Édition du vendredi 24 juin 2022

Formation
Apprentissage : la Cour des comptes pointe les conséquences délétères de la réforme de 2018
La Cour des comptes a rendu public hier un rapport sur la formation en alternance et l'apprentissage, dans lequel elle ne ménage pas ses critiques sur un système dont le financement reste, selon elle, « à définir ». Des critiques auxquelles l'association Régions de France souscrit pleinement. 

« Une voie en plein essor, un financement à définir ». Le titre du rapport de la Cour des comptes publié hier résume parfaitement le contenu du document : la formation en alternance et l’apprentissage ont connu une hausse « inédite », mais le système existant mène à « un déséquilibre financier préoccupant » de l’organisme France compétences. 

« Effets d’aubaine »

L’objet du rapport est la formation en alternance dans son ensemble, c’est-à-dire à la fois l’apprentissage et les contrats de professionnalisation. Le système a connu de profondes évolutions depuis la loi Pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, qui a mené à la création de l’organisme national France compétences en 2019 et à la dérégulation de la création des CFA (Centres de formation d'apprentis). La réforme du financement de l’apprentissage est entrée en vigueur au 1er janvier 2020. Cette réforme a été notamment marquée par une recentralisation du système, auparavant géré par les régions – recentralisation que Régions de France, quatre ans plus tard, juge « désastreuse ». 

La Cour des comptes rappelle que le nombre de jeunes en alternance a quasiment doublé entre 2016 et 2021, passant de 438 000 à près de 800 000. Si les contrats de professionnalisation se sont « effondrés » (- 57 %) sur la période, les entrées en apprentissage « ont augmenté de 98 % entre 2019 et 2021 », ce qui semble en grande partie dû aux « aides exceptionnelles versées aux employeurs » face à la crise du covid-19. Ces aides ayant été prolongées, comme l’a annoncé le gouvernement en mai dernier, « les entrées en apprentissage resteront vraisemblablement à un niveau élevé », prévoit la Cour des comptes. Celle-ci relève également « une évolution du profil des apprentis », la part des apprentis préparant un diplôme de niveau inférieur au bac diminuant de 63 à 49 %. Cette recomposition, note la Cour, « ne correspond pas aux objectifs historiquement associés à la politique de l’apprentissage, qui jusqu’à présent visait à améliorer l’insertion professionnelle des jeunes présentant les plus bas niveaux de qualification »

Dans un communiqué publié dans la foulée, hier, Régions de France ne peut qu’abonder dans le même sens : « Ce rapport valide l’analyse maintenue contre vents et marées par les régions depuis la réforme de 2018 et la désastreuse recentralisation de la compétence : l’augmentation des entrées en apprentissage est d’abord due aux effets d’aubaine et aux aides exceptionnelles versées aux employeurs. Surtout, la réforme ne bénéficie pas à ceux qui ont le plus de difficultés à s’insérer : les jeunes de niveau bac et infrabac, aujourd’hui minoritaires dans les effectifs d’apprentis. »

« Profonde dégradation financière »

La Cour se penche ensuite sur le financement des centres de formation (CFA). Depuis la création de France compétences, « instance unique de gouvernance nationale de la formation professionnelle et de l’apprentissage », les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) ont été transformés en « opérateurs paritaires de compétences » (Opco), chargés de financer les CFA, dont la création a été dérégulée. L’un des résultats de cette dérégulation a été « la croissance du coût des formations » et « des écarts injustifiés entre formations de même niveau et de même domaine ». 

Les dépenses consacrées à l’apprentissage s’envolent : de 5,5 milliards d’euros en 2018, elles sont passées à 11,3 milliards en 2021, notamment depuis 2021, une aide exceptionnelle aux employeurs d’apprentis de quelque 4 milliards d’euros a été mise en place. Conjuguée à la baisse des recettes de France compétences, liées au covid-19, cette hausse des dépenses « a fortement contribué au déficit » de l’organisme (3,2 milliards d’euros en 2021), qui ont obligé l’État à lui verser une aide exceptionnelle. Malgré ce soutien, « de nouvelles difficultés de trésorerie » sont à attendre dès cet été, redoute la Cour, qui parle d’une « profonde dégradation financière », non soutenable à long terme. Les magistrats proposent un certain nombre de pistes pour augmenter les recettes (suppression des exonérations de taxe d’apprentissage, par exemple). « Une augmentation de la contribution des entreprises, comme la création d’une subvention annuelle de l’État à France compétences, pourraient également être envisagées. » 

Concertation annuelle

La Cour des comptes estime enfin que la dérégulation de la création des CFA a conduit à la création d’une offre pas forcément adaptée « aux besoins des entreprises et des territoires », ce qui était moins le cas lorsque l’offre de formation en apprentissage était « pilotée par les régions ». Les « très nombreux CFA » qui se sont créés sont aujourd’hui « principalement positionnés sur le segment des formations tertiaires et supérieures au niveau bac + 2 ».  Ce qui provoque un risque de voir « fragilisées les formations peu attractives, pourtant nécessaires ». La Cour recommande donc de mettre en place « une concertation entre les principaux acteurs » pour « identifier et soutenir les formations moins rentables mais correspondant à des besoins de main-d’œuvre des entreprises ». 

Régions de France se félicite que la Cour des comptes valide les positions que l’association défend depuis la réforme et se dit « disponible » pour mettre en œuvre les recommandations de la Cour. « Sans revenir à la gouvernance d’avant 2018, les régions demandent à ce que leur soit confiée la maîtrise de la carte des formations initiales de la voie professionnelle, sous statut scolaire comme par l’apprentissage. » Quant à la proposition d’organiser, sous pilotage des régions, une concertation annuelle avec les Opco et les branches professionnelles, elle « va dans le bon sens », juge Régions de France. L’association en profite pour rappeler au passage que les enveloppes « résiduelles » versées France compétences (180 millions d’euros pour l’investissement et 138 millions d’euros pour le fonctionnement) sont « notoirement insuffisantes au regard des besoins des CFA ».
 




Aménagement numérique du territoire
Assurer la pérennité des infrastructures : les ambitions des acteurs de la filière télécoms
Les acteurs historiques du marché des télécoms et la Banque des territoires ont publié cette semaine une étude pour améliorer la pérennité des réseaux télécoms. Ils défendent l'enfouissement des réseaux les plus sensibles et le renforcement de la sécurité des infrastructures en travaillant avec les collectivités locales.

InfraNum - la fédération regroupant les professionnels de la fibre optique – a présenté mercredi son étude Infrastructures numériques : Essentielles c’est une évidence, résilientes c’est une exigence, menée en collaboration avec la Banque des territoires. 

Cette enquête a été menée via des entretiens avec des acteurs de l’ensemble de la filière, des pouvoirs publics et des collectivités et passe en revue les principaux risques identifiés quant au déploiement de la fibre et propose plusieurs pistes d’action. L’objectif : « Faire de la pérennité des infrastructures numériques une priorité nationale, peut-on lire en préambule de l’étude. En effet, si le caractère essentiel des réseaux n’est plus à démontrer, il est désormais urgent d’assurer leur résilience. »

Si la qualité du réseau reste la principale problématique - comme cela a été rappelé au colloque de l’Avicca (lire Maire info du 2 juin) - un autre défi est à relever : « la permanence de ces réseaux, et leur capacité à surmonter les différents aléas. »

Lutter contre les actes de malveillance 

Pas plus tard qu’en avril dernier, la France a connu une panne géante d’internet à la suite d’actes de vandalismes commis sur le réseau fibre optique. Philippe Le Grand, président d’InfraNum, avait alors insisté, via un communiqué de presse, « sur la nécessité de lancer un grand plan de résilience des réseaux. »

En plus de ces actes de malveillance, qui sont de plus en plus fréquents, des accidents peuvent interrompre le service. « Que se passerait-il si une tempête comme celle de 1999 privait des dizaines de milliers de foyers de réseau ? », demandait alors Philippe Le Grand lors de la présentation des résultats de l’étude. 

La vulnérabilité des acteurs des télécoms existe face à ces imprévus mais doit être anticipée au maximum. Ainsi, des réponses possibles ont été proposées par les auteurs du rapport, notamment une solution qui consisterait à « prévoir des infrastructures de rechange afin de limiter le temps de rétablissement » ou encore « adapter la sécurité des points de mutualisation aux spécificités des territoires et des projets. »

Les acteurs du réseau fibre sont aussi d’accord pour insister sur un renforcement de la sécurité des infrastructures, « notamment en développant la vidéoprotection en lien avec les collectivités locales. »  Encore faut-il savoir à qui incombera la charge financière de ce dispositif. Pour le moment certaines communes ont déjà installé des caméras au niveau des armoires, comme c’est le cas à Meaux, mais comme l’expliquait Ariel Turpin, délégué général de l’Avicca, « cela représente un coût et cela dédouane l’opérateur privé de faire son propre contrôle ». (lire Maire info du 11 mars) 

Enfouissement des réseaux 

Une grande partie du réseau fibre en France, et surtout dans les territoires outre-mer et ruraux, sont particulièrement fragiles et exposés aux intempéries. 500 000 km de câbles de fibre optique ne sont pas enfouis sous la terre mais sont installés sur des poteaux électriques. 

InfraNum préconise à juste titre un « enfouissement des réseaux, a minima les plus sensibles (collecte, transport) et desservant des sites stratégiques (entreprises, services publics, etc.) »

L’élagage, sujet qui fait aussi particulièrement débat, devrait être amélioré à proximité des réseaux selon la fédération. Mais encore faut-il trouver le propriétaire à qui incombe cette responsabilité, ce qui relève normalement du travail des opérateurs. 

« Pour rappel, dans l’Observatoire annuel du Très Haut Débit 2022, InfraNum évalue le coût de l’enfouissement de ces 50 % de génie civil aérien à 10 milliards d’euros », peut-on lire dans un communiqué. Outre le fait que le plan FttH a déjà coûté 20 milliards d'euros depuis son lancement, la question de la péréquation se pose encore et toujours, d’autant plus que tous les territoires ne sont pas égaux face à cette problématique. 

La fédération et la Banque des Territoires ont enfin tenu à encourager les collectivités dans la mise en place de « schémas locaux de la résilience » via un plan national décliné localement. Le Syndicat mixte Gironde Numérique s’est déclaré être intéressé par l’exercice. 
 




Interview
La Fédération des acteurs de la solidarité prône « un changement de méthode fondamental », et la « confiance » entre élus et associations
Réunie en assemblée générale mercredi et jeudi dernier (15 et 16 juin) à Rennes, à la veille du second tour des législatives, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a adopté sa feuille de route pour les cinq ans à venir et posé un certain nombre de jalons sur des dossiers clés. Son président, Pascal Brice, fait le point dans un entretien accordé à Maire info.

Votre fédération a adopté son projet fédéral que vous résumez en une phrase : « le plein emploi, chiche, mais avec la disparition de la pauvreté ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Cela veut dire que nous sommes prêts à prendre notre part. Mais dès lors que ce plein emploi s’accompagnera bien d’une réduction massive de la pauvreté et de la précarité.  

Parce ce que le plein emploi ne suffit pas à sortir de la pauvreté ? 

Absolument. Il n’y a pas eu d’explosion de la pauvreté, car les pouvoirs publics ont fait ce qu’il fallait, mais il y a un enracinement de la pauvreté, on le voit un peu partout, en milieu rural, dans les quartiers, chez les jeunes, les femmes, les travailleurs âgés. Il y a aussi une extension de la précarité pour des gens qui sont au travail. Accentuée par la hausse des prix dans la période actuelle. 

Structurellement, de quoi vos associations ont-elles besoin ? 

Nous avons besoin collectivement de nous assurer que les droits existants sont effectifs. C’est la question de la lutte pour l’accès aux droits. Or le numérique, par exemple, s’il a des avantages, pose aussi beaucoup de problèmes très lourds pour les publics précaires. C’est aussi la conquête de nouveaux droits, pour les jeunes, les femmes, par rapport à la transition écologique. Pour tout cela, il nous paraît indispensable de redonner au travail social la valorisation qu’il mérite du point de vue de son utilité sociale.

Vos métiers sont-ils en crise ? 

Nos associations n’arrivent plus à recruter. Nous faisons face à une crise très profonde. C’est une folie par rapport à ce qui est devant nous ! Car nos métiers sont mal payés, mais aussi leur perception dans l’opinion a régressé. Les déroulements de carrière ne sont pas satisfaisants. Il faut donc remettre le travail social au cœur des politiques publiques. 

En tant qu’employeurs, assumez-vous aussi une part d’autocritique ? 

En tant que fédération, nous ne sommes pas employeurs, mais les associations le sont en effet, et il y a effectivement un travail à faire sur la rémunération. Mais simplement, la plupart des associations fonctionnent sur financements publics, donc cela renvoie au prix de journée, et donc à la question des moyens de l’accompagnement social.

Que demandez-vous à l’État ?

Ce que nous préconisons, c’est un changement de méthode fondamental. Car notre constat est que les approches centralisées, bureaucratiques, formalisées ne fonctionnent pas. Nous préconisons des approches qui partent des personnes concernées et des territoires. Le très bon exemple, c’est l’expérimentation Territoires zéro chômeur longue durée. 

Il faut refaire confiance aux acteurs. Pas de manière aveugle, car ils doivent rendre des comptes sur les financements publics. Mais ils ont besoin qu’on leur donne les moyens de bosser, et qu’on les laisse bosser. Les équipes sont épuisées, mais elles sont à l’action et mobilisées.

Comment décliner cela au niveau local ? Car dans les ateliers du congrès, il a souvent été évoqué les difficultés d’installation de nouveaux projets…  

J’ai envie de dire aux élus et surtout aux maires : faisons-nous confiance. Les élus savent le plus souvent que quand vous avez un centre bien géré, cela se passe toujours très bien. Et je constate qu’à chaque fois qu’il y a des réticences à l’installation de structures, en six mois, elles disparaissent. J’en appelle donc à amplifier ces relations de confiance. 

Vous avez dit, à l’ouverture du congrès, que vous n’étiez pas de simples opérateurs, donc de simples prestataires de services. C’est aussi un message aux élus ? 

Ce message s’adresse à l’État, car c’est surtout lui qui nous finance, avec les conseils départementaux. L’association est un lieu d’expertise qui a la capacité de régler des difficultés locales. Donc quand on essaye de transformer des associations en opérateurs, tout le monde y perd, car vous retombez dans le schéma bureaucratique et formaté. Nous voulons être contrôlés sur la réalisation des objectifs mais rester autonomes. 

L’un des principes des structures réunies par la FAS est l’accueil inconditionnel. Vous dites qu’il est malmené par la pression mise sur les structures ? 

Oui, il est malmené et c’est intolérable. La conditionnalité, c’est le fait que toute personne sur le territoire national a le droit à une prise en charge adaptée à sa situation. C’est un principe d’action essentiel, qui se pose beaucoup pour les étrangers. Nous voulons être dans le respect des principes et de ce que prévoit la loi (Code de l’action sociale) et sans surenchère. 

Autre sujet sensible : l’obligation de travail pour les bénéficiaires du RSA. Êtes-vous résolument contre ?

C’est pour nous une ligne rouge. Cela n’a pas de sens, c’est de la manipulation idéologique. Il y a des fois où l’accès au travail met plus de temps et c’est le travail de nos associations que de les accompagner. En revanche, nous serons prêts à discuter de ce que nous avons fait avec Élisabeth Borne pour adapter le contrat d’engagement jeune pour les jeunes très précaires et que nous allons mettre en place. À savoir un engagement réciproque, et qui passe d’abord par le fait que l’État et les collectivités mettent en place l’accompagnement des bénéficiaires du RSA qui n’existe pas, le plus souvent. 

Sur l’accès aux droits, quelle doit être pour vous la première mesure à prendre ? 

La solidarité à la source ! Autrement dit le versement automatique des prestations. Pour éviter qu’il y ait par exemple un tiers des bénéficiaires potentiels du RSA qui ne fasse pas valoir ses droits. Ce serait précieux si cela pouvait se mettre en place rapidement. 

Que pensez-vous du chèque alimentaire, est-ce le genre de réponse adaptée au contexte actuel ?

Oui aux chèques alimentaires, à l’idée d’une aide aux ménages défavorisés dans un contexte de hausse des prix. Ou d’ailleurs au projet issu de la Convention citoyenne pour le climat qui permettrait aux ménages défavorisés d’accéder à une alimentation de qualité. Mais nous disons deux choses : il faut veiller à renforcer les associations qui font des distributions alimentaires car ce sont des lieux et des moments qui permettent d’enclencher des accompagnements sociaux. Et surtout, la priorité, c’est une revalorisation de 10 % des minima sociaux. Très vite, pas en septembre !




Parité
Parité dans la haute fonction publique : encore trop peu de femmes occupent des postes à responsabilités
Dix ans après l'adoption de la loi dite « Sauvadet » du 12 mars 2012, la délégation aux droits des femmes dresse un bilan de la place des femmes dans la haute fonction publique. Les résultats sont en demi-teinte car seulement un tiers des emplois à responsabilités dans la haute fonction publique est occupé par des femmes.

« Historiquement, la loi Sauvadet s'inscrit dans un continuum de textes visant à faire progresser la parité et à favoriser l'accès des femmes aux postes à responsabilités », est-il rappelé dans l’avant-propos du rapport élaboré par les sénatrices Martine Filleul et Dominique Vérien. 

Pour rappel, cette loi a notamment introduit un dispositif de primo-nominations équilibrées (DNE), plus connu sous le nom de « quotas Sauvadet ». Concrètement, elle impose « aux employeurs des trois versants de la fonction publique de respecter une proportion minimale de chaque sexe pour les primo-nominations dans près de 6 000 emplois d'encadrement supérieur et de direction », comme le rappellent les sénatrices.

Depuis 2017, un seuil minimal de 40 % de femmes dans les premières nominations à des postes d’encadrement supérieur est imposé aux collectivités, sous peine de sanctions financières. Cette proportion a augmenté progressivement au fil des années : elle était de 20 % en 2013 et de 30 % en 2015. 

En matière d’égalité femmes-hommes, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) évoquait dans un rapport de 2021 « une politique de petits pas » et « des difficultés et des résistances » dans la mise en œuvre de ces dispositions légales (lire Maire info du 14 avril 2021). Le rapport sénatorial intitulé Parité dans la haute fonction publique : changer de braquet dix ans après la loi Sauvadet dresse un constat similaire.

Une progression en « dents de scie »

La progression du nombre de femmes dans des postes à responsabilités est jugée comme « indéniable mais lente et contrastée ». Il faut cependant rappeler que beaucoup était à faire en la matière car en 2012, « alors que les femmes représentaient environ 60 % des agents de la fonction publique et 57 % des agents de catégorie A, elles n'étaient que 24 % à occuper des emplois de cadres supérieurs et 14 % des emplois de cadres dirigeants. »

Les rapporteures pointent que « dans l'ensemble de la fonction publique, tous postes confondus, l'augmentation de la part des primo-nominations féminines est d'exactement un point par année entre 2014 et 2018, avant un sursaut en 2019 qui a permis de dépasser l'objectif de 40 % fixé par la loi. » En revanche, l'augmentation de la proportion de femmes aux postes à responsabilités révèle « une progression en dents de scie » puisque « le quota de 40 % de primo-nominations féminines en vigueur depuis 2017 n'y a été atteint, respectivement, qu'en 2019 et 2020. »

Plus notable encore : le nombre de femmes en fonctions sur des postes à responsabilités augmente lentement et elles n’occupent aujourd’hui qu’un tiers des emplois d’encadrement supérieur et dirigeant. Elles représentent pourtant près des deux tiers des effectifs. Dans la fonction publique hospitalière, elles représentent 78 % des effectifs mais seulement 42 % des emplois d’encadrement supérieur et dirigeant et 27 % des emplois fonctionnels de directeur d’hôpital.

Des retards selon les emplois et les postes

Il est indiqué dans le rapport que quatre départements ministériels sont particulièrement en retard en matière de parité : affaires étrangères, armées, économie et finances et services du Premier ministre. Ils « ont dû s'acquitter en 2020 de pénalités financières à hauteur de 1 080 000 euros correspondant à douze unités manquantes. »

Toutefois, les rapporteures saluent « les actions volontaristes menées par certains ministères » malgré des résultats mitigés. Aussi, « la proportion de femmes augmente au sein de tous les postes, y compris à plus haut niveau de responsabilité. Elles ne se concentrent plus comme par le passé sur les postes les moins hauts placés et sur les postes d’expertise. »

Du côté de la fonction publique territoriale, il est indiqué que « le nombre de femmes occupant des postes d'encadrement supérieur et dirigeant dans la fonction publique territoriale a connu une nette augmentation au cours des quinze dernières années, passant de 18 % en 2007 à 26 % en 2014 et 35 % en 2020. Les postes de directeur adjoint des services sont occupés à 41 % par des femmes en 2020, cette proportion atteignant 48 % au sein des communes. »

Mais ces progrès « ne sauraient occulter des différences dans les responsabilités assumées entre femmes et hommes ». Certes les femmes occupent 41 % des postes de directeur adjoint des services (DGAS) mais seulement 20 % occupent des postes de directeur général des services (DGS) et 15 % de directeur général des services techniques (DGST). 

Vers l’élargissement des obligations paritaires ? 

Les sénatrices recommandent « une évolution du dispositif actuel des nominations équilibrées dans la haute fonction publique. » Elles préconisent plus spécifiquement d’instaurer des quotas « portant sur le « stock », c'est-à-dire la proportion de femmes en poste dans l'encadrement supérieur et dirigeant de la fonction publique, et non plus sur le seul « flux », qui concerne les primo-nominations de femmes dans les postes d'encadrement. »

Autre solution pour encourager cette évolution paritaire : élargir le périmètre d'application des quotas à l'ensemble des postes de direction des fonctions publiques, aux établissements publics et aux collectivités de plus de 20 000 habitants.

La délégation estime également nécessaire de renforcer les sanctions financières prévues par la loi Sauvadet afin de dissuader véritablement les employeurs publics de se soustraire à leurs obligations de quotas.




Développement durable
Création ou extension d'aérodromes : les collectivités seront consultées deux fois en cas de procédure d'expropriation
Un nouveau décret d'application de la loi Climat et résilience est paru hier. Il concerne l'extension des capacités des aéroports et impose une consultation, ou plutôt une double consultation, des collectivités territoriales. 

La loi Climat et résilience prévoit des dizaines de décrets d’application qui, au fil des mois, sont distillés par le gouvernement. Le dernier en date concerne l’article 146 de la loi : « Les projets de travaux et d'ouvrages visant à créer ou à étendre une aérogare ou une piste pour augmenter les capacités d'accueil des aéronefs, des passagers ou du fret d'un aérodrome ouvert à la circulation aérienne publique ne peuvent être déclarés d'utilité publique en vue d'une expropriation (…) s'ils ont pour effet d'entraîner une augmentation nette, après compensation, des émissions de gaz à effet de serre générées par l'activité aéroportuaire par rapport à l'année 2019. » Ce même article de loi prévoit que les collectivités locales, dans des conditions fixées par décret, devront être « consultées » sur ces projets si leur territoire « subit l’influence des aérodromes concernés ». 

Dispositif a minima

Cet article est un lointain avatar d’une des propositions de la Convention citoyenne sur le climat (celle dont le président Macron avait promis d’appliquer toutes les propositions « sans filtre ») : la convention avait demandé (proposition SD-E3) « l’interdiction de la construction de nouveaux aéroports et l’extension des aéroports existants ». En lieu et place de cette interdiction pure, le gouvernement a choisi une voie moins radicale : les exploitants d’un aéroport qui serait créé ou agrandi devront désormais prouver que cette création ou cette extension n’a pas d’impact sur les émissions globales de gaz à effet de serre.

Mais attention, ce dispositif ne sera mis en œuvre que lorsque les travaux prévus nécessiteront une expropriation forcée. Cela réduit assez largement la portée de ces dispositions, puisque les principaux projets d’extension aéroportuaires actuellement à l’étude ne prévoient aucune procédure d’expropriation foncière… et n’entrent donc pas dans le champ du dispositif. 

Le décret paru hier fixe, d’une part, les données qui doivent être prises en compte pour vérifier si une opération accroît, ou non, les émissions de gaz à effet de serre (GES). Une étude devra être réalisée pour mesurer « les émissions générées par l’activité aéroportuaire en 2019 » (année de référence), et présenter des « hypothèses d'évolution des émissions des aéronefs prenant en compte l'amélioration de leur efficacité énergétique, l'incorporation de carburants durables d'aviation et le recours à de nouveaux vecteurs énergétiques » ainsi qu’une évaluation « des émissions de gaz à effet de serre générées par l'activité aéroportuaire à compter de la date prévisionnelle d'achèvement de l'opération ». 

Mais ce que les élus doivent surtout retenir, c’est que lorsqu’un exploitant demande à faire déclarer d’utilité publique un projet de création ou d’extension d’un aéroport, le préfet de département devra « saisir pour avis », dans les deux mois, les collectivités et EPCI concernés. À savoir : ceux « dans le ressort duquel se situe l’aérodrome concerné », ceux qui se situent dans le paramètre du plan d’exposition au bruit (PEB) de l’aérodrome concerné, et enfin ceux qui sont situés dans le périmètre du PGS (plan de gêne sonore). 

Ces collectivités et EPCI auront à leur tour deux mois pour rendre un avis. 

Démarche « inflationniste »

Lors de l’examen de ce texte par le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen), le 5 mai dernier, les représentants des élus ont, une fois de plus, regretté de ne pas avoir été consultés au moment de la rédaction du décret, alors que les collectivités sont concernées « à double titre », « en tant qu’autorités de consultation préalable et en tant que propriétaires d’aérodromes ». Les élus ont estimé pour le moins paradoxal que le gouvernement ait prévu de consulter les collectivités dans le cadre des expropriations menées lors de ces opérations sur les aéroports, sans avoir considéré « pertinent et opportun de les associer à l’élaboration de (ces) dispositions ». Comme sur bien d’autres textes parus ces derniers mois, les élus voient là « le zèle déployé par les administrations pour accélérer la publication des textes d’application en fin de mandature ». Cette « précipitation » dénoncée par l’AMF à de nombreuses reprises nuit, in fine, « à l’effectivité des mesures prises par le gouvernement ». 

Les représentants des élus ont pointé une autre incohérence de ces dispositions : d’une part, le décret prévoit que les collectivités et groupements devront être consultés et auront deux mois pour rendre leur avis ; mais, d’autre part, l’article 122-1 du Code de l’environnement prévoit, pour tout projet ayant un impact sur l’environnement, une « évaluation environnementale » qui inclut, également, une consultation des collectivités territoriales. 

Celles-ci vont donc devoir se prononcer deux fois sur le même projet, dans le cadre de deux procédures différentes, l’une déjà prévue par le Code de l’environnement et l’autre dans le cadre du nouveau décret publié hier. Les représentants des élus, au Cnen, se sont permis de « douter de l’efficacité » de ce dispositif « qui peut induire des risques de confusion, une collectivité devant se prononcer plusieurs fois au titre d’un même projet », ce qui aura, de surcroît, pour conséquence de « surcharger les services locaux au titre d’une démarche que l’on peut qualifier d’inflationniste ». 






Journal Officiel du vendredi 24 juin 2022

Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Arrêté du 14 juin 2022 modifiant l'arrêté ministériel du 27 juillet 2015 portant création de zones protégées
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Décret n° 2022-923 du 22 juin 2022 relatif à la déclaration d'utilité publique de certains projets de travaux et d'ouvrages concernant les aérodromes et susceptibles d'entraîner une augmentation des émissions de gaz à effet de serre
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Arrêté du 17 juin 2022 modifiant l'arrêté du 17 octobre 2013 relatif aux titres de navigation des bateaux et engins flottants naviguant ou stationnant sur les eaux intérieures de la Guyane
Première ministre
Arrêté du 15 juin 2022 fixant le montant annuel de l'indemnité forfaitaire allouée à certains personnels du centre d'appels interministériel

Copyright 2020 AMF - www.maire-info.com - Tous droits réservés