Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 21 octobre 2014
Parité

Un nouveau concept : « l'éga-conditionnalité »

Le rapport Pour l’égalité femmes-hommes et contre les stéréotypes de sexe, conditionner les financements publics a été remis hier à Marisol Touraine et Pascale Boistard, chargées au gouvernement de la question du Droit des femmes. Ce rapport avait été commandé au Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH) le 7 février 2013 par Najat Vallaud-Belkacem. « Vous le savez, écrivait celle qui était alors ministre des Droits des femmes, les stéréotypes de genre constituent, parce qu’ils penchent par trop systématiquement en défaveur des femmes, un obstacle à l’égalité. »  La ministre demandait donc au HCEFH de mener un travail d’analyse pour « illustrer les effets des stéréotypes »  et faire des préconisations pour les faire reculer notamment dans le champ de la communication institutionnelle.
Que sont les « stéréotypes de sexe » ? Réponse du HCEFH : « Des représentations schématiques et globalisantes sur ce que sont et ne sont pas les filles et les garçons, les femmes et les hommes ». Ils conduisent à « légitimer a posteriori les inégalités »  même s’ils n’en sont pas à l’origine. Le Haut conseil cherche des pistes pour lutter contre ces stéréotypes et surtout pour encourager à cette lutte les plus grands vecteurs d’informations : les médias, le système éducatif et la communication institutionnelle – y compris celle des collectivités locales.
La démarche proposée est désignée par un néologisme qu’on devrait voir apparaître de plus en plus souvent, « l’éga-conditionnalité » : il s’agirait de rendre les aides publiques conditionnelles à la politique de lutte contre les inégalités. C’est le même type de politique que « l’éco-conditionnalité »  par exemple, qui permet de ne financer que des projets exemplaires en termes de développement durable. Comme l’écrit tout simplement le rapport, « l’argent public ne doit pas servir à alimenter des représentations stéréotypées ».
Cette politique concerne les collectivités au premier chef. Le rapport donne l’exemple d’une « ville de Haute-Garonne », où les pratiques en matière de subventions sportives est particulièrement inégalitaire : « Les hommes représentent 60% des licencié-e-s de clubs sportifs, ils bénéficient de 73% des subventions de la municipalité, qui leur accorde 22,7 euros chacun de subvention, contre 12,8 euros par femme, soit un écart de 10 euros. » 
En règle générale, la politique prônée consiste à proposer aux collectivités, entre autres, de conditionner leurs subventions en fonction de la politique volontariste, ou non, du demandeur, en matière d’égalité et de lutte contre les stéréotypes. Et ce à tous les niveaux : depuis la présence ou non de femmes dans les instances dirigeantes, jusqu’aux outils de communication – savoir par exemple si les demandeurs prennent la peine de féminiser leur vocabulaire afin de lutter contre ce que Yvette Roudy, première ministre du Droit des femmes en 1981, appelait en son temps « l’invisibilité linguistique des femmes ».
Le rapport préconise, à l'échelle des collectivités, de nommer et former des référents au sein des directions financières, de réaliser un « panorama des financements en présence »  et de les « catégoriser ». Une présentation du travail réalisé dans tous les conseils municipaux de plus de 30 000 habitants pourrait être faite, en lien avec l'AMF, « avant la fin de l'année 2017 ».
Le rapport demande évidemment aussi que, au-delà des questions de financement, l’État et les collectivités territoriales s’engagent « à respecter des critères d’une communication dépourvue de stéréotypes de sexe, et en particulier, à faire du respect de cette démarche une condition d’accès aux marchés publics de communication. »  Rappelons à ce sujet que la loi du 4 août dernier pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes prévoit, dans son article 16, d'interdire d'accès aux contrats publics les personnes qui, au 31 décembre de l'année précédant celle du lancement de la consultation, n'auraient pas respecté leurs obligations légales en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, ou n'auraient pas régularisé leur situation à la date où elles soumissionnent.
À l’heure où il aura fallu, il y a une quinzaine de jours, engager des sanctions financières contre un député qui refusait obstinément d’appeler « madame la présidente »  la présidente de séance à l’Assemblée, et s’acharnait à lui donner du « madame le président », il est certain que ce combat est loin, bien loin d’être gagné.
F.L.

Télécharger le rapport du HCEFH.

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