Édition du lundi 6 avril 2020 |
Coronavirus
Prime, tĂ©lĂ©travail, congĂ©s forcĂ©s, missions essentielles : les employeurs territoriaux attendent des rĂ©ponsesÂ
|
Pendant le confinement, le dialogue social continue…par téléphone. Le secrétaire d’Etat en charge de la Fonction publique Olivier Dussopt a ainsi réuni le 2 avril les neuf organisations syndicales de fonctionnaires et les représentants des employeurs territoriaux. Au cours de ces rendez-vous en audioconférence (qui devraient se tenir dorénavant chaque semaine jusqu’à la fin de la crise sanitaire), plusieurs questions liées à la mobilisation des agents territoriaux dans la lutte contre la pandémie de covid-19 ont été abordées. Saluant « le travail important, la qualité d’écoute, la réactivité et l’efficacité du secrétaire d’Etat et de son cabinet », Philippe Laurent, le porte-parole de la Coordination des employeurs publics territoriaux (1) a souligné le 3 avril dans un communiqué que les nombreux problèmes que rencontrent les collectivités dans la période actuelle doivent trouver des réponses rapides « afin de continuer à se situer dans des règles de droit ». Réponses dont le maire de Sceaux (Hauts-de-Seine) souhaite, par ailleurs, « qu’elles ne viennent pas obérer la reprise normale des services ».
Pour Philippe Laurent, les indications données par Olivier Dussopt au cours de cette réunion « vont dans le sens souhaité » par les collectivités, même si les textes attendus sont encore en préparation ou en cours d’arbitrage.
Prime exceptionnelle défiscalisée et désocialisée
Il s’agit notamment de rendre possible le versement « sur décision souveraine de la collectivité » d’une prime exceptionnelle pour les agents engagés sur le terrain dans le cadre des plans de continuité d’activité. Les élus demandent que cette prime soit accordée « hors RIFSEEP » (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel) et qu’elle soit à la fois défiscalisée et désocialisée. Selon la Coordination des employeurs territoriaux, cette revendication « a été entendue et pourrait trouver des éléments de réponses positifs dans les prochains jours ». Notons que sur ce sujet, l’Association des DRH des grandes collectivités (ADRHGCT) s’est également positionnée en faveur d’une prime exceptionnelle dans une tribune en date du 5 avril. « Il y a urgence à cesser les tergiversations juridiques et à créer une prime défiscalisée et exonérée de cotisations sociales pour tous les agents publics impliqués et mobilisés dans la crise exceptionnelle que nous traversons », affirme notamment Johan Theuret, président de l’ADRHGCT. Pour l’heure, l’ordonnance du 1er avril 2020 prévoit le versement d’une prime exceptionnelle et défiscalisée aux seuls salariés du privé.
En outre, la possibilité de verser des « frais de mission exceptionnels » aux agents engagés sur le terrain a été évoquée le 3 avril. Les employeurs ont également demandé au gouvernement de publier au plus vite le décret « télétravail », un texte « qui donnera une base réglementaire aux pratiques actuellement mises en œuvre ». Autre sujet important : les congés « forcés » imputables sur la période de confinement. Pour Philippe Laurent, si cette possibilité devait être mise en œuvre, elle devrait relever de la décision de chaque collectivité « avec des limites précises » et n’être « en aucun cas une obligation ». Enfin, les employeurs territoriaux ont évoqué la perspective de caractériser le covid-19 comme maladie professionnelle pour les agents territoriaux qui auront été exposés.
La question des « missions essentielles »
Plusieurs élus ont soulevé, lors de cette réunion, la question des missions qui, sans être indispensables, sont jugées « essentielles ». Explication : un certain nombre de missions indispensables sont listées et permettent de mettre en place les PCA (plans de continuité de l’activité). Dans ce cadre, les agents qui participent à ces missions ne peuvent refuser de travailler. Mais il existe aussi, ont souligné des maires, des activités qui, bien que n’étant pas listées comme indispensables, sont néanmoins « essentielles » et devront être effectuées avant le déconfinement (par exemple le nettoyage et la désinfection des gymnases, la tonte des stades, l’entretien des espaces verts). Les agents sont-ils en droit de refuser ces missions ? Olivier Dussopt a reconnu le problème, dû au fait que les PCA n’ont pas été pensés pour des crises aussi longues que celle-ci. II n’a, pour l’instant, pas apporté de réponse à cette question.
Les demandes des syndicats
Côté syndical, les représentants des agents ont essentiellement demandé au secrétaire d’État lors de la réunion du 2 avril que soient précisées les règles concernant le télétravail (un décret devrait être présenté devant le Conseil d’État à la mi-avril), l’encadrement des horaires et des rythmes de travail, ou encore les modalités de récupération, de compensation des heures supplémentaires et d’alimentation des comptes RTT. Une demande de prise en charge financière par l’employeur du surcoût lié au télétravail (achat de matériel, dépassement de forfait téléphonique) a également été formulée par certains représentants des personnels.
Dernière minute : dans un avis rendu en fin de matinée, l'Académie de médecine s'est dite favorable à ce que les salariés travaillant pour des activités « indispensables » et atteints par le coronavirus puissent être considérés comme étant en maladie professionnelle. Le gouvernement s'est déjà engagé à ce que les soignants qui seraient dans ce cas puissent voir reconnue la maladie professionnelle. L'Académie va plus loin en évoquant les secteurs de l'alimentation, des transports en commun ou de la sécurité. Pour les agents des collectivités, elle recommande que les agents soient déclarés en « affection imputable au service ».
E.Q. et F.L.
(1) AMF – ADF – Régions de France – ADCF – France Urbaine – Villes de France – APVF –AMRF – CNFPT – FNCDG – Collège employeurs du CSFPT.
Suivez Maire info sur twitter : @Maireinfo2
|
Coronavirus
L'attestation de déplacement dérogatoire est disponible au format numérique
|
Depuis ce matin, 8 heures, l’attestation de déplacement dérogatoire (ADD) est disponible au format numérique, « en complément du dispositif papier toujours valide ». Pour la générer , il suffit de se rendre sur le site du ministère de l’Intérieur - ce n’est pas une application - et de remplir les informations d’usage, à savoir son nom, son prénom, sa date et son lieu de naissance mais aussi son adresse complète. Comme sur l’attestation papier, il convient ensuite de sélectionner un des sept motifs de déplacement autorisés pendant la période de confinement, en cochant la case correspondante, et d’indiquer la date et l’heure de sortie (la date et l’heure de création de l’attestation sont également inscrites sur l’attestation afin d’éviter les fraudes).
Après la validation de ces informations, une attestation au format PDF est alors générée sur son smartphone ou son ordinateur (ne pas oublier de se l’envoyer par mail). En cas de contrôle, il suffit de présenter, en plus d'une pièce d'identité, votre smartphone et de zoomer sur le QR code de l’attestation, que les autorités se chargeront de scanner. « Grâce au code QR, les policiers et les gendarmes n’auront pas besoin de prendre le téléphone en main, précisait le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner le 2 avril. Il leur suffira de scanner l’écran » pour limiter les risques de transmission du virus.
« Personne ne pourra collecter les données des usagers »
« Il n’y aura pas de fichier. Personne ne pourra collecter les données des usagers », expliquait le même jour, le ministre de l’Intérieur au Parisien. « C’est une traduction fidèle du dispositif déclaratif au format papier : aucune donnée saisie n’est transmise aux serveurs du gouvernement, a précisé plus tard le ministère. Les données saisies servent uniquement à générer localement, sur l’appareil de l’usager, l’attestation sous forme numérique. »
Une garantie qui a, semble-t-il, contribué au changement de regard du gouvernement sur le sujet. Le 19 mars, Christophe Castaner avait, en effet, catégoriquement rejeté l’idée d’une attestation de déplacement dérogatoire numérique afin que celle-ci n'altère pas la protection des données personnelles des usagers. Le ministre de l’Intérieur accusait notamment « les sociétés qui ont proposé d’éditer les formulaires » de vouloir « piller » les données des utilisateurs.
Il ne s’agissait, par ailleurs pour le ministre, de « ne pas faciliter la vie des Français » afin qu’ils respectent davantage les règles du confinement, en vigueur au moins jusqu’au 15 avril. Le ton s’est désormais adouci : « Les Français se sont approprié les règles du confinement, il convient donc de leur donner un peu de souplesse avec cet outil », a commenté Christophe Castaner.
Quel scénario pour le déconfinement ?
Cette nouveauté est instaurée alors même que le gouvernement multiplie les déclarations sur sa stratégie - pas encore déterminée - de déconfinement. Le 1er avril, le Premier ministre Édouard Philippe, en personne, a évoqué devant les députés les scénarios sur lesquels il planche actuellement et promis qu'une ébauche serait présentée dans les prochains jours.
L’exécutif avançait ainsi, pour la première fois, que la voie d’un déconfinement « progressif » - pilotée par Jean Castex, maire de Prades (Pyrénées-Orientales), président de l’Agence nationale du sport (ANS) et délégué interministériel aux Jeux olympiques - pourrait être privilégiée. « Nous avons demandé à plusieurs équipes de travailler sur cette question du déconfinement, en étudiant l'opportunité, la faisabilité d'un déconfinement régionalisé ou sujet à une politique de tests - et si oui laquelle - ou en fonction de classes d'âges », a expliqué le Premier ministre. Qui martelait le lendemain sur TF1 : « Le déconfinement n’est pas prévu pour demain matin ». Une autre façon de dire que la prolongation du confinement après le 15 avril est inévitable ?
Un déconfinement régionalisé ? Par classe d’âge ?
Les modalités du déconfinement restent donc à écrire. Selon Le Parisien, la source d’inspiration du gouvernement français serait un rapport rédigé par un groupe de réflexion libéral américain. Son nom ? « A road map to reopening » (« Une feuille de route pour la réouverture »).
Comme Édouard Philippe l’a laissé entendre la semaine dernière, les auteurs de ce document préconisent un déconfinement « État par État », relate le journal. En France, les régions touchées en premier pourraient ainsi être déconfinées les premières (le pic épidémiologique pourrait être atteint aujourd’hui en Île-de-France), avec quelques conditions importantes : un nombre de cas en recul depuis au moins 14 jours et des services de réanimation désengorgés. En parallèle dans ses régions, il faudrait tester toutes les personnes qui présentent des symptômes.
Le critère de l’âge est également à l’étude : les plus vulnérables (personnes de plus de 60 ou 65 ans et les personnes à risque) pourraient ainsi être confinés plus longtemps que les plus jeunes ou les personnes immunisées. Encore faudrait-il disposer de milliers de tests sérologiques (prises de sang qui permettent de savoir si le patient a développé des anticorps contre le covid-19) que la France n’a pas pour l’instant, constate franceinfo.
Masques : le rétropédalage du gouvernement
En attendant une stratégie de déconfinement claire et précise, le gouvernement a rétropédalé sur le rôle que jouent les masques pour freiner l'épidémie. Alors qu’il répétait que le port des masques dits alternatifs était, au choix, « pas nécessaire » ou « inutile » pour les personnes non infectées, la « doctrine » de l’exécutif, confronté à une pénurie de masques, a été fragilisée par la position de l’Académie de médecine. Cette dernière a indiqué, le 3 avril, que le « port généralisé d’un masque par la population constituerait une addition logique aux mesures barrières actuellement en vigueur ».
Pour ne pas priver le personnel hospitalier, dont les besoins sont estimés entre 24 et 40 millions de masques médicaux (FFP2 ou chirurgicaux) par semaine selon Libération, l’Académie évoque surtout les masques dits « alternatifs » en tissu, ceux que l’on peut fabriquer soi-même (un modèle de masque barrière est validé par l'Afnor). « Si nous avons l’accès à des masques, nous encourageons effectivement le grand public, s’il le souhaite, à en porter, en particulier ces masques alternatifs qui sont en cours de production », a finalement déclaré Jérôme Salomon, directeur général de la santé, ce vendredi.
La semaine dernière, le président de la République a annoncé le lancement d'une production massive de ces masques alternatifs en tissu. 500 000 masques devraient être produits chaque mois pour équiper les professions non médicales en contact avec le public (caissiers, pompiers, policiers). Comme en Lombardie (Italie), le port du masque pourrait être rendu obligatoire au moment du déconfinement en France, selon RMC.
Ludovic Galtier
Suivez Maire info sur twitter : @Maireinfo2
|
Coronavirus
Droit funéraire : les soins de conservation désormais interdits pour tous les décès
|
La direction générale des Collectivités locales (DGCL) a diffusé le 30 mars une « fiche d’actualité » très complète sur l’évolution du droit funéraire, qui a déjà fait l’objet d’une mise à jour le 2 avril après la parution d’un nouveau texte réglementaire interdisant les soins de conservation.
Maire info avait fait le point la semaine dernière sur ces questions (lire Maire info du 31 mars). Mais en milieu de semaine dernière, un nouveau décret (n° 2020-384 du 1er avril 2020) a apporté trois informations nouvelles que les maires doivent connaître.
Premièrement, au moins jusqu’au 30 avril 2020, les soins de conservation des corps (thanatopraxie) sont interdits pour toutes les personnes décédées, quelle que soit la cause du décès – autrement dit, pas seulement pour les personnes décédées du covid-19. Pour ces personnes spécifiques en revanche, les corps doivent désormais faire l’objet d’une mise en bière « immédiate » et la pratique de la toilette mortuaire est interdite. Cette dernière disposition implique que les corps ne peuvent être transportés sans cercueil depuis le lieu du décès – avant donc la sortie de l’établissement lorsque la mort est survenue à l’hôpital ou en Ehpad. La DGCL précise que dans ces conditions, si le directeur d’un établissement de santé n’a pas pu joindre la famille dans les 10 heures qui suivent le décès, il est « fondé à saisir le maire afin que celui-ci puisse décider de la mise en bière immédiate et de la fermeture du cercueil ».
L’administration rappelle néanmoins que « la récupération des prothèses fonctionnant au moyen d’une pile avant la mise en bière » reste « strictement obligatoire ».
Le décret du 1er avril contient en outre une troisième disposition nouvelle : les préfets sont maintenant habilités à réquisitionner, en cas de besoin, « tout opérateur participant au service extérieur des pompes funèbres ainsi que tout bien, service ou personne nécessaire à l'exercice de l'activité de ces opérateurs ».
Délais
La note de la DGCL lève une ambiguïté qui subsistait dans l’interprétation de certains délais évoqués dans le décret du 27 mars. Celui-ci dispose notamment que le transport avant ou après mise en bière d’un corps peut être réalisé « sans déclaration préalable » ; dans ce cas, la déclaration a posteriori devra être adressée au maire « un mois après la période mentionnée au 1° » du même décret. De renvoi en renvoi, on finissait par ne plus savoir quel était le délai en vigueur. La DGCL lève le doute : les déclarations devront être adressées aux maires avant le 24 juillet.
Précisions également sur le calcul des délais d’inhumation et de crémation. Rappelons que le décret du 27 mars permet de dépasser le délai de six jours après le décès pour procéder à l’inhumation ou la crémation sans autorisation préfectorale. Ceci sous réserve notamment que le corps soit inhumé ou crématisé « dans un délai maximal de 21 jours après le décès ». La DGCL précise que les dimanches et jours fériés ne sont pas compris dans le calcul de ces délais.
Pouvoirs de police
En temps normal, un cercueil ne peut être fermé sans délivrance d’une autorisation formelle du maire ou d’un adjoint. Le décret du 27 mars prévoit que si cette autorisation n’a pas été délivrée 12 heures avant les obsèques, les opérateurs funéraires peuvent « procéder sans délai à la fermeture du cercueil ». Dans ce cas, le maire aura 48 heures pour faire parvenir à l’opérateur une attestation a posteriori.
La DGCL précise que dans ces différentes démarches, le maire agit tantôt en tant qu’officier d’état civil (autorisation de fermeture du cercueil) tantôt en tant que titulaire du pouvoir de police spéciale des funérailles (délivrance du permis d’inhumer). Si le maire est empêché, il ne peut déléguer ses pouvoirs de police spéciale qu’à « un adjoint ou un conseiller municipal titulaire d’une délégation » ; alors que ses fonctions d’officier d’état civil, qu’il assume comme les adjoints, peuvent être déléguées à un autre membre du conseil municipal. Les deux délégations peuvent donc « bénéficier à des personnes physiques différentes ».
Sur les dépositoires enfin, qui ont été à nouveau autorisés par le décret du 27 mars, la DGCL précise que leur création « n’est soumise à aucune formalité particulière ». La création, le dimensionnement et le choix de l’emplacement sont laissés « à la libre appréciation du maire ». « Le préfet n’est pas compétent en la matière, sauf à réquisitionner un local en urgence pour le transformer de facto en dépositoire ». La note rappelle également que les dépositoires accueillent les défunts « sans distinction sur leur confession », y compris s’ils se situent « à proximité d’un édifice religieux ». Dans ce cas néanmoins, le maire « peut » recueillir l’avis du ministre du culte concerné.
Pour tout ce qui concerne les autres dispositions du décret du 27 mars, les lecteurs peuvent se reporter à Maire info du 31 mars et à la note exhaustive de l’AMF (lien ci-dessous).
F.L.
Télécharger la note de la DGCL mise à jour le 2 avril.
Accéder à la FAQ de l’AMF mise à jour le 6 avril.
Suivez Maire info sur twitter : @Maireinfo2
|
Covid-19 : un maire au front
Antoine Homé, maire de Wittenheim : « Quatre semaines de cauchemar »
|
Dans la voix d’Antoine Homé, maire de Wittenheim, il y a de l’émotion, de la tension, de la fatigue. Mais aussi beaucoup de détermination. Cette commune minière de près de 15 000 habitants, toute proche de Mulhouse, est « en plein cœur » de l’épicentre de l’épidémie de covid-19, et c’est toute l’agglomération mulhousienne qui vit depuis un mois au rythme de l’urgence sanitaire.
« Tous les jours, dans le journal L’Alsace, il y a six ou sept pages d’avis de décès. » Voir ces listes s’égrener dans la presse locale, entendre chaque soir « les cloches sonner dans les églises de la ville », sont autant de marqueurs concrets de l’impact extrêmement lourd de l’épidémie dans cette commune d’Alsace. « Ici, tout le monde se connaît, raconte le maire. Vous connaissez les gens, vous connaissez les familles. Vous croisez une personne en pleine forme, et trois jours plus tard vous apprenez qu’elle est décédée, emportée. ». Signer les actes de décès, « les cartes de condoléance », voir aussi les collègues élus frappés – tout cela est « extrêmement dur ». « La fonction d’élu génère un risque bien supérieur à d’autres, explique Antoine Homé, parce que nous sommes sur le terrain, depuis le début, auprès des gens. Mon adjointe à la solidarité a été hospitalisée, l’adjoint aux aînés a été transféré en Allemagne, à Karlsruhe, on a eu extrêmement peur pour lui. » À l’échelle de toute l’agglomération, les élus ont été pareillement frappés : le président Fabian Jordan, maire de Berrwiller et célèbre inventeur de la « journée citoyenne », a été « très malade » ; le maire de Saint-Louis, Jean-Marie Zoellé, est en réanimation – il a été évacué dans une autre région.
Réorganiser les services
Tout a commencé en Alsace plus tôt que dans le reste du pays, à la suite du rassemblement évangéliste de près de 2 000 personnes à Mulhouse, du 17 au 24 février. « À partir de là, cela a été foudroyant, raconte Antoine Homé, quelque chose d’extraordinairement brutal. J’ai une certaine expérience, j’ai vécu comme maire la canicule de 2003. Ça n’a rien à voir. » Il a fallu, très vite, faire face à l’arrêt soudain de toute l’activité, à la saturation des hôpitaux de toute la région, à l’augmentation rapide du nombre de décès : le site de l’Insee indique ce matin que dans le Haut-Rhin, la mortalité entre le 1er et le 23 mars est en hausse de 84 % par rapport à la même période en 2019. Sur sa commune, Antoine Homé estime que la mortalité est « au moins trois fois supérieure à ce qu’elle est d’habitude ».
« Il a tout d’abord fallu réorganiser le service public, raconte le maire. Tout en ne permettant pas l’accueil physique à la mairie, nous avons fait en sorte d’assurer un service continu via un accueil téléphonique. Les cadres viennent travailler par roulement, et nous privilégions autant que possible le contact par mail ou par téléphone. » Les services les plus sollicités sont « la sécurité, la solidarité, l’état civil bien sûr ». Antoine Homé salue « le courage remarquable » des agents, qui assurent leurs missions sans faillir. « Nous avons pu constituer quelques stocks de masques pour protéger les agents les plus exposés, en particulier les policiers municipaux. Les agents continuent de travailler en se protégeant autant que possible. »
Élus et agents engagés
La commune compte quelque 3 000 habitants de plus de 70 ans. « Nous avions constitué une liste d’aînés, avec leurs coordonnées, après la canicule de 2003. J’ai constitué une équipe de volontaires – élus et agents municipaux –, 70 personnes au total, pour que tous soient appelés au téléphone. Cela permet de constater que peu de gens sont complètement isolés, la solidarité familiale joue réellement. Les agents autant que les élus sont très engagés dans cette action – y compris les nouveaux élus du scrutin du 15 mars, qui se sont immédiatement présentés pour aider. »
Un point positif dans cette sombre ambiance : le maire ne constate pas de problèmes de sécurité ni de remontées de violences familiales qui s’accroîtraient. « C’est assez calme, les gens restent chez eux, le confinement est très bien respecté. Il y a toujours une petite minorité de gens inconscients, mais globalement, la gravité de la situation est tellement évidente que cela rend les gens conscients. »
La ville s’est organisée avec la commune voisine de Kingersheim pour accueillir les enfants du personnel soignant – « une maternelle et une école élémentaire sont utilisées pour cela ». Mais « le vrai défi », selon le maire, c’est l’Ehpad. « Nous avons déjà 12 décès sur les 69 résidents, le personnel est débordé. J’ai réussi à obtenir une infirmière supplémentaire, en lien avec le préfet, mais ça a été un dur combat. Cela montre encore une fois l’importance que représentent les services de l’État de proximité, préfets et sous-préfets. C’est à travers ce type de crise que l’on voit plus que jamais à quel point il faut que les administrations restent proches des communes ! ».
Solidarité et service public
Au cours de ces « quatre semaines de cauchemar », Antoine Homé a aussi fait le constat d’une « immense solidarité entre les gens ». « 97 % des personnes se montrent solidaires, raisonnables. Des liens se recréent. Il y a aussi une très grande solidarité entre les maires. » Mais même si l'élu « a l’impression que les choses commencent très lentement à se calmer », il sait que la crise n’est pas finie : « Il y aura encore des morts, et personne n’est à l’abri parce que le virus se niche partout. »
La seule option, c’est donc « de continuer à se battre. Être courageux. Prévenir aussi les autres : je dis à mes collègues maires, dans tout le pays, là où l’épidémie n’a pas la même ampleur : ‘’Dites-vous bien que cette épidémie, c’est tout ce qui a été dit, et même pire !’’. »
Comment résister au découragement et à la démoralisation, dans une telle situation ? Pour le maire de Wittenheim, c’est le fait d’être en permanence dans l’action qui permet de tenir. « Agir, cela donne de la force. C’est très dur, nous avons encore beaucoup d’obstacles devant nous, mais nous avons un rôle essentiel à jouer. Les mairies, dans cette crise, jouent un rôle considérable – tout comme les pompiers. C’est cela, le service public. C’est là que l’on voit à quoi ça sert, et pourquoi il est si important de le préserver. »
Franck Lemarc
Suivez Maire info sur twitter : @Maireinfo2
|
Coronavirus
Épidémie : quel impact sur la culture dans les communes ?
|
Annulations d’événements en série, pertes financières, incertitudes qui pèsent sur la saison à venir… L’épidémie de coronavirus impacte les milieux culturels et, comme pour les autres sujets, les interrogations commencent à monter dans les territoires. Exemple dans la commune de Soustons (8 000 habitants), dans les Landes.
« Pertes sèches » et visibilité nulle
« Tous les événements prévus jusqu’en mai ont été annulés sans possibilité de report : le festival de jazz avec une vingtaine de rendez-vous, deux concerts, deux spectacles, l’un pour les écoliers et l’autre tout public... », énumère la maire de la commune Frédérique Charpenel. À Soustons, comme partout sur le territoire, l’annulation de ces événements a d’ores et déjà entraîné des « pertes sèches ». D’abord, pour les compagnies et les artistes : pour les deux seuls mois de mars et avril, elles sont estimées à hauteur de 35 000 euros. « Les compagnies ont peur pour leur survie, avec les intermittents, elles n’ont aucune visibilité et sont vraiment inquiètes que les budgets ne soient pas là. Il va falloir collectivement les soutenir, sinon il n’y aura plus d’art vivant… », met en garde l’élue.
Des pertes, il y en aura également pour la commune, qui évalue les recettes perdues à près de 17 000 euros pour les deux mois de confinement. Sans compter la programmation de mai (évaluée à plus de 14 000 euros) qui est, elle aussi, désormais compromise. « Notre activité se fait entre les mois d’octobre et de mai. Ensuite, on laisse la place aux festivals d’opéra et de cornemuse portés par les associations » qui ne peuvent, pour l’instant, pas répéter, pour l’une, ou ignorent encore comment faire venir les intervenants étrangers, pour l’autre.
La prochaine saison en question
S’il faut bien continuer à s’organiser sans sortir du confinement, Frédérique Charpenel « n’est pas en capacité de dire si les contrats du mois de mai seront maintenus. On ne sait d’ailleurs pas comment vont réagir les assurances, mais, ce qui est sûr, c’est que l’on doit rembourser les spectateurs ». Et les annulations pourraient d’ailleurs ne pas s’arrêter aux températures clémentes du printemps : « On se pose beaucoup de questions sur les festivités de cet été. À Bayonne, par exemple, ils réfléchissent déjà sur la tenue ou non de leurs Fêtes ».
Les mêmes incertitudes planent sur la prochaine saison culturelle qui devrait déjà être bouclée, mais qui ne l’est pas. « Outre la désorganisation et la difficulté de se projeter sur l'année prochaine avec des compagnies régionales qui ne savent pas si elles vont pouvoir survivre, la question se pose aussi sur nos comportements collectifs futurs : les gens seront-ils dans une logique de soif de culture ou un repli sur eux par peur de se retrouver dans des espaces clos ? » Dans le doute, Soustons « continuera d’offrir des spectacles, et on verra bien ».
Moral atteint et lien social mis à mal
Reste que les questions financières et organisationnelles ne représentent pas les seules préoccupations entraînées par cette mise en suspens de la culture locale. « C’est tout le lien social qui accompagne ses actions qui est également mis à mal et toute la dynamique associative », reconnaît Frédérique Charpenel. Avec la mise entre parenthèses du tissu créé par la centaine d’associations, certaines personnes se retrouvent « désœuvrées » et le rôle social de la culture rejaillit. « On le sent, ça craque. Je commence à voir des visages fermés, des personnes enjouées ne le sont plus autant », observe la maire de Soustons. Le Festival de la tulipe, qui aurait dû se tenir ce week-end et qui rassemble habituellement pas moins de 10 000 personnes pour fêter l’arrivée du printemps, en est la parfaite illustration : « Normalement, en ce moment les bénévoles auraient dû être en train de le préparer, on voit que cela impacte leur moral. Les apéros Skype c’est bien, mais ça ne suffit pas, il faut du contact physique. »
Contes-Facebook et fracture numérique
Pour pallier cette absence et maintenir le lien culturel, la médiathèque s’est tout de même tournée vers le numérique. Un certain nombre de ressources ont été mises en ligne : des conférences, des concerts, des BD, des tutoriels, des contes filmés et réalisés par les agents avec des marionnettes sont postés sur Facebook… L’Ehpad local a pu également profiter de l’entrée de la culture numérique dans ses locaux avec des documentaires, de l’opéra ou encore la livraison d’un « synthétiseur pour une mamie qui en voulait un ».
La multiplication de ces initiatives numériques est, toutefois, confrontée aux inégalités sociales exacerbées par la fracture numérique : certains n’ont pas d’ordinateurs, le réseau internet en milieu rural est limité… « Il n’empêche, il faut amener la culture dans ces foyers. Ici, les collectivités ont beaucoup travaillé pour que tous les collégiens aient un ordinateur, les écoliers une tablette. On essaie de pallier aux manques avec le matériel que l’on a en stock et que l’on prête… », explique Frédérique Charpenel, qui souhaite que « les nouvelles perspectives inexplorées jusqu’à présent et qui ont été ouvertes par la crise ne soient pas refermées quand celle-ci sera terminée ».
Une plateforme qui centralise l’offre sur tout le territoire
Pendant ce temps, dans le cadre du projet « Culture chez nous » - lancé par le ministère de la Culture au début du confinement et qui visait à référencer tous les sites des opérateurs nationaux afin que les Français accèdent à une offre culturelle en ligne depuis chez eux - , le ministère planche sur une plateforme élargie qui « recenserait et éditorialiserait les contenus des opérateurs nationaux, mais aussi des centaines de structures labellisées ou conventionnées et sont pour la plupart sous la tutelle de collectivités locales, ainsi que les contenus en ligne des services en régie voire directement des collectivités locales ».
L’objectif est de « s’adresser directement aux habitants, sur tous les territoires, métropolitains et ultramarins, afin que, pendant cette période de confinement, ils puissent découvrir à la fois les offres des grands opérateurs nationaux mais aussi des opérateurs situés près de chez eux, qu’ils pourront avoir envie de visiter après la fin du confinement ».
Cette plateforme élargie - qui a vocation à être pérennisée et devenir un outil permanent - pourrait ouvrir progressivement durant la semaine du 20 avril et s’adressent à tous les services et opérateurs des collectivités. Pour proposer d’y référencer leurs sites, ceux-ci peuvent en faire la demande ici et remplir le formulaire d’ici mercredi 8 avril.
Aurélien Wälti
|
Journal Officiel du dimanche 5 avril 2020
Ministère de la Culture
Ministère de l'Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Journal Officiel du samedi 4 avril 2020
Ministère de la Justice
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
|