce système permet d’associer les différents petits propriétaires avec des associations d’éleveurs (essentiellement de moutons) qui vont faire pâturer leurs troupeaux dans la forêt, réduisant ainsi le risque d’embroussaillement.

La maîtrise du foncier forestier est également une des clés du problème pour réduire les risques liés au morcellement des parcelles ; l’union régionale des communes forestières de Nouvelle-Aquitaine a ainsi produit un guide complet de gestion du foncier forestier et agricole, qui donne les clés pour résoudre le problème des biens sans maître, et pour échanger des parcelles avec des propriétaires privés afin de rassembler les propriétés communales en un seul tenant, plus facile à gérer.

Sans compter que la gestion des forêts, en plus d’apporter des revenus aux communes grâce à l’exploitation du bois, représente un atout certain dans la lutte contre le changement climatique, que ce soit par le stockage de carbone ou par l’utilisation du bois comme énergie pour alimenter des réseaux de chaleur, comme l’a montré l’exemple du SYDED, syndicat départemental du Lot qui gère l’eau, les déchets et l’énergie avec un réseau de chaleur alimentant 1400 abonnés, dont des bâtiments publics et logements sociaux.

Télécharger le Guide pratique à destination des élus municipaux de la Fncofor.




Crise énergétique
Christophe Bouillon : « Il y a un risque de black-out territorial »
En ouverture des 24e Assises de l'APVF, qui se tiennent les 15 et 16 septembre, à Dinan (22), son président a estimé que le risque de fermeture des services publics est avéré compte tenu des surcoûts de fonctionnement liés à l'explosion des coûts énergétiques.

Le maire de Barentin (Seine-Maritime) et président de l'Association des petites villes de France demande au gouvernement, dans un entretien accordé à Mairesdefrance.com, de créer un « fonds énergie » pour soutenir les collectivités, en estimant que les mesures du collectif budgétaire 2022 et les mesures annoncées, le 14 septembre, par la Première ministre en faveur des petites communes sont « insuffisantes ».

Vous redoutez un « black-out territorial ». Qu’est-ce à dire ?

L’APVF a été lanceur d’alerte en interpellant le gouvernement sur la hausse des coûts de l’énergie, bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. Depuis, la situation a largement empiré. Des élus doivent prendre des décisions douloureuses, c’est-à-dire fermer des piscines, des bibliothèques, des musées car la collectivité ne peut plus faire face à l’inflation des coûts de fonctionnement consécutive à l’explosion des prix. Les régies, comme les délégataires, sont confrontés à la même situation, même si je désapprouve la brutalité avec laquelle Vert Marine a procédé à la fermeture des équipements dont elle a la gestion. Les coûts vont continuer d’augmenter. Il y a donc un risque, proche, de black-out territorial, autrement dit de fermeture massive des équipements et services publics. Je ne suis pas sûr que le gouvernement ait pris la mesure de cette réalité.

Le collectif budgétaire comporte pourtant des mesures en faveur des communes en situation tendue…

Elles ont le mérite d’exister pour les communes fragilisées à la fois par l’explosion du prix de l’énergie et la revalorisation du point d’indice. Mais elles sont insuffisantes, tout comme les mesures annoncées par la Première ministre en faveur des très petites communes. Nous demandons donc la création d’un fond énergie » pour aider l’ensemble des collectivités à passer le choc, comme il l’a fait pour les ménages et les entreprises. Car actuellement, toutes les communes sont potentiellement fragiles. Il y a urgence, l’État doit mettre le paquet. Beaucoup de maires ne savent plus quoi faire face à l’inflation galopante. Ce n’est pas la réduction de l’amplitude horaire d’une médiathèque ou la baisse de température d’une piscine qui suffiront à résoudre le problème. Les élus ne peuvent pas non plus augmenter fortement les impôts. Donc, la fermeture de l’équipement est actuellement la seule solution de court terme. Or fermer un service public est tout sauf anodin pour le maire d’une petite ville centre ou d’une ville moyenne compte tenu de leur rôle de centralité pour les communes environnantes. C’est contre-nature !

La création d’un « fonds vert » doté de 1,5 milliard d’euros ne semble pas susciter votre enthousiasme. Pourquoi ?

Soyons clairs : la création de ce fonds pour accélérer la transition énergétique qui, à terme, permettra d’économiser l’énergie, est une bonne nouvelle car le gouvernement confirme qu’il s’agira d’argent frais. Mais nous attendons impatiemment le mode d’emploi de la répartition des crédits car les élus préparent actuellement leur budget pour 2023. C’est en ce moment qu’ils décident quels investissements ils souhaitent engager, quels travaux de rénovation ils vont prioriser. Le gouvernement doit accélérer ! Le fonds vert doit être fléché vers les territoires qui n’ont pas pu bénéficier du volet transition du plan de relance. 

Dans le contexte actuel, souhaitez-vous une indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation ?

Il faut mettre le sujet sur la table dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2023. Vu le niveau de l’inflation, j’y suis favorable. Il y a depuis plusieurs années une relative stabilisation de la DGF, mais cela ne suffit plus. La Cour des comptes a livré récemment une photographie rassurante de la situation financière des collectivités. Mais c’est une photographie à un moment donné. Ce n’est pas le film. Le film actuel, ce sont des petites villes qui rencontrent de grandes difficultés et dont les élus ont un sentiment d’abandon. 

Je tire également la sonnette d’alarme s’agissant de la fiscalité locale : le gouvernement a confirmé la suppression, en deux ans, de la CVAE, après avoir supprimé la TH. Attention de ne pas couper définitivement le lien entre le contribuable local (particulier et entreprises) et la collectivité qui, jusqu’à présent, finançait les services publics et l’aménagement des infrastructures industrielles et tertiaires par le produit de l’impôt local. Cela pourrait décourager les élus de s’investir, notamment dans le développement économique local. Et cela nuit au partage de l’intérêt général. 

Dans votre discours d’ouverture des Assises de l’APVF, vous vous être prononcé en faveur du recours à la régulation pour résoudre les problèmes de désertification médicale et garantir la permanence des soins. Pourquoi ?

Parce que les maires ont le sentiment d’avoir tout essayé pour résoudre le problème ! Ils ont créé des maisons de santé pluridisciplinaires, favorisé l’accueil des étudiants et l’implantation des praticiens, passé des petites annonces pour les recruter…, en vain. Il faut recourir à la régulation pour garantir la permanence des soins et sauver l’hôpital public. Régulation ne veut pas dire coercition. Il faut la définir intelligemment et de façon temporaire. Il ne faut pas confondre le fait de s’installer et celui d’exercer. On peut s’installer en milieu urbain et exercer dans un territoire rural. Notre objectif n’est pas de remettre en cause la liberté d’installation. Nous disons qu’il faut discuter avec les médecins pour garantir une couverture satisfaisante du territoire, par le biais de convention. Est-il normal que plus de 6 millions de Français ne puissent avoir de médecin traitant ?

Vous souhaitez « aller plus loin » en matière de décentralisation. Que souhaitez-vous précisément ?

Il faut définitivement clarifier la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités et leurs groupements. Mais pas "vu d'en haut". Il faut partir de la volonté des acteurs locaux en privilégiant le principe de subsidiarité. Le chef de l’Etat a installé un Conseil national de la refondation. Nous pourrions, comme le suggère le président de l’Assemblée des départements de France (ADF), François Sauvadet, crée un "Conseil national de la décentralisation". Parallèlement, l’État doit clarifier et adapter la déconcentration de ses services pour que nous ayons ainsi une armature territoriale cohérente.  




Crise énergétique
Quel impact de l'inflation sur les budgets locaux des territoires urbains ?
Si les territoires urbains ont bien surmonté l'année 2021, l'inflation et la crise énergétique risquent de peser très sérieusement, dès cette année, sur leurs finances. Pour maintenir leurs investissements, les élus des grandes collectivités réclament la mise en place d'un bouclier tarifaire pour celles qui sont « les plus impactées ».

« Si l’année 2021 s’est terminée avec une situation financière meilleure que celle de 2020 pour les territoires urbains, la sensibilité aux prix de leurs dépenses, notamment énergétiques, conduit à se questionner sur l’ampleur de l’impact qu’aura l’inflation sur les comptes 2022 et les suivants… » et par conséquent sur leur ambition d’investissement. Une des préoccupations brûlantes du moment, sur laquelle se sont arrêtées La Banque postale et France urbaine, à l’occasion de la présentation du « Portrait financier » 2021 des territoires urbains. 

A l’entame d’une année 2022 marquée par une inflation galopante, les finances des agglomérations de plus de 150 000 habitants (où réside près de la moitié de la population française) ont connu une année 2021 qui a enregistré une « progression significative » de leur épargne brute (+ 15 %, après - 13,3 % en 2020), et de leur épargne nette (+ 23,2 %, après - 18,7 %), qui ont « retrouvé leurs niveaux de 2019 sur l'ensemble des territoires ». Une reprise qui a fait rebondir les investissements, en hausse de 5,6 %, sans toutefois compenser la baisse de l’année précédente (- 13,5 %).

Des marges de manoeuvre réduites en 2022

Une situation qui devrait évoluer en 2022 au regard de la crise énergétique qui a déjà commencé à impacter les budgets locaux des territoires urbains.

La flambée des prix de l’énergie et de l’alimentation, ainsi que la revalorisation du point d’indice, devraient, sans surprise, se faire fortement ressentir, selon une évaluation réalisée par La Banque postale. « Même si à peu près un quart des communes [des territoires urbains] pourraient finalement encaisser les effets de l’inflation par rapport à leur épargne brute structurelle, ce n’est pas le cas de la majorité des communes, ni même de tous les EPCI », explique Luc Alain Vervisch, directeur des études de La Banque postale.

Sur les 2 875 communes étudiée, 88 d'entre elles (et 24 EPCI) verraient même leur épargne brute « devenir négative » dès cette année, « l’impact absorbant la totalité » de leurs marges de manœuvre. De plus, 140 communes et 25 EPCI verraient leur capacité d’autofinancement réduite d’au moins 50 % tandis que 840 autres communes (et 183 EPCI) seraient impactées à hauteur de 20 à 50 %. Au final, ce sont environ 1 700 communes et près de 1 000 EPCI qui pourraient avoir une capacité d’autofinancement réduite de moins de 20 %.

Et bien que cela reste « un exercice totalement théorique », étant donné que l’inflation sur les dépenses énergétiques et alimentaires est encore inconnue, ces données sont tout de même « une illustration significative » puisque « des réactions » seront « nécessaires ». Certaines ayant « déjà été enregistrées » comme des « stratégies fiscales de précaution », souligne Luc Alain Vervisch.

Reste que, pour l’heure, peu de territoires urbains ont relevé leurs taux sur le foncier bâti. Presque neuf communes sur dix n’y ont pas touché en 2022, et seules 1 % d’entre elles (soit 15 sur un échantillon 1015 communes) l’ont revu à la hausse de plus de 20 % (mais autant l’ont en revanche diminué). Du côté des EPCI, le phénomène est un peu plus marqué, avec notamment 13 % d’entre eux qui ont augmenté leur taux de plus de 20 %.

« Au regard de ces éléments et de toutes les autres dépenses qui sont frappées par l’inflation, on peut avoir de vraies préoccupations, notamment parce qu’un certain nombre d’augmentation des coûts ne se répercuteront vraisemblablement qu’en 2023. C’est le cas, par exemple, des effets, dans la relation avec les délégataires, de la prise en charge sur les dépenses énergétiques […] Et on pourrait dire la même chose des départements et des régions qui vont payer les dépenses énergétiques des collèges et des lycées sur les dotations 2023 ». 

« Il y a des effets de décalage dans la prise en compte de ses réalités », prévient le directeur des études de La Banque postale, dont l’étude sur les territoires urbains précise que « l’indice des prix à l’énergie a augmenté de 16 % par rapport à 2017 alors que les dépenses d’énergie [des grandes collectivités] affichent + 5,2 % ».

Bouclier tarifaire

Dans ce cadre, France urbaine s’inquiète du fait que, « pour les nombreuses collectivités dont le budget 2023 est impacté par un timing d’achat défavorable, la situation est alarmante ». Pour plusieurs grandes collectivités, « la hausse approche les 100 euros par habitant, c’est-à-dire plus que l’incidence de la crise sanitaire sur leur niveau d’épargne en 2020 ».

L’association réclame ainsi la mise en place, dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023, d’un dispositif « s’apparentant à un bouclier tarifaire dédié aux collectivités les plus impactées ». « Le fait qu’une collectivité puisse financièrement absorber le choc de l’inflation ne doit pas cacher que tout ajustement se fasse au détriment des investissements prévus, en premier lieu de ceux concourant à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique », indique-t-elle dans un communiqué.

Reste que, pour l’heure, « on n’a pas aujourd’hui le sentiment qu’il y ait un arrêt généralisé et brutal des stratégies d’investissement. Ce qui ne veut pas dire que localement il n’y ait pas de telles situations », souligne Luc Alain Vervisch. Il y aurait ainsi « une tendance », pour l’avenir, à conserver un volume d’investissement important, les élus jugeant impossible de sacrifier les investissements concernant la transition énergétique.

« Pas question de remettre en cause nos investissements », a confirmé le maire de Reims et co-président de la commission des finances de France urbaine, Arnaud Robinet. « Par contre, nous revoyons nos plans pluriannuels d’investissement, nous effectuons des lissages, des choix, mais sans remettre en cause la masse globale des investissements », indique-t-il, voyant comme une priorité « la modernisation de nos bâtiments et de nos équipements, en termes de rénovation énergétique et d’isolation ».
 






Journal Officiel du vendredi 16 septembre 2022

Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Arrêté du 6 septembre 2022 portant création de zone protégée
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Arrêté du 12 septembre 2022 constatant le montant du droit à compensation des charges nouvelles résultant pour la Collectivité européenne d'Alsace et l'eurométropole de Strasbourg du transfert des routes et autoroutes non concédées en application de la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Arrêté du 12 septembre 2022 constatant le montant des diminutions de charges résultant pour le département de La Réunion du transfert de la compétence d'attribution, d'orientation et de financement du revenu de solidarité active à l'Etat sur ce territoire
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Arrêté du 12 septembre 2022 constatant le montant du droit à compensation des charges nouvelles résultant pour le Syndicat mixte pour l'aménagement et le développement de l'aéroport international de Tours Val de Loire du transfert de l'aérodrome de Tours en application de l'article L. 6311-1 du code des transports
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Arrêté du 9 septembre 2022 relatif à l'agrément du matériel et des sociétés installatrices de feux de signalisation, d'appareils radar, d'indicateurs de vitesse de giration et d'appareils AIS Intérieur

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