Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 19 juillet 2006
Sécurité

Emeutes de banlieue : la police mise en cause dans l'affaire de Clichy

La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), saisie par Claude Evin, a estimé que les conditions de l'interrogatoire de police du mineur ayant survécu à l'électrocution de Clichy-sous-Bois, en octobre 2005, constituaient un « manquement à la déontologie ». « Le fait que M.A. (Muhittin Altun, aujourd'hui majeur, NDLR) ait été interrogé pendant une heure et demi, alors qu'il était grièvement blessé, en état de détresse psychologique et morale évidente et sans l'assistance de ses parents, par des fonctionnaires munis d'un document comportant des données erronées, constitue un manquement à la déontologie », selon l'avis de la CNDS rendu public mardi par Claude Evin, député et ancien ministre. Muhittin Altun, âgé alors de 17 ans, seul survivant du drame de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), a été auditionné le 28 octobre 2005 à l'hôpital Beaujon (Hauts-de-Seine), où il était entré la veille après avoir été grièvement brûlé dans un transformateur EDF. Le jeune homme s'était caché dans le site EDF pour échapper à la police, avec deux de ses camarades qui, eux, sont morts électrocutés. L'accident avait été l'élément déclencheur des émeutes de banlieue en novembre. Sur la base de l'avis de la CNDS (autorité indépendante), transmis au ministère de l'Intérieur, les avocats de la famille, Jean-Pierre Mignard et Emmanuel Tordjman, « vont demander au procureur de la République de Nanterre d'ouvrir une information judiciaire pour mise en danger délibérée de la vie d'autrui et faux », a déclaré Me Mignard. L'audition du mineur s'est déroulée « sans avis préalable aux parents », alors que le procès-verbal « indique précisément sa minorité », écrit la Commission. Elle « relève » également des «erreurs et des incohérences dont elle ne s'explique pas la raison, si ce n'est la précipitation à questionne r» Muhittin Altun. « Muhittin Altun a subi un véritable interrogatoire en tant que suspect, alors qu'il n'était que témoin et victime », a dénoncé Claude Evin. « Bien que le jeune ait été brûlé sur une surface de 10 à 15% de son corps, les médecins ont autorisé son interrogatoire... On peut se demander si les policiers n'ont pas fait pression sur le corps médical », a ajouté l'ex-ministre. Le 29 octobre, Muhittin Altun a été transféré à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, où « le vice-procureur de Bobigny n'a pas autorisé l'Inspection générale des services (IGS) à interroger le mineur en raison de son état de santé », souligne la Commission. Les avocats accusent par ailleurs la police d'avoir usé d'un « faux ». « L'interrogatoire a été fait dans le cadre d'une enquête de flagrant délit. Pourtant, le procureur venait d'ordonner une enquête sur la recherche des causes de la mort... Pourquoi les policiers ne se sont-ils pas présentés dans le cadre de cette procédure? », s'interroge l'avocat, selon lequel le flagrant délit pourrait avoir été « inventé, pour aller vite ». Les avocats ont également déposé une requête auprès du Premier ministre pour « faute administrative » lors de l'opération de police qui a entraîné l'accident. « Le Premier ministre a jusqu'au 6 août pour nous répondre. Faute de réponse, nous saisirons le tribunal administratif sur la responsabilité de l'État », a conclu Me Mignard. Le syndicat de police Alliance a jugé « choquant » l'avis de la CNDS pour qui le Code de procédure a été suivi. Unsa Police a jugé, de son côté, que la CNDS « se plaçait au-dessus des lois ». Pour sa part, la Direction générale de la police nationale a affirmé qu''il n'y avait pas eu de manquement à la déontologie, dans le travail des officiers de police judiciaire (OPJ) à l'occasion de l'audition du jeune homme ».c=ht

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