Édition du mercredi 20 juillet 2022

Sécurité civile
Incendies : la question des moyens de la Sécurité civile posée par les élus locaux et les députés
Alors que la forêt continue de brûler en Gironde et que des centaines de départs de feux ont été signalés hier, la question des moyens consacrés à la lutte contre les incendies est arrivée jusque dans l'Hémicycle. Le président du département de la Gironde a, hier également, fait plusieurs propositions concrètes.

40,4 ° C à Dieppe, 41 ° C  à Cayeux-sur-Mer, 39,6 ° C à Boulogne-sur-Mer, 41,2 ° C à Cholet… Dans des dizaines de communes, hier, les stations météos ont enregistré des records absolus de température. Ajoutée à l’irruption d’un vent fort, toute la journée, cette chaleur écrasante a provoqué de nombreux départs de feux dans tout le pays, y compris dans des régions peu habituées aux incendies. 

Feux de forêt et de moisson

En Gironde, la situation reste très tendue, même si une accalmie semble se dessiner ce matin. Ce sont plus de 20 000 hectares qui ont été détruits, et des milliers de personnes ont dû être évacuées – des communes entières, comme Saint-Symphorien, et Saint-Léger-de-Balson, ayant été entièrement vidées de leurs habitants. Ces incendies sont si violents que la fumée qu’ils génèrent a été ressentie jusqu’à Paris, à presque 700 km. 

Mais d’autres régions ont été touchées par les incendies hier : le Finistère, où 1 400 hectares ont été détruits dans les monts d’Arrée ; la Manche, autour de la Hague, les Bouches-du-Rhône près d’Avignon, ainsi que le Nord, la Somme et l’Oise. Dans ce dernier département, ce sont pas moins de 13 incendies qui ont été détectés hier – essentiellement des feux de moisson déclenchés par des moissonneuses-batteuses. 

Ce matin, les orages et la pluie qui sont tombés sur le pays laissent espérer une amélioration de la situation.

Un « plan national de résilience »

Dans ce contexte, les questions se multiplient sur les moyens dont disposent les pouvoirs publics pour lutter contre les incendies. Dans une longue lettre ouverte adressée au président de la République, le président du département de la Gironde, Jean-Luc Gleyze, et celui du département des Landes, Xavier Fortinon, ont interpellé hier le chef de l’État. Estimant que les incendies qui ont touché cette région depuis une semaine ne sont qu’une « préfiguration » de la situation des années à venir, les deux présidents l’affirment clairement : « Nous ne mettrons pas un terme à ces brasiers avec une organisation de la Sécurité civile telle que nous la connaissons. » Et ils proposent trois pistes de réflexion pour réformer une organisation des secours qu’ils estiment à bout de souffle. 

« Le modèle de financement des Sdis [services départementaux d’incendie et de secours] » atteint ses limites, jugent les deux présidents, dans la mesure où les moyens qu’y consacrent les départements, les communes et les EPCI sont fondés sur la démographie de l’année 2002 et « n’ont pas évolué en 20 ans »… alors que dans la même période, la Gironde et les Landes ont accueilli quelque 400 000 habitants supplémentaires. Il est donc « urgent » de revoir le modèle fixé par la loi relative à la démocratie de proximité du 27 février 2002. 

Deuxième point : la disponibilité des moyens aériens. « Comme une personne victime d’une crise cardiaque doit être secourue dans les premières minutes, un incendie se doit d’être repéré et traité dès qu’il apparaît », écrivent les deux présidents de département – or « nous ne disposons en France que de 12 Canadair ». Il convient donc « d’envisager une flotte plus conséquente, et une répartition territoriale adaptée. Un dispositif avancé dans le Sud-Ouest permettrait de protéger le massif forestier de résineux le plus important d’Europe, et même d’intervenir par-delà les Pyrénées. »

Enfin, les deux signataires de cette lettre ouverte demandent que soit élaborée « une stratégie de lutte à trois échelles » : interdépartementale, avec « la mutualisation des moyens de Sdis », nationale et européenne, avec « l’augmentation de la dotation allouée au mécanisme européen de protection civile ». 

Les catastrophes qui s’annoncent risquant d’être « toujours plus graves », les deux présidents appellent solennellement le chef de l’État à élaborer « un plan national de résilience contre le risque incendiaire ». 

Pas encore de réponse du gouvernement

Ces questions ont également été posées à l’Assemblée nationale, pendant la séance de questions au gouvernement, hier. Pas moins de quatre députés (Michel Sala, Frédéric Valletoux, Sophie Mette et Nicolas Thierry) ont interpellé avec plus ou moins de virulence le gouvernement sur la réponse de l’État aux incendies. Michel Sala (LFI) a vivement reproché au gouvernement l’affaiblissement des moyens aériens (« seuls neuf Canadair et quatre Dash sont capables de voler »), mais aussi celui des services forestiers : « Vous avez supprimé 15 % des effectifs des opérateurs publics » (ONF et Office français de la biodiversité ». 

Des affirmations que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a contestées. «  Tout ne peut pas faire l’objet de polémique. En cinq ans, nous avons augmenté le budget de la sécurité civile de 44 % (…). Nous avons mobilisé les militaires, nous avons mobilisé plus de moyens qu’aucun autre pays européen. (…) Alors, plutôt que de susciter des polémiques qui n’ont pas lieu d’être, encourageons les sapeurs-pompiers, réjouissons-nous qu’il n’y ait pas de morts. » 

Interpellé par un autre député, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a tout de même été un peu plus loin que ce simple auto-satisfecit en reconnaissant que « plusieurs mesures globales doivent être prises » : renforcer l’application de l’obligation de débroussaillage, développer « les couloirs de défense contre l’incendie » dans les forêts. 

Rien n’a été dit, en revanche, par les ministres, sur le renforcement des moyens aériens ou leur réorganisation territoriale, réclamée par les présidents de la Gironde et des Landes. Reste à savoir ce qu’Emmanuel Macron, qui devrait se rendre sur les lieux des incendies de Gironde, aujourd’hui, va répondre aux interrogations – et aux légitimes angoisses – des élus locaux. 




Gouvernement
Rencontre avec les membres du gouvernement : David Lisnard salue des échanges « très qualitatifs »
Les dirigeants de l'AMF ont rencontré, hier, les ministres chargés des collectivités territoriales. L'occasion de leur transmettre les « propositions » de l'association pour faire face à la situation marquée par l'inflation et la question des ressources des collectivités locales. Retour sur cette rencontre avec David Lisnard, le président de l'AMF, qui salue ce matin une attitude « très positive et très ouverte » des ministres.   

Dans une situation « marquée par une inflation galopante, l’effet du dégel du point d’indice, la hausse des tarifs de l’énergie, le déploiement territorial de la transition écologique », le président de l’AMF, David Lisnard, et son premier vice-président délégué, André Laignel, ont rencontré hier les quatre ministres les plus directement concernés par les problématiques des collectivités : Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales, Olivier Klein, ministre délégué chargé de la Ville et du Logement et Dominique Faure, secrétaire d’État à la Ruralité. Dans la même journée, David Lisnard a rencontré le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, et celui de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye. 

Tonalité « très partenariale »

Les responsables de l’AMF, comme l’indiquait un communiqué publié par l’association hier matin, ne sont pas venus les mains vides. Ils ont présenté aux ministres une série de propositions qu’ils espèrent « voir mises en œuvre rapidement ». David Lisnard se félicite, ce matin, « de la tonalité très partenariale » de ces entretiens, tonalité qui « contraste » avec l’attitude des membres du précédent gouvernement. Christophe Béchu a même « esquissé un mode de fonctionnement permettant plus de subsidiarité ». 

Les responsables de l’association ont d’abord demandé « la modification des décrets ZAN », que l’AMF a contesté devant le Conseil d’État. Ces décrets, « rédigés dans la précipitation et sans étude d’impact,  créent des contraintes qui vont au-delà de la loi et pénalisent pour l’avenir les communes ayant peu artificialisé, notamment dans les espaces ruraux », souligne l’AMF.

En matière d’énergie, dans un contexte où les collectivités prennent de plein fouet l’explosion des prix, l’AMF demande que le bouclier tarifaire s’applique à celles-ci, et que « l’ensemble des communes bénéficient du tarif règlementé de l’énergie ». « Nous n’avons pas eu de réponse sur ce point, commente le maire de Cannes, et pas non plus sur notre demande de simplification des procédures pour les maires en matière de transition écologique, mais le ministre s’est montré indiscutablement à l’écoute ». 

« Co-élaboration avec les élus »

Sur les questions financières, les deux responsables de l’AMF ont d’abord demandé aux ministres la confirmation – comme Christophe Béchu l’avait annoncé à Maire info il y a une dizaine de jours – du renoncement du gouvernement à demander un effort financier de 10 milliards d’euros aux collectivités locales. « Le ministre a été très clair, assure David Lisnard. Ce n’est plus à l’ordre du jour. » Sur la suppression annoncée de la CVAE, « nous lui avons dit que l’AMF était ouverte à la discussion, si le gouvernement souhaite aller dans ce sens, mais que nous exigeons que la CVAE soit remplacée par une autre contribution locale, afin que subsiste le lien fiscal entre les entreprises et leur territoire. Un tel dispositif devra être co-élaboré avec les élus. Nous n’accepterons pas d’être mis devant le fait accompli. » 

Finances toujours : l’AMF a présenté sa demande d’indexation de la DGF (dotation globale de fonctionnement) sur l’inflation (ce qui, rappelons-le, était le cas jusqu’en 2010). Le ministre n’a pas donné de réponse sur ce point, mais il a semblé en accord avec le constat dressé par André Laignel, qui a contesté les conclusions du rapport de la Cour des comptes sur les finances locales. « Le ministre, sur cette question de la situation des comptes des collectivités, s’est montré d’accord avec l’idée que le rapport de la Cour des comptes n’est qu’une photographie à un instant T, mais que nous savons tous que le film, dans son ensemble, est bien différent. » 

Les représentants de l’AMF ont enfin insisté sur la nécessité de « simplifier » : « Je lui ai dit que les maires n’en pouvaient plus de la surenchère normative, que l’AMF ne veut plus être saisie en extrême urgence sur les projets de décrets, que la parole des élus au Conseil national d’évaluation des normes doit être entendue. Sur ce sujet aussi, Christophe Béchu a affiché de bonnes intentions. » 

« Continuum éducatif »

Le rendez-vous du maire de Cannes avec Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publique, a lui aussi été « très positif ».  David Lisnard a « plaidé la cause des secrétaires de mairie », avec la volonté d’aller plus dans la revalorisation de ce métier ; et celle des gardes champêtres, en demandant qu’ils aient droit « à la même évolution de carrière que les policiers municipaux ». « Nous avons évoqué la nécessité de travailler ensemble avec l’État sur l’attractivité des métiers, sur le sens des missions de la fonction publique, les rémunérations, les carrières, la formation… Le ministre s’est montré lui aussi très ouvert et très attentif », salue David Lisnard, qui note un changement de ton « spectaculaire » par rapport à d’autres entretiens lors du précédent quinquennat. 

Enfin, David Lisnard a rencontré le nouveau ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Pap Ndiaye. « Nous avons eu une discussion très pointue sur l’éducation artistique et culturelle, qui est aujourd’hui à 95 % à la charge des collectivités locales. Je lui ai dit que le ministère ne peut plus considérer les collectivités comme des payeurs et non comme des décideurs, alors que nous sommes le deuxième financeur de l’Éducation nationale. Nous ne pouvons plus être de simples exécutants. » 

Le maire de Cannes a défendu, au contraire, l’idée d’un « continuum éducatif » – comme on parle d’un continuum de sécurité entre forces de l’ordre nationales et polices municipales. « L’idée semble lui avoir plu », se félicite le président de l’AMF. « Nous avons échangé sur le partage des rôles, la nécessité de recréer de la confiance, et sur le problème de l’éclatement des interlocuteurs – il nous faut un seul interlocuteur, compétent au niveau national. » 

Ont également été évoquées les problématiques liées aux AESH – en particulier pour les jeunes concernés par l’autisme –, la question des 30 minutes de sport par jour (« il faut une clarification, ces trente minutes doivent avoir lieu en classe et ne doivent en aucun cas être à la charge des collectivités »), l’attractivité de la filière animation.  « J’ai enfin insisté sur la spécificité de l’école rurale et affirmé qu’il faut maintenir les écoles dans les villages – c’est aussi une question de transition écologique ! Les maires doivent être co-décisionnaires sur ce sujet. » 

Les bonnes intentions affichées seront-elles suivies d’effets ? Réponse à l’automne, avec la discussion sur le futur projet de loi de finances. En attendant, David Lisnard salue « un ton nouveau, plus respectueux, des discussions précises qui ont porté sur les bonnes problématiques. Ça a été très qualitatif, vraiment, sur le fond comme sur la forme ».




Fonction publique territoriale
1607 heures dans la fonction publique territoriale : le Conseil constitutionnel rendra sa décision le 29 juillet
La question prioritaire de constitutionnalité sur l'application des 1607 heures dans la fonction publique territoriale a été débattue devant le Conseil constitutionnel hier. Les Sages vont devoir se prononcer pour dire si cette obligation faite aux maires est, ou non, conforme à la Constitution. 

Depuis que la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 a été promulguée, la question du temps de travail des agents a pris la forme d’un véritable casus belli dans un certain nombre de communes. 

L’article 47 de ce texte impose en effet à toutes les collectivités et à tous les EPCI ayant maintenu un régime dérogatoire sur le temps de travail des agents de faire appliquer les 1 607 h de travail annuel à leurs agents, et ce dans un délai d’un an « à compter du renouvellement de leurs assemblées délibérantes ». La loi datant de 2019, elle a pris effet en juin 2021, soit un an après les élections municipales de 2020. Comme le prévoit la loi, la délibération réformant le temps de travail des agents devait être prise, au plus tard, le 1er janvier 2022.

Dans un certain nombre de communes, dont Paris et plusieurs communes du Val-de-Marne et de Seine-Saint-Denis, les maires ont essayé à tout prix de trouver des moyens pour ne pas remettre en question l’organisation du travail – l’application directe de la loi signifiant, dans certaines communes, la suppression de plusieurs dizaines de jours de RTT pour les agents. Dans certains cas, il a fallu que les préfets interviennent pour forcer les maires à appliquer ces dispositions, ce qui s’est traduit par des contentieux devant les tribunaux administratifs. 

Les épisodes précédents

En Seine-Saint-Denis, par exemple, le tribunal administratif a suivi le préfet et ordonné aux cinq communes incriminées de « veiller à l’adoption des délibérations fixant le temps de travail de leurs agents et de les transmettre au préfet de la Seine-Saint-Denis, dans un délai de quarante jours ». 

Dans le Val-de-Marne, en revanche, où dix communes et EPCI avaient été déférés par le préfet devant le tribunal administratif de Melun, les juges se sont montrés plus souples (lire Maire info du 3 juin 2022) et ont donné un délai supplémentaire aux élus pour engager le processus. Mais surtout, ils ont accepté de transmettre au Conseil d’État une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par les maires, sur le fond : l’obligation faite aux maires de faire appliquer les 1 607 h est-elle compatible avec le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ? C’est l’argument qui avait été brandi, par exemple, par Patrice Bessac, le maire de Montreuil : « Au nom de la libre administration des collectivités territoriales, nous ne souhaitons pas nous laisser dicter le rythme de travail de nos agents. » 

Le Conseil d’État a examiné la question et, contrairement à l’avis du gouvernement, l’a retenue : il a estimé que l’argument selon lequel cet article 47 « porte à la libre administration des collectivités territoriales et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée que ne justifierait aucun motif d'intérêt général »  pose une vraie question, sérieuse et « nouvelle ». La QPC a donc été transmise au Conseil constitutionnel. 

La question de « l’objectif d’intérêt général »

La dernière étape de ce marathon judiciaire s’est déroulée hier devant les Sages. 

Les avocats représentant plusieurs communes du Val-de-Marne, de Seine-Saint-Denis ainsi que la Ville de Paris se sont tour à tour exprimés pour défendre l’idée que « l’article 47 de la loi de transformation de la fonction publique porte une atteinte majeure au principe de libre administration ». 

La première avocate à s’exprimer s’est étendue sur « les difficultés considérables de recrutement » auxquelles sont confrontées les collectivités. « Les collectivités, qui ont la tâche de faire fonctionner les services publics de proximité avec des ressources de plus en plus réduites, n’arrivent pas à recruter, du fait notamment de la très faible attractivité de la rémunération. Elles ne disposent pas du levier indemnitaire. » L’avocate a relevé que dans la fonction publique de l’État, des « leviers » existent, comme la prime de 10 000 euros accordée aux fonctionnaires travaillant en Seine-Saint-Denis, qui ne sont pas autorisés dans la FPT. Le seul levier que peuvent utiliser les élus pour attirer des agents est donc celui de « la qualité de vie au travail, c’est-à-dire le temps de travail. On leur a enlevé ». 

Un deuxième avocat s’est exprimé sur le fond, c’est-à-dire la question de la constitutionnalité. Il a rappelé qu’une atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales n’est possible que dans le cas où elle répond à « un objectif d’intérêt général ». « En quoi le fait d’imposer les 1 607 h dans la fonction publique territoriale répond-il à un objectif d’intérêt général ? », a demandé l’avocat, qui a bataillé contre les arguments du gouvernement. « On nous dit que cela permettrait de faire des économies. Mais cela fait 20 ans que les administrations mettent en place les 1 607 h, et vous ne trouverez aucune étude disant que la moindre économie a été réalisée. Augmenter le temps de travail ne permet pas mécaniquement de réduire le nombre de postes, cela ne fonctionne pas comme cela. » 

Le deuxième argument brandi par le gouvernement est qu’il y aurait bien un objectif d’intérêt général à « harmoniser le temps de travail dans la fonction publique ». Pour l’avocat, cette mesure n’est pas une « harmonisation mais une uniformisation », et « l’uniformisation compromet la capacité d’action des collectivités. Le territoire national n’est pas uniforme, il est varié, et pour que le service public fonctionne partout, son organisation doit elle aussi pouvoir être variée. » La loi, a rappelé l’avocat, permet maintenant des négociations locales. « Mais si on ne peut pas parler rémunération ni temps de travail, sur quoi va-t-on négocier ? ». 

Principe de subsidiarité

Un troisième avocat a abondé dans le même sens, rappelant que même l’étude d’impact de la loi de transformation de la fonction publique ne permettait pas de faire ressortir des « économies » à la suite de l’application de cette mesure. Pour lui, l’article 47 de la loi « a vidé de sa substance le principe de subsidiarité », en ne tenant pas compte des différences existant entre les collectivités – comme la Ville de Paris par exemple, où « les contraintes subies par les agents sont plus importantes que dans n’importe quelle autre ville ». « Pourquoi, dans ce cas, la négociation collective ne permettrait-elle pas aux élus de choisir ce qui est le mieux pour leurs agents ? ». L’avocat a également souligné qu’il a été imposé aux collectivités de résoudre cette question en 2020 et 2021, c’est-à-dire « en pleine crise sanitaire, qui a interdit de mener une véritable négociation ». 

Pour les avocats, l’affaire est claire : « l’uniformisation » exigée par la loi « ne répond à aucun objectif d’intérêt général », et « le Conseil constitutionnel ne peut rien faire d’autre que de la déclarer inconstitutionnelle ». 

Reste à savoir si ces arguments auront convaincu le Conseil présidé par Laurent Fabius – et où siègent désormais plusieurs anciens maires, comme Alain Juppé et Jacqueline Gourault. Réponse le 29 juillet. 




Petite enfance
Pénurie d'animateurs dans les centres d'accueil et colonies de vacances : les collectivités en difficulté
Cet été, les centres d'accueil et les colonies de vacances doivent faire face à un défi : les difficultés de recrutement d'animateurs. Certaines communes n'ont pas pu ouvrir leurs accueils d'été et des séjours ont été annulés.

Les vacances ne vont pas être de tout repos dans certains territoires. En cause : la carence d’animateurs qui oblige les organisateurs des centres d’accueil et des colonies à réduire le nombre de places disponibles et même – dans certains cas – à fermer complètement. 

Ce problème, les maires l’ont vu venir depuis plusieurs mois. « Ce n’est pas un constat d’urgence ou de dernière minute », explique Delphine Labails, maire de Périgueux et coprésidente de la commission éducation de l'Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF). Interrogée par Maire info, elle indique que ces difficultés de recrutement existent depuis le mois de septembre dernier et que le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports a été informé du problème. 

« Des mesures ont été prises par le gouvernement mais elles n’ont pas complètement porté leurs fruits », constate la maire. Selon un rapport du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ), la crise sanitaire a eu « un impact terrible pour les colonies de vacances, qui ont connu une chute historique avec une baisse de plus de 50 % du nombre de séjours, passant de 54 840 en 2018-2019 à 24 351 en 2020. » L’étude témoigne aussi d’une baisse structurelle du nombre d’enfants et de jeunes accueillis. Trouver du personnel qualifié est aujourd’hui un vrai casse-tête, ce qui explique en partie l’essoufflement de ces activités estivales. 

Retard de formation et précarité du métier 

L’ouragan covid-19 a chamboulé de nombreux secteurs son passage. Celui de l'animation n'a pas été épargné. « La formation des animateurs a été interrompue par la crise sanitaire. Il y a eu notamment beaucoup moins d’animateurs formés au Bafa », remarque Delphine Labails. 

L’obtention du Bafa se fait en trois temps. « Il y a d’abord une formation générale de 9 jours, puis un stage pratique de 14 jours dans une structure d’accueil, et un stage d’approfondissement de 6 jours, indique la maire. Bon an, mal an, entre les différents confinements, des jeunes ont été formés, mais pas complètement ! Certains jeunes ont fait les 3 étapes mais n’ont pas encore pu passer devant un jury par exemple. » 

Or, pour qu’une "colo" ou un accueil puisse fonctionner, il faut au moins 50 % d’animateurs titulaires du brevet ou d’un diplôme, titre ou certification figurant dans un arrêté du 9 février 2007. Si des demandes de dérogation sont possibles pour faire travailler davantage d’animateurs sans diplômes, les capacités d’accueil sont tout de même véritablement impactées. Tout est ralenti, revu à la baisse, et certaines communes ne peuvent parfois pas du tout proposer aux familles un accueil sur leur territoire. 

La crise sanitaire a aussi donné un coup de projecteur sur la difficulté du métier, comme elle l'a fait avec les métiers du secteur de la restauration ou de l’hôtellerie par exemple. « Ce sont des métiers difficiles avec des horaires atypiques et donc une partie du personnel est allée vers d’autres secteurs », observe la maire. 

Sans compter que le salaire est souvent peu attractif et le métier peu valorisé. Certaines municipalités, comme celle de Tollevast (Manche), ont décidé de revaloriser l’indemnité des animateurs face à ces trop grandes difficultés de recrutement. Mais c’est une mesure qui pèse sur le budget des communes et qui ne peut pas résoudre de manière durable ce problème de carence en animateurs qui est grandissant. 

Le système D dans les communes 

La coprésidente de la commission éducation de l'AMF constate bel et bien que certaines communes n’ont pas pu ouvrir leurs accueils d’été, « dans le pire des cas. » D’autres ont été forcées de trouver des solutions « intermédiaires » avec par exemple une fermeture un jour dans la semaine. D’autres communes ont fait des regroupements entre voisines, « l’une organise un accueil en juillet et l’autre en août. »

Mais ce ne sont que « des solutions de débrouille », remarque la maire qui est catégorique sur le fait que les communes ne sont « clairement pas en capacité d’ouvrir la totalité des places proposées les années précédentes. »

Les élus qui font face à cette difficulté peuvent d’abord « consulter les communes voisines pour voir si elles peuvent accueillir les enfants sur leurs territoires. » Mais se pose alors le problème des transports, notamment dans les territoires ruraux ou de montagne. Les familles ne sont pas toujours en capacité d’emmener les enfants dans des structures éloignées de leurs domiciles et les municipalités ne sont pas forcément en mesure de prévoir un moyen de transport pour ces enfants. 

Certaines communes ont décidé aussi d’ouvrir des garderies à la place des accueils de loisirs. Ainsi, c’est le personnel municipal qui est chargé de l’accueil. Problème : « Lorsqu’on ouvre une garderie, cela veut dire que la totalité du financement de l’accueil repose sur la collectivité et les familles puisque les aides de la Caf ne peuvent pas être perçues. Les communes ne peuvent pas percevoir la prestation de service et les familles ne peuvent pas bénéficier des bons de vacances. »

Les « Assises de l'animation »

« Dès le mois de septembre de l’année dernière, l’AMF a saisi le ministère concernant ces difficultés et des Assises de l’animation ont été mises en place », rappelle Delphine Labails. Ces assises, lancées par Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargé de la jeunesse et de l’engagement, le 24 novembre 2021 et conclues le 22 février 2022, ont permis d’établir un plan de 25 mesures pour notamment « améliorer les conditions d'exercice de l'animation » (lire Maire info du 25 février). 

Mais beaucoup reste à faire. Le nouveau ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse a d’ores et déjà été sollicité par l’AMF afin que « les travaux reprennent d’urgence » sur ces difficultés de recrutement pour les collectivités et associations. La secrétaire d’État ayant été reconduite dans ses fonctions, la mise en œuvre du plan devrait se poursuivre prochainement, notamment par la création d’un comité de filière de l’animation auquel sera associée l’AMF.




Santé publique
Ehpad : des sénateurs préconisent le lancement de contrôles financiers dans tous les groupes privés
Après l'affaire Orpea, un rapport sénatorial propose de renforcer substantiellement les outils de contrôle des Ehpad et de lancer des contrôles financiers au siège de tous les groupes privés à but lucratifs dans les deux prochaines années. 

« Les autorités de contrôle ne remplissent pas leur mission, en tout cas pas suffisamment. » C’est le constat du sénateur de la Loire Bernard Bonne (LR) qui a fustigé « la volonté de faire des profits […] au détriment des résidents » des établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad), lors de la présentation, mercredi dernier, du rapport d’information de la commission des affaires sociales du Sénat sur le contrôle de ces maisons de retraite. 

Une mission lancée après la parution, en début d’année, d’une enquête du journaliste Victor Castanet sur les pratiques du groupe Orpea et les mauvais traitements infligés aux personnes âgées, mais qui n’a rien d’un « exercice d’Ehpad-bashing », s’est défendu d’emblée le sénateur.

Contrôles financiers des groupes privés 

Alors que les contrôles existants ont jusqu’à présent été « prioritairement axés » sur la maltraitance, la commission juge que « cela ne suffit pas » et déplore ainsi de « nombreux angles morts ». Selon Bernard Bonne, « il faut absolument que le contrôle et l’encadrement des groupes multigestionnaires soient renforcés », alors même que le gouvernement a annoncé un vaste plan de contrôles dans les 7 500 Ehpad français (publics et privés) dans les deux prochaines années

Pour les sénateurs, « ce n’est pas la priorité ». « La priorité, c’est de contrôler sur le plan financier tous les Ehpad privés lucratifs », a estimé le sénateur de la Loire, celui-ci souhaitant ainsi étendre la campagne de contrôle annoncée par le gouvernement aux sièges des groupes privés lucratifs.

À ses yeux, « on a beaucoup parlé d’Orpéa, mais je crois qu’il y a beaucoup à voir au niveau de tous les autres groupes privés lucratifs […]. Ils méritent que l’on s’attarde assez longuement sur la façon dont ils procèdent dans leur gestion des fonds publics ». En effet, selon lui, « il n’est plus suffisant de contrôler les établissements, il faut surtout trouver le moyen de contrôler les groupes, ce qui n’était pas fait du tout jusqu’à aujourd’hui ».

Des situations contrastées selon les territoires

La priorité est donc de « commenc[er] par les groupes privés commerciaux » et par la suite les Ehpad privés non-lucratifs et publics. Les inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas) seraient ainsi chargées de contrôler tous les groupes intervenant dans le secteur, « une convention pluriannuelle d’objectifs entre ces groupes privés et la CNSA serait conclue pour piloter cette campagne ».

En outre, les auteurs du rapport mettent en avant un nombre de contrôles réalisés par les ARS (sur la période 2018-2021, ce sont environ 2 800 missions d’inspections qui ont été réalisées, soit environ 700 par an en moyenne) qui reste « limité » au regard du nombre d’établissements autorisés en France. En effet, « un Ehpad est contrôlé tous les 20 ou 30 ans », pointent-ils. En cause, la baisse des effectifs des autorités de tarification et de contrôle. 

De plus, ces situations sont « assez contrastées selon les territoires », observent les sénateurs, pour qui il est « indispensable d’attribuer des moyens supplémentaires aux autorités de tarification et de contrôle pour accroître les missions dans ce secteur ».

Meilleure coordination

Les sénateurs souhaitent également une meilleure coordination entre les différents acteurs (ARS, la répression des fraudes/DGCCRF, etc.) qui peuvent intervenir, en créant « un comité d’animation des contrôles » au niveau national qui réunirait les directions d’administrations centrales et les caisses de sécurité sociale concernées, le défenseur des droits, dans le but de « définir des orientations nationales et donner des impulsions aux réseaux déconcentrés ». Celui-ci serait également décliné au niveau départemental.

Ils rappellent, par ailleurs, que, « pour un certain nombre d’acteurs, la médicalisation souhaitable des Ehpad emporte ou emportera à terme une compétence élargie des ARS dans les territoires, ne laissant éventuellement aux départements que la compétence d’aide à domicile ». « Un tel recul de la place des départements dans la politique médico-sociale n’est pas opportun », juge ainsi les auteurs du rapport.

Limiter l’expansion des groupes privés

Alors que « la place croissante » des groupes privés dans le secteur des Ehpad est indéniable, ces derniers estiment qu’il faut désormais limiter leur expansion.

Entre 1986 et 2015, le nombre de places en établissements médico-sociaux médicalisés et non médicalisés s’est accru de 85 %, une croissance qui a été très majoritairement portée par le secteur privé et notamment par le secteur privé lucratif, où elle atteint 560 % sur cette période. « Même si le secteur public gère toujours la moitié des places accessibles, le poids de ce dernier s’est considérablement réduit », constatent les sénateurs, ceux-ci soulignant que « dans certains départements, l’offre privée lucrative représente maintenant plus de la moitié des places effectives ».

Les rapporteurs suggèrent ainsi de proposer des mesures d’encadrement de l’offre à but lucratif et que les autorités puissent avoir un « droit d’opposition » aux transferts d’autorisation afin qu’elles soient « en capacité de piloter l’offre dans le temps et de choisir les opérateurs ».

Ils demandent, enfin, l’examen d’une loi consacrée au grand âge et à l’autonomie, « une priorité absolue ». D’autant que le besoin de places en Ehpad va continuer à s’accroître dans les années à venir. « La population de personnes âgées dépendantes, estimée à 2,5 millions de personnes en 2015, pourrait atteindre 4 millions en 2050 », rappellent-ils, estimant à 56 000 le nombre de places à ouvrir en Ehpad d’ici 2030. « Il devient fondamental d’investir massivement dans la modernisation du bâti […] surtout publics », assurent-ils.

Télécharger le rapport. 

 






Journal Officiel du mercredi 20 juillet 2022

Ministère de la Justice
Arrêté du 13 juillet 2022 modifiant l'arrêté du 19 avril 2022 instituant une commission consultative paritaire compétente à l'égard des agents contractuels du ministère de la justice et des établissements publics qui lui sont rattachés
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Arrêté du 13 juillet 2022 modifiant l'arrêté du 16 juillet 2012 relatif à l'exploitation de services de transport aérien par la société Air Caraïbes
Ministère de l'Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Arrêté du 27 juin 2022 homologuant la décision n° 2022-1117 de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse du 24 mai 2022 fixant les conditions d'utilisation des fréquences radioélectriques pour les systèmes de Terre permettant de fournir des services de communications électroniques dans la bande de fréquence 2 500-2 690 MHz

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