Édition du vendredi 4 octobre 2019 |
Intercommunalité
Engagement et proximité : sur l'intercommunalité, la commission des lois du Sénat rend de la liberté aux maires
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Après son examen en commission des lois du Sénat, le projet de loi dit Engagement et proximité a changé de nature. Sur tous les aspects du texte initial qui avaient été jugés « timorés » ou « frileux » par les associations d’élus, les sénateurs ont ajouté des dispositions nettement plus ambitieuses. Sans décrire de façon exhaustive les quelque 160 amendements adoptés par la commission, Maire info propose un tour d’horizon des modifications les plus emblématiques, en commençant par ce qui concerne l’intercommunalité.
Quelques modifications mineures…
Dans la première partie du texte, la commission a d’abord modifié à la marge les articles concernant le « pacte de gouvernance » prévu au sein de EPCI. Conformément aux vœux de l’AMF, le « conseil des maires » a été transformé en « conférence des maires ». Les modalités d’élections des vice-présidents du bureau des EPCI ont été modifiées : ils seraient désormais élus au scrutin de liste à la majorité absolue et non au scrutin uninominal (article 1er ter).
Un autre article additionnel vise à s'attaquer à ce que les sénateurs appellent « une asymétrie de traitement » entre les salariés d’un EPCI et ceux des communes membres : en effet, alors que les salariés d’un EPCI ont le droit d’être élus conseillers municipaux dans une des communes membres, la réciproque n’est pas vraie : un salarié d’une commune ne peut exercer le mandat de conseiller communautaire. Pour mettre fin à cette « iniquité », les sénateurs proposent de « supprimer l’incompatibilité entre le mandat de conseiller communautaire et l’exercice d’un emploi salarié dans une des communes membres » (article 2 bis). Il reste à mesurer les conséquences que pourraient avoir une telle modification.
Une autre modification vise à « assouplir le régime actuel de l’accord local » sur la répartition des sièges dans l’EPCI (nouvel article 3 bis).
… et des transformations de fond
Mais c’est sur la question des compétences que le texte de la commission entre réellement dans le dur.
Le nouvel article 5A vise à introduire dans la loi la notion de transfert de compétences « à la carte » : dans la plupart des cas aujourd’hui, les EPCI exercent leurs compétences sur l’ensemble de leur territoire. La proposition du Sénat consiste à permettre aux communes de transférer des compétences facultatives « à la carte ». Autrement dit, sur le territoire d’un EPCI, certaines communes pourraient garder une compétence donnée tandis que d’autres la transféreraient à l’EPCI. Les sénateurs proposent également de codifier la manière dont des compétences peuvent être restituées aux communes par un EPCI (article 5B), et proposent un dispositif permettant de faire en sorte que ces restitutions soient financièrement neutres (article 5C).
Autre ajout très important – et qui correspond à une position exprimée récemment par les responsables de l’AMF : supprimer la notion de compétences optionnelles, du moins pour les communautés de communes et d’agglomération. Jugée « infantilisante pour les élus et ne répond plus à aucune nécessité », la catégorie des compétences optionnelles disparaitrait, ne laissant plus que des compétences obligatoires et des compétences facultatives (article 5D).
Toujours au chapitre des transferts de compétence, les sénateurs ont entendu le souhait mille fois répété des associations d’élus, et proposent (article 5) de supprimer purement et simplement le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement (y compris la gestion des eaux pluviales urabines) dans les communuautés de communes et d'agglomération. Jugeant le mécanisme proposé dans le texte initial « limité et compliqué », la commission des lois a donc choisi une solution plus radicale et, en effet, plus simple.
Elle a aussi, à l’article 6, étendu aux communautés urbaines et aux métropoles la possibilité, pour les communes stations classées, de reprendre la compétence tourisme.
Enfin, sur ce sujet, une autre proposition d’importance : le Sénat demande que les communautés urbaines et les métropoles puissent restituer partiellement à travers l'interêt communautaire la compétence de gestion de voirie à leurs communes membres, ainsi que la signalisation, les abris voyageurs, les parcs et les aires de stationnement. Les sénateurs proposent aussi, afin de « réaffirmer la part prépondérante de la commune dans la coopération intercommunale », en faisant passer de 40 à 50 % la part des sièges réservée aux maires dans les CDCI, et en diminuant d’autant la part des sièges réservés aux EPCI (de 40 à 30 %).
Il reste à savoir ce qu’il adviendra de ces propositions particulièrement hardies au cours de la suite de la navette parlementaire. On sait déjà le gouvernement fermement opposé à plusieurs d’entre elles.
Franck Lemarc
Télécharger le texte de la commission.
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Statut de l'élu
Pouvoirs de police, indemnités, protection : les sénateurs modifient en profondeur le projet de loi Engagement et proximité
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Au-delà des propositions sur l’intercommunalité (lire article ci-dessus), la commission des lois du Sénat a modifié le projet de loi Engagement et proximité dans tous les autres chapitres, même si les ajouts au texte sont ici moins révolutionnaires.
Renforcement des pouvoirs de police
En matière de pouvoirs de police, conformément aux propositions faites avant-hier (lire Maire info d’hier), les sénateurs proposent notamment d’augmenter fortement le montant des amendes qui pourraient accompagner une astreinte ; ou encore de codifier la possibilité, pour les maires, d’interdire la vente de boissons alcoolisées la nuit sur leur commune. Ils ont ajouté un article entier sur la gestion des véhicules hors d’usage (article 15 bis) avec, là encore, la possibilité d’assortir d’une astreinte (de 50 euros par jour) les arrêtés frappant les propriétaires d’épaves.
Comme prévu, les sénateurs proposent de réécrire le dispositif de conventions entre les polices municipales et les forces de l’ordre nationales (article 15 quater), notamment en abaissant le seuil du nombre d’agents à partir duquel cette convention est obligatoire et en y impliquant davantage les procureurs. La commission a également souhaité « assouplir les conditions de recrutement au niveau intercommunal d’agents de police municipale », estimant que trop peu de maires se saisissent aujourd’hui de la possibilité de créer une police municipale intercommunale.
Toujours dans le cadre de la lutte contre les violences contre les élus, les sénateurs ont rédigé un article permettant d’obliger les procureurs à informer les maires sur les suites judiciaires d’une plainte qu’ils auraient déposée pour agression.
Normes et conflits
En matière de normes, les sénateurs ont replacé dans le projet de loi une proposition issue du rapport Lambert-Boulard de 2013, instituant une « conférence de dialogue État-collectivités territoriales » dans chaque département. Cette instance pourrait être saisie de « tout différend sur l’interprétation d’une norme ». Elle se substituerait à l’actuelle commission départementale de conciliation des documents d’urbanisme.
La commission propose également de créer, autant que de besoin, des « médiateurs territoriaux » chargés de tenter de résoudre à l’amiable des différends entre la collectivité et les administrés.
Droit des élus
Plusieurs modifications notables au chapitre du droit des élus. D’abord, les sénateurs ont relevé le seuil à partir duquel l’État prendrait en charge certaines dépenses devenues obligatoires, comme la protection fonctionnelle des élus ou le remboursement des frais de garde lors des réunions : ce seuil, que le texte initial fixait à 1000 habitants, passerait à 3 500.
Trois nouveaux articles (26 bis, ter et quater) concernent la protection des élus sur le plan professionnel : le 26 bis fixe clairement à « 12 mois » la durée pendant laquelle les élus sont considérés comme des salariés protégés après expiration de leur mandat. Le 26 ter « vise à faciliter les dispositifs de disponibilité temporelle des élus ruraux, en augmentant le nombre de crédits d’heures disponibles ». Les crédits d’heures passeraient, pour les maires de communes de moins de 10 000 habitants, de trois fois à trois fois et demie la durée hebdomadaire de travail ; pour les adjoints au maire des mêmes communes, le crédit d’heures passerait à deux fois la durée hebdomadaire de travail ; pour les conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants, elle passerait à 30 % de la durée hebdomadaire du travail.
Enfin, le 26 quater vise à permettre à tous les adjoints, quelle que soit la taille de leur commune, de bénéficier de la possibilité de suspendre son contrat de travail avec droit obligatoire à réintégration à la fin du mandat. Ces dispositions n’existaient jusqu’alors que pour les communes de plus de 10 000 habitants.
Indemnités des maires et adjoints
Sur l’épineuse question des indemnités, le Sénat s’inscrit là encore en faux avec la position du gouvernement, et propose une position beaucoup plus nuancée. Rappelons que le projet de loi initial propose d’une part la possibilité d’une très forte augmentation de l’indemnité des maires des petites communes (jusqu’à + 150 %)… mais que ce beau « cadeau » est fait avec l’argent des communes, puisque quasiment aucun soutien de l’État n’est prévu, à part une augmentation de 10 millions d’euros de la dotation élu local dans le PLF 2020, alors que la mesure pourrait coûter jusqu’à 600 millions d’euros aux communes. En outre, le gouvernement demande de revenir sur les lois de 2015 et 2016 en proposant que l’augmentation soit votée par le conseil municipal (depuis 2015 l’indemnité est, de droit, au plafond, sauf demande inverse du maire).
Les sénateurs soulèvent plusieurs problèmes : le coût de la mesure, bien sûr ; mais aussi un problème politique : « Les élus locaux pourraient difficilement assumer un triplement de leurs indemnités quelques semaines après leur élection ». Afin de rendre le dispositif « suffisant, adapté et soutenable », la commission des lois propose une augmentation beaucoup plus modérée, strate par strate. Dans les communes de moins de 500 habitants, l’augmentation serait de 50 % ; de 30 % dans les communes entre 500 et 1000 habitants. Alors que le gouvernement souhaitait s’en tenir là, les sénateurs demandent aussi une augmentation des indemnités des maires et adjoints des communes comptant entre 1000 et 3 500 habitants (+ 20 %). Le coût global de ces mesures serait de 240 à 300 millions d’euros environ. Et surtout, les sénateurs ont rétabli la « procédure protectrice » des maires : « seuls les maires », et non le conseil municipal, « pourraient solliciter une diminution de leurs indemnités ».
Franck Lemarc
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Budget de l'état
PLF 2020 : l'AMF dénonce de « nouveaux prélèvements sur les ressources des services publics locaux »
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Après la non-revalorisation forfaitaire des bases en 2020, conduisant à une réduction des ressources locales de « 250 millions d’euros par an environ » (lire Maire info des 27 septembre et 2 octobre), l’AMF dénonce, ce matin dans un communiqué, « de nouveaux prélèvements sur les ressources des services publics locaux ».
Taxe d’habitation : des taux gelés
L’association indique que le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 prévoit, « contrairement à l’engagement du gouvernement », de « priver les conseils municipaux et communautaires de la possibilité de délibérer en 2020 pour fixer les taux de taxe d’habitation, mais aussi de Gemapi et de taxe d’habitation sur les locaux vacants ». En conséquence, explique l’association, « au lendemain des élections municipales, les nouveaux élus ne pourront donc pas délibérer sur le niveau de taux de taxe d’habitation ».
De plus, relève l’association, le PLF pour 2020 prévoit « d’annuler en 2020 les effets des augmentations de taux décidés par les communes et les EPCI en 2018 et 2019 ». Pour la taxe d’habitation sur les locaux vacants, « ce gel des effets des délibérations perdure même jusqu’en 2023 », indique l’AMF qui évalue les conséquences de ce dispositif à une « perte de 160 millions d’euros pour les collectivités ».
« Nouvelle atteinte à l’autonomie financière »
Par ailleurs, elle pointe le fait que le texte budgétaire prévoit « une nouvelle réduction des ressources de 120 millions d’euros », concernant les dotations mises en place pour compenser la suppression de ressources locales antérieures. « À cela s’ajoute la non indexation de ces dotations sur l’inflation (1,2 % par an) ainsi que la non prise en compte de l’augmentation de la population de (0,3 % par an), soit une perte sèche de 600 millions d’euros par an sur la seule DGF », précise-t-elle.
De ce fait, l’AMF dénonce cette « nouvelle atteinte à l’autonomie financière » des collectivités dont « les budgets seront de fait établis pour partie par l’administration fiscale sur la moitié du prochain mandat ».
Moratoire
L’association demande ainsi, « en urgence », plusieurs modifications au sein du projet de budget dont « la suppression du gel des bases de taxe d’habitation sur les résidences principales en 2020 », « la liberté de délibérer sur les taux de taxe d’habitation tant que la taxe n’est pas supprimée », « le calcul de la compensation des recettes de taxe d’habitation sur la base de la dernière année d’existence de la taxe d’habitation et non de l’année 2017 », et, enfin, « un calcul de la compensation qui tienne compte de l’évolution des valeurs locatives ».
Par ailleurs, elle demande un « moratoire sur la réduction des ressources locales » qui conduirait à « une nouvelle réduction de l’offre de services, aux reports des dépenses d’entretien et de renouvellement des équipements publics indispensables à la population et à la baisse de l’investissement public porté à plus de 70 % par les collectivités locales ».
A l’instar du président du Comité des finances locales, elle rappelle que, en l’absence de toute simulation sur la refonte fiscale, celle-ci s’apparente à « une réforme masquée » de la fiscalité locale qui « n’offre aucune garantie sur la préservation des moyens des communes et des intercommunalités dans les années à venir » (lire Maire info du 27 septembre).
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Fonction publique
Lancement de la concertation sur les retraites devant le Conseil commun de la fonction publique
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Déjà abondamment commenté depuis sa remise au Premier ministre le 18 juillet dernier, le rapport de Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire à la réforme des retraites, intitulé Pour un système universel de retraite, a été présenté, hier, devant le Conseil commun de la fonction publique (CCFP) en présence d’Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics et du Haut-commissaire. Le même jour, à Rodez (Aveyron), le président de la République s’est exprimé sur la future réforme des retraites lors d’une consultation citoyenne.
La séance du CCFP a ainsi marqué le lancement de la concertation avec les représentants des employeurs publics et des organisations syndicales des trois fonctions publiques (territoriale, hospitalière et d’État) sur le projet de réforme. Le secrétaire d’État et le Haut-commissaire ont rappelé à cette occasion « les grands principes du projet de système universel des retraites et les modalités de sa mise en œuvre pour les agents publics ». Une réforme très sensible qui suscite d’ores et déjà craintes et interrogations de la part de nombreux agents publics.
Cette concertation, qui se déroulera sous forme de consultations avec les organisations syndicales dans le cadre des conseils supérieurs propres à chaque versant mais aussi au sein de « chaque ministère et chaque catégorie présentant des spécificités », a « pour objet de préciser les modalités de transition vers le système universel », ont souligné de concert Olivier Dussopt et Jean-Pierre Delevoye. La période de transition devrait être d’une durée au moins égale à 15 ans. Emmanuel Macron a d’ailleurs confirmé, hier, une mise en œuvre de la réforme à partir de 2025.
Primes inclues dans le calcul des pensions
Certaines des préconisations du Haut-commissaire, formulées au terme de « 18 mois de concertation avec toutes les parties prenantes », auront un impact direct sur le régime de retraite des fonctionnaires. Ainsi est-il notamment précisé dans le rapport Delevoye que « salariés du privé et du public cotiseront progressivement sur la même assiette, incluant les primes, avec le même taux global (28,12%) et le même effort de leurs employeurs respectifs avec une part de 60% ». Olivier Dussopt a d’ailleurs affirmé que la question de « l’intégration des primes dans l’assiette de cotisation » serait abordée au cours de la concertation, de même que « les modalités de prise en compte de la pénibilité et de la dangerosité ». Des sujets sur lesquels agents et employeurs territoriaux sont très mobilisés. L’application du compte personnel de prévention de la pénibilité à la fonction publique est également préconisée dans le rapport.
En outre, selon le Haut-commissaire, le calcul des droits à la retraite des fonctionnaires devrait se faire à partir du salaire, primes comprises, sur toute la carrière et non plus à partir du salaire indiciaire hors primes détenu les six derniers mois. Une évolution, qui nécessitera, aux yeux des organisations syndicales, une revalorisation salariale et une amélioration des déroulements de carrière. En effet, conformément au principe la libre administration des collectivités, les employeurs territoriaux sont libres d’instituer ou pas un régime indemnitaire.
Emmanuelle Quémard
Télécharger le rapport Delevoye.
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Gens du voyage
Gens du voyage : le Conseil constitutionnel se penche sur la loi de juillet 2000
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Ce qui ressemble à une erreur rédactionnelle, dans la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage, modifiée par la loi du 7 novembre 2018 relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites, pourrait conduire à des conséquences inattendues et importantes. C’est un des résultats d’une décision du Conseil constitutionnel, rendue le 27 septembre.
Plusieurs organisations représentatives des gens du voyage (1) ont déposé fin juillet, auprès du Conseil constitutionnel, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Elles s’interrogent sur la conformité avec la Constitution de l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, qui permet notamment au maire d’une commune ou au président d’un EPCI « d’interdire le stationnement des résidences mobiles des gens du voyage et, en cas de stationnement irrégulier, de solliciter du préfet leur évacuation forcée, alors même que son territoire ne comporte aucune aire d’accueil ».
Globalement, les Sages ont réfuté tous les arguments brandis par les associations : pour eux, les dispositions de l’article 9 ne contreviennent ni à la liberté d’aller et venir ni au principe de fraternité, pas plus qu’elles « n’instituent une discrimination fondée sur une origine ethnique ». Le délai de recours face à une mise en demeure de quitter les lieux, contesté par les associations, a lui aussi été jugé conforme à la Constitution.
Le texte instituerait aussi, selon les représentants des gens du voyage, un « bannissement administratif », dans la mesure où « la mise en demeure de quitter les lieux (…) reste applicable sur l’ensemble du territoire couvert par l’interdiction de stationnement pendant un délai de sept jours consécutifs ». Ce « bannissement administratif » méconnaîtrait « le droit d’égal accès aux soins, le principe d’égal accès à l’instruction, le droit de mener une vie familiale normale et l’objectif de sauvegarde de l’ordre public immatériel ». Là encore, les associations requérantes essuient un revers, les Sages estimant que « les gens du voyage qui font l’objet d’une mise en demeure de quitter leur lieu de stationnement irrégulier bénéficient, sur ce territoire, d’aires et terrains d’accueil permettant un accès aux soins et à l’enseignement ».
Subtilité juridique
Un alinéa du texte a, revanche, bien été reconnu contraire à la Constitution. Il concerne la possibilité, ou non, d’interdire à des personnes de stationner sur un terrain dont elles seraient propriétaires – ce qui constitue une évidente atteinte au droit de propriété.
Pour comprendre cette décision, il faut revenir sur la construction de l’article 9 de cette loi : il commence par quatre alinéas (I, I bis, II et II bis). Le I définit les obligations d’un maire d’une commune membre d’un EPCI compétent en matière de gestion des aires d’accueil, et définit les conditions dans lesquelles il peut interdire le stationnement des gens du voyage ; le I bis définit ces conditions pour les maires dont la commune n’est pas membre d’un EPCI compétent en cette matière (ce qui est très rare puisqu’il s’agit d’une compétence obligatoire des EPCI et que seules quatre communes ne sont pas membres d’un EPCI à fiscalité propre – les îles mono-communales !). Le II définit les modalités de la mise en demeure et le II bis fixe les possibilités de recours.
Vient ensuite un alinéa III, qui précise : « Les dispositions du I, du II et du II bis ne sont pas applicables au stationnement des résidences mobiles (…) lorsque les personnes sont propriétaires du terrain sur lesquelles elles stationnent. »
Les associations ont mis le doigt sur une faille dans la rédaction de cet article : le « I bis » n’est pas mentionné dans cette liste. Autrement dit, s’il est clairement inscrit dans la loi que les maires membres d’un EPCI compétent (alinéa I) ne peuvent pas expulser des personnes qui stationnent sur un terrain dont elles sont propriétaires, rien n’est dit sur les maires n’appartenant pas à un EPCI compétent (alinéa I bis). « Faute de viser le paragraphe I bis », écrivent les Sages, le texte autorise donc, par défaut, les maires dont la commune n’est pas membre d’un EPCI compétent en matière de gestion des aires d’accueil à interdire le stationnement sur des terrains dont les personnes sont propriétaires ! « En permettant qu’un propriétaire soit privé de la possibilité de stationner sur un terrain qu’il possède, poursuivent les Sages, (ces) dispositions méconnaissent le droit de propriété. » Le paragraphe III de l’article 9 est donc déclaré contraire à la Constitution.
Sauf qu’ici intervient une subtilité juridique que n’avaient peut-être pas vue venir les associations, et qui pourrait se retourner contre elles. En effet, ce fameux paragraphe III vise avant tout à empêcher l’expulsion des gens du voyage de parcelles dont ils sont propriétaires. Du fait de l’oubli du I bis, le voilà déclaré contraire à la Constitution, et donc passible, dans sa totalité, d’abrogation. Autrement dit, plus rien dans la loi n’empêcherait, dans tous les cas, d’expulser des gens du voyage de leur propre terrain ! C’est ce que le Conseil constitutionnel constate lui-même : « L’abrogation immédiate de [ce paragraphe] aurait pour effet de rendre applicable, dans les EPCI compétents (…) l’interdiction de stationnement et la mise en œuvre d’une procédure d’évacuation forcée à des personnes qui stationnent sur des terrains dont elles sont propriétaires. » Pour éviter de telles « conséquences excessives », les Sages reportent au 1er juillet 2020 l’abrogation de cette disposition.
Le temps de permettre au législateur de récrire l’article 9 de loi afin d’y corriger cette erreur de rédaction.
Ludovic Galtier et Franck Lemarc
Télécharger la décision du Conseil constitutionnel.
(1) L’Union de défense active des forains, France liberté voyage, la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les tsiganes et gens du voyage et l’Association nationale des gens du voyage citoyens.
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Journal Officiel du vendredi 4 octobre 2019
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
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