Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 28 février 2019
Polices municipales

Caméras mobiles pour les policiers municipaux : le décret est paru

Quatre mois après avoir été validé par le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen), le décret relatif au traitement des données provenant des caméras individuelles des agents de police municipale est enfin paru ce matin au Journal officiel, ce qui permet de combler un certain vide juridique.
En effet, si la loi du 3 août 2018 avait autorisé à nouveau l’usage de ces caméras mobiles par les policiers municipaux, leur utilisation dans un cadre parfaitement légal restait suspendue à la parution d’un décret d’application.

Une loi et un décret
Rappelons que l’utilisation des caméras mobiles par les agents de police municipale avait fait l’objet d’une expérimentation entre 2016 et 2018. À la fin de celle-ci, faute d’une loi pérennisant le dispositif, les caméras avaient été interdites par le gouvernement (lire Maire info du 5 juin 2018), avant qu’une loi soit finalement adoptée et promulguée en août. Elle autorise les policiers municipaux à porter des caméras ayant pour finalité « la prévention des incidents au cours des interventions des agents de police municipale, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ainsi que la formation et la pédagogie des agents ». Il est précisé dans la loi que les caméras doivent être visibles, qu’un signal visuel doit indiquer que la caméra enregistre, que les agents ne peuvent avoir accès aux enregistrements auxquels ils ont procédé et que ceux-ci doivent être effacés au bout de six mois. L’utilisation de ces caméras est strictement volontaire et procède d’un choix du maire ou, dans le cadre d’une police intercommunale, de « l’ensemble des maires des communes »  concernées.
Le décret paru ce matin précise les pièces qui doivent être fournies par le ou les maires pour obtenir un agrément du préfet (convention, dossier technique, etc.) ; les catégories de données enregistrables (images, sons, horodatage, identification de l’agent, etc.) ; les personnes habilitées à avoir accès aux données (responsable de la police municipale et agents spécialement désignés, officiers et agents de police judiciaire, maire et président de l’EPCI, agents chargés de la formation). Le décret liste enfin les procédures relatives au droit d’information et d’opposition du public.
Lorsqu’une commune (ou un EPCI) met en place un tel système, elle doit obligatoirement en informer le public sur son site internet ou par voie d’affichage en mairie.

L’avis du Cnen
Consulté en octobre 2018, le Conseil national d’évaluation des normes avait validé le projet de décret, partageant la philosophie générale du dispositif et insistant sur son caractère facultatif. Les élus du Cnen ont rappelé que le dispositif pourrait coûter environ 15 millions d’euros aux collectivités volontaires, en partie finançables à travers le FIPD (fonds interministériel de prévention de la délinquance). Mais ils avaient, en revanche, regretté d’avoir été consultés avant que la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) ait rendu son avis sur le projet de décret, estimant que ce calendrier ne leur permettait pas de se prononcer « en toute connaissance de cause », « notamment au regard de la responsabilité des collectivités quant à la conservation sécurisée des données ». Les représentants des élus au Cnen ont aussi rappelé, lors de cette séance, qu’ils souhaitaient, tout comme la Cnil du reste, qu’un débat ait lieu au Parlement sur le cadre juridique des nouveaux procédés de vidéoprotection, suivi, reconnaissance biométrique, etc., afin de mettre en œuvre une « clarification des normes applicables ».

Quelques réserves de la Cnil
La Cnil, enfin, a rendu un avis globalement favorable sur ce projet de décret le 13 décembre. Cet avis, publié également ce matin au Journal officiel, contient néanmoins certaines réserves. Elle se félicite, certes, que les nouveaux textes – contrairement à ceux qui encadraient l’expérimentation de 2016 – mettent en avant « la prévention des incidents »  et « la formation et la pédagogie ». Ces textes « ne limitent plus la finalité »  des caméras au constat des infractions et à la poursuite de leurs auteurs : les enregistrements pourront être utilisés « dans le cadre de procédures administratives ou disciplinaires ».
En revanche, les règles n’ont pas changé depuis 2016 sur la nature des données traitées, et c’est sur ce point que la Commission se montre plus réservée. En particulier sur le fait que la loi autorise des enregistrements « en tous lieux »  – ce qui veut dire, en particulier, « dans le domicile des particuliers ». La Commission se montre peu enthousiaste sur ce point, estimant qu’il serait « indispensable (que soit) établie une doctrine d’emploi qui définirait des critères objectifs commandant l’utilisation des dispositifs ». Les agents seraient ainsi mieux informés et « guidés », afin « d’éviter certaines pratiques susceptibles de conduire à une collecte disproportionnée de données à caractère personnel ».
Malgré cet avis de la Cnil, le gouvernement n’a pas choisi de modifier le décret. Reste à savoir si les services du ministère de l’Intérieur vont, ou non, produire dans les semaines ou les mois à venir la « doctrine d’emploi »  réclamée par la Cnil.
F.L.
Télécharger le décret.
Télécharger l’avis de la Cnil.


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