Édition du jeudi 30 juin 2022

Numérique
L'accessibilité numérique : un défi qui reste encore à relever sur les sites internet des collectivités
Depuis 2012, les sites des organismes publics doivent être accessibles à tous, y compris aux personnes handicapées. La réalité est tout autre puisqu'aujourd'hui seulement 3 % des sites sont pleinement accessibles. Les collectivités sont aussi à la traîne sur le sujet. Pourtant, rendre le site d'une mairie accessible, notamment aux personnes malvoyantes, est aujourd'hui indispensable.

Lorsque l'on entend « accessibilité » on pense souvent aux aménagements des espaces publics pour les personnes handicapées mais rarement aux adaptations des sites internet. Or en matière de handicap visuel, cette question est primordiale car « il ne faut pas croire que les personnes déficientes visuelles ne peuvent pas utiliser l’informatique », explique Sylvain Nivard, président de l’Association Valentin Haüy (AVH), interrogé par Maire info. 

Lui-même atteint de cécité, cet ancien maire d’un village du Cher a décidé de rejoindre cette association car selon lui « beaucoup est à faire » en termes de sensibilisation. Avec 125 implantations partout en France, la structure aide les aveugles et malvoyants et propose aussi aux élus un accompagnement pédagogique sur ces sujets, notamment sur celui de l’accessibilité numérique des sites web municipaux. 

Et en effet « beaucoup est à faire » car selon les observations de l’AVH, même les sites des plus grandes villes de France ne répondent pas à l'entièreté des obligations d’accessibilité. De surcroît, aucune commune ne dispose d'un site internet totalement accessible aujourd'hui.

L’accessibilité : une obligation pour les collectivités 

Les obligations d’accessibilité des sites publics aux personnes en situation de handicap ont été introduites par l’article 47 de la loi du 11 février 2005 dite « loi handicap ». Les collectivités territoriales doivent, depuis 2012, se conformer aux règles du référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA).

De plus, depuis le 23 septembre 2019, les sites publics doivent publier une déclaration d’accessibilité et afficher leur conformité dès la page d’accueil. Sur le site de la commune de Lalouvesc (Auvergne-Rhône-Alpes) on retrouve par exemple en bas à gauche la mention « Accessibilité : partiellement conforme ». 

Problème : ces obligations ne sont pas respectées. « D’abord parce qu’il y a un manque de pédagogie autour de la question et ensuite parce qu’il n’existe pas d’autorité de contrôle en la matière ni de sanction », explique Sylvain Nivard. La loi ne sanctionne en effet pas le défaut d’accessibilité, mais seulement le non-respect des obligations déclaratives, « mais concrètement les sanctions de ce non-respect ne sont pas appliquées », précise le président.

Des mesures concrètes à mettre en place

Rendre accessible un site aux personnes malvoyantes peut sembler être une tâche complexe. Pourtant, rassure Sylvain Nivard, « ce n’est pas compliqué de rendre un site accessible, le plus dur est d’y penser. » En tant qu’aveugle, le président de l’AVH possède un logiciel sur son ordinateur qui lui permet de récupérer les informations. « Pour que tout fonctionne, il faut que le site internet de la commune ait été développé de façon conforme aux normes d’accessibilité et ainsi nos logiciels peuvent décrypter le contenu du site. » 

Ces adaptations passent par la mise en place de plusieurs petites mesures assez simples comme le fait de donner à une image une légende soignée qui peut servir de remplacement aux images comme des dessins informatifs, des cartes, des schémas ou des graphiques, par exemple. Un site devrait aussi être navigable exclusivement à l’aide du clavier et le contraste doit être suffisant entre le texte et son arrière-plan pour les personnes malvoyantes. 

« Cette mise en conformité ne coûte pas plus cher à la commune, contrairement aux idées reçues que l’on peut entendre, explique le président de l’association. Le surcoût est marginal surtout si on le fait au moment où la mairie refond le site avec une nouvelle version. C’est l’occasion de repartir du bon pied. » 

Le président précise que « la commune peut facilement faire une demande auprès de son prestataire » même si, normalement, le prestataire numérique devrait avoir un devoir de conseil sur cette obligation. « Il faudrait, dans un marché public pour acheter un progiciel, prendre en compte l’accessibilité comme un critère indispensable ».

« Le maire doit s’adresser à tout le monde » 

En plus d’être une obligation légale, rendre son site accessible est une démarche « de bon sens ». La dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), selon l’Inserm, est la première cause de handicap visuel chez les personnes de plus de 50 ans et concerne environ 8 % de la population française. Plus largement, en France, près de 1,7 million de personnes sont atteintes d'un trouble de la vision. « C’est une part de la population importante que l’on ne peut pas mettre de côté », indique Sylvain Nivard. 

« Le maire doit s’adresser à tout le monde, soutient l’ancien élu. Ce qui a beaucoup changé – et ce dont les maires n’ont pas forcément tous pris conscience – c’est qu’il y a 10 ans, quand je voulais connaître les horaires de la piscine, de la bibliothèque municipale ou du bureau de l’aide sociale, je pouvais téléphoner. Aujourd’hui il faut se rendre sur le site web. C’est devenu de plus en plus incontournable. Avant il y avait une alternative, mais plus maintenant. »

Le manque d’accessibilité peut aussi créer un effet d'exclusion. De plus en plus d’applications pour smartphone émergent pour signaler une « anomalie » sur la place publique ou faire remonter des informations à la mairie. Problème : ces dernières sont souvent complètement graphiques. Sylvain Nivard, par exemple, ne peut alors « pas jouer son rôle de citoyen » comme les autres habitants. « C’est cela la fracture numérique », conclut le président de l’AVH qui rappelle que les comités locaux de l’association peuvent être un appui précieux pour les maires et les agents qui ne connaissent pas encore bien le sujet mais qui sont tous, manifestement, « de bonne volonté »
 




Aménagement du territoire
Le Sénat déplore l'absence de moyens financiers dédiés au ZAN
Dans un rapport sévère pour l'État, adopté à l'unanimité de ses membres, le 29 juin, la commission des finances du Sénat estime que « le modèle économique du ZAN reste à définir ». Elle formule des propositions pour conforter les financements dévolus à l'atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette, et propose la création d'un « guichet unique » pour soutenir les projets menés par les élus sur le terrain.

« Sur le ZAN, nous décernons un zéro pointé net au gouvernement ! », a résumé Jean-François Husson, sénateur de la Meurthe-et-Moselle et rapporteur général de la commission des finances de la Haute-assemblée, en présentant, le 29 juin, les conclusions d’un rapport sur « les outils financiers pour soutenir l’atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette », aux côtés de Jean-Baptiste Blanc, sénateur du Vaucluse et rapporteur spécial des crédits du logement et de l'urbanisme, auteur du rapport au titre de son contrôle budgétaire, et de Sophie Primas, sénatrice des Yvelines et présidente de la commission des affaires économiques. 

Au terme d’une vingtaine de déplacements, de nombreuses auditions (dont celle de l’AMF) et d’une enquête à laquelle 1 200 élus locaux ont répondu, ils dressent un rapport au vitriol contre « l’inconséquence du gouvernement qui a fait adopter le ZAN dans la loi climat et résilience du 22 août 2021 sans prévoir de financements pour atteindre cet objectif d’ici à 2050, a déploré Jean-François Husson. Par cette carence, l’État s’abstrait de la mise en œuvre d’une réforme qui va pourtant avoir des conséquences énormes sur l’aménagement du territoire, l’habitat, les déplacements, le développement économique local ! ». 

Pérenniser le fonds friche et étendre son périmètre

« Il est urgent de corriger le tir car la réhabilitation des friches nécessaires pour limiter les nouvelles constructions et les opérations de renaturation compensant l’artificialisation seront difficilement rentables sans aides publiques », a souligné Jean-Baptiste Blanc. L’État doit donc mettre en place des outils financiers qui permettront aux élus d’atteindre le seuil intermédiaire fixé d’ici à 2031 par le législateur (une consommation foncière inférieure de moitié à celle des dix années précédentes), puis le ZAN en 2050. Le temps presse alors que les élus locaux doivent définir leurs objectifs en la matière d’ici octobre prochain, lesquels figureront ensuite dans les documents de planification (Sraddet, Scot et PLU-PLUI). 

Les sénateurs proposent la pérennisation du fonds friches mis en place par l’État en 2020 et ré-abondé en 2021 et 2022, « et son extension à l’ensemble des terrains sur lesquels la construction peut se faire sans artificialisation ou avec une artificialisation très limitée n’entraînant pas d’extension urbaine » (friches, « dents creuses », réhabilitation de logements vacants…). La dotation budgétaire affectée aux établissements publics fonciers (EPF) d’État et locaux, « doit être pérennisée et renforcée afin que les EPF soient les bras armés d’une véritable politique de maîtrise publique du foncier », déterminante pour mener des projets de « recyclage urbain » et juguler « les initiatives privées accaparant du foncier ». Les sénateurs estiment aussi que l’objectif ZAN nécessite une « refondation de la fiscalité locale » qui doit être « réorientée de manière majoritaire, mais non exclusive, vers les opérations tendant à la sobriété foncière (réhabilitation, rénovation, démolition-reconstruction) ».

La commission des finances du Sénat va saisir le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) pour explorer les possibilités en la matière. Pour inciter les élus à privilégier la sobriété foncière, le rapport préconise également d’adapter le versement des dotations de l’État aux collectivités (DETR et DSIL notamment) à la réalisation du ZAN. Idem pour le versement des aides à la pierre apportées par le fonds national (FNAP) pour la construction de logements sociaux. L’État devrait aussi selon eux affecter à la réalisation d’actions menées en vue de l’atteinte de l’objectif ZAN le surplus du produit des ventes de quotas carbone qu’il perçoit. 

Créer un « guichet unique » pour les collectivités

Au-delà des financements, l’État doit aussi accompagner les élus sur le terrain, estiment les sénateurs qui pointent l’absence d’interlocuteurs dédiés au ZAN. Ils préconisent donc la mise en place d’un « guichet unique regroupant les moyens de l’État qui apportera un soutien en ingénierie aux collectivités et un financement sur le long terme » adaptés aux spécificités territoriales et permettant la réalisation du ZAN. Mais à ce stade, ils ne précisent pas la structure porteuse ni l’échelle territoriale de ces guichets (départementale ? régionale ?). Sur le terrain, l’État, via ces guichets uniques, devrait selon eux privilégier un « dispositif contractuel » avec les collectivités pour les aider à réaliser les objectifs du ZAN via des conventions pluriannuelles « fixant une trajectoire sur le modèle de la contractualisation mise en place pour atteindre la réalisation des logements sociaux en application de la loi SRU », a illustré Jean-Baptiste Blanc. 

Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, n’a pas exclu le dépôt, « à l’automne », d’une proposition de loi reprenant les préconisations du rapport dont certaines pourraient aussi être votées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 (pérennisation du fonds friches, notamment). Au passage, elle a étrillé le gouvernement qui, sous la précédente mandature, « a publié des textes règlementaires sur le ZAN totalement orthogonaux avec les dispositions que nous avions votées en commission mixte paritaire ». La sénatrice des Yvelines a notamment fait référence aux deux textes du 29 avril sur lesquels l’AMF a déposé un recours devant le Conseil d’État : l’un sur les objectifs et règles générales du SRADDET et l’autre sur la nomenclature de l'artificialisation des sols. Publiés « dans la précipitation, sans étude d’impact, après deux avis défavorables du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), dans une approche de recentralisation rigide », ces textes risquent de provoquer des contentieux car ils « fragilisent juridiquement les documents de planification (SCOT, PLU) », selon l’AMF.

Consulter le rapport du Sénat. 
 




Développement durable
L'Europe acte définitivement la fin des véhicules thermiques en 2035
Le Conseil des ministres européens a finalement approuvé, hier, le projet de la Commission européenne visant à interdire la vente de véhicules thermiques en 2035. Ce qui provoque de nombreuses interrogations tant sur la faisabilité de cette mesure que sur ses conséquences économiques et sociales. 

C’est la dernière étape d’un long cheminement, entamé il y a un an avec l’adoption par la Commission européenne, mi-juillet 2021, d’un projet de bannissement des véhicules thermiques (y compris utilitaires légers), dont la vente serait interdite à partir de 2035. Début juin 2022, le Parlement européen a à son tour adopté ces préconisations. Il ne restait plus qu’à les faire valider par le Conseil, ce qui a finalement été fait dans la nuit de mardi à mercredi, après d’âpres négociations. 

Cette décision est cohérente avec les objectifs de l’Union européenne d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Si elle est appliquée, seuls les véhicules 100 % électriques seront autorisés à la vente à compter de 2035, puisque même les véhicules hybrides seraient interdits. 

Seules deux exceptions ont été prévues : le Conseil a confirmé l’amendement dit « Ferrari », qui permet la poursuite de la vente de véhicules essence pour les modèles fabriqués à moins de 10 000 exemplaires par an – ce qui ne concerne que les véhicules de luxe. Par ailleurs, lors des négociations, l’Allemagne et l’Italie ont défendu – et fait adopter – le principe d’une sorte de clause de revoyure : la vente de véhicules thermiques pourrait rester autorisée après 2035 si, d’ici là, les recherches sur les carburants synthétiques (« e-carburants ») aboutissent et permettent de supprimer totalement les émissions de gaz à effet de serre. 

« Défi immense »

La décision est donc prise. Il reste à la mettre en œuvre et à en mesurer les conséquences – la date de 2035 étant extrêmement proche au regard des enjeux. 

Trois questions essentielles se posent face à cette décision. D’abord, celle du maillage des territoires en points de recharge. Même s’il a été annoncé hier que le cap du million de points de recharge a été dépassé en France, cela reste très insuffisant, et le Conseil européen a encore une fois appelé, hier, à donner un sérieux coup d’accélérateur au développement de ce réseau de bornes de recharges, condition indispensable au développement de la voiture électrique. 

Deuxième problème : le prix des véhicules. Le coût d’une voiture électrique est aujourd’hui de 60 % supérieur à celui d’un véhicule thermique de même gamme. Même si les prix devraient (un peu) baisser avec la hausse des volumes de production, les experts prévoient qu’en 2030, une voiture électrique coûtera toujours 4 000 à 5 000 euros de plus qu’un véhicule thermique, ce qui peut s’avérer rédhibitoire pour les ménages modestes et moyens. Avec un possible effet contre-productif : si les véhicules électriques sont inabordables, les ménages garderont plus longtemps leur vieille voiture thermique, plus polluante… 

Reste enfin la question sociale, évidemment très délicate dans les pays d’Europe où l’industrie automobile est très prégnante, comme la France, l’Allemagne et l’Italie. Selon les projections des constructeurs français, la filière automobile pourrait perdre entre 30 000 et 40 000 emplois en France d’ici 2025, et entre 100 000 et 200 000 d’ici 2035. De nombreuses usines – forges et fonderies en particulier – seraient menacées de fermeture. 

Et c’est sans compter un certain nombre de problèmes non résolus à ce jour : celui de la fabrication des batteries, celui de leur recyclage, celui de l’approvisionnement en matériaux rares nécessaires au fonctionnement des véhicules électriques. 

En d’autres termes, même si l'intention est louable, la décision européenne pose aujourd’hui plus de problèmes qu’elle n’en résout, et l’on comprend que la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, parle ce matin de « défi immense pour notre industrie automobile », qui ne se sera possible à relever que grâce à « une transition planifiée et accompagnée ». 

Changer de braquet

Cette décision intervient le jour même où le Haut Conseil pour le climat, en France, a rendu son rapport annuel, dont le titre même, Dépasser les constats, mettre en œuvre les solutions, veut tout dire : la réponse de la France au changement climatique « progresse » certes, mais reste très en dessous de ce qu’il faudrait faire, par « manque d’objectifs stratégiques, de moyens et de suivi ». Pour le HCC, le risque est « majeur » de voir la France ne pas atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). 

Le Haut Conseil constate que les émissions de GES sont certes inférieures à ce qu’elles étaient en 1990, mais qu’elles recommencent à augmenter dans certains secteurs. Il recommande donc un véritable changement de braquet, en commençant – ce qui est bien dans les intentions du gouvernement – par une planification écologique qui se déclinerait « au niveau du Premier ministre ». Parmi les autres recommandations du Haut Conseil, on retiendra celle « d’engager sans délai les investissements dans les infrastructures » (transport, distribution, réseaux ferroviaires, pistes cyclables…), ainsi que « dans les réseaux de chaleur et la végétalisation des villes ». 

Le rapport présente de très nombreuses préconisations dans tous les secteurs émetteurs de GES (agriculture, industrie, bâtiment, transports, énergie, etc.). Ses auteurs appellent également à amplifier « l’action territoriale », notamment en développant des outils « de diagnostic territorial des vulnérabilités aux impacts du changement climatique ». 




Crise sanitaire
La crise sanitaire a forcé 200 000 à 400 000 personnes à recourir à l'aide alimentaire
À l'heure où le gouvernement met la dernière main à son projet de « chèque alimentaire », l'Insee a publié hier une étude montrant que « la crise sanitaire a accentué la précarité des bénéficiaires de l'aide alimentaire ». Entre deux et quatre millions de personnes, selon les sources, ont recours en France à un dispositif d'aide alimentaire. 

La crise sanitaire a non seulement augmenté le nombre de personnes devant recourir à l’aide alimentaire – d’environ 10 % – mais elle a, de surcroît, fortement dégradé les conditions de vie de ceux qui y avaient déjà recours avant la crise. Ce sont les conclusions de la dernière enquête Insee Première, parue hier. 

Profils divers

La notion d’aide alimentaire recouvre plusieurs dispositifs, rappelle l’Insee, qui s’appuient essentiellement sur les associations et sur les collectivités locales : colis ou paniers alimentaires, épiceries solidaires, distribution de repas, aides financières directes (bons d’achat notamment). Ce sont les colis qui sont les plus utilisés (70 % des personnes s’étant rendues en 2021 sur un site d’aide alimentaire y ont eu recours), les centres de distribution de repas n’attirant que 12 % des « recourants », selon le terme utilisé par l’Insee. 

L’Institut reconnaît qu’il est très difficile d’estimer le nombre total de recourants à l’aide alimentaire, les différentes enquêtes nationales réalisées utilisant des méthodes très différentes. « En corrigeant au mieux ces différences, on aboutit à une estimation du nombre de bénéficiaires sur une année compris entre deux et quatre millions de personnes », explique l’Insee. Environ 10 % d’entre eux auraient été forcés de se tourner vers l’aide alimentaire du fait de la crise sanitaire, soit entre 200 000 et 400 000 personnes, ce qui est considérable. 

Le profil des recourants diffère selon le type d’aide demandé : le recours au colis (qui consiste souvent à venir chercher des denrées pour l’ensemble d’un ménage) est majoritairement le fait de femmes (72 %) ; à l’inverse, les associations qui servent des repas accueillent majoritairement (77 %) des hommes. 

« Parmi les recourants aux colis et aux épiceries sociales, 83 % vivent dans leur propre logement (52 % en logement social), reflétant notamment le fait que ce type d’aide suppose de disposer de l’usage d’une cuisine pour préparer les denrées récupérées. La situation est très différente pour les personnes fréquentant les distributions de repas : parmi elles, 68 % n’ont pas de logement personnel et, en particulier, 23 % sont des personnes sans abri. » Les recourants sont très rarement propriétaires d’un logement (5 %), et majoritairement locataires du parc social (46 %). 

Environ la moitié des recourants sont des immigrés. 

Détérioration de l’état de santé

L’enquête de l’Insee, bien loin des poncifs sur les « assistés », révèle que 64 % des recourants ont longtemps reporté leur recours à l’aide alimentaire en raison de « la gêne ou de la honte ». 

Plus d’un quart des personnes recourant à l’aide alimentaire a bénéficié, la même année, « d’aides autres qu’alimentaires » de la part d’une association ou d’un CCAS (aides financières, aides matérielles notamment articles pour bébés et fournitures scolaires). 18 % ont reçu une aide pour effectuer des démarches administratives. 

La crise sanitaire, constate l’Insee, a eu « de sévères conséquences sur les bénéficiaires de l’aide alimentaire » : 44 % des recourants ont vu leurs revenus diminuer entre mars 2020 et décembre 2021 et 50 % ont constaté une hausse de leurs dépenses. L’état de santé psychique de la moitié des recourants s’est détérioré pour la moitié des personnes, et l’état de santé physique pour un tiers. 

Précarité en hausse chez les étudiants

L’enquête pointe également la question préoccupante de la pauvreté chez les étudiants. Selon l’enquête, 4 % des étudiants auraient recours à l’aide alimentaire, mais l’Insee lui-même estime que ce chiffre est probablement sous-estimé. La crise sanitaire a joué un rôle extrêmement important dans cette catégorie : 83 % des étudiants recourant à l’aide alimentaire disent avoir commencé à le faire après mars 2020. Ce qui confirme que la crise a lourdement accentué la précarité chez les étudiants, du fait, d’une part, de la disparition pendant des mois des « jobs » étudiants et, d’autre part, « de la baisse des aides informelles du fait des restrictions de déplacement (impossibilité de revenir chez leurs parents par exemple) ». Ce à quoi il faut ajouter la fermeture des restaurants universitaires, qui a conduit des milliers de jeunes à ne plus être en mesure de manger tous les jours.




Finances locales
Malgré une quasi-stabilisation des dépenses sociales des départements en 2021, les inquiétudes persistent
En raison du fort rebond de l'activité et de la baisse du chômage, les départements ont connu une augmentation particulièrement faible de leurs dépenses sociales et médico-sociales en 2021. Mais l'Odas pointe les « inquiétantes perspectives financières des années à venir ».

Une année 2021 « atypique ». Malgré les conséquences de la crise sanitaire qui ont perduré, « jamais les dépenses sociales des départements n'avaient si peu augmenté d'une année à l'autre ». C’est le « constat rare » dressé par l'Observatoire national de l'action sociale (Odas) dans son enquête annuelle, publiée cette semaine. 

« L’exercice 2021 fait donc figure d’exception, tant en ce qui concerne l’évolution de la dépense nette, qu’en ce qui concerne l’évolution de la charge nette. Cette situation ne s’était produite jusque-là qu’une fois depuis la décentralisation des compétences sociales et médico-sociales, lors du transfert à l’État de la compétence de l’aide médicale », observent les auteurs de l’étude portant sur un échantillon représentatif de 49 départements. Des résultats dû essentiellement à la reprise de l'activité économique et à la baisse du chômage.

Progression de 0,4 %

Ces dépenses n’ont ainsi augmenté que de 0,4 %, à 40,4 milliards l’an passé, loin de la « hausse considérable » (+ 4,2 %) de 2020, qui avait vu explosé le nombre d'allocataires du RSA, qui avait conduit à dépasser la barre des 40 milliards d'euros. En considérant la hausse de 2,3 % des concours de l'État pour les allocations, la charge nette s’est ainsi quasiment stabilisée (à - 0,1 %, à 31,78 milliards d'euros) l’an passé pour les départements, après une forte augmentation en 2020.

Avec le RSA, l’insertion reste le premier poste de dépenses sociales des départements (27 %), suivie par le soutien aux personnes handicapées (21 %), la protection de l’enfance (21 %) et le soutien aux personnes âgées (18 %). Les dépenses de personnel ont, quant à elles, représenté 13 % des dépenses totales.

En hausse de 2,6 %, ces dernières se sont élevées à 3,95 milliards d’euros. « Cette augmentation s’explique, comme pour l’année précédente, par les moyens nécessaires pour pallier les conséquences de la crise sanitaire, mais aussi par l’engagement de nouvelles actions », explique l’Observatoire.

Des baisses, des hausses et d’importantes disparités

Pour le reste, deux secteurs ont vu leurs dépenses nettes progresser. Celles liées à la protection de l’enfance ont ainsi augmenté de 1,8 % par rapport à 2020, une hausse qui s’explique principalement par l’augmentation de 3,7 % des dépenses de placement en établissement, avec la prise en charge de 5 000 mineurs supplémentaires.

Ensuite, les dépenses en faveur des personnes en situation de handicap ont augmenté de 3,3 %, en raison notamment de l’augmentation du nombre de personnes éligibles à la prestation de compensation du handicap (PCH).

En revanche, les dépenses ont reculé dans deux secteurs, à commencer par celles en faveur des personnes âgées dépendantes qui ont diminué de 1,1 %. « Le concours dédié de la CNSA ayant augmenté plus rapidement (+ 8 %), il en résulte une charge nette en diminution de 5 % », explique l’Observatoire.

Même constat concernant les dépenses nettes d’insertion qui ont légèrement baissé de 0,6 %, tout comme la charge nette (- 1,2 %). Une baisse qui s’explique par la baisse importante du nombre d’allocataires du RSA (- 7,6 %), qui est revenu à son niveau de 2018 avec un peu plus de 1,63 million de bénéficiaires. Résultat, une baisse de 0,8 % des dépenses issues de cette allocation.

À noter, toutefois, les fortes disparités entre départements dans chacun de ces secteurs, avec, par exemple, un montant total des allocations qui diminue dans les deux tiers des départements, et augmente dans le tiers restant. 

On retrouve également ces disparités dans les dépenses d’APA (allocation personnalisée d'autonomie) à domicile – qui s’expliquent notamment par des choix de politiques - et d'hébergement d’aide sociale à l’enfance, liées au recours plus ou moins fréquent au placement et au coût des établissements.

Incertitudes pour 2022 et 2023

Reste que « cette stabilisation des dépenses est à analyser au regard des impacts à court et moyen terme de la crise sanitaire et des décisions très structurantes qui ont été prises », expliquent les auteurs de l’enquête, en soulignant que celle-ci « n’augure donc en rien une nouvelle tendance d’évolution de ces dépenses ». Ils regardent ainsi l’année 2021 comme « une pause » dans l’évolution des dépenses sociales des départements « dans un environnement financier favorable ». 

Car, dans les faits, « l’incertitude domine » et « l’inquiétude persiste pour 2022 et plus encore pour 2023 » face aux « inquiétantes perspectives financières des années à venir » et à « la diversité des difficultés et leurs conséquences économiques et sociales ».

Et l’Odas de citer l’impact financier de la crise sanitaire, les évolutions réglementaires et l’augmentation du prix des matières premières et de l’énergie, la hausse des taux d’intérêts et l’inflation. Sans compter les diverses revalorisations salariales (aide à domicile, fonction publique territoriale, établissements et services).

La masse salariale des départements devrait ainsi « augmenter significativement en 2022 », selon une analyse de La Banque Postale intégrée à l’enquête. La revalorisation de la catégorie C fin 2021 et le dégel du point d’indice confirmé cette semaine par le gouvernement vont ainsi impacter les budgets. À quoi s’ajoutera l'extension du Ségur de la santé à certains professionnels de l'accompagnement médico-social ainsi que l'« avenant 43 relatif à la rémunération des aides à domicile ». L'instauration d'un tarif plancher pour l'aide à domicile va également peser.

Télécharger l’enquête.
 






Journal Officiel du jeudi 30 juin 2022

Ministère de la Justice
Décret n° 2022-949 du 29 juin 2022 relatif aux conditions d'exercice des commissaires de justice
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Décret n° 2022-948 du 29 juin 2022 relatif aux dotations instituées en 2022 en vue de compenser certaines pertes de recettes subies en 2021 par les services publics locaux
Ministère de la Transition énergétique
Décret n° 2022-959 du 29 juin 2022 relatif aux conventions sans frais entre les opérateurs d'infrastructures de recharge pour véhicules électriques et les propriétaires, ou syndicats des copropriétaires, pour l'installation d'une infrastructure collective dans l'immeuble

Copyright 2020 AMF - www.maire-info.com - Tous droits réservés