Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 10 février 2020
Élections

Débat au Sénat sur les panneaux électoraux

Les sénateurs ont adopté, le 6 février, une proposition de loi portée par Emmanuel Capus (Maine-et-Loire, Agir) sur « la simplification et la modernisation de la propagande électorale ». Si le texte a peu de chances de finir son parcours parlementaire, le gouvernement y étant clairement opposé, il a le mérite d’ouvrir le débat sur les difficultés pour les maires que peuvent poser les panneaux électoraux. 
Ce sont les élections européennes, avec leur nombre record de 34 listes, qui ont été le déclencheur de ce débat : dans les plus petites communes, le fait de devoir mettre à disposition 34 emplacements d’affichage a posé des problèmes considérables aux maires, – alors que bien des candidats ne s’en sont même pas servis. Une situation « baroque », comme l’a souligné François Bonhomme (Tarn-et-Garonne, LR), rapporteur de la commission des lois, avec des maires qui ont dû faire fabriquer – ou parfois fabriquer eux-mêmes – des panneaux, utiliser les murs des bâtiments publics voire, comme ce fut le cas dans une commune du Maine-et-Loire, utiliser… des bâches agricoles. Comme l’a rappelé, en séance, la sénatrice de l’Ille-et-Vilaine Françoise Gatel, « la commune de Morbecque, de 2 538 habitants, a dû installer 102 panneaux dont la moitié est demeurée sans affiche, ce qui a valu à son maire les foudres des habitants qui ne comprenaient pas de tels investissements. Les maires ont été jusqu'à organiser des ateliers de bricolage chez eux ».
La proposition de loi initiale suggérait, pour y remédier, plusieurs innovations : d’abord, demander aux candidats de déclarer expressément, lors du dépôt de leur candidature, s’ils ont l’intention ou non de « procéder à l’apposition d’affiches électorales ». Puis, pour ceux qui ont répondu par l’affirmative, exiger d’eux « le remboursement aux communes »  des frais liés à la pose de leur panneau s’ils ne l’ont pas utilisé. Par ailleurs, le sénateur proposait que la loi permette la réduction de moitié de la taille des affiches – fixée par décret – lorsque le nombre de candidats est supérieur à 15. 
Dès les travaux de la commission, les sénateurs ont rejeté le principe de la sanction systématique pour les candidats qui n’utiliseraient pas leurs panneaux, jugée « trop complexe juridiquement à mettre en œuvre ». Ils ont gardé l’idée d’une déclaration « sur l’honneur », avec possibilité de changer d’avis jusqu’au dernier vendredi précédant le début de la campagne électorale. 
Côté gouvernement, le moins que l’on puisse dire est que ce texte n’a pas déchaîné l’enthousiasme. Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, a expliqué que « ce texte « risque d'être inopérant, voire inapplicable. L'absence de dispositif de sanctions notamment manque d'efficacité. L'absence de sanctions conduira toutes les listes à réclamer un panneau par précaution. Des problèmes logistiques insurmontables risquent de se faire jour, en termes de prévision notamment si les listes peuvent changer d'avis en cours de campagne. » 

Rupture d’égalité
Une disposition en particulier pose problème à la ministre : en commission, les sénateurs ont proposé un dispositif permettant aux maires, dans le cas où le nombre de candidats est supérieur à quinze, de « réduire la dimension des emplacements »  par rapport aux dimensions fixées réglementairement. Pour Jacqueline Gourault, ceci pourrait conduire « à une rupture d’égalité entre les candidats ».  
Stéphane Piednoir (Maire-et-Loire, LR) s’est aussi interrogé sur la « faisabilité »  de cette mesure : « La décision interviendrait à la clôture du dépôt des listes, quinze jours avant le premier tour, ce qui poserait de sérieux problèmes logistiques aux candidats qui auront déjà imprimé leurs affiches. » 
Finalement, ce texte jugé par les sénateurs « imparfait »  mais « soulevant des questions d’importance »  a été adopté, en retenant l’idée d’une déclaration sur l’honneur des candidats de procéder à l’apposition de leurs affiches et de la possibilité pour les maires de réduire la taille des panneaux s’il existe plus de quinze candidats. Mais il y a peu de chances pour que ce texte passe l’étape de l’Assemblée nationale. 
Les sénateurs ont toutefois profité de l’examen de ce texte pour interpeller la ministre sur une autre échéance : celle de 2021, qui verra pour la première fois les élections régionales et départementales organisées le même jour. Ce qui risque de poser des problèmes de logistique « insurmontables », ont relevé plusieurs sénateurs, en particulier pour le deuxième tour, qui n’aura lieu qu’une semaine après le premier. « Dépôt des listes, possibilité de fusion, rédaction de nouvelles professions de foi, impressions, tout cela suppose des délais », a notamment expliqué Jean-Marc Gabouty (Haute-Vienne, RDSE). « Afficheurs, imprimeurs, routeurs sont très inquiets, (…) il y a un risque important pour l’acheminement des professions de foi jusqu’aux citoyens », a surenchéri François Bonhomme. Jacqueline Gourault s’est « engagée »  à transmettre ces interrogations au ministre de l’Intérieur, qui « apportera des réponses ».

F.L.

Télécharger le texte adopté. 


 

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