Édition du vendredi 27 mars 2020

Coronavirus
Instauration d'un couvre-feu : le nécessaire dialogue entre maires et préfets

Un certain nombre de maires ont pris la décision d’instaurer sur le territoire de leur commune un couvre-feu, estimant que les mesures de confinement ne sont pas suffisamment respectées. Ailleurs, c’est parfois le préfet qui a pris la décision, à l’échelle de tout ou partie du département. Pour éviter tout télescopage entre les pouvoirs de police des maires et des préfets, le ministère de l’Intérieur a un message : « Parlons-nous ! »

État des lieux
La semaine dernière, le nombre de villes ayant instauré un couvre-feu, dans la foulée de Nice, première d’entre elle à le faire, se comptait sur les doigts d’une main. Aujourd’hui, leur nombre a fortement augmenté. Il était de 112 dimanche, selon un décompte fait par le Journal du dimanche, et plus important encore quatre jours plus tard, avec l’entrée dans la danse de communes petites et grandes (Dourges, Courrières, Arcy-sur-Aube, Préonne, Nancy à partir de ce soir…). 
Certains préfets ont pris des arrêtés de couvre-feu plus larges : c’est le cas du représentant de l’État dans les Alpes-Maritimes, qui a pris le 22 mars un arrêté instaurant la restriction des déplacements de 22 h à 5 h dans toutes les communes littorales de moins de 10 000 habitants et dans les communes de plus de 10 000 habitants de tout le département.  

Des arrêtés rejetés
Certaines communes ont vu leur arrêté rejeté par le préfet, globalement pour deux motifs différents : ou bien parce que celui-ci estimait que la situation ne justifie pas la prise d’une telle décision – c’est par exemple ce qui s’est passé à Romorantin, cette semaine, où le préfet a estimé que le département du Loir-et-Cher étant peu touché par l’épidémie, la mesure était disproportionnée. Ou bien parce que « la prise d'un arrêté de couvre-feu sur le territoire communal n'appartient en cette période de crise sanitaire pas au pouvoir de police du maire mais au pouvoir de police du préfet », comme la préfecture du Val-de-Marne l’a twitté le 23 mars pour répondre aux maires de Valenton et Arcueil qui souhaitaient instaurer un couvre-feu. 
Qu’en est-il au juste ?

Les pouvoirs du maire
Ce sont bien en effet les préfets qui ont le droit, dans cette situation, de prendre des arrêtés de couvre-feu. Laurent Nuñez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, l’a encore rappelé hier sur LCI : « Il y a une interdiction nationale, mais les préfets ont la possibilité de la durcir localement. Ils le font en lien étroit avec les maires. » Les mots sont choisis : c’est le préfet qui agit, « en lien » avec le maire. Au cabinet de Christophe Castaner, la conseillère justice du ministre, la magistrate Marie-Céline Lawrysz, le confirme : « La loi est carrée : les pouvoirs de police spéciale [de lutte contre l’épidémie] sont au Premier ministre, au ministre de la Santé et, par habilitation, aux préfets. C’est donc en principe au préfet de prendre l’arrêté. Mais le pouvoir de police générale du maire peut parfaitement justifier qu’il prenne des mesures spécifiques sur sa commune. Nous sommes parfaitement conscients que c’est le maire qui connaît le mieux sa commune, mieux que le préfet, et que les circonstances locales sont connues avant tout par le maire. » 
On peut d’ailleurs rappeler ici que le Conseil d’État lui-même, dans une ordonnance rendue le 22 mars, a clairement précisé : comme les préfets, « les maires, en vertu de leur pouvoir de police générale, ont l’obligation d’adopter, lorsque de telles mesures seraient nécessaires, des interdictions plus sévères lorsque les circonstances locales le justifient. »

Travailler « en bonne intelligence »
Le maire, au titre de ses pouvoirs de police générale, peut donc demander un durcissement – jamais un assouplissement – des mesures prises au titre du pouvoir de police spéciale (le préfet). Une telle demande doit être justifiée en cas de « péril grave et imminent » ou « en cas de considérations de circonstances locales ». 
Dans tous les cas, le ministère de l’Intérieur conseille aux maires qui envisagent de prendre un arrêté de couvre-feu de commencer, avant toute chose, par contacter le préfet (ne serait-ce que pour vérifier que celui-ci n’a pas déjà pris un arrêté qui s’appliquerait à la commune). Ensuite, pour discuter avec lui des raisons qui l’amènent à envisager cette décision. « Ce à quoi tient particulièrement le ministre, détaille sa conseillère, c’est à ce que les choses se fassent en bonne intelligence entre le maire et le préfet. Parlons-nous ! » Cette position est parfaitement en phase avec celle que défend l’AMF depuis le début de la crise, qui conseille également dans tous les cas aux maires de se rapprocher du préfet avant toute décision.
Il est donc clairement déconseillé à un maire de prendre un tel arrêté tout seul, sans avoir auparavant pris attache avec le préfet. « Si le préfet estime que les circonstances locales l’exigent effectivement, par exemple parce que les consignes ne sont manifestement pas respectées sur telle commune, il validera l’arrêté. » Ou, si le maire n’a pas encore pris d’arrêté, le préfet en prendra un lui-même. 
Seule exception : le ministre de l’Intérieur ne souhaite pas que des couvre-feux soient prononcés « à l’échelle d’un quartier », pour éviter tout risque de discrimination. C’est donc à l’échelle de la commune entière ou rien.

« Respecter les formes »
Dernière recommandation du ministère : « Il faut respecter les formes. » Pour être solide d’un point de vue juridique, l’arrêté de couvre-feu doit comporter un certain nombre de mentions : les visas, c’est-à-dire les textes auxquels le maire se réfère pour prendre sa décision (« Vu l’article tant du CGCT », etc.) ; les considérants, qui exposent les motifs de la décision ; et enfin le dispositif lui-même, c’est-à-dire les articles qui détaillent le contenu de la décision et identifient les agents chargés de son exécution. 
L’arrêté doit obligatoirement comporter le nom, le prénom et la signature du maire (ou de la personne qui a délégation de signature), faute de quoi il ne sera pas légal.

Franck Lemarc

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Coronavirus
Indemnités des élus : comment les choses vont se passer pendant la période de transition

Le confinement et l’interruption du processus électoral ont engendré bon nombre de situations aussi diverses qu’inédites dans les territoires. Si, dans la très grande majorité des communes, le conseil municipal a été élu au complet au soir du 15 mars, plus de 4 000 d’entre elles devront procéder à un deuxième tour. Dans tous les cas, les mandats des équipes sortantes ont été prorogés au moins jusqu’au mois de mai dans les communes qui ont élu leur conseil municipal et jusqu’au second tour (en juin, peut-on espérer) dans les autres.
Dans les conseils communautaires, la situation est plus compliquée encore puisque vont provisoirement y cohabiter de nouveaux élus et des conseillers de l’équipe sortante. Comment les choses vont-elles se passer en matière d’indemnités ? Dans une note explicative, la Direction générale des collectivités locales (DGCL) a examiné tous les cas possibles.

La règle : le mandat des équipes sortantes est prorogé
Quelle que soit la situation, le gouvernement a décidé, rappelons-le, que les mandats acquis le 15 mars ne sont pas remis en cause. Tous ceux qui ont été élus au premier tour restent élus, mais ils ne prendront leurs fonctions que plus tard. D’ici là, le mandat des élus sortants, dans toutes les communes et tous les EPCI sans exception, est prorogé jusqu’à la prise de fonction des nouveaux élus.
En conséquence, deux cas sont possibles pour les communes. Dans celles « où le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour, le maire, ses adjoints et les conseillers délégués et conseillers municipaux sortants conservent leur indemnité de fonction jusqu’à la fin de leur mandat, c’est-à-dire la date de la première réunion du nouveau conseil ». Après le 24 mai au plus tard, date à laquelle les experts scientifiques auront rendu leur avis, le gouvernement prendra un décret (en mai-juin) pour fixer la date d’entrée en fonction des nouveaux élus. Les conseils municipaux d’installation devront se tenir entre 5 et 10 jours après cette date.
« Dans les communes où un second tour doit être organisé, les conseillers sortants conservent leur indemnité de fonction jusqu’au second tour, dont la date sera fixée par décret. Le maire et les adjoints conservent leur indemnité jusqu’à la date de la première réunion du nouveau conseil, dans la mesure où leurs fonctions se poursuivent jusque-là, alors que le mandat de conseiller municipal prend fin à la date du second tour. » Qui devrait se dérouler en juin.
Les personnes nouvellement élues le 15 mars ne perçoivent donc, pour l’heure, pas d’indemnités.

EPCI : les élus sortants continuent de percevoir leur indemnité
La même règle générale s’applique dans les EPCI : le mandat des exécutifs sont prorogés. La DGCL indique que « le président et les vice-présidents en exercice sont maintenus dans leurs fonctions jusqu’à la date de la première réunion du conseil communautaire qui résultera du second tour ». « Leurs délégations de fonctions et les délibérations du conseil étant également maintenues, ces élus continueront à percevoir leurs indemnités de fonction jusqu’à ladite date d’installation, qui marquera la fin de leurs fonctions ». 
Dans les EPCI ne comprenant que des communes dont le conseil municipal a été intégralement élu au premier tour, « les conseillers communautaires sortants continuent de percevoir leurs indemnités de fonction jusqu’à la date de début de mandat des nouveaux élus ».
Dans les autres, « les conseillers communautaires sortants conservent leur indemnité de fonction jusqu’à la fin de leur mandat, c’est-à-dire jusqu’à la date du second tour ».

Une complexité supplémentaire 
Mais ce n’est pas tout. En 2020, la composition des conseils communautaires a changé par rapport à 2014 – que ce soit à la suite d’accords locaux ou pour des raisons démographiques. Des communes ont ainsi gagné des sièges de conseillers communautaires quand d’autres en ont perdu. Malgré le contexte, il a été acté dans la loi Urgence covid-19 que ces dispositions s’appliquent bien « durant cette période transitoire ». Ainsi, « lorsqu’une commune dispose, au sein du conseil de l'EPCI, de davantage de sièges que lors du précédent renouvellement général, le préfet désigne les élus appelés à y siéger jusqu’à la fin de la période transitoire ». Ces élus ne perçoivent toutefois pas d’indemnité de fonctions.
« Lorsqu’à l’inverse, une commune dispose de moins de sièges qu’avant le renouvellement général, le préfet désigne les élus dont le mandat doit cesser ; ces élus perdent alors le bénéfice de leurs indemnités de fonction à la date de notification ou publication de la décision du préfet ».

Quand les nouveaux élus toucheront-ils leur indemnité ?
Les nouveaux élus devront donc, on l’a dit, patienter avant d’être indemnisés. Une délibération prise en conseil municipal est, en effet, « systématiquement nécessaire » pour déclencher cette indemnisation (à l’exception du maire). Cependant, elle pourrait exceptionnellement « revêtir un caractère rétroactif » et ainsi être « fixée à la date de leur désignation (pour les maires, adjoints ou présidents et vice-présidents d’EPCI) ou à la date de la première réunion du conseil (pour les conseillers sans délégation). »
En revanche, « ce caractère rétroactif ne pourra pas prendre en compte la période transitoire précitée concernant les élus siégeant au sein des EPCI, lorsqu’ils ont été désignés par le préfet ».

Ludovic Galtier et Franck Lemarc

Télécharger la note de la DGCL.

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Coronavirus
Loi « Covid-19 » et procédures d'urbanisme : les délais suspendus, reportés... ou prorogés

Services instructeurs, vous pouvez (provisoirement) souffler ! Si la computation des délais en matière d’urbanisme change avec l’état d’urgence sanitaire – certains étant suspendus, d’autres prorogés –, ces délais doivent rester la référence pour tout calcul (1). Dans l’avalanche d’ordonnances « loi Covid-19 » publiées hier, celle « relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période » (n° 2020-306) est sans doute l’une des plus importantes pour le bloc communal, mais aussi l’une des plus complexes – au vu des avis et interprétations divergentes des juristes spécialisés.

Pris pour l’application de l’article 11 de la loi « Covid-19 », le texte traite de l’ensemble des délais et procédures administratives  – et juridictionnelles –, dont celles relatives à l’urbanisme, dispatchées entre le titre 1er intitulé « dispositions générales relatives à la prorogation des délais » et le titre II relatif aux « autres dispositions aux délais et procédures en matière administrative ». Les mesures dérogatoires en matière d’urbanisme peuvent globalement se résumer ainsi : les délais d’instruction sont suspendus ou reportés selon qu’ils ont commencé à courir avant le 12 mars (suspension et report de l’encours) ou après cette date (report complet), et les délais de recours sont prorogés.

Premier point de vigilance, son champ d’application temporel : sont concernés « les délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré » selon les modalités de l’article 4 de la loi « Covid » du 23 mars – soit théoriquement entre le 12 mars et le 24 juin à ce jour (étant entendu que la durée de l’état d’urgence pourra  être prorogée).

Les délais de recours prorogés 

Selon l’article 2 de l’ordonnance, « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque, qui devaient être réalisés dans la période d’état d’urgence sanitaire, sera réputé avoir été ‘fait à temps’ s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ». 
 
Cette disposition fourre-tout semble signifier que tout acte juridique qui aurait dû être accompli pendant l’état d’urgence sanitaire sera réputé « fait à temps » – soit considéré comme non tardif –, s’il est réalisé dans les délais légaux à compter de la fin de l’état d’urgence, et au maximum dans les deux mois suivant cette date. Elle devrait ainsi englober les délais de recours en matière d’urbanisme  – dont celui des tiers à l’encontre des permis de construire (en principe deux mois à compter de l’affichage de l’autorisation sur le terrain). En clair, un permis affiché pendant l’état d’urgence sanitaire ne devrait pas faire courir le délai contentieux, qui s’enclenchera automatiquement à compter du 25 juin (fin de l’état d’urgence + 1 mois).


Suspension des délais d’instruction, pas de « silence vaut accord » 

L’article 7 de l’ordonnance prévoit que « les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis (…) peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er » (levée de l’état d’urgence + 1 mois). Le point de départ de ces délais est ainsi reporté à cette date. Le même régime s’applique aux délais impartis « pour vérifier le caractère complet d'un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction d'une demande ». En clair, selon l’universitaire Vincent Le Grand, « les délais d'instruction en cours au 12 mars 2020 sont suspendus et reprendront au terme de la période de référence », tandis que ceux qui « auraient dû débuter après le 12 mars voient leur point de départ reporté au terme de la période dérogatoire ».

Une disposition qui doit rassurer les services instructeurs : les délais d’instruction sont bien suspendus, de même qu’aucune décision tacite ne peut naître durant cette période. Les communes et intercommunalités pourront par exemple faire valoir, à la fin de la période de référence, leur droit de préemption à l’égard de déclarations d’intention d’aliéner théoriquement acquises durant l’état d’urgence sanitaire. À noter que si la collectivité est en capacité de rendre des décisions expresses, elle peut tout à fait poursuivre l’instruction des demandes d’autorisation, et procéder comme habituellement en notifiant leurs décisions aux personnes concernées.

Sont également suspendus pour la même période (levée de l’état d’urgence + 1 mois), les « délais imposés par l'administration (…) pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature » – sauf lorsqu'ils résultent d'une décision de justice (article 8). 

Attention : un décret peut déroger à ces règles (déjà) dérogatoires, et faire reprendre le cours des délais de certaines catégories d'actes, de procédures et d'obligations « pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l'environnement et de protection de l'enfance et de la jeunesse ». Pour ces mêmes motifs, et toujours par décret, il peut être fixé une date de reprise du délai pour un acte, une procédure ou une obligation, « à condition d'en informer les personnes concernées » (article 9). 

Enquête publique : la démat’ à la rescousse 

SI le retard pris dans une enquête publique en cours « est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent », la procédure peut se poursuivre par voie dématérialisée, et sa durée totale « peut être adaptée pour tenir compte, le cas échéant, de l'interruption due à l'état d'urgence sanitaire ». À cette même condition, l’autorité organisant l’enquête publique peut « d'emblée » opter pour cette même voie (article 12). À situation sans précédent, régime inédit… 

Caroline St-André


Télécharger l’ordonnance.


(1) Pour mémoire, la réception en mairie du dossier complet fait courir le délai d’instruction de la demande d’autorisation (art. R. 423-19 du Code de l’urbanisme). Les délais de droit commun sont d’un mois pour une déclaration préalable, de deux mois pour le permis de construire une maison individuelle ou le permis de démolir, et de trois mois pour les autres permis de construire et le permis d’aménager (article R. 423-23 du Code de l’urbanisme.).

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Marchés, masques, couvre-feux... : ces difficultés concrètes auxquelles doivent faire face les élus locaux

La formule revient sans cesse : « Ne pas lancer de polémique ». Ne pas non plus « se poser en donneur de leçons » face aux décisions d’urgence prises par le gouvernement dans une situation de crise exceptionnelle. Il n’empêche. Les maires, qui, pour certains, avaient décidé de rendre définitivement leur tablier en cette fin de mois de mars, doivent faire face à une situation inédite sur le terrain tout en composant avec des règles qui ne cessent d’évoluer au gré des arbitrages pris à l’échelon national. 
La fermeture des marchés, la pénurie de matériel de protection pour les agents, l’encadrement des couvre-feu, les questions budgétaires… Autant d’interrogations et de difficultés qui s’égrainent sur l’ensemble du territoire depuis une quinzaine de jours, et qui ont notamment pu remonter à l'occasion d'échanges à distance organisés cette semaine entre les présidents d'associations départementales de maires et le président de l'AMF, François Baroin. Maire info a interrogé certains d'entre eux.

Fermeture des marchés : de la « grave inquiétude » aux « marchés drive »
Si l’annonce faite, lundi dernier, par Edouard Philippe d’interdire les marchés couverts et de plein air était redoutée, elle continue de préoccuper singulièrement. Cette décision du Premier ministre, qui a fait officiellement entrer le pays en état d’urgence sanitaire pour au moins deux mois (lire Maire info du mardi 24 mars), a provoqué de « graves inquiétudes », constate la maire de La Méaugon, Armelle Bothorel, également présidente de l’Association des maires et présidents d’EPCI des Côtes-d’Armor. 
Une inquiétude, d’abord, pour les « petits producteurs » car « il y a une concurrence déloyale avec les grandes enseignes ». « A Plougastel, ils croulent sous la production de fraises, il y a aussi des fromages, des yaourts… », assure-t-elle, réclamant aux préfets d’autoriser l’ouverture des marchés « lorsque les maires garantissent des mesures de sécurité sanitaire permettant d’accompagner nos productions locales de qualité. Comme c’était déjà le cas au marché de Saint-Brieuc, par exemple, où les producteurs avaient fait l’effort de mettre en place des distances entre les gens et où les clients ne tripotaient plus les fruits ».
Face aux diverses interprétations des préfets concernant ces possibles dérogations, Edouard Philippe a d’ailleurs été dans ce sens, mercredi, en précisant devant les sénateurs que « l'objectif est que, dans les communes rurales et dans les quartiers des grandes villes où le marché est indispensable et peut être organisé dans de bonnes conditions, celui-ci puisse se tenir ».
Car la crainte porte, aussi, sur l’approvisionnement de la population. « C’est un souci, surtout pour les communes rurales où il n’est pas facile, pour certaines personnes, de faire des courses autrement », explique Daniel Fargeot, président de l'Union des maires du Val-d'Oise et maire d’Andilly.
A Châtel, en Haute-Savoie, l’édile, Nicolas Rubin, a pris les devants face aux inquiétudes qui pointaient et mis en oeuvre une solution pratique encadrée par la police municipale : le « marché drive ». « On a testé cela mercredi et c’est très satisfaisant : les gens commandent par téléphone, ils se rendent en voiture sur la place du village, les producteurs effectuent la livraison dans le coffre et il y a juste de la proximité lors du paiement. Mais tout le monde est content ». 

Masques, gants et gels : une pénurie qui va « très rapidement poser problème »
Autre sujet qui fait la Une de tous les JT : le manque de matériel de protection. Que ce soit les masques, les gants, les gels ou encore les surblouses ou les charlottes, ces équipements de base font défaut, pas seulement dans les hôpitaux, mais aussi dans beaucoup de collectivités. Dans le Val-d’Oise, « sur les dotations en matériels de types masques, gants et gels, j’ai des remontées d’agglomérations qui se trouvent dépourvues d’équipements pour leurs agents et qui vont très rapidement poser problème », insiste Daniel Fargeot qui observe, toutefois, que d’autres collectivités ne doivent pas encore faire face à ces difficultés.
« On nous dit d’aller regarder dans nos locaux techniques, pour récupérer les masques “Bachelot”, mais il y a bien une tension sur les masques », reconnaît le maire Crécy-sur-Serre, Pierre-Jean Verzelen. Lui souhaite que « les pouvoirs publics donnent, dans la mesure du possible, plus de visibilité sur ce matériel ».

Couvre-feu et sécurité 
La question de l’instauration des couvre-feux (lire article ci-dessus) a, de son côté, été souvent mal interprétée et pose encore beaucoup de questions. « Il y a eu de la friture sur la ligne, remarque le président de l’Union des maires de l’Aisne. Beaucoup n’avait pas compris que ce sont les préfets qui décident de l’instaurer et pas les maires directement ». Hier, aucune commune du département n’était encore concernée par ce dispositif mais une dizaine d’entre elles avaient adopté des arrêtés allant dans ce sens et attendaient la décision du représentant de l’Etat. 
Daniel Fargeot rappelle, de son côté, qu’il « faut des moyens humains pour répondre à ce type de dispositifs, qui ne sont pas évidents à rassembler ». Face aux problèmes de sécurité et de non-respect du confinement qui ont pu être observés dans certaines communes, des décisions très locales ont parfois été prise par la préfecture, comme « l’interdiction des balades en montagne ».

Conséquences financières
Des interrogations plus techniques se font également jour sur l'utilisation des budgets, les règles de marchés publics et d’urbanisme. « Mais ce n’est pas un point de crispation. Nous savons que tout ne peut pas être réglé en trois jours », insiste Pierre-Jean Verzelen. Les conséquences financières commencent, cependant, à préoccuper : « C’est compliqué car les agents sont aussi concernés par les arrêts maladie, le confinement ou la garde des enfants. C'est une difficulté à gérer car on n’a évidemment pas le droit au chômage partiel et c’est inscrit dans nos budgets », souligne Daniel Fargeot qui estime, toutefois, qu’il n’y a pas « trop de soucis » : « On est tous en veille, on est mis au ralenti comme les entreprises ». Il souhaiterait, toutefois, que « l’Etat prenne sa part » sur la garde des enfants des pompiers et des policiers nationaux : « Ils doivent pouvoir bénéficier de l’accueil des enfants tout comme le personnel médical ». Car si les communes en prennent la charge, c’est « avec des agents et des locaux communaux… »

Les élus locaux demandent, par ailleurs, que des éclaircissements soient fournis aux chefs d’entreprises, et notamment ceux des travaux publics, qui posent énormément de questions aux édiles en ce qui concerne la « prise en charge » et « s’ils doivent aller travailler ou non ».
Ci et là, des soucis de cohabitation entre maires sortants et entrants ont également été observés rendant la « situation plus compliquée ».
Dans ce contexte inédit, le maire devient un maillon essentiel à la gestion de crise, se réjouit Pierre-Jean Verzelen : « Le maire c’est le couteau suisse, il est tout terrain. Cette crise le remet au centre du village. Tout passe par lui. »

A.W.

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Les marchés publics pourront être prolongés de quatre mois

Sécuriser juridiquement la passation et la prolongation des marchés publics au moins pendant une durée de quatre mois, dans le but principal de soulager des entreprises sous pression : c’est l’objectif principal de l’ordonnance « portant diverses mesures d’adaptation » du Code de la commande publique, édictée par le gouvernement mercredi avec 24 autres textes d’urgence.
Tout d’abord, il faut préciser que la loi d’état d’urgence sanitaire (article 19) confirme la prolongation du mandat des exécutifs municipaux et des EPCI jusqu’à juin, ce qui les habilite à passer ou modifier des marchés publics.
Ils pourront donc également, mesure principale de l’ordonnance (article 4), passer des avenants aux marchés en cours ou bien parvenus à échéance depuis le 12 mars dernier – le texte est donc rétroactif – afin de pouvoir prolonger leur exécution sur une durée, en l’état actuel des choses, de quatre mois, plus précisément « jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire (...), augmentée d’une durée de deux mois ». L’état d’urgence a été déclaré pour deux mois, mais il pourrait être prolongé, ce qui augmenterait d’autant le délai d’action de l’ordonnance sur la commande publique. Une durée valable pour les autres mesures de l’ordonnance, qui concerne tous les contrats publics, et donc le contrat de concession (délégation de service public).


Cas par cas
Précision importante, dès l’article 1 : ces dispositions « ne sont mises en œuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l’exécution de ces contrats, de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. » En d’autres termes, « l’ordonnance ne pose pas de présomption de force majeure », comme l’État a pu le faire, le 29 février, pour ses propres fournisseurs, précise Bercy dans une note explicative. Les collectivités comme les entreprises devront donc juger de chaque situation « au cas par cas » et il leur « appartient de démontrer que les difficultés qu’ils rencontrent du fait de l’épidémie ne permettent pas de poursuivre les procédures ou l’exécution des contrats dans des conditions normales ».
Le report de l’échéance de certains marchés devrait être particulièrement utile pour certaines prestations tels que l’enlèvement et le retraitement des déchets et des ordures ménagères, la restauration scolaire ou des contrats en lien avec la petite enfance afin d’assurer la continuité de ces services publics en sortie de crise.
Pour les appels d’offres en cours, et « sauf lorsque les prestations objet du contrat ne peuvent souffrir aucun retard », l’article 2 précise que les mairies et EPCI doivent prolonger « d’une durée suffisante » les délais de réception des candidatures et de dépôt des pièces justificatives ; en outre, les réunions de négociation peuvent être menées en visioconférence quand elles étaient prévues en présentiel, mais, dans le cas où certains candidats ne sont pas en mesure de le faire, il faudra aménager la procédure, « dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats » (article 3).


Pénalités suspendues
Autre mesure importante, le chapitre des indemnités et des sanctions financières (article 6). Les pénalités financières et les diverses sanctions prévues par les contrats et les cahiers des charges devront être suspendues si l’entreprise se trouve dans l’incapacité manifeste, en lien avec la crise sanitaire, de remplir ses obligations.
Dans le cadre d’une concession suspendue en raison de la crise (par exemple fermeture d’une piscine, d’une cantine scolaire…), la commune ou l’EPCI peuvent verser une avance ou une indemnité « si la situation de l’opérateur économique le justifie », c’est-à-dire si sa survie est en jeu ; si, pour que les opérations du concessionnaire se poursuivent, il lui faut mettre en œuvre des moyens supplémentaires (emploi de personnel de sécurité ou nettoyage, par exemple), il aura « droit à une indemnité destinée à (en) compenser le surcoût ».
Enfin, si la commune annule un bon de commande ou résilie un marché public dont le motif serait les conséquences de cette crise sanitaire, elle devra indemniser le prestataire.
Toujours pour soutenir l’entreprise, l’acheteur peut également lui verser une avance plus importante que d’habitude, à savoir plus de « 60 % du marché ou du bon de commande » (article 5).

 E.G.E.

Télécharger l’ordonnance.

Télécharger la notice explicative de la Direction des affaires juridiques de Bercy.

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Journal Officiel du vendredi 27 mars 2020

Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères
Décret n° 2020-334 du 26 mars 2020 abrogeant le décret n° 2020-83 du 4 février 2020 portant convocation des électeurs pour l'élection des conseillers des Français de l'étranger et des délégués consulaires
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Décret n° 2020-336 du 25 mars 2020 modifiant le décret n° 2007-534 du 10 avril 2007 autorisant la création de l'installation nucléaire de base dénommée Flamanville 3, comportant un réacteur nucléaire de type EPR, sur le site de Flamanville (Manche)

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