Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 30 juin 2021
Élections

Propagande électorale : les acteurs se renvoient la responsabilité, le Sénat lance une consultation des maires

L'affaire des dysfonctionnements des plis électoraux n'en finit pas de faire scandale, les différents acteurs se rejetant tout ou partie de la responsabilité de ce fiasco. Dans le cadre de sa commission d'enquête, le Sénat appelle les maires à témoigner sur les problèmes constatés dans leur commune. 

Par Franck Lemarc

Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, a présenté une nouvelle fois « les excuses du gouvernement aux Français »  après que les mêmes dysfonctionnements qu’au premier tour ont été constatés au second – voire davantage. Dans certains départements, la bérézina a été totale : la députée du Puy-de-Dôme, Christine Pires Beaune, a ainsi interrogé les 463 maires de son département, et seuls deux, a relaté la socialiste Valérie Rabault, hier, à l’Assemblée nationale, n’ont pas constaté de problème. 
Mais pour l’instant, les principaux protagonistes de cette affaire, que ce soit chez Adrexo – le prestataire privé qui s’est partagé ce marché avec La Poste – ou au gouvernement, semblent surtout préoccupés de rejeter la responsabilité sur d’autres. 

Adrexo : la faute aux médias, aux virus, aux préfets…

C’est ce qui est par exemple ressorti de l’audition du patron de Hopps, la maison-mère d’Adrexo, Éric Paumier, devant les députés hier. Âprement attaqué par les membres de la commission des lois, Éric Paumier n’a pas particulièrement reconnu de torts du côté de son entreprise, évoquant plutôt une multitude de problèmes externes : le covid-19,  « qui n’a pas simplifié le travail préparatoire », une « cyberattaque »  qui a affecté « le début de la distribution au mois de mai », les salariés, dont certains ont été « sanctionnés » … Mais aussi, une « pression médiatique et politique hors norme »  qui aurait compliqué le travail de la société. « On n’a pas à rougir du travail que nous avons fait »  au premier tour, a affirmé non sans aplomb Éric Paumier, qui revendique un taux de plis non distribué… inférieur à celui de La Poste. 
Pour le second tour, le responsable a là encore mis en cause les externalités, liées selon lui au fait que le délai est trop court entre les deux tours pour un double scrutin – ce qui semble, d’un point de vue logistique, une évidence reconnue y compris au gouvernement. Mais cette fois, ce sont « les imprimeurs, les routeurs »  et même « les préfectures chargées de faire la mise sous pli »  qu’il a incriminés, affirmant que le jeudi soir, « 40 % des plis »  n’avaient pas été livrés à Adrexo pour distribution.

Défausses

Côté gouvernement, on ne revendique également qu’une responsabilité très partielle. On se souvient que Gérald Darmanin, lors d’une première audition, a rejeté la responsabilité… sur le gouvernement de Lionel Jospin, qui a appliqué la directive européenne sur la fin du monopole de la distribution du courrier. Mais cela ne répond pas à la question de savoir pourquoi, pour ce marché, le gouvernement a retenu la candidature d’Adrexo, entreprise visiblement « sous-dimensionnée », comme l’a relevé un député hier lors de la séance de questions au gouvernement. La faute cette fois, a répondu Gérald Darmanin, à l’Arcep, qui a « validé »  Adrexo. Ce n’est donc « pas un choix du ministère de l’Intérieur, mais une décision d’une autorité administrative indépendante », a plaidé le ministre. 
Dans la longue série des défausses à laquelle on assiste depuis quelques jours, celle qui a le plus choqué les parlementaires vient du Premier ministre lui-même, hier, toujours devant les députés. Soutenant – ce qui semble en effet statistiquement vrai – que le taux d’abstention n’a pas été plus important dans les départements distribués par Adrexo que dans ceux distribués par La Poste, Jean Castex a attribué une part de la responsabilité de l’abstention… « aux exécutifs locaux », qui « n’ont pas su drainer les électeurs vers les urnes ». Cette sortie a provoqué les huées d’une partie de l’hémicycle, et une réponse cinglante, un peu plus tard, de la députée LR Véronique Louwagie, rappelant que l’organisation du vote a été « exemplaire grâce aux exécutifs locaux, ne vous en déplaise… Vous minimisez l’importance [des dysfonctionnements] et vous en faites porter la responsabilité aux exécutifs locaux ? C’est scandaleux, honteux ! ».
Dans une ambiance un peu plus apaisée, un peu plus tard, le ministre de l’Intérieur a finalement répété ce qu’il affirme depuis une semaine : « J’ai suggéré au Premier ministre de proposer au Parlement de réinternaliser, en dépit de la directive européenne, l’intégralité des opérations électorales, la mise sous pli comme la distribution. Je crois que nous aurions tous intérêt que cela s’applique assez rapidement, et même dès la prochaine élection présidentielle. » 

Le Sénat interroge les maires

La commission des lois du Sénat, qui a pris pour six mois les prérogatives d’une commission d’enquête sur ce sujet, continue pour sa part ses auditions, notamment pour tenter de comprendre pourquoi la société Adrexo a été sélectionnée. Dans le cadre de cette enquête, les sénateurs souhaitent recueillir un maximum de témoignages de maires « sur les conditions dans lesquelles s’est déroulée, dans leur commune, l’organisation matérielle de ces élections ». Une page internet a donc été ouverte pour permettre aux maires de répondre à un questionnaire. Cette consultation est ouverte jusqu’au 14 juillet au soir.

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