Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 30 janvier 2018
Logement

Logement : la fondation Abbé-Pierre appelle le gouvernement « Ã  redresser la barre »

Comme tous les ans à la même époque, la fondation Abbé-Pierre vient de livrer ses chiffres sur le mal-logement en France. 4 millions de personnes sont aujourd’hui mal-logées ou, pour 896 000 d’entre elles, privées de logement personnel. « Autour de ce noyau dur du mal-logement, se dessine un halo beaucoup plus large de personnes affectées par la crise du logement, de manière moins prégnante, mais avec de réelles répercussions sur la vie de famille ou la santé », annonce la fondation dans son 23e rapport annuel rendu public ce matin. 12 millions de personnes se trouvent ainsi dans une situation de « fragilité » : logement surpeuplé, loyers impayés, menace d’expulsion, copropriétés en difficulté. « La plupart de ces chiffres montrent une dégradation de la situation », alerte la fondation Abbé-Pierre qui pointe une augmentation de 50 % du nombre des personnes sans domicile fixe entre 2001 et 2012 ou encore une augmentation de 17 % des personnes en situation de « surpeuplement accentué »  entre 2006 et 2013. La fondation consacre du reste un chapitre entier à ce phénomène de surpeuplement qui concerne 8,6 millions de personnes. « En déclin sensible depuis des décennies, le surpeuplement connaît une recrudescence inquiétante au cours de ces dernières années », prévient-elle.
Ce 23e rapport fournit aussi l’occasion à la fondation de passer au crible les premières décisions du gouvernement dans le domaine du logement. Et le verdict est sévère. « Si les discours en faveur du logement d’abord vont dans la bonne direction, les orientations de ces six mois sont profondément inquiétantes », estime la fondation, citant les coupes dans les APL, la ponction sur les HLM, ou les attaques contre l’hébergement des personnes migrantes en situation régulière.
« Les actes des premiers mois ont semblé donner la priorité aux coupes budgétaires et aux critiques contre l’encadrement du marché de l’immobilier. Ces orientations mettent à mal des pans entirers de ce que l’on peut appeler le modèle français de protection dans le domaine du logement », dénonce ainsi la fondation. Selon elle, les « coupes aveugles dans les APL et la ponction opérée sur les budgets de HLM risquent de compromettre la réussite du chantier du ''logement d’abord'' ». La fondation critique aussi le dispositif de « bail mobilité »  prévu par l’avant projet de loi sur le logement. « Une entaille dans le droit commun qui risque de précariser les locataires »  face à certains propriétaires qui pourraient alors leur proposer une « période d’essai locative »  en lieu et place d’un bail classique. La fondation Abbé-Pierre lance aussi des piques au gouvernement en raison de sa « position timorée »  sur l’encadrement ses loyers.
La fondation ne croit donc pas que le « choc de l’offre »  pourra suffire à endiguer la crise. « La construction de logements ne suffit pas si elle n’est pas localisée aux bons endroits et si les prix de sortie ne sont pas accessibles aux ménages », souligne-t-elle, appelant à mener en parallèle « une politique de maîtrise des prix de terrains et de la construction neuve ».
La fondation critique enfin « les chocs fiscaux à répétition qui créent de la complexité et des effets d’aubaine au profit des propriétaires fonciers », ainsi que la suppression de la taxe d’habitation qui « ne bénéficiera peu aux plus pauvres », déjà exonérés pour la plupart.
« Tout se passe comme si l’attention des responsables politiques était obnubilée par la rigueur budgétaire et la libération des initiatives et comme s'ils accordaient à la protection des ménages fragiles un rôle mineur d’accompagnement dans le meilleur des cas, voire contre-productif dans le pire », estime la fondation Abbé-Pierre. « Il est encore temps, en ce début de quinquennat, de redresser le tir », ajoute-t-elle.
C.N.

Télécharger le 23e rapport de la fondation Abbé-Pierre.

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2