Édition du vendredi 17 juin 2022

Élection présidentielle
Élection présidentielle : le Conseil constitutionnel rend hommage au « civisme » des maires et propose quelques pistes d'évolutions
Le Conseil constitutionnel a rendu hier ses traditionnelles « observations » sur le déroulement de l'élection présidentielle. Avec à la clé un certain nombre de pistes de réflexion pour les prochains scrutins, mais également une absence de réponse à certains problèmes rencontrés par les maires lors du scrutin. 

Après chaque élection présidentielle, le Conseil constitutionnel fait connaître ses observations portant à la fois sur les opérations ayant lieu en amont du scrutin (parrainages, campagne, etc.) et sur le déroulement du vote. Il assortit en général ces observations de « recommandations » sur d’éventuelles évolutions législatives, qui peuvent être suivies d’effet : l’évolution des règles en matière de parrainages, ces dernières années, s’est faite en suivant ces recommandations des Sages. 

Parrainages : « relativiser »

Sur la période de recueil des « présentations » (parrainages) par les élus, le Conseil constitutionnel constate que les choses se sont bien passées, et que l’allongement à 10 semaines de cette période de recueil a permis de fluidifier les choses. Il se félicite par ailleurs que le législateur ait suivi ses recommandations en supprimant l’obligation d’apposer sur le formulaire le sceau de la mairie. 

Le nombre total de parrainages validés par les Sages a été cette année de 13 427, chiffre assez comparable à celui de 2017. Il y a eu 12 candidats à l’élection présidentielle, soit deux de plus qu’en 2012, avant la réforme de 2016 conduisant à rendre intégralement publique la liste des parrains. « Ce bilan conduit à relativiser diverses affirmations (…) selon lesquelles la publicité intégrale des parrainages validés (…) dissuaderait massivement les élus habilités à présenter des candidats à le faire ou selon lesquelles ce mécanisme restreindrait drastiquement la représentation des principaux courants de pensée animant la vie politique nationale ». 

Si toutefois le dispositif des parrainages devait évoluer à l’avenir, les Sages appellent à ce que la réflexion à ce sujet se fasse « le plus en amont possible de l’échéance de l’élection suivante » – un point de vue qui avait été également défendu, en janvier dernier, par le président de l’AMF David Lisnard (lire Maire info du 7 janvier), qui avait estimé que la réflexion sur l’évolution du dispositif devait se faire « en début de quinquennat » et certainement pas à quelques mois du scrutin. 

Les Sages se montrent assez prudents, voire réservés, sur l’échéance fixée par la loi du 11 mars 2021 qui prévoit que lors du prochain scrutin présidentiel, en 2027, les parrainages pourront être envoyés par mail. Ils estiment qu’au regard « des risques de fraudes informatiques et de l’ampleur de leurs conséquences », cette évolution ne doit être envisagée qu’avec « précaution ». Ils appellent le législateur à « s’interroger » sur le dispositif prévu par la loi « d’un double mode de transmission, par voie postale et par voie électronique ». 

Propagande, campagne et procurations

Le Conseil constitutionnel constate que la distribution de la propagande électorale s’est déroulée dans des conditions satisfaisantes, bien plus que « lors d’élections précédentes » – allusion au fiasco des élections départementales et régionales de 2021. Ce progrès, notent les Sages, est dû à « une mobilisation significative des services de l’État », ce qui est une façon de constater, en creux, que cette mobilisation n’a pas été au rendez-vous en 2021. 

Sur la campagne elle-même, le Conseil constitutionnel n’a pas de remarques particulières à formuler. Il se félicite de l’évolution du processus d’établissement des procurations, via une télé-procédure et grâce au répertoire électoral unique (REU), ce qui a « contribué à faciliter l’établissement des procurations pour les usagers comme pour les communes ». Mais les Sages continuent de penser que « l’absence d’une date limite pour l’établissement d’une procuration » (il est possible d’en demander une y compris le jour même du vote) pose problème : certaines procurations, établies « peu de temps avant le scrutin », n’ont matériellement pas pu être prises en compte par les bureaux de vote. Le Conseil réitère donc sa proposition de fixation d’une date limite.

Le contrôle du scrutin

Les Sages estiment que le scrutin lui-même s’est déroulé de façon tout à fait satisfaisante, et ce, notent-ils, en particulier du fait « d’un grand civisme, notamment de la part des maires, des membres des bureaux de vote et des scrutateurs ». Ils relèvent que les annulations de scrutin dues à des irrégularités ont été « peu nombreuses » (0,03 % des votants au premier tour). 

Ils rappellent que près de 2000 magistrats délégués du Conseil constitutionnel ont été désignés pour contrôler les opérations de vote et qu’ils ont « pleinement rempli leur mission ». S’ils reconnaissent que le rôle de ces délégués n’est « pas toujours bien connu de tous », ils insistent sur « l'importance de remédier aux irrégularités qui sont signalées aux membres du bureau de vote par les délégués à l'occasion de leur passage ». 

Mais pas un mot, en revanche, dans ces « observations », sur le fait que certains maires se sont plaints, après l’annulation du scrutin dans leur commune, du comportement des délégués (lire Maire info du 5 mai 2022), et en particulier du fait que certains délégués ne se sont pas présentés et ont contrôlé l’urne sans s’être fait connaître, ce qui a pu provoquer une légitime protestation du président du bureau de vote. 

Le fait qu’un certain nombre de maires se soient plaints publiquement, par voie de presse ou en interpellant l’AMF, sur ce sujet, aurait pu amener le Conseil constitutionnel à aborder la question. C’est ce qu’espérait, dans les colonnes de Maire info, le constitutionnaliste Dominique Rousseau, en mai, qui estimait que « si plusieurs réclamations allant dans le même sens parvenaient au Conseil constitutionnel », celui-ci pouvait tout à fait, dans ses observations, « constater un problème et estimer qu’il conviendrait que le législateur s’en empare ». Espoir déçu : la question n’est pas abordée dans les observations publiées hier. 

Bulletins blancs sur la table : c’est non

Il est enfin à noter que le Conseil constitutionnel répète qu’il est interdit de mettre à disposition des électeurs des bulletins blancs, et qu’une entorse à cette interdiction est un motif d’annulation du scrutin. Sur ce sujet, certains maires ont clairement pu être induits en erreur par la circulaire du ministère de l’Intérieur du 25 mars 2022 qui indiquait que la mise à disposition de bulletins blancs n’était « pas nécessaire » – ce qui n’est pas du tout pareil que « interdit ». Le Code électoral ne mentionne pas ce point, et la seule autre source officielle d’information, jusqu’à présent, en dehors de cette circulaire, était une réponse ministérielle à la question d’un sénateur, en 2014, dans laquelle il était indiqué que « dans la mesure où l'électeur peut voter blanc par une enveloppe vide, il n'appartient pas aux communes de mettre des bulletins vierges à disposition des électeurs dans les bureaux de vote ». Là encore, les termes sont assez ambigus. Mais le Conseil constitutionnel est formel, et, rappelons-le, il s’agit de la plus haute juridiction du pays. Son avis sur la question fait donc totalement autorité.   

Dernières observations : les Sages demandent que le caractère public du dépouillement soit « clairement inscrit dans le Code électoral ». Et ils rappellent que la pratique du « dépouillement par tas », qui consiste à « regrouper les bulletins par candidats avant de reporter leur nombre sur les feuilles de pointage », est strictement prohibée : le décompte des voix « doit intervenir au fur et à mesure du dépouillement ».  




Santé publique
Canicule : des restrictions pour les départements dans le rouge
Douze départements ont été placés en vigilance rouge aujourd'hui par Météo France. Entre les décisions des autorités préfectorales et celles des communes, le programme de ces prochains jours va être quelque peu bouleversé dans ces territoires fortement touchés par la canicule.

Par temps de canicule le monde tourne au ralenti. C'est particulièrement vrai dans certains départements fortement touchés par la chaleur. 12 d’entre eux ont d'ailleurs été placés en « vigilance rouge » ce vendredi par Météo France. C'est la quatrième fois que Météo France alerte à ce seuil de vigilance pour une canicule.

Cette fois-ci, il s'agit du Tarn, de la Haute-Garonne, du Gers, du Tarn-et-Garonne, du Lot-et-Garonne, des Landes, de la Gironde, de la Charente, de la Charente-Maritime, des Deux-Sèvres, de la Vienne et de la Vendée.

Ce niveau d’alerte élevé indique aux préfectures des départements concernés qu’il est temps d’activer le centre opérationnel départemental (COD) pour coordonner les acteurs mobilisés pour la gestion de cet événement exceptionnel.

Ce sont les préfets et les maires qui apportent des réponses locales adaptées face à cette vague de chaleur. Certains arrêtés préfectoraux ont établi la limitation ou l’interdiction d’évènements festifs. D’autres départements ont pris des mesures concernant la gestion de l’eau tandis que d’autres ont pris des précautions vis-à-vis du risque d’incendies. Tour d'horizon. 

Accueil à l’école : une décision qui revient aux maires 

Le ministère de l’Éducation nationale a indiqué hier que les élèves des écoles et collèges situés dans les départements placés en vigilance rouge pourront rester chez eux ce vendredi 17 juin. 
Le ministre de l’Éducation, Pap Ndiaye a précisé que « sous réserve d’éventuelles décisions de fermeture prises par les autorités préfectorales, les écoles et établissements maintiennent l’accueil des élèves. Seules les activités physiques de faible intensité sont autorisées. »

En pratique, si aucune décision de fermeture n’a encore été prise par les autorités préfectorales, certains maires ont décidé de fermer toutes les écoles, comme c’est le cas à Albi (Tarn) où la maire a décidé de cette fermeture « par souci d’égalité », selon le site d'informations Actu.fr. 

Les mairies ayant pris cette décision de fermeture se sont pour la plupart organisées pour ne pas laisser les parents sans solution de repli. Le personnel communal est réquisitionné pour proposer un accueil alternatif dans ce cas, soit dans une école, soit dans une salle communale. 

Dans ce contexte compliqué pour certaines familles et pour les personnels, la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) a réitéré sa proposition de mise en place d’un « plan canicule » avec des mesures spécifiques qui conduiraient à « moduler les cours » et à « donner un congé aux parents »

Les rassemblements interdits 

Si les écoles ont été touchées par certaines décisions municipales, les festivités du week-end sont aussi largement compromises. Dans la Vienne, un arrêté a été pris pour interdire temporairement les « rassemblements festifs à caractère musical dans le département » et ce jusqu’au lundi 20 juin inclus. Cette décision a été doublée par un autre arrêté très spécifique interdisant cette fois « la circulation des véhicules transportant du matériel de son à destination d'un rassemblement festif à caractère musical non autorisé. » 

En Charente-Maritime, le festival Free music a été annulé ainsi que le « championnat de « France d'enduro organisé par le moto club angérien les 18 et 19 juin 2022. » Le préfet des Landes a également pris un arrêté « portant interdiction de rassemblements festifs à caractère musical de type teknival ou rave-party et de circulation de tout véhicule important du matériel de son susceptible d’être utilisé lors d’un rassemblement. »

Certaines préfectures ont été bien au-delà de la simple interdiction d’évènements musicaux ponctuels : dans les Deux-Sèvres, un arrêté publié interdit les « manifestations dans le département des Deux-Sèvres en raison de l'alerte canicule extrême en cours. » Concrètement, à partir de ce vendredi à 14 heures, et ce jusqu’à la fin de l’épisode caniculaire annoncé par Météo France, « la tenue de toute manifestation publique, festive, sportive ou culturelle en extérieur ou dans des établissements non climatisés recevant du public est interdite. » La mesure s’appliquera de 9 heures à 21 heures les jours suivants. Cette même décision a été prise par le préfet de la Charente mais avec des horaires différents : de 10 heures à 19 heures. 

En Gironde aussi, les manifestations en extérieur ou dans des établissements non climatisés seront interdites avec une précision dans l’arrêté : « le tir de tous feux d’artifices de divertissement est interdit en Gironde du vendredi 17 juin 2022 à 14 heures au lundi 20 juin à minuit. » 

Plus largement, les préfets des départements en vigilance rouge peuvent préconiser aux maires d'annuler les événements en extérieur qui sont de leur responsabilité, comme c'est le cas de celui du Tarn par exemple. 

D’autres préfets, comme celui de la Haute-Garonne, autorisent les rassemblements en extérieur sous condition d’aménagements qui doivent être réalisés par les organisateurs, comme les mairies par exemple (accès à l’eau, lieux rafraîchis, dispositifs prévisionnels de secours). « À défaut, les organisateurs sont invités à annuler ou à reporter leur événement », peut-on lire sur le compte Twitter de la préfecture. 

Sécheresse 

Au niveau départemental, il peut être observé diverses dispositions  prises pour lutter contre la sécheresse. En Charente-Maritime, un arrêté a été pris pour limiter provisoirement les usages de l'eau sur le périmètre du sous-bassin de la Dordogne (Dronne aval et Isle bassin aval). Cette mesure concerne particulièrement le prélèvement pour l’irrigation agricole et répond à cette double problématique dont Maire info s’est fait l’écho ces derniers jours qui mêle réchauffement climatique et baisse du niveau des nappes phréatiques. 

Des arrêtés similaires ont été pris en Vendée dont un qui concerne plus directement les habitants de toutes les communes du département : l’arrêté « portant limitation ou interdiction provisoire des prélèvements et des usages de l'eau à partir du réseau public d'eau potable dans le département de la Vendée. » Concrètement, pour les usages prioritaires aucune limitation n’est prévue (sauf dans le cas d’un arrêté municipal) mais quelques règles ont été prises concernant l’arrosage, le remplissage des piscines privées et publiques, de lavage des véhicules, etc. 

Au total, 117 arrêtés ont été pris dans 36 départements en raison du niveau de sécheresse dans les sols de ces territoires. Cette nouvelle vague de chaleur fait craindre une détérioration des ressources en eau et poussera peut-être certains départements à restreindre davantage - ou à plus long terme - la consommation d’eau de la population, des collectivités, des entreprises et des exploitants agricoles. 




Économie sociale et solidaire
« Il y a urgence » : l'économie sociale et solidaire tiraillée entre inflation et convictions

Touchés comme les entreprises classiques par la forte inflation, mais moins enclins à répercuter la hausse des coûts sur leurs prix, les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) appellent le gouvernement à prendre en compte leur « spécificité ».

« Au niveau des entreprises de l’ESS », traditionnellement plus soucieuses de leur utilité sociale que de leur rentabilité, « on a des difficultés à actionner la hausse du facteur prix », relève Hugues Vidor. Par ailleurs, « on n’a pas forcément de marges » qui permettraient d’absorber la hausse des coûts de production, déplore le président de l’Union des employeurs de l’ESS (Udes).

« Plastiques, emballages, palettes en bois, peintures: on est touchés dans tous les domaines » par l’inflation, mesurée à plus de 5 % sur un an en mai, témoigne Sébastien Albaut. Ce gérant de Marne Metal Concept, une Scop spécialisée dans le traitement des tôles métalliques, a vu flamber le prix de sa matière première, de « 600-800 euros la tonne de tôle brute » en 2021 à 1 400 euros ces derniers jours. 

« Depuis la fin de l’année dernière s’est ajouté un nouveau problème: les coûts de l’électricité et du gaz », soupire Sébastien Albaut, qui n’a « pas de trésor de guerre » pour amortir le choc.

Système D

L’entrepreneur a donc réduit la consommation énergétique de la Scop, en ne faisant chauffer ses fours de cuisson que quatre jours sur cinq. 

Pour Jean-François Diguet, directeur de l’entreprise associative Air de Bretagne qui installe et entretient des dispositifs médicaux à domicile, la solution passe aussi par du système D. Sa facture de carburant a gonflé de 13 000 euros sur un an au premier trimestre 2022, alors que ses 70 salariés mobiles font en moyenne 350 km par jour.

Avec un prix du gazole et de l’essence supérieur à 2 euros le litre, « on essaie donc d’optimiser les déplacements, de se coordonner pour faire un seul déplacement au lieu de deux dans une zone », confie Jean-François Diguet.

L’impact de l’inflation se ressent malgré tout sur l’équilibre financier d’Air de Bretagne: après avoir atteint un million d’euros sur l’année 2021, le résultat net a chuté à 4 500 euros au premier trimestre 2022.

Pour assurer leur équilibre économique, certains acteurs de l’ESS n’ont cependant pas d’autre choix que d’augmenter les prix de vente.

« Si on ne répercutait pas» sur les prix la hausse de 7 % par mois du coût du papier, on se plantait », assure ainsi Hélène Le Gac, présidente d’une Scop bretonne spécialisée dans l’imprimerie.

Même stratégie pour la petite entreprise textile Loom, qui prône la sobriété et la durabilité dans sa production de vêtements. « Notre marge est parmi les plus basses du marché, la diminuer reviendrait à mettre en péril notre modèle économique. Augmenter les prix est malheureusement la seule option qui nous reste », justifie-t-elle sur son site.

Interlocuteur dédié

Ces tensions financières surviennent dans un contexte où les salariés demandent aussi un effort de leur employeur sur les rémunérations pour préserver leur pouvoir d’achat.

Face aux demandes salariales, la plupart des entrepreneurs interrogés par l’AFP affirment miser sur les primes.

Les acteurs de l’ESS comptent aussi sur le gouvernement, qui doit dévoiler dans les prochains jours une série de mesures de soutien aux ménages et aux entreprises.

Du côté du ministère de l’Économie, aucun dispositif spécifique à l’ESS n’est en préparation, mais « le paquet pouvoir d’achat est à destination de tous les Français, les mesures (qui limitent la hausse des prix) du gaz et de l’électricité concernent toutes les entreprises », insiste Bercy.

Après le mandat d’Olivia Grégoire au secrétariat d’Etat à l’ESS (2020-2022), la tutelle du secteur est désormais répartie entre trois ministères (Économie, Travail, Solidarités). Mais l’Udes espère bien récupérer un interlocuteur dédié au sein du gouvernement - et de préférence « de niveau ministériel », précise Hugues Vidor.




Assemblée nationale
Second tour des élections législatives : comprendre les enjeux
À deux jours du second tour des élections législatives, les résultats restent incertains, ce qui est très inhabituel pour un scrutin ayant lieu dans la foulée d'une élection présidentielle. Pour comprendre les enjeux, il n'est pas inutile de rappeler les grandes lignes du fonctionnement de l'Assemblée nationale. 

La réforme constitutionnelle de 2000 instaurant le quinquennat à la place du septennat avait, entre autres, un objectif : assurer une plus grande stabilité institutionnelle en renouvelant systématiquement l’Assemblée nationale dans la foulée de l’élection du président de la République, tous les cinq ans, et en évitant des élections législatives en plein milieu du mandat présidentiel. En misant sur la dynamique électorale qui suit, en général, une élection présidentielle, le législateur prévoyait qu’un président élu puisse jouir, pendant les cinq ans de son mandat, d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, lui permettant de mener sa politique et d’appliquer son programme. C’est ce qui s’est toujours passé depuis l’élection présidentielle de 2002. 

Mais pour la première fois depuis cette réforme, ce scénario n’est pas certain. S’il apparaît, au vu des sondages, très peu probable de voir l’opposition obtenir une majorité à l’Assemblée, la coalition présidentielle, de son côté, n’est nullement assurée d’obtenir une majorité absolue. 

La majorité absolue

Rappelons que l’Assemblée nationale joue un rôle particulier dans le processus de fabrication des lois, puisque la Constitution lui donne le « dernier mot » dans l’élaboration des textes législatifs : même si le Sénat est dominé par l’opposition (ce qui est actuellement le cas), lorsque sénateurs et députés n’arrivent pas à se mettre d’accord sur un texte, c’est au final la version des députés qui prévaut. 

D’où l’importance, pour un gouvernement, de bénéficier d’une large majorité à l’Assemblée nationale, ce qui lui évite d’avoir à composer avec un ou plusieurs partis d’opposition. Pour être sûr de pouvoir appliquer son programme sans trop de difficulté, un gouvernement doit disposer de la majorité absolue des sièges au Palais-Bourbon, soit 289 députés. En 2017, la majorité présidentielle (LaREM et MoDem) en avait obtenu 350. Cette fois-ci, la situation semble beaucoup moins favorable, puisque les derniers sondages de la campagne, parus ce matin, donnent à la coalition « Ensemble » entre 255 et 295 sièges. 

Trois scénarios

Il y a donc trois scénarios qui se dessinent. Le moins probable est celui où la Nupes, conformément aux vœux de Jean-Luc Mélenchon et de ses alliés, obtiendrait la majorité absolue. Dans ce cas, on entrerait dans un scénario de cohabitation, puisque l’Assemblée serait en mesure de désavouer la Première ministre nommée par Emmanuel Macron et d’obliger ce dernier à nommer un Premier ministre issu de la Nupes. C’est la situation qu’a connue le pays en 1986 (avec François Mitterrand comme président de la République et Jacques Chirac comme Premier ministre), en 1993 (François Mitterrand/Édouard Balladur), et en 1997 (Jacques Chirac/Lionel Jospin Premier ministre). Dans ce cas – répétons-le fort improbable au vu des rapports de force en présence –, Emmanuel Macron garderait certes la prérogative de chef des armées que lui confère la Constitution, mais ne disposerait plus que de possibilités bien plus restreintes d'intervenir dans la politique du gouvernement. 

À l’inverse, si Ensemble remporte 289 sièges ou plus – ce qu’Emmanuel Macron a appelé cette semaine « une majorité solide » – le président pourra conduire la politique qu’il a proposée pendant sa campagne. La majorité aura les moyens de faire passer les projets de loi proposés par le gouvernement, de rejeter les amendements proposés par l’opposition, ou encore, ce qui a beaucoup été le cas pendant la précédente législature, de faire passer la politique du gouvernement par le biais de propositions de lois déposées par des députés de la majorité. Cette pratique, assez discutable, permet de contourner certaines difficultés : une proposition de loi, à la différence d’un projet de loi, n’est pas soumise à l’examen du Conseil d’État et ne fait pas l’objet d’une étude d’impact, ce qui empêche d’en connaître les conséquences concrètes notamment en matière financière. 

Reste enfin le troisième scénario, qui n’est pas le plus improbable : si Ensemble n’obtient pas la majorité absolue, le gouvernement devra compter sur d’autres groupes à l’Assemblée nationale pour faire passer sa politique. Faute de majorité absolue, en effet, si l’ensemble des groupes d’opposition vote contre ses projets de loi, le gouvernement est paralysé. Une telle situation oblige donc le gouvernement à composer – soit au cas par cas, en fonction des textes présentés, soit de façon plus générale, en s’ouvrant à d’autres tendances politiques. Cela pourrait, par exemple, conduire la majorité à faire entrer au gouvernement des membres d’autres partis, pour former une coalition. 

Le « 49-3 »

Cette situation a été vécue par le pays une seule fois pendant la Ve République, après la réélection de François Mitterrand en 1988. La gauche n’avait pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale, ce qui a amené le gouvernement de Michel Rocard à jouer « l’ouverture ». Et encore, à l’époque, le gouvernement avait bien plus qu’aujourd’hui la possibilité de recourir au fameux article 49-3 de la Constitution, qui permet de faire passer un texte « en force » à l’Assemblée, sans débat – avec le risque de se trouver renversé, dans la foulée, par une motion de censure. Le gouvernement de Michel Rocard y avait eu recours près d’une trentaine de fois en trois ans. 

Mais aujourd’hui, le recours au 49-3 est plus encadré, depuis la réforme constitutionnelle de 2008 : désormais, le 49-3 ne peut être utilisé, d’une part, que sur les projets de loi finances et de financement de la Sécurité sociale, et, d’autre part, sur un seul et unique autre texte par session parlementaire. 

Questions de seuils

Indépendamment de la question de la majorité au Palais-Bourbon, le nombre de députés qui sera obtenu par chaque parti ou coalition a bien d’autres conséquences. Les règles de l’Assemblée nationale donnent en effet aux partis des avantages et des prérogatives bien différents selon le nombre de sièges dont ils disposent. 

Premier objectif pour tous les partis : obtenir un groupe. Il faut pour cela disposer d’un minimum de 15 députés. Le fait d’avoir un groupe à l’Assemblée nationale donne des droits particuliers : notamment celui de faire partie du Bureau de l’Assemblée nationale et de la Conférence des présidents, ainsi que de siéger, proportionnellement à la taille du groupe, dans les commissions ; celui de disposer d’une journée par mois lors de laquelle ce sont eux qui fixent l’ordre du jour – et de pouvoir donc mettre en avant leurs propositions de loi. Les groupes ont également la prérogative de pouvoir nommer une commission d’enquête parlementaire. 

Les groupes qui se sont déclarés auprès de la présidence de l’Assemblée comme groupes d’opposition ont des droits supplémentaires : de droit, la présidence de la puissante commission des finances revient à un membre d'un groupe d'opposition.Traditionnellement, il s'agit du groupe le plus important numériquement, mais ce point n'est pas écrit dans le règlement de l'Assemblée nationale. Le premier vice-président de l’Assemblée nationale doit également appartenir à un groupe d'opposition. Ceux-ci disposent également d’au moins la moitié des questions orales hebdomadaires au gouvernement. 

Un groupe qui ne s’est pas déclaré comme appartenant à l’opposition est dit « minoritaire ».

Au-delà des 15 députés qui permettent d’obtenir un groupe, deux autres seuils sont importants : celui des 60 députés, qui permet de saisir le Conseil constitutionnel sur un texte adopté. Il est bien sûr possible de réunir 60 députés de plusieurs tendances pour le faire, mais il est évidemment plus simple de pouvoir le faire au sein de son propre groupe. Enfin, le seuil de 58 députés a également une signification particulière : il représente un dixième du nombre total de députés, et c’est le seuil qui autorise à déposer une motion de censure du gouvernement. Cette motion de censure, si elle recueille la majorité absolue de 289 voix, aboutit au renversement du gouvernement. Ce cas de figure ne s’est toutefois produit qu’une seule fois pendant toute la durée de la Ve République, en 1962. 
 




Transports
Nuisances aéroportuaires : un rapport réclame de la vigilance face à l'augmentation des vols de nuit et d'affaires
L'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires demande aux collectivités accueillant de l'aviation d'affaires d'engager localement « la réflexion nécessaire pour rendre durablement admissibles » ces activités.

« Les cinq prochaines années seront décisives. » C’est la mise en garde de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), en préambule de son nouveau rapport annuel qu’elle vient de remettre au gouvernement. 

Réclamant de la fermeté et de la vigilance face au développement du fret aérien et de l'aviation d'affaires, qui ont été dynamisés par la crise sanitaire, l’Acnusa estime qu’une « planification territoriale de la transition écologique fondée sur les engagements des opérateurs et une régulation environnementale adaptée à la situation de chacun des territoires impactés par les activités aéroportuaires est nécessaire (sic) pour concrétiser la mise en œuvre des différentes politiques publiques ».

Moins de manquements aux règles environnementales

Premier constat et première bonne nouvelle, d’abord. Si la diminution du trafic entraînée par la crise sanitaire n’a pas fait disparaître les différents manquements, les auteurs du rapport observent une amélioration du respect des règles environnementales (bruit et pollution atmosphérique) durant l’année dernière.

Et notamment de la part de « la plupart des grandes compagnies » aériennes – qu’elles soient traditionnelles et low cost - qui ont fait l’objet de moins de poursuites en 2021 qu’en 2019. Ainsi, « le nombre de manquements commis par les compagnies ayant effectué plus de 10 000 mouvements sur les aéroports français a chuté de 1,50 à 0,92 manquement pour 10 000 mouvements entre 2019 et 2021 », constatent les auteurs du rapport, qui soulignent toutefois que « des efforts restent à faire » notamment par les compagnies ayant effectué moins de 10 000 mouvements sur les aéroports français. Au total, ce sont en moyenne 3,05 manquements qui ont été recensés l’an passé, contre 3,69 en 2019.

« Les efforts visant à l’amélioration de la planification des vols et au respect des trajectoires de moindres nuisances doivent être poursuivis pour tendre au respect total des arrêtés ministériels portant restrictions d’exploitation des aéroports français pour raisons environnementales », recommande ainsi l’Acnusa.

Retour du trafic dans les aéroports régionaux

Bien que la reprise progressive du trafic en Europe se soit confirmée après le pic de la crise sanitaire, celle-ci est restée hétérogène selon les segments d’activités. « Si les vols cargo et d’aviation d’affaires ainsi que les vols charters sont plus nombreux qu’en 2019 (année record), les vols passagers (traditionnels et lowcost) sont encore globalement à 80 % du niveau de 2019 », expliquent les auteurs du rapport. Le nombre de mouvements à la fin 2022 devraient toutefois atteindre « 92 % du nombre des mouvements réalisés en 2019 ». 

Dans le détail, la reprise des vols intracommunautaires est « beaucoup plus forte » que celle des long-courriers, tandis que les vols intérieurs en France ont atteint 89 % du niveau atteint en 2019, durant la dernière semaine de mars 2022. « Sur certains aéroports en région, le nombre de mouvements pourrait atteindre, voire dépasser, durant l’été 2022, les niveaux atteints en 2019 », envisage l’Acnusa.

Aviation d’affaires : la régulation n’a « pas été pensée »

Avec un fret aérien dopé, les limites réglementaires du nombre de mouvements nocturnes (de minuit à 6 heures) pourraient, cependant, être dépassées une fois que le trafic « passagers » vers l'Asie remontera en volume. Comme ce pourrait être le cas à Paris-Charles-de-Gaulle.

C’est un motif de « très grande vigilance », a reconnu le président de l'Acnusa, Gilles Leblanc, pour qui il s'agirait d'un « coup de canif dans la confiance des collectivités territoriales et des populations », a-t-il mis en garde dans un entretien récent à l'AFP. Réduire l’empreinte de ce trafic étant « un défi et un enjeu majeurs ».

Ce boom du fret a également eu pour effet de faire « revenir sur le marché des avions [plus anciens] » entraînant « une dégradation en bruit moyen à Roissy », a déploré Gilles Leblanc, qui a, par ailleurs, regretté « trois ans d'inertie » après les engagements pris en matière de lutte contre les nuisances lors des Assises du transport aérien en 2019, créant ainsi une « perte de confiance » des populations.

Concernant la croissance de l'aviation d'affaires (à la demande), dont le nombre de mouvements a dépassé celui de l’avant-crise, l'Autorité recommande à l'État « d'accompagner les collectivités territoriales dans un développement raisonné de ce segment d'activités » alors que certaines d’entre elles « voient dans les « nouvelles mobilités » par voie aérienne un outil d’aménagement de leurs territoires ». D’autant que le développement de ce secteur « pourrait ne pas être que conjoncturel malgré des prix et des impacts importants », estiment les auteurs du rapport dans un focus dédié. Or, sa « régulation n'a pas été pensée », prévient le président de l’Acnusa, alors même que ce segment a « un niveau d’émission de nuisances par kilomètre/passager parcouru plus élevé que ses concurrents ».

L’Autorité de contrôle recommande ainsi, aux collectivités et aux sociétés d’exploitation d’aéroports accueillant de l’aviation d’affaires, « d’animer localement la réflexion nécessaire pour rendre durablement admissibles ces activités en concertation avec les compagnies aériennes et les assistants d’escale spécialisés ». « Les actions mises en œuvre sur l’aéroport de Nice-Côte d’Azur par exemple pour réduire les émissions de l’aviation d’affaires dans le cycle complet (atterrissage, roulage, stationnement et décollage) et celles qui s’engagent sur l’aéroport de Paris-Le Bourget, peuvent inspirer l’action locale », souligne l’Acnusa.

Difficultés dans les instances consultatives 

Dans un autre focus consacré à l’aviation légère, l’Autorité se félicite cette fois que, « dans certains territoires, l’État ou les collectivités territoriales propriétaires des aérodromes et les sociétés concessionnaires ont commencé à inciter ou à aider au renouvellement des flottes d’aéronefs basés », notamment avec des aéronefs de dernière génération moins bruyants et moins polluants. « Cette dynamique est intéressante car elle permet de former les professionnels et les amateurs à un pilotage respectueux de la riveraineté », souligne-t-elle.

Les auteurs du rapport observent, par ailleurs, que l’année 2021 a encore été marquée par des difficultés de fonctionnement administratif liées à la crise sanitaire, « la plupart des instances consultatives locales n’[aya]nt pas pu se réunir de manière habituelle ». 

« Les modalités de fonctionnement des instances consultatives ne permettent pas toujours aux professionnels du transport aérien (représentants des sociétés aéroportuaires, des compagnies aériennes, des assistants d’escale et du contrôle aérien) et aux collectivités territoriales de contribuer à la recherche de voies de progrès », fait remarquer l’Acnusa en annonçant vouloir proposer de simplifier la loi en « regroupant dans le Code de l’environnement, ou dans celui des transports, l’ensemble des projets, plans et programmes devant donner lieu à sa consultation, en précisant le moment où celle-ci doit intervenir ».

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Journal Officiel du vendredi 17 juin 2022

Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
Arrêté du 13 juin 2022 fixant le montant de la troisième répartition entre départements des crédits du dispositif exceptionnel PEC Gel destinés à la prise en charge des cotisations sociales des personnes non salariées des professions agricoles et des employeurs de main-d'œuvre agricole affectés par l'épisode de gel survenu du 4 au 14 avril 2021
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Décret n° 2022-897 du 16 juin 2022 modifiant le statut du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA)

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