Édition du mardi 20 juillet 2021

Coronavirus
Cinq questions et réponses sur le renforcement du pass sanitaire qui entrera en vigueur demain 
Le décret élargissant l'usage du pass sanitaire est paru ce matin au Journal officiel. Premier étage de la fusée du nouveau dispositif voulu par le gouvernement, avant le vote, en fin de semaine, d'un projet de loi, ce décret impose la présentation du pass sanitaire pour accéder à de très nombreux établissements et équipements du quotidien.

Rappelons que c’est la loi du 31 mai 2021 (article 1 – II) qui a fixé les règles en matière de pass sanitaire. Elle dispose qu’à compter du 2 juin, le Premier ministre peut, par décret, « subordonner l’accès des personnes à certains lieux, établissements ou événements » à la présentation de ce pass sanitaire. La loi n’a pas fixé de seuil, n’évoquant que « de grands rassemblements de personnes ». C’est par décret, le 1er juin, que le seuil de 1000 personnes a été officialisé. Il tombe à partir de demain, depuis la parution du nouveau décret. 

Le pass sanitaire, qu’est-ce que c’est ?

Rappelons que le pass sanitaire peut prendre trois formes : le résultat d’un test PCR ou antigénique « réalisé moins de 48 h avant l’accès à l’établissement » ; un « certificat de rétablissement », c’est-à-dire un test positif datant de plus de onze jours et moins de six mois ; ou enfin, un « justificatif de statut vaccinal attestant d’un schéma vaccinal complet ». Plusieurs points à retenir : seuls sont admis les vaccins autorisés par l’Agence nationale de sécurité des médicaments (soit, à ce jour, Moderna, AstraZeneca, Pfizer et Janssen). Le délai permettant de justifier d’un « schéma vaccinal complet » a été récemment abaissé à 7 jours au lieu de 14. Pour tous les vaccins excepté le Janssen, deux doses sont nécessaires, « sauf en ce qui concerne les personnes ayant été infectées par la covid-19, pour lesquelles ce délai court après l'administration d'une dose ». Enfin, pour le vaccin Janssen, le schéma vaccinal est réputé complet 28 jours après l’injection de la dose unique. 

Le pass sanitaire peut être présenté sur papier, sur l’application TousAntiCovid ou « sur tout autre support numérique au choix ». 

Dans quels lieux le pass sera-t-il exigé ?

Globalement, les lieux dans lequel sera exigé le pass sanitaire sont les mêmes que ce qui avait été fixé dans le décret du 1er juin. C’est la jauge qui change, étendant considérablement l’usage de ce sésame :  elle passe de 1000 à 50 personnes. Sont concernés les établissements recevant du public suivants : 
-    Établissements de type L (salles d'auditions, de conférences, de projection, de réunions, de spectacles ou à usages multiples), donc quasiment toutes les salles de cinéma ;
-    établissements de type CTS (chapiteaux, tentes et structures) ;
-    établissements de type P (salles de jeux et salles de danse), ainsi que restaurants et débits de boisson lorsqu’ils proposent des activités de danse ;
-    établissements de type T (à vocation commerciale destinés à des expositions, des foires-expositions ou des salons ayant un caractère temporaire) ;
-    établissements de type PA (plein air)
-    établissements de type X (équipements sportifs couverts)
-    établissements de culte, pour les activités à caractère non cultuel (concerts, etc.)
-    établissements de type Y (musées et salles d’expositions temporaires)
-    établissements de type S (bibliothèques et centres de documentation), sauf les bibliothèques universitaires et spécialiséees.

Sont également concernés les établissements d’enseignement artistique, de danse, du spectacle vivant, mais uniquement lorsqu’ils accueillent du public extérieur. 

Le décret décrit précisément les usages qui sont visés : il s’agit uniquement des « activités culturelles, sportives, ludiques ou festives ». Autrement dit, les usages professionnels ne sont pas concernés, et une salle de type L qui accueillerait, par exemple, un séminaire d’entreprise ou toute autre réunion professionnelle ne sera pas tenue d’exiger un pass sanitaire aux participants. 

Seront également soumis au pass sanitaire « les événements culturels, sportifs, ludiques ou festifs organisés dans l'espace public ou dans un lieu ouvert au public et susceptibles de donner lieu à un contrôle de l'accès des personnes », dès lors qu’ils dépassent 50 personnes. 

Pour ce qui est des manifestations sportives, le pass sanitaire ne sera pas exigé pour celles qui sont organisées « au bénéfice des sportifs professionnels ou de haut niveau ». 

Enfin, le pass sanitaire devient obligatoire pour accéder aux fêtes foraines « comptant plus de 30 stands ou attractions ». 

À partir de quand cette mesure entre-t-elle en vigueur ?

Le décret paru ce matin ne comporte aucune date d’entrée en vigueur. Dès lors, conformément à l’article 1 du Code civil, il entre en vigueur le lendemain de sa publication, soit demain, mercredi 21 juillet, conformément aux annonces du président de la République, la semaine dernière. 

Quid du masque ?

Dans tous les établissements soumis à ces nouvelles obligations, le port du masque ne sera pas obligatoire. Toutefois, « le port du masque peut toutefois être rendu obligatoire par le préfet de département lorsque les circonstances locales le justifient, ainsi que par l'exploitant ou l'organisateur ».

Les salariés et agents sont-ils concernés ?

C’est la question principale que se posent, notamment, les élus dont la commune gère des établissements concernés par ces obligations (bibliothèques, installations sportives, cinémas ou théâtres municipaux, musées, etc.). Ni le décret ni la loi du 31 mai 2021 ne sont clairs sur ce point : il est écrit dans le décret que le pass sanitaire doit être présenté « pour l’accès aux établissements », sans préciser s’il s’agit uniquement de l’accès du public ou si les agents ou salariés du lieu sont concernés. 

Faute de texte écrit – sans doute, dans les jours prochains, le gouvernement reviendra-t-il sur ce point dans une de ces « foires aux questions » devenues habituelles – on doit donc se contenter des propos oraux du ministre de la Santé, Olivier Véran. La semaine dernière, celui-ci a indiqué que les salariés des établissements recevant du public bénéficieraient d’un « petit délai supplémentaire, jusqu’au 30 août ». Ce qui signifie, a précisé le ministre, qu’ils doivent recevoir leur première dose « au plus tard le 1er août ». Faute de quoi, dès le 30, ils devront présenter un test toutes les 48 h. Cette information a été confirmée, ce matin, par le cabinet du ministère de la Cohésion des territoires.

Cette date du 30 août figure bien dans le projet de loi présenté hier (lire article ci-dessous), pour « les personnes qui interviennent dans ces lieux, établissements, services ou événements ». 

On peut donc considérer, sauf avis contraire du gouvernement d’ici là, que les gestionnaires des structures concernées n’ont pas, pour l’instant, à contrôler le pass sanitaire de leurs agents.

En revanche, lesdits agents vont devoir, dès demain, contrôler le pass sanitaire à l’entrée des équipements. Qui va le faire ? Comment, avec quel matériel ? Comment empêcher que cela donne lieu à des incidents, par exemple à l’entrée des piscines ? Cela mettra-t-il les élus dans l’obligation d’affecter du personnel supplémentaire à cette tâche et, dans ce cas, y aura-t-il une compensation de la part de l’État ? Autant de questions qu’a posé l’AMF la semaine dernière et qui, pour l’instant, n’ont pas trouvé le moindre commencement de réponse. 
 
Télécharger le décret.




Coronavirus
Obligation vaccinale : le projet de loi, en grande partie validé par le Conseil d'État, est publié
Le projet de loi « Gestion de la crise sanitaire » a été présenté, hier, en Conseil des ministres, et entame aujourd'hui son parcours parlementaire express. Il a été modifié, à la marge, par rapport à l'avant-projet de loi, à la suite de certaines remarques du Conseil d'État. Mais pour certaines dispositions, le gouvernement a choisi de passer outre l'avis de la haute juridiction. Décryptage.

En présentant, hier soir, le compte rendu du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a confirmé qu’une « hausse aussi forte et aussi soudaine » de l’épidémie n’avait pas été connue depuis le début de la crise. « Nous sommes entrés dans la quatrième vague », a annoncé Gabriel Attal, ce qui justifie les mesures de durcissement décidées par le chef de l’État la semaine dernière. 

Ces mesures ont été, globalement, validées par le Conseil d’État, à quelques exceptions près, dont le gouvernement a tenu compte… ou pas. 

Extension du pass sanitaire

Le texte commence par modifier la date prévue par la loi du 31 mai 2021 qui autorisait le Premier ministre a prendre des mesures d’exception – dont l’usage du pass sanitaire – jusqu’au 30 septembre. Cette date est remplacée par celle du 31 décembre. 

Pendant cette période, le gouvernement sera autorisé à imposer la présentation d’un pass sanitaire (lire article ci-dessus) dans un plus grand nombre de lieu, parmi lesquels les restaurants et les débits de boisson. Suivant l’avis du Conseil d’État, le gouvernement a précisé dans le texte que « la restauration collective et la restauration professionnelle routière » ne seraient pas concernées.

Deuxième extension : le pass sera exigé à l’entrée des « services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux ». Là encore, le projet de loi définitif est plus précis que l’avant-projet de loi, puisqu’il spécifie que cette obligation ne s’applique pas « en cas d’urgence » : le pass ne sera exigé qu’aux visiteurs, ainsi qu’aux patients « accueillis pour des soins programmés ». 

Les « transports publics de longue distance » seront également soumis au pass, « sauf en cas d’urgence faisant obstacle à l’obtention du justificatif requis ». 

En revanche, le gouvernement n’a pas suivi le Conseil d’État sur la question des centres commerciaux. À ce propos, les juges avaient écrit que cette mesure « porte une atteinte disproportionnée aux libertés des personnes concernées », notamment du fait de la possible impossibilité pour elles d’acquérir « des biens de première nécessité, notamment alimentaires », si « aucun autre établissement commercial (n’est) accessible à proximité de (leur) domicile ». Le gouvernement n’a pas cédé, et le projet de loi prévoit bien d’imposer le pass sanitaire dans « les grands magasins et centres commerciaux », mais seulement « au-delà d’un seuil défini par décret et permettant de garantir l’accès des personnes aux biens et produits de première nécessité sur le territoire concerné ». Dans l’étude d’impact du texte, il est évoqué le seuil de 20 000 m² de surface, ce qui concernerait environ « 400 lieux ». Il faut s’attendre à une application au cas par cas, décidée par les préfets, en fonction de la présence ou pas de commerces alternatifs à proximité.

Salariés et agents

Le projet de loi précise – ce qui n’était pas le cas dans la première version – que pour les personnes qui travaillent dans ces lieux, qu’ils soient salariés ou bénévoles, la présentation du pass sanitaire ne sera exigible qu’à partir du 30 août. Dès lors qu’une personne ne présentera pas ce document à la date requise, « son employeur lui notifie par tout moyen la suspension de ses fonctions ou de son contrat de travail », cette suspension entraînant « l’interruption du versement de la rémunération ». Cinq jours plus tard, si la situation n’est pas réglée, la personne devra être « convoquée à un entretien ». Si au bout de deux mois, le pass sanitaire n’a toujours pas été présenté, la situation justifie « la cessation définitive des fonctions ou la rupture du contrat de travail ». 

Il faut noter ici que le Conseil d’État, dans son avis, estime ces mesures inapplicables en l’état actuel des choses pour les agents de la fonction publique. Explication : les instances consultatives – en l’occurrence le Conseil commun de la fonction publique – n’a pas été saisi, ce qui est contraire au droit, dans la mesure où le gouvernement crée un nouveau motif de révocation. Le Conseil d’État n’a donc pas retenu ces dispositions, ce qui n’a pas empêché le gouvernement de les faire figurer dans son projet de loi. 

Sanctions revues à la baisse

Le texte diffère également de la première mouture sur la question des sanctions envers les employeurs qui ne contrôleraient pas le pass sanitaire. L’amende passerait à 1 500 euros – au lieu des 45 000 mentionnés au départ. 

Isolement forcé

Le projet de loi confirme – après la validation par le Conseil d’État – la possibilité qui sera ouverte de placer à l’isolement pendant 10 jours les personnes infectées par le covid-19. Il est également confirmé que les policiers municipaux seront bien habilités à contrôler le respect des mesures d’isolement. Le projet de loi autorise les agents des forces de l’ordre ou de la police municipale à « se présenter au lieu d’hébergement déclaré par l’intéressé pour s’assurer de sa présence à l’exception des horaires où il est autorisé à s’absenter ainsi qu’entre 23 heures et 8 heures ». 

Obligation vaccinale

La liste des personnels de santé soumis à l’obligation vaccinale a été quelque peu allongée par rapport à ce qui figurait dans le texte initial. Outre les personnels des établissements de santé, centres et maisons de santé, établissements et services médico-sociaux, Ehpad, services d’accueil des personnes handicapées, etc., ont été ajoutés les psychologues, les psychothérapeutes ou encore les ostéopathes. Le texte précise également que les personnes « chargées de l’exécution d’une tâche ponctuelle » dans ces lieux ne sont pas soumises à l’obligation vaccinale. 

Toutes ces personnes devront, dès le lendemain de la publication de la loi – donc début août – présenter un test négatif, faute de quoi « elles ne pourront plus exercer leur activité ». À partir du 15 septembre, elles ne pourront continuer à travailler que si elles présentent un certificat de vaccination complète. En cas de non-présentation de ces documents, la procédure sera la même que celle décrite plus haut : suspension sans solde, convocation à un entretien au bout de cinq jours, et éventuel licenciement au bout de deux mois. L’employeur qui ne pratiquerait pas ce contrôle s’expose à la même amende de 1 500 euros que dans les autres ERP. 

Les réserves exprimées par le Conseil d’État sur les agents publics du fait de la non-consultation du Conseil commun de la fonction publique valent également pour ce chapitre. Mais dans l’étude d’impact qui accompagne ce texte, le gouvernement indique noir sur blanc que les employeurs publics gestionnaires d’établissements et services médico-sociaux « devront satisfaire aux obligations de contrôle ». 

Le texte va être examiné à l’Assemblée nationale, en commission, dès aujourd’hui, et débattu en séance publique demain. Il ne fait pas de doute qu’il sera adopté, un assez large consensus régnant parmi les principaux partis politiques sur les mesures prévues dans le projet de loi. Mais il reste à voir quelles modifications seront apportées par les parlementaires, qui pourraient être d’importance : un député a par exemple d’ores et déjà annoncé son intention de déposer un amendement pour imposer la vaccination obligatoire des enseignants. 

Maire info rendra compte, toute la semaine, de l’avancée des débats. 

Télécharger le projet de loi et l’avis du Conseil d’État




Coronavirus
Nouveau projet de loi sanitaire : un texte dont les impacts sont encore inconnus
Comme tous les projets de loi, le texte du gouvernement sur l'obligation vaccinale s'accompagne d'une étude d'impact relativement détaillée. Celle-ci ne semble pas vraiment prendre en compte, pourtant, les impacts organisationnels et financiers de ces dispositions pour les collectivités locales. 

C’est une étude d’impact étrangement incomplète qui a été publiée hier soir, en même temps que le projet de loi « Gestion de la crise sanitaire » et de l’avis du Conseil d’État. La faute, peut-être, à l’extrême urgence dans laquelle ce texte a été rédigé. En règle générale, lorsque paraît un projet de loi, l’étude d’impact donne une vision très précise – et chiffrée – de l’impact des mesures envisagées par le gouvernement, aussi bien sur les entreprises ou les particuliers que sur les collectivités locales. Ici, le moins que l’on puisse dire est que la précision n’est pas au rendez-vous. 

Aucun chiffre dans l’étude d’impact

Une bonne moitié de ce document de 75 pages est consacrée à revenir sur le passé – à savoir les impacts des décisions prises depuis le début de l’épidémie – et sur les raisons qui ont conduit à décider d’une nouvelle évolution de la loi. 

Concernant le premier train de mesures – obligation de présenter le pass sanitaire dans un très grand nombre d’établissements recevant du public – l’impact sur les collectivités locales n’est ni décrit ni chiffré. Tout juste le gouvernement se borne-t-il à écrire que « ces dispositions affecteront les collectivités territoriales et leurs établissements publics lorsqu’ils sont gestionnaires d’activités ou d’établissements et services en direction de personnes vulnérables dans le champ du passe sanitaire ». Il ne répond pas, en revanche, aux questions posées par l’AMF dans son avis rendu devant le Conseil d’évaluation des normes, la semaine dernière :  quel sera « le coût généré par cette nouvelle contrainte, à la fois en matériel et en personnel », et quelle sera « sa nécessaire compensation financière pour les communes et intercommunalités gestionnaires de ces établissements ou organisatrices de ces activités ». 

Un autre impact est totalement ignoré dans l’étude : l’éventualité que, par manque de personnel répondant aux conditions sanitaires requises, certaines activités doivent fermer. 

Rien non plus, dans l’étude d’impact, sur les éventuelles répercussions organisationnelles et financières, pour les collectivités, du placement à l’isolement des personnes infectées. Si les policiers municipaux devaient être intégrés dans le dispositif de contrôle de l’isolement de ces personnes, cela générerait, notait l’AMF la semaine dernière, « un surcroît d’activité non négligeable que les communes ne seront pas toujours en capacité d’absorber ». 

Obligation vaccinale, la grande inconnue

L’étude d’impact n’est pas plus précise sur les conséquences de l’obligation vaccinale pour les personnels de santé. Elle indique que ces dispositions « affecteront les départements en tant qu’autorités compétentes pour l’autorisation de fonctionnement et le contrôle des établissements médico-sociaux pour personnes âgées et personnes handicapées et dans le secteur de la sécurité civile », ainsi que les autres collectivités « dont les agents seront concernés par l’obligation de vaccination ». Les employeurs territoriaux devront « satisfaire aux obligations de contrôle ». Fermez le ban. 

Pourtant, les mêmes questions se posent que sur le sujet des ERP : qui procédera aux contrôles ? Risque-t-il d’y avoir des conséquences sur le maintien de certaines structures ? Quelles sanctions s’appliqueront aux agents qui ne remplissent pas les nouvelles obligations, et selon quelles modalités précises ?

Et – même si ces considérations n’ont pas forcément leur place dans une étude d’impact – on peut légitimement s’interroger sur les difficultés en termes de ressources humaines qui vont se poser aux employeurs publics pour gérer les tensions et les frustrations que vont immanquablement provoquer ces dispositions dans les services… dispositions qui, rappelons-le, n’étaient nullement souhaitées par l’AMF, qui, pendant la concertation, a toujours affirmé préférer la persuasion, la communication et la pédagogie à la coercition. 




Biodiversité
Biodiversité : les limites de la politique des petits pas ?
Dans le cadre du Plan de relance, l'État consacre cette année 8 millions d'euros aux porteurs de projets en faveur de la biodiversité : 4 millions pour la restauration des écosystèmes (appel à projets « MobBiodiv'Restauration »), et 4 autres pour les Atlas de la biodiversité communale. Une goutte d'eau au vu des enjeux à court et moyen terme.

La secrétaire d’Etat chargée de la Biodiversité, Bérangère Abba, a révélé, vendredi à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), la liste des 38 lauréats (sur 85 candidats) de l’appel à projets Mob’Biodiv Restauration 2021, « financé par France Relance et mis en œuvre par l’Office français de la biodiversité (OFB) ». La deuxième session a été lancée hier.

Création de refuges pour la biodiversité

Lancé en début d’année, cet AAP, doté d’un peu plus de 4 millions d’euros, avait pour objectif de « soutenir des actions concrètes en faveur de la restauration d’écosystèmes terrestres, de leurs fonctionnalités et du maintien en bon état de conservation de la faune », écrit le ministère dans un communiqué. La commune d’Aulnay-sous-Bois a, par exemple, été sélectionnée pour son projet de « restauration écologique des berges du canal de l’Ourcq », qui « prévoit le remplacement de peupliers et la création de plusieurs strates végétales et autres refuges pour la biodiversité le long du canal ». Il y a urgence de trouver des solutions en la matière : environ 1 million d’espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées d’extinction, notamment au cours des prochaines décennies, alertait, dans un rapport paru en 2019, la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES).

La ministre s’est ensuite rendue à Saint-Prix (Val-d’Oise) pour « rencontrer les partenaires de la forêt domaniale de Montmorency, gérée par l’Office national des forêts (ONF) », dont les relations avec les communes forestières sont en ce moment quelque peu tendues (lire Maire info des 21 juin et 5 juillet). « La forêt de Montmorency subit de plein fouet les impacts du changement climatique, a jugé Bérangère Abba. Aussi, avec l’appui financier de France Relance, et en concertation avec les parties prenantes (associations, élus, parlementaires), l’ONF entreprend un vaste programme de gestion et restauration : diversification des sylvicultures ; préservation de zones à fort enjeu de protection de la biodiversité, gestion des coupes », a-t-elle fait savoir.

Une nouvelle stratégie européenne pour préserver les forêts

Le même jour, une nouvelle stratégie européenne pour préserver les forêts, qui vient compléter le « pack climat » ou pacte vert, a été présentée à Bruxelles. Cette stratégie, saluée par France nature environnement dans un tweet, vise à « garantir des forêts saines et résilientes qui contribuent à la biodiversité, aux objectifs climatiques et à la sécurité des moyens de subsistance, et qui soutiennent une bioéconomie circulaire ».

« La Commission européenne propose, non seulement de maintenir le puits carbone naturel, c’est-à-dire l’absorption naturelle par les arbres et les sols du CO2, mais de l’étendre pour qu’il puisse absorber 310 mégatonnes de CO2 en 2030 contre 268 aujourd’hui, résume le Réseau Action Climat (RAC) sur son site internet. Cet objectif d’absorption est le bienvenu, reconnait l’organisation, mais il ne doit pas remplacer les efforts de réduction de gaz à effet de serre des différents secteurs d’activité. L'ancien ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot de fixer une échéance dans Ouest-France : « Si l'humanité veut conserver ses chances, c'est maintenant ou jamais qu'il faut changer de modèle [...] J'en appelle au sursaut des consciences ».

« Or, reprend le RAC, l’artificialisation des sols, l’agriculture intensive promue par la Politique agricole commune, l’exploitation forestière notamment pour le bois énergie intensif, les feux de forêts, l’intensification des vagues de chaleur qui abîme la santé de la nature sont autant de facteurs qui réduisent la capacité de nos forêts et sols d’absorber le CO2. » Ainsi, « l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) défini par le Plan biodiversité de 2018, même s’il n’a pas encore été assorti d’une échéance, apparaît d’autant plus ambitieux que la France se singularise en Europe occidentale par un rythme élevé de consommation d’espaces non artificialisés », s’inquiétait le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans un avis publié en 2020.

Niveau record des émissions de CO2 attendu en 2023

L’absorption du CO2 s’annonce d’autant plus capitale dans les années à venir qu’avec seulement 2 % de l'argent des plans de soutien et de relance post-pandémie covid-19 dédiés à la transition énergétique (350 milliards de dollars par an, loin des 1000 milliards d’euros attendus par l’AIE), les émissions mondiales de CO2 risquent d'atteindre un niveau record en 2023 et poursuivre leur progression au fil des ans, estime, ce matin, l'Agence internationale de l'énergie. La politique des petits pas a donc ses limites.

« Cela laisserait le monde loin de la voie vers des émissions nettes zéro d'ici 2050 que l'AIE a énoncée dans sa récente feuille de route mondiale », se désole l'institution. Depuis le début de la crise du covid-19, de nombreux gouvernements ont dit combien il était important de mieux reconstruire, pour un avenir plus sain, mais beaucoup doivent encore joindre les actes à la parole », relève le directeur de l'AIE, Fatih Birol. La tendance est particulièrement alarmante dans les pays en développement et émergents, où, par exemple, le rebond de la demande électrique trouve sa réponse dans le charbon plutôt que le solaire ou l'éolien. 

De la même façon, les objectifs fixés en 2010 pour conserver la biodiversité par le biais d’un réseau d’aires protégées en 2020 sont loin d’être atteints, regrettait le CNRS l’an passé. 




Numérique
La Défenseure des droits alerte sur les « risques considérables » des technologies biométriques
Pourriez-vous être emprisonné à tort à cause d'un système de reconnaissance faciale, ou écarté d'un entretien d'embauche parce qu'un ordinateur vous trouve nerveux ? Face à l'essor des technologies biométriques, la Défenseure des droits s'alarme dans un rapport publié mardi des « risques considérables » qu'elles comportent.

« Les avancées que permettent les technologies biométriques ne sauraient s'effectuer ni au détriment d'une partie de la population, ni au prix d'une surveillance généralisée », avertit cette autorité indépendante, dirigée par Claire Hédon. Elle réclame un meilleur encadrement de ces dispositifs. Réaliser une transaction grâce à ses empreintes digitales, identifier automatiquement un suspect dans une foule, cibler la publicité adressée à quelqu'un en fonction de son apparence physique... Depuis plusieurs années, ces technologies qui visent à authentifier ou identifier une personne, voire à évaluer sa personnalité, en analysant ses données biométriques comme les traits du visage, la voix ou les caractéristiques comportementales, se généralisent. Mais elles sont « particulièrement intrusives » et présentent des « risques considérables d'atteinte aux droits fondamentaux », selon le rapport.

Elles exposent d'abord à « une faille de sécurité aux conséquences particulièrement graves », explique la Défenseure des droits. Si un mot de passe peut être modifié après un piratage, impossible en revanche de changer d'empreintes digitales lorsqu'elles ont été volées dans une base de données. De quoi mettre « en danger l'anonymat dans l'espace public en permettant une forme de surveillance généralisée », selon l'institution.

Les enjeux dépassent largement la seule protection de la vie privée et les angles morts du règlement général sur la protection des données (RGPD), imposé par l'Europe depuis 2018. Le rapport pointe ainsi le « potentiel inégalé d'amplification et d'automatisation des discriminations » des technologies biométriques.

Car leur essor est étroitement lié aux algorithmes d'apprentissage, sur lesquels elles s'appuient. Sous leur apparente neutralité mathématique, ils peuvent comporter de nombreux biais discriminatoires, déjà soulignés en 2020 par le Défenseur des droits et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) dans un rapport conjoint.

Contrôles indépendants

Le document publié mardi rappelle les faiblesses des intelligences artificielles, conçues par des humains susceptibles de leur transmettre leurs stéréotypes, en constituant des bases de données inconsciemment biaisées. Des recherches ont ainsi montré que certains systèmes de reconnaissance faciale avaient plus de difficultés à identifier les femmes et les personnes non blanches, car leur algorithme fonctionnait à partir de données majoritairement constituées de visages masculins et blancs. « Aux États-Unis, trois hommes noirs ont ainsi déjà été emprisonnés injustement suite aux erreurs de systèmes de reconnaissance faciale », rappelle le rapport. 

Sécurité, ressources humaines, éducation... Les domaines concernés sont nombreux. Certaines entreprises de recrutement commercialisent par exemple déjà des logiciels assignant des scores aux candidats lors d'un entretien d'embauche. Et ce alors même que ces technologies visant à évaluer les émotions « commettent de nombreuses erreurs » et bafouent le droit du travail.

Le document pointe également « l'effet dissuasif » des technologies biométriques. Par exemple, chacun se sentirait-il libre de manifester si des drones avec reconnaissance faciale survolent les cortèges? Pour un meilleur encadrement, la Défenseure des droits formule plusieurs recommandations. Elle appelle d'abord tous les acteurs, privés comme publics, à écarter les technologies d'évaluation des émotions.

En matière de police et de justice, l'institution estime que « le recours à l'identification biométrique ne saurait concerner tout type d'infraction ». Selon elle, la reconnaissance faciale, déjà interdite par le Conseil constitutionnel pour les drones policiers, devrait également l'être pour d'autres dispositif comme la vidéosurveillance ou les caméras piétons.

Fin juin, le contrôleur européen de la protection des données (CEPD), autre autorité indépendante dont l'avis reste consultatif, réclamait lui l'interdiction totale des systèmes de reconnaissance automatisée des individus dans les lieux publics. La Défenseure des droits appelle enfin à « repenser les contrôles » de ces technologies, notamment en imposant un « audit externe et indépendant » des dispositifs d'identification biométrique, et en instaurant un contrôle régulier des effets des algorithmes, « sur le modèle du contrôle des effets indésirables des médicaments ».







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