Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 30 septembre 2016
Vie publique

Les députés excluent partiellement les associations d'élus du champ des lobbyistes

Les députés ont adopté hier soir, en nouvelle lecture, le projet de loi Sapin 2 sur « la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique ». À l’heure où nous écrivons, le texte adopté n’est pas encore disponible, et nous reviendrons dans une prochaine édition sur son contenu complet.
On sait néanmoins que lors de la séance d’hier, les députés ont très longuement discuté de l’article 13, relatif aux représentants d’intérêt ou lobbyistes. Ils ont confirmé la volonté exprimée par la commission des lois de l’Assemblée, la semaine dernière, en rétablissant l’exclusion des associations représentatives d’élus de la liste des lobbyistes. Mais cette exclusion n’est que partielle, puisque les associations d’élus ne seraient pas considérées comme lobbyistes « dans le cadre du dialogue avec le gouvernement », seulement.
Rappelons que ce projet de loi prévoit d’encadrer fortement l’activité des lobbyistes, qui devront non seulement faire l’objet d’un répertoire public, mais d’une obligation de rendre des comptes régulièrement à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Sont définis comme lobbyistes « les personnes morales de droit privé, établissements ou groupements publics »  dont l’activité est « d’influer la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un règlement »  en entrant en communication avec des membres du gouvernement ou des cabinets ministériels, des parlementaires, des élus de grandes collectivités, un certain nombre de hauts fonctionnaires, etc.
Le texte fixe également une liste de personnes physiques ou morales qui ne peuvent être considérées comme représentants d’intérêt : « les élus dans l’exercice de leur fonction », les organisations syndicales, les partis politiques… Les associations représentatives d’élus ne faisaient pas partie de cette liste d’exclusion dans le texte initial, ce qui a provoqué, on s’en souvient, une vive réaction de l’AMF, dénonçant le fait que l’on puisse sous-entendre qu’elle défendait « autre chose que l’intérêt général ».
Deux amendements ont donc été déposés afin de rétablir les associations d’élus dans la liste d’exclusion. L’auteur de l’un de ces amendements, le député LR d’Eure-et-Loir Olivier Marleix, a défendu dans l’hémicycle l’idée que « les associations d’élus représentent les collectivités locales : il paraît donc plus simple que les associations de collectivités locales puissent avoir une relation régulière normale avec les pouvoirs publics ». La députée socialiste des Yvelines Françoise Descamps-Crosnier a défendu la même idée, en faisant valoir que « la vocation première des associations représentatives des élus (…) est de porter auprès des pouvoirs publics les préoccupations des exécutifs élus des collectivités territoriales dans la recherche de l’intérêt général ; leurs membres sont tous élus au suffrage universel. (…) Il serait donc inéquitable de ne pas les exclure du champ des représentants d’intérêts. » 
La discussion n’a pas eu lieu sur le fond – tout le monde, le ministre de l’Économie Michel Sapin compris, mais du bout des lèvres – semblant gagné à cette idée, mais sur la rédaction : faut-il parler « des associations d’élus »  ou « des associations représentatives d’élus » ? Le rapporteur du texte, Sébastien Denaja, a souligné qu’il était important de préciser qu’on ne parle pas de n’importe quelle association comprenant des élus (« l’Amicale parlementaires du cigare », par exemple) mais bien « des associations représentatives des intérêts des collectivités locales et des élus locaux ».
Certains députés ont émis le souhait qu’un sous-amendement soit rédigé pour fixer plus précisément les choses : ne parle-t-on que des associations nationales (AMF, ARF, ADF, AdCF) ou faut-il inclure les associations plus « corportatistes », élus de montagne, du littoral, des stations de tourisme, etc. ? Les députés socialistes, tout comme Michel Sapin, ont expliqué que la rédaction de l’amendement socialiste, qui parle des « associations représentatives d’élus dans le cadre du dialogue avec le gouvernement et dans les conditions fixées par la loi », ne prêtait à aucune confusion. Michel Sapin a tranché : « Soyons clair : il s’agit ici – et il ne s’agit que d’elles – des associations de collectivités territoriales considérées comme représentatives aux termes de la loi et qui font partie d’un certain nombre d’organismes consultatifs »  (CSFPT et Cnen entre autres). L’amendement a été adopté sans autres précisions. Plusieurs questions n’ont pas trouvé de réponse : les associations d’élus ne seront pas des lobbys « dans le cadre du dialogue avec le gouvernement », donc le seront-elles dans le cadre du dialogue avec les élus des grandes collectivités ? Quant à la formule « dans le cadre du dialogue avec le gouvernement et dans les conditions fixées par la loi », elle prête à confusion : le « et »  signifie-t-il, ou non, que ces deux conditions sont cumulatives ? La question a été posée dans l’hémicycle au ministre, qui n’a pas répondu.
On notera enfin qu’il y a une certaine contradiction entre la rédaction adoptée et l’interprétation du ministre de l’Économie : « associations représentatives d’élus »  et « associations de collectivités territoriales », ce n’est pas tout à fait la même chose. Le texte, une fois adopté, donnera certainement lieu à des débats d’interprétation.
Suite de la discussion au Sénat. Quand ? On ne le sait pas, la nouvelle lecture du projet de loi Sapin 2 n’étant pour l’instant pas à l’ordre du jour d’octobre au Palais du Luxembourg.
F.L.

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