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Édition du lundi 11 avril 2022
Élection présidentielle

Élection présidentielle : les enseignements du premier tour

Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont arrivés en tête du premier tour d'une élection présidentielle marquée par une abstention en hausse et un écroulement des partis traditionnels, et dont les résultats sont très hétérogènes d'un territoire à l'autre (lire article suivant).

Par Franck Lemarc

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© Sites candidats

Les résultats publiés dans la nuit par le ministère de l’Intérieur ne sont pas encore définitifs, mais presque, puisqu’ils portent sur 97 % des électeurs inscrits. Ils donnent Emmanuel Macron vainqueur du premier tour avec 9,56 millions de voix (27,6 % des suffrages exprimés), Marine Le Pen deuxième avec 8,11 millions de voix (23,41 %) et Jean-Luc Mélenchon troisième avec 7,6 millions de voix (21,95 %). 

Derrière ce trio de tête, seul Éric Zemmour dépasse les 5 % (2,44 millions de voix et 7,05 %). C’est, ensuite, la débâcle pour les candidats des partis traditionnels qui se succèdent au gouvernement depuis le début de la Ve République – LR, PS, PCF et même EELV : aucun de ces partis n’atteint la barre des 5 %. 

Abstention

Si l’abstention a été plus forte qu’en 2017, on ne constate pas non plus d’effondrement de la participation comparable à ce qui s’est vu lors des dernières élections locales ou européennes : l’élection présidentielle reste l’élection phare de la vie politique française, qui, même dans un contexte de désenchantement vis-à-vis de la politique, draine tout de même près des quatre cinquièmes des électeurs. Les 11,9 millions d’électeurs qui se sont abstenus restent néanmoins, en valeur absolue, le « premier parti de France », puisque le vainqueur du premier tour, Emmanuel Macron, ne recueille que 9,56 millions de voix. 

Comme le montre le graphique ci-dessous, l’abstention est revenue hier au niveau de celle du scrutin de 2002 et même un peu au-dessus en valeur absolue, puisque ce sont 1,3 million d’électeurs de plus qui se sont abstenus par rapport à 2017. Mais la population ayant augmenté entretemps, l'abstention constatée hier, en pourcentage, reste inférieure à celle de 2002 (25,1 % contre 28,4 % en 2002). 

Effondrements

Un chiffre illustre de façon frappante l’évolution des suffrages en cinq ans : en 2017, les deux partis traditionnellement les plus puissants de la Ve République, le PS et Les Républicains, totalisaient à eux deux 9,5 millions de voix, soit 26,37 % des suffrages. Hier, ils en ont récolté 2,26 millions, soit 6,53 % des suffrages.

Le coup est particulièrement rude pour la socialiste Anne Hidalgo, dont le parti, pour la première fois de son histoire (SFIO puis Parti socialiste) n’atteint pas le million de voix : la maire de Paris récolte 604 000 voix, soit 1,74 % des suffrages. Il faut remonter à l’élection présidentielle de 1969 pour retrouver un score non pas comparable, mais presque aussi faible, avec les 1,13 million de voix réalisés alors par Gaston Deferre. Pour mémoire, Benoît Hamon avait recueilli presque 2,3 millions de voix en 2017, c’est-à-dire presque quatre fois plus qu’Anne Hidalgo.

Côté LR, c’est également une lourde déception : avec 1,66 million de voix et 4,79 % des suffrages exprimés, Valérie Pécresse fait trois fois moins de voix que François Fillon en 2017, qui avait recueilli alors 20 % des suffrages.

La déception est aussi de mise chez les écologistes, dont le candidat Yannick Jadot, avec 1,59 million de voix, ne recueille que 4,58 % des suffrages. Il est impossible de comparer ce score avec celui de 2017, puisque les écologistes ne s’étaient pas présentés indépendamment à cette élection, mais l’urgence écologique laissait espérer à ce courant un score moins faible. 

Le communiste Fabien Roussel, avec 2,31 % des suffrages (800 000 voix environ) reste à l’étiage de la dernière élection où ce parti s’est présenté seul (en 2007, où Marie-Georges Buffet avait recueilli 707 000 voix). 

Parmi les déçus de ce premier tour, on peut enfin classer Éric Zemmour, dont le score de 7,05 % (2 442 000 voix) est très inférieur à ce que les sondages lui ont, un moment, prêté. Reste que ce score n’a rien de négligeable pour un candidat entré en lice moins de six mois avant le scrutin. 

Vainqueurs en hausse

Les deux vainqueurs de ce premier tour ont, eux, augmenté notablement leur score par rapport à 2017 : le président sortant recueille un million de voix de plus qu’en 2017, avec 9,56 millions de voix et 27,60 % des suffrages (contre 24 % en 2017). Marine Le Pen, elle, pourtant handicapée par la présence d’Éric Zemmour, avec 8,11 millions de voix et 23,4 % des suffrages exprimés, recueille 430 000 voix de plus qu’en 2017. 

Il est à noter que si l’on additionne les voix des trois candidats que l’on qualifiera, selon les sensibilités, de « droite nationale »  ou « d’extrême droite »  (Marine Le Pen, Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan), on aboutit à 11,27 millions de voix, soit 32,5 % des suffrages exprimés, ce qui est le plus haut score historiquement obtenu par ce courant en France. 

Le troisième homme

Quant à l’Insoumis Jean-Luc Mélenchon, il a lui aussi nettement amélioré ses résultats depuis 2017, sans toutefois parvenir à se qualifier pour le deuxième tour. Avec 7,60 millions de voix et 21,95 % des suffrages, il améliore son score de 2017 de presque 600 000 voix, réalisant des scores importants notamment dans les anciennes « banlieues rouges »  d’Île-de-France et dans les Outre-mer (lire article ci-dessous). 

Deuxième tour

Le deuxième tour, dans 15 jours, va donc opposer le président sortant Emmanuel Macron à Marine Le Pen, qui s’est présentée hier soir non comme la candidate du Rassemblement national mais comme une candidate « hors partis ». Parmi les candidats du premier tour, seuls Nicolas Dupont-Aignan et Éric Zemmour ont appelé à voter pour elle au second tour. 

À l’inverse, Anne Hidalgo, Fabien Roussel, Yannick Jadot et Valérie Précresse ont dès hier soir appelé à voter Emmanuel Macron – cette dernière « à titre personnel », certains cadres de son parti, comme Éric Ciotti ou Gilles Platret, ayant aussitôt désavoué ce choix. 

Jean-Luc Mélenchon a, lui, martelé que « pas une voix »  de ses électeurs ne doit aller à Marine Le Pen, sans pour autant appeler à voter pour le président sortant. 

À l’extrême gauche, Nathalie Arthaud (196 000 voix, 0,57 %) a appelé à voter blanc au second tour, et Philippe Poutou (266 000 voix et 0,77 %), sans parler de vote blanc, n’a pas appelé à voter pour Emmanuel Macron. 

Enfin, Jean Lassalle, qui a réalisé un score de 3,16 % (1,09 million de voix), honorable au vu de la discrétion de sa campagne, il n’a pas donné de consigne de vote précise pour le second tour. Il s'est contenté d'une des formules aussi lapidaires que sybillines dont il a le secret pour qualifier les deux vainqueurs – « ils me font pitié ».

Les premiers sondages réalisés hier soir, après le premier tour, donnent Emmanuel Macron vainqueur du second tour, mais avec un écart relativement faible. Le temps est loin de 2002 et des 82 % obtenus par Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen, et même de 2017 avec les 66 % d’Emmanuel Macron au second tour. Les cinq sondages réalisés hier donnent, pour le plus favorable au président sortant, un écart de 8 points (46 % pour Marine Le Pen et 54 % pour Emmanuel Macron) ; et pour le moins favorable un écart de 2 points (49 % contre 51 %).

En un mois, les courbes se sont fortement rapprochées, le président sortant perdant 8 points dans les sondages de second tour et la candidate du RN en gagnant autant. Pour la première fois, un second tour incluant une candidate d’extrême droite semble ouvert. 

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