Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 2 mars 2016
Énergies renouvelables

Un amendement anti-éoliennes adopté au Sénat

Aussi surprenant que cela puisse paraître, les éoliennes se sont introduites dans la discussion sur le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, adopté hier en première lecture au Sénat. Comme quoi certaines questions, sorties par la porte, peuvent revenir par la fenêtre ! Un discret amendement adopté contre la volonté du gouvernement pourrait, s’il était confirmé à l’Assemblée, porter un coup assez dur au développement de l’éolien.
Rappelons que lors du débat sur le projet de loi de transition énergétique, d’âpres débats avaient eu lieu sur la distance minimale à respecter entre une éolienne et une habitation. Des sénateurs avaient combattu pour que cette distance soit portée à 1000 m, ce qui avait finalement été rejeté.
Mais un certain nombre de sénateurs ont pu profiter de la discussion sur le projet de loi patrimoine pour relancer le débat, en se plaçant cette fois sur le terrain de la protection du patrimoine classé, en émettant le souhait – ce qui ne paraît a priori pas choquant – que des éoliennes ne viennent pas défigurer celui-ci. Seulement, l’amendement présenté par le sénateur radical de gauche du Jura Gilbert Barbier pourrait avoir des conséquences bien plus larges. Il propose d’inscrire dans le Code de l’environnement : « Les installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent, lorsqu’elles sont visibles depuis un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou d'un site patrimonial protégé et visibles en même temps, situées dans un périmètre déterminé par une distance de 10 000 mètres ne peuvent être implantées que sur avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France. »  En clair : si l’on peut voir « en même temps »  un site classé et une éolienne, dans un rayon de 10 km, ou si l’on voit l’éolienne depuis ce site, il faudra l’agrément des ABF.
En séance, cet amendement a provoqué des discussions passionnées, écologistes et socialistes expliquant que si cette disposition était maintenue, il n’y aurait tout simplement plus moyen de construire « une seule éolienne »  en France. Même si c’est évidemment très exagéré, une telle disposition freinerait, en tout cas, le développement des éoliennes. C’est également l’avis que défendait hier le Syndicat des énergies renouvelables (SER), qui affirmait que, vu qu’il existe 44 000 monuments classés sur tout le territoire, « tout projet éolien se situe à proximité »  d’un ou plusieurs d’entre eux. Le SER remarque que « l’avis conforme n’est pas un acte anodin : l’autorité compétente doit s’y conformer, conférant ainsi à celui qui le délivre un pouvoir de co-décision, pour ne pas dire un droit de veto. L’ABF, qui exprime un avis technique, serait ainsi mis sur le même plan que le préfet, qui délivre l’autorisation d’exploiter. » 
Du côté des auteurs de l’amendement, on se défend de toute volonté de freiner le développement des énergies renouvelables. Il ne s’agit pas de faire interdire les éoliennes dans un rayon de 10 km autour des sites classés, a insisté le sénateur du Lot Jean-Claude Requier, mais de travailler sur la notion de « visibilité » : « La France n’est pas plate », a souligné le sénateur, et le relief fait qu’une éolienne peut être à un kilomètre d’un site et être invisible. « À partir du moment où les éoliennes sont invisibles, peu importe qu’elles soient à deux, trois ou quatre kilomètres. L’essentiel est qu’on ne les voie pas. » 
L’amendement a été adopté. Il est peu probable qu’il survive à la lecture suivante à l’Assemblée nationale, mais il a au moins le mérite de poser la question, complexe, de la relation entre les exigences du développement durable et celles de la préservation des paysages – et au-delà, comme l’a remarqué une sénatrice, du développement du tourisme.
F.L.

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