Édition du vendredi 14 janvier 2022

Crise sanitaire
Éducation nationale : après la grève, le gouvernement lâche du lest, sauf sur les protocoles et les capteurs de CO2
Confronté au succès massif de la grève des personnels de l'Éducation, hier, le gouvernement a reçu hier soir les organisations syndicales et proposé des évolutions sur plusieurs sujets, dont la concertation, les masques FFP2 et les recrutements.

Les chiffres ont beau, comme toujours, faire le grand écart entre ceux du ministère et ceux des syndicats, ce qui mesure le succès d’une grève est toujours, en dernier lieu, la rapidité avec laquelle le gouvernement lâche du lest. À cette aune, la grève d’hier a été un indéniable succès. 

Hier, dès la fin de la manifestation des personnels de l’Éducation, le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, a reçu les organisations syndicales pendant plus de trois heures et est sorti de la réunion avec plusieurs annonces concrètes.

Grève très suivie

Selon le ministère, 38,5 % des enseignants des écoles maternelles se sont mis en grève ce jeudi 13 janvier, et 23,7 % des enseignants du second degré. Selon les syndicats (SNUipp-FSU et Snes-FSU), ces chiffres seraient respectivement de 75 % et 62 %. Dans les vies scolaires, le Snes évoque même un taux de grévistes de « 80 % » chez les AED (assistants d’éducation). 

Près de 80 000 personnes ont manifesté hier dans tout le pays, et l’ampleur des cortèges, y compris dans des villes moyennes, donne une idée de l’exaspération des acteurs de l’éducation, croissante depuis la rentrée de janvier (lire Maire info du 7 janvier). Jean-Michel Blanquer, au sortir de la réunion avec les organisations syndicales, n’a d’ailleurs pas caché que la grève avait connu « une forte mobilisation », dont, a-t-il affirmé, le gouvernement « a compris les tenants et les aboutissants ». 

Améliorer la concertation

Première annonce du ministre : un effort sur la « concertation ». Face aux enseignants et directeurs d’école qui dénoncent, notamment depuis la rentrée de janvier, des décisions prises unilatéralement et en général apprises par la presse la veille au soir – quand ce n’est pas le matin même –, Jean-Michel Blanquer a annoncé qu’il « y aurait désormais une réunion bimensuelle avec les organisations syndicales et le ministère de la Santé », afin de « partager l’information le plus en amont possible ». 

Le ministre n’a pas précisé si les associations d’élus seront conviées à ces « réunions bimensuelles », ce qui paraîtrait indispensable, dans la mesure où les maires, eux aussi, ont à gérer les conséquences des décisions prises concernant le premier degré. David Lisnard, président de l’AMF, rappelait dans l’interview qu’il a accordée à Maire info mardi dernier que les maires ont appris les décisions prises entre Noël et le Jour de l’an « à la télévision ». « Cela fait des mois que nous demandons des réunions de travail plutôt que des réunions d'information », rappelle ce matin à Maire info Delphine Labails, maire de Périgueux et coprésidente de la commission éducation de l'AMF. « Apparemment sur ce point nous ne sommes toujours pas entendus. »

Masques et recrutements

Le ministre a également annoncé hier un effort en matière de recrutements, pour faire face « aux attentes sur les moyens humains », notamment en matière de remplacements. 3 300 contractuels vont être recrutés ; le gouvernement va avoir recours aux « listes complémentaires », notamment à l’école primaire ; il va recruter des assistants d’éducation (pas de chiffrage) et des « personnels d’appui administratif pour les directeurs d’école », puisque ceux-ci « sont très mobilisés et ont besoin de ce type d’appui ». Les chiffres exacts de recrutement seront annoncés prochainement, a précisé Jean-Michel Blanquer. 

Sur les équipements, le ministre a annoncé la mise à disposition de 5 millions de masques FFP2, en direction en particulier des personnels des écoles maternelles, qui font face à des enfants sans masques, et des AESH. La « généralisation » de ces masques FFP2 « pour tous, tout le temps », n’est pas « souhaitable », a toutefois estimé le ministre. 

Le ministre a enfin annoncé le report de certaines échéances, notamment les évaluations de « mi-CP » qui devaient avoir lieu la semaine prochaine. Certaines épreuves de spécialité du bac, qui doivent avoir lieu en mars, pourraient également être décalées dans le temps, mais la décision n’est pas encore prise. 

Mise en cause des élus

Si les syndicats se sont félicités que la mobilisation d’hier ait conduit à des avancées concrètes, ils regrettent, en revanche, que rien n’ait été dit sur la question des protocoles, qui sont, à cette heure, le point le plus clivant, en particulier dans les écoles élémentaires. 

Reste la question les capteurs de CO2, à propos desquels Jean-Michel Blanquer a fait une annonce qui n’en est pas une : l’abondement, « en tant que de besoin », du fonds dédié à l’aide des collectivités pour l’achat de ces capteurs. Cette décision n’a rien à voir avec la grève d’hier, puisqu’elle a été prise à la fin du mois de décembre (lire Maire info du 12 janvier). Mais il a surtout répété, une fois encore, que l'achat de ces capteurs était « de la compétence des collectivités », ce que celles-ci ne cessent de récuser depuis des semaines. Pire, ce matin, sur France info, Jean-Michel Blanquer a même parlé de « règle constitutionnelle » ! Au sortir d'une réunion en visioconférence ce matin avec plusieurs minsitres, Delplhine Labails déplore ces propos et « le ton » des ministres, « agressif vis-à-vis des élus ». « Ces capteurs sont un outil de santé publique, ils sont donc de la compétence de l'Etat, rappelle la maire de Périgueux. Il n'est pas acceptable d'entendre les ministres mettre en cause les maires sur ce sujet. Depuis le début de l'épidémie, nous avons toujours été là pour faire le travail, qu'il s'agisse des masques, des centres de vaccination, des protocoles. »

L'AMF a encore une fois réitiré sa demande de remboursement intégral de ces équipements par l'État, puisqu'il s'agit d'une dépense contrainte. Quant aux déclarations constantes du ministre - ce matin encore -  pour faire remarquer que le fonds de subvention des achats de capteurs n'est pas épuisé, ce qui sous-tend que les élus n'en ont pas vraiment besoin, elles conduisent l'AMF à rappeler que les maires ont été très insuffisamment informés de ce dispositif, et que beaucoup n'ont pas pu y avoir recours... faute d'information.




Crise sanitaire
Obligations vaccinales : un décret de dernière minute et un projet de loi qui revient à la case départ
Ce matin, le gouvernement a (enfin) publié un décret officialisant la désactivation du pass sanitaire pour les personnes n'ayant pas eu leur dose de rappel… demain. La commission mixte paritaire, hier, a échoué à trouver un consensus sur le projet de loi sur le pass vaccinal.

J-1 ! Alors que cela fait plus d’un mois que le gouvernement a annoncé que la troisième dose allait devenir obligatoire le 15 janvier pour conserver son pass sanitaire, aucun texte législatif ou réglementaire ne mentionnait cette disposition jusqu’à présent. 

Décret in extremis

Rappelons que dans un premier temps, cette troisième dose est devenue nécessaire pour conserver un pass sanitaire valable, pour les seules personnes de plus de 65 ans. Cette disposition est en vigueur depuis le 15 décembre. L’exécutif avait également annoncé que la mesure serait étendue aux personnes de moins de 65 ans le 15 janvier, ce qui a conduit des millions de Français vers les centres de vaccination, pour se faire administrer leur dose de rappel. Mais cela, sans qu’aucun texte officiel ne mentionne cette date !

C’est donc ce matin, à la veille du jour J, que le gouvernement a publié le nouveau décret rectificatif du décret du 1er juin « prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ». 

Jusqu’à présent, ce texte disposait que « les personnes de soixante-cinq ans ou plus ayant reçu le vaccin (…) doivent, pour que leur schéma vaccinal reste reconnu comme complet à partir du 15 décembre 2021, avoir reçu une dose complémentaire d'un vaccin à acide ribonucléique (ARN) messager (…) entre 5 et 7 mois suivant l'injection de la dernière dose requise ». Dans le décret publié ce matin, le gouvernement a supprimé les mots « de 65 ans ou plus » pour les remplacer par « de 18 ans et un mois ou plus » ; et il a supprimé la date du 15 décembre 2021. À partir de demain, donc, puisque cette disposition ne rentrera en vigueur que le lendemain de sa publication, le « schéma vaccinal complet » des majeurs de plus de 18 ans et un mois nécessitera une dose de rappel. Cette dose de rappel doit être reçue « 7 mois au plus tard » après la dernière dose de primo-vaccination. 

Jeu de dupes en CMP ?

Pendant ce temps, le projet de loi visant à transformer le pass sanitaire en pass vaccinal poursuit son chemin parlementaire semé d’embûches. Rappelons que le gouvernement espérait une promulgation le 15 janvier, c’est-à-dire demain… et que le texte n’est toujours pas voté. Hier, en effet, la commission mixte paritaire entre Sénat et Assemblée nationale n’a pas été conclusive. Un simple communiqué laconique a été publié pour annoncer que « la commission mixte paritaire a constaté ne pouvoir parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion », sans autre explication écrite pour l’instant. La raison invoquée par Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale, pour mettre fin à la CMP, a été la parution d’un tweet du sénateur LR Bruno Retailleau se félicitant, avant la fin des travaux, d’une CMP conclusive et d’une « victoire du Sénat ». « Atteinte intolérable aux institutions », a aussitôt réagi Yaël Braun-Pivet, au nom du nécessaire « huis-clos » des réunions de la CMP. Alors que des compromis avaient été trouvés et qu’un accord semblait possible, la CMP s’est finalement séparée sans accord sur décision de la majorité.

Nombre de députés jugent ce matin – ce qui paraît assez plausible – que ce tweet de Bruno Retailleau a surtout servi de prétexte à la majorité pour clore les débats, celle-ci souhaitant pouvoir revenir au texte initial et en faire porter la responsabilité à l’opposition. 

Résultat des courses : le texte reprend la navette parlementaire, mais cette fois, sans que le Sénat puisse réellement le modifier, puisque l’Assemblée nationale aura le dernier mot. 

Retour à la case départ

Dès hier soir, la commission des lois du Palais-Bourbon a réexaminé le texte et l’on peut dire qu’elle a fait le ménage : toutes les dispositions adoptées par le Sénat ont été supprimées, à une ou deux exceptions près – à la marge. Le nouveau texte de la commission a rétabli toutes les formulations issues de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale, a supprimé la possibilité de « territorialiser » le pass vaccinal en fonction de la circulation du virus, rétabli le pass vaccinal pour les mineurs (sauf lors des activités scolaires, extrascolaires et périscolaires), rétabli les vérifications d’identité par les gestionnaires d’ERP, rétabli la possibilité de demander un pass vaccinal à l’entrée de certains grands magasins et centres commerciaux, sur décision du préfet. Enfin, les membres de la commission des lois ont également rétabli la possibilité, supprimée par les sénateurs, d’infliger des amendes aux employeurs qui ne respectent pas les règles en matière de télétravail. Ils ont toutefois fait passer l’amende maximum de 1 000 à 500 euros. 

Le texte ainsi rétabli va être débattu en séance publique cet après-midi à l’Assemblée nationale, puis demain au Sénat – qui pourrait refuser de l’examiner. Puis, ultime retour à l’Assemblée nationale, dimanche ou lundi, pour le vote définitif du texte. 

Cela ne signifiera pas pour autant une promulgation immédiate, puisque plusieurs groupes ont déjà annoncé qu’ils allaient saisir le Conseil constitutionnel. Peu de chance, donc, de voir ce texte entrer en vigueur avant la fin de la semaine prochaine. 




Aide sociale
La Cour des comptes s'oppose à la « renationalisation à la carte » du RSA
Si le RSA permet bien de réduire « l'intensité de la pauvreté », il bénéficie insuffisamment aux personnes auxquelles il est destiné, selon la Cour des comptes. Rejetant la renationalisation de son financement, elle recommande de transférer aux départements « des ressources durables ».

Des mérites et des faiblesses. Dans une enquête consacrée au revenu de solidarité active (RSA) publié hier, la Cour des comptes a réalisé la première évaluation globale de ce dispositif depuis 2011, alors que cet instrument de lutte contre la pauvreté est aujourd’hui attribué à plus de deux millions de foyers pour une dépense annuelle de 15 milliards d’euros.

Malgré les « difficultés d’accès » à l’information (« éclatement de l’information », « lacunes importantes », « problèmes de fiabilité »…), le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a souligné que c’est « sans doute la première fois » que l’institution réalise « une évaluation sur un dispositif de prestation sociale de cette importance ».

Protège de la grande pauvreté

« Principal instrument de lutte contre la pauvreté », la création du RSA en 2008 (qui s’est substitué au RMI) a « profondément transformé le panorama des minima sociaux » en « incitant à l’activité », constate l’ancien ministre de l’Economie. Mais ces résultats restent « très contrastés », Pierre Moscovici pointant à la fois « deux succès importants » contrebalancés par « trois lacunes » importantes.

Premier « mérite » du RSA, il permet de « réduire nettement l’intensité de la grande pauvreté et de protéger efficacement contre la très grande pauvreté », expliquent les auteurs du rapport. En effet, seuls 16 % des bénéficiaires vivent avec moins de 40 % du revenu médian (733,6 euros), 78 % de ces bénéficiaires estimant même que le RSA leur procure un revenu minimum leur évitant de tomber dans la pauvreté.

« Attention », toutefois, « il ne s’agit aucunement de dire ici qu’on vit bien avec le RSA », prévient le Premier président de la Cour, celui-ci assure uniquement un rôle « d’ultime recours », de « minimum vital ». Comme le rappellent les magistrats de la rue Cambon dans leur rapport, « 51 % des allocataires sont pauvres en condition de vie », sans compter que « le RSA ne permet pas aux ménages de franchir le seuil de pauvreté fixé à 60 % du revenu médian, puisque son montant garanti est inférieur ». 

« Seules les personnes exerçant une activité, même à temps incomplet, disposent avec le RSA et leurs revenus personnels de ressources supérieures à ce seuil ». Et c’est le deuxième succès de ce dispositif : la suppression des « trappes à inactivité » via l’incitation monétaire à l’activité. « Grâce à la disparition des effets de seuil à la sortie, le RSA a mis fin aux situations de trappes à inactivité (et) il est toujours « gagnant » de reprendre une activité avec le RSA, y compris à mi-temps », un avantage amplifié depuis 2019 par l’augmentation de la prime d’activité.

Non-recours trop élevés et accompagnement inefficace

En parallèle, la Cour relève aussi trois faiblesses de ce dispositif:  un taux de non-recours trop élevé, un accompagnement social et professionnel « nettement insuffisant » et des « résultats médiocres » en matière d’emploi.

Première lacune du RSA, il bénéficie insuffisamment aux personnes auxquelles il est destiné, à la fois pour l’allocation et pour l’accompagnement. Ainsi, environ 30 % de la population qui en a le droit ne bénéficie pas de l’allocation, quand 60 % des allocataires ne disposent pas de contrat d’accompagnement. « Ce qui signifie qu’en prenant en compte le non-recours ''général'', seule 40 % de la population ciblée accède à l’accompagnement érigé comme un droit par la loi », soulignent les magistrats financiers. Pour Pierre Moscovici, « c’est un dysfonctionnement notable », qui permet que subsistent « des situations de grande précarité et d’exclusion ».

Malgré tout, quand il y a accompagnement, celui-ci est-il réel et efficace?, s'interrogent les auteurs du rapport. La réponse est « non », et « il s’agit là du principal échec du dispositif ». « L’accompagnement est faible, la contractualisation rare et souvent de pure forme, et en définitive la logique des droits et devoirs est dévoyée. Cet état de fait ne permet pas, sauf dans de rares exceptions, de mesurer un effet positif de l’accompagnement », dénonce la Cour, pour qui cela « affaiblit les incitations à l’insertion ».

Enfin, l’accès effectif à l’emploi reste difficile. Ce qui « compromet la promesse du dispositif de faire des revenus du travail le principal rempart contre la pauvreté », selon les magistrats financiers. Comparativement, les allocataires sortent « plus rarement en emploi et dans des postes plus courts et plus instables » que la moyenne des demandeurs d’emploi. « Sept ans après l’entrée dans le dispositif RSA, seuls 34 % des allocataires en moyenne sont en emploi, et seulement 11 % en emploi stable » tandis que « 15 % des bénéficiaires actuels du RSA sont présents dans le dispositif depuis plus de 10 ans », observe la Cour. 

Réformer le financement du RSA

Estimant que la mise en œuvre de ce modèle demeure « incomplète », celle-ci fait remarquer que « les rares cas où la logique du RSA a été réellement appliquée (avec l’accompagnement global par exemple) suggèrent qu’il peut être efficace ».

Devant ce constat, les magistrats mettent en avant trois grandes priorités et formulent 17 recommandations. Ils demandent, d’abord, que les départements soient « entièrement responsables du dispositif » et s’opposent à la « renationalisation à la carte », déjà effective en Guyane et à La Réunion, et programmée en Seine-Saint-Denis.

« La situation dans laquelle l’État finance mais le département décide ne peut que générer un risque sérieux de dérive de la dépense et un contrôle structurellement faible de l’attribution à bon droit », selon Pierre Moscovici. Celui-ci préconise donc de réformer le financement du RSA en privilégiant le transfert de ressources « durables dont la dynamique serait cohérente avec celle de la dépense ». Ce qui est loin d’être le cas actuellement. En dix ans, les dépenses ont progressé beaucoup plus vite (+ 69 %) que les recettes allouées aux départements (+ 20 %).

Ensuite, la Cour souhaite voir augmenter la couverture de la population cible. « Cela passe par une démarche de simplification, de clarté, de publicité de l’allocation et d’engagement envers les allocataires potentiels », recommande la Cour qui rejette toutefois l’idée d’un versement automatique de l’allocation.

Enfin, elle prône « une pleine application à la logique des “droits et devoirs” » et l’amélioration de l’accompagnement vers l’emploi. Elle propose une meilleure orientation et la mise en place de parcours « débouchant systématiquement sur une formation qualifiante avant un délai de deux ans dans une sorte de “clause anti-ancienneté” ».

Dans sa réponse à la Cour, l’Assemblée des départements de France (ADF) dit partager les observations réalisées par la Cour sur le manque de lisibilité et l’insuffisance des ressources associées au financement du RSA. Estimant que le « modèle social français est à bout de souffle », elle rejoint également l’analyse des magistrats financiers concernant la décentralisation du dispositif, qui « n’est pas totalement aboutie ».

 

Télécharger le rapport.

 




DĂ©chets
Lutte contre les dépôts sauvages : collaborer entre maires, gendarmes et Parquet
Une table ronde s'est tenue hier au Sénat sur la question sensible des dépôts sauvages de déchets. Une préoccupation quotidienne des maires, exposés parfois à la violence des contrevenants. Des bonnes pratiques ont émergé. 

Formation des élus, pièges photos, journées citoyennes : tous les moyens sont bons, dans le respect de la légalité, pour lutter contre le fléau des dépôts sauvages des déchets. Animée par Françoise Gatel, sénatrice UCI d’Ille-et-Vilaine et présidente de la Délégation aux collectivités et à la décentralisation, la table ronde qui s’est tenue hier a permis de mettre en avant certaines bonnes pratiques, via des témoignages d’élus et de gendarmes, représentés par le général Sylvain Noyau, chef de l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP). 

Un million de tonnes de déchets par an

Doublement responsables de ce sujet explosif, les maires sont tenus d’agir au nom de leurs pouvoirs de police administrative générale, mais aussi dans le cadre de leurs pouvoirs de police spéciale en matière d’environnement. En l’absence de mesures prises pour lutter contre ces dépôts, la responsabilité de la commune peut être engagée pour faute lourde. Un fardeau incommensurable pour les maires, de plus en plus exposés à la violence de leurs administrés. 

La mort de Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, (Var), à l’été 2019, dans le cadre de ses missions, a été un électrochoc pour tous les élus. Depuis, la situation ne s’est pas améliorée : augmentation exponentielle des dépôts sauvages, comme des agressions à l’égard des élus. Entre 2017 et 2021, les infractions de ce type ont augmenté de 85 %, a relevé le général Sylvain Noyau. Il y aurait ainsi 36 000 décharges à ciel ouvert sur le territoire national, selon une étude de l’Ademe. 

Pièges photos, procédures simplifiées

Premier à témoigner, Fabien Kees, maire de Dammenois (Essonne), a été touché personnellement par ce fléau. Après son agression en 2019, la commune rurale de 900 habitants, a mis en place des mesures pour lutter contre ces dépôts, qu’ils soient le fait de particuliers ou de professionnels, le plus souvent du BTP, recourant parfois au travail au noir. Formation des élus amenés à « dialoguer » avec les auteurs des dépôts, fiches réflexe, achat de matériels pour agir vite, signalétique, pièges photos, et surtout, mise en place de procédures simplifiées avec la gendarmerie et le Parquet… Le maire de Dammenois s’est dotée d’un arsenal pour agir efficacement. En cas de découverte d’un dépôt sauvage, les étapes sont claires : remise de la photo du piège photo aux gendarmes, dépôt de plainte, convocation de l’auteur, passible d’une amende de 135 euros (4e catégorie). Par la suite, le maire peut prendre un arrêté de remise en état du lieu, et si l’auteur ne s’y conforme pas, il est passible d’une amende. Au-delà, le maire facture la remise en état aux frais réels.

Brigades d’intervention, gardes-champêtres

Philippe Vignon, vice-président chargé de la politique de la ville et de la prévention de la délinquance à la communauté d’agglomération du Saint-Quentinois (Aisne) a exposé ses bonnes pratiques. Tous les mois, l’élu organise des comités territoriaux, rassemblant tous les maires de l’interco, le sous-préfet, la compagnie de gendarmerie, et un représentant du Parquet. Dans ce cadre, sont inventoriées les difficultés rencontrées par les maires. 

L’élu constate, lui aussi, une augmentation exponentielle des dépôts sauvages sur son territoire : en 2019, il en recensait 46, contre 153 en 2020. Une croissance en partie conjoncturelle, la déchetterie ayant été fermée en 2020 en raison du confinement.

Depuis 2017, une brigade d’intervention en matière d’environnement a été mise en place à l’échelle de l’agglomération. Cette brigade pourrait à bon escient être complétée par des gardes-champêtres, qui peuvent mener l’enquête de bout en bout, du début de la procédure jusqu’au Parquet, a relevé Philippe Vignon. 

À cette occasion, le vice-président de l’agglomération de Saint-Quentin a soumis aux sénateurs ses propositions pour faire évoluer le traitement de la lutte contre ces dépôts. En tête de ses suggestions : permettre aux élus d’avoir un lien direct avec le Parquet ; mettre en place un protocole d’identification des auteurs – première difficulté expliquant le peu de sanctions – ; clarifier l’utilisation des pièges photos et des caméras de chasse ; et enfin, instaurer une amende forfaitaire. 

Plateforme nationale des atteintes à l’environnement

De son côté, le général Sylvain Noyau, chef de l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP), rattaché au ministère de l’Intérieur, est venu rappeler que cette question est la première priorité de cet organisme crée en 2004. 

Il a également pointé les causes de l’absence de sanctions, qui sont pourtant prévues par la loi : difficile identification des auteurs, procédures et réglementation complexes (200 infractions en matière de déchets) avec un risque d’erreurs procédurales rebutant. 

La loi Économie circulaire, ou Agec de 2019 a apporté certaines réponses, estime Sylvain Noyau, en alourdissant les sanctions, et en créant les « brigades vertes de l’environnement ». Mais beaucoup reste à faire, notamment sur la traçabilité des déchets. En 2020, la montée en puissance de l’OCLAESP, et son déploiement sur le territoire a démontré l’engagement de la gendarmerie dans l’éradication de ce fléau. Le chef de l’office a annoncé la présentation prochaine d’un plan environnement, comprenant 30 mesures, dont le développement d’outils innovants. Une plateforme nationale des atteintes à l’environnement sera mise en place, à l’instar des associations environnementales. D’ici là, la première réponse à ce fléau est la mise en place d’un « écosystème collaboratif » selon les termes de Françoise Gatel, au même titre que l’arlésienne du « continuum de sécurité ». 




Mobilité durable
Consensus au Sénat contre l'obligation du port du casque à vélo
Les sénateurs ont débattu hier d'une proposition de loi visant à imposer le port du casque à vélo. À l'issue du débat, le texte a été retiré, devant l'opposition générale à ce que beaucoup ont appelé « une fausse bonne idée ». 

Un petit tour, et puis s’en va. La proposition de loi du sénateur centriste de la Charente, François Bonneau, n’a pas dépassé le stade de la discussion générale au Sénat, hier après-midi. 

Ce texte avait pour but de rendre obligatoire le port du casque non seulement à vélo, mais également pour les usagers de trottinettes électriques, gyropodes, overboard et autres « engins de déplacement personnel » qui se multiplient exponentiellement dans les villes. Constatant – et saluant – cette montée en puissance, le sénateur a toutefois plaidé que les cyclistes représentent « 6 % de la mortalité routière », en augmentation de plus de 20 % depuis 2010. Or seuls les enfants de moins de douze ans sont contraints à porter un casque, aujourd’hui. 

Les associations de promotion du vélo contre l’obligation

« Le port du casque à vélo réduit de 51 % le risque de blessure à la tête et au visage », a justifié le sénateur, citant une étude australienne (l’un des rares pays ayant rendu obligatoire le port du casque à vélo). Mais moins d’un tiers des usagers du vélo, en France, portent un casque. Il y a donc urgence, selon lui, à modifier le Code de la route. La proposition de loi, composée d’un seul article, étend l’obligation de port du casque faite aux motards aux usagers des « cycles ». Le texte prévoit également l’immobilisation et la mise en fourrière des vélos dont les conducteurs sont incriminés.

Il faut rappeler que les associations de promotion du vélo, en particulier la Fub (Fédération des usagers de la bicyclette) et le Club des villes et territoires cyclables, sont farouchement opposés à cette obligation. Ces structures estiment en effet qu’une telle obligation est « anxiogène », parce qu’elle met en avant le fait que le vélo serait dangereux, et que cela pourrait représenter un frein contreproductif à l’usage de la bicyclette.

La ministre chargée de la citoyenneté, Marlène Schiappa, qui représentait le gouvernement dans ce débat, a d’abord rappelé les initiatives de l’exécutif en faveur du vélo : plan Vélo en 2018, loi d’orientation des mobilités en 2019, avec la création des zones de circulation apaisée, « déploiement des mesures éducatives pour accompagner une pratique sécurisée chez les enfants ».

La ministre, si elle a salué « l’objectif légitime visé » par la proposition de loi, s’est opposée à l’obligation du port du casque pour les cyclistes. Raison principale : le gouvernement craint de « provoquer un rejet en adoptant une législation contraignante ». Le gouvernement, a ajouté Marlène Schiappa, « privilégie l’incitation à l’obligation ». 

Consensus complet

La plupart des sénateurs se sont retrouvés d’accord sur cette position du gouvernement : oui à la sécurité, mais non à l’obligation. « Cette proposition de loi est une fausse bonne idée. Oui, le casque est efficace et doit être conseillé, mais une obligation freinerait l'essor du vélo », a par exemple défendu l’écologiste Jacques Fernique, ajoutant : « Les vrais leviers de sécurité concernent l'adaptation de la voirie, la limitation de la vitesse, l'apprentissage du savoir-rouler et le travail sur les angles morts ». « Incitons et convainquons, plutôt que de sanctionner ! », a abondé le radical Jean-Claude Requier. « Une obligation (…) entraînerait une surcharge de travail des forces de l’ordre et des fourrières et risque de désinciter à la pratique du vélo. » Le socialiste Olivier Jacquin a rappelé qu’une telle obligation avait déjà été rejetée « par deux fois » lors de l’examen de la loi sur l’orientation des mobilités, et estimé que « la priorité est d'éviter les collisions avec d'autres véhicules à moteur en aménageant des infrastructures et en réduisant la vitesse ». La sénatrice LR Béatrice Gosselin, enfin, a jugé que le texte « a le mérite de soulever un débat utile », mais « l'obligation du port du casque à vélo (lui) semble complexe à mettre en œuvre », et la mise en fourrière encore davantage, en l’absence de carte grise. « Laissons les cyclistes prendre leurs responsabilités. » 

Devant ce consensus général contre sa proposition, le sénateur Bonneau a retiré son texte, dont l’article unique n’a donc pas été débattu. 







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