Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 3 février 2017
Parité

Les EPCI, « zones de non-droit de la parité »

Le HCE (Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes) a rendu hier à la ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, un rapport sur « l’état des lieux de la parité aux niveaux communal, intercommunal, départemental et régional ». Ses conclusions ne sont pas surprenantes : seule la contrainte légale permet le développement de la parité réelle. Avec une contrepartie logique : là où la contrainte n’existe pas, la parité non plus.
Les chiffres les plus démonstratifs de cette étude sont tout simples : ils comparent le taux de femmes élues conseillères départementales en 2015, et le taux de femmes présidentes de conseils départementaux. Comme la stricte parité est obligatoire lors du scrutin pour l’élection des conseillers, la parité est parfaite : il y a exactement autant d’hommes que de femmes conseillers départementaux. Lorsque l’on considère les présidents de département, en revanche – pour l’élection desquels il n’est par nature pas possible d’imposer une règle de parité – on en revient aux vieilles habitudes : 90,1 % sont des hommes. Même constat pour les conseils régionaux : parité pour les conseillers, prédominance masculine écrasante pour les présidents (83,3 % d’hommes) et les premiers vice-présidents (72,2 %).
Dans les communes, la situation est là encore clairement très différente entre celles où il existe une contrainte légale pour une parité sur la liste (communes de plus de 1000 habitants) et celles où la contrainte n’existe pas : dans ces dernières, il y a encore 65,1 % d’hommes parmi les conseillers municipaux. Toutes tailles de communes confondues, 84 % des maires sont des hommes.
Conclusion du HCE : les lois sur la parité ont permis d’aboutir à un « partage des places », mais pas à un « partage du pouvoir » : les femmes restent bien souvent « exclues des fonctions exécutives ».
Le rapport souligne également que la répartition des délégations, au sein des assemblées de toute échelle – conseils municipaux, départementaux ou régionaux – reste très stéréotypée : les femmes héritent de la famille, de la jeunesse, de la petite enfance, éventuellement de la culture. Le développement économique et les finances restent très majoritairement des responsabilités dévolues aux hommes.
Le rapport fait un focus précis sur la situation des EPCI, que le HCE qualifie sans prendre de gants de « zone de non-droit de la parité ». Comme dans les autres assemblées, les hommes trustent les postes exécutifs à une écrasante majorité (92,3 % des EPCI sont présidés par des hommes). Mais même les conseils communautaires eux-mêmes ne sont pas paritaires. Et cela ne va pas s’arranger, note le HQE : « Les fusions d’intercommunalités induites par la loi Notre risquent de conduire à un recul de la parité et à une recomposition masculine d’un grand nombre de conseils communautaires et de leurs exécutifs. En effet, la loi Notre va induire une nouvelle répartition des sièges entre les communes au sein des conseils communautaires, et de nouvelles nominations, en dehors de toute contrainte paritaire. » 
Le HCE formule un certain nombre de recommandations pour passer « du partage des places au partage du pouvoir ». Notamment, pour résoudre le problème de la nomination d’un président unique, interdisant toute contrainte paritaire, le conseil suggère que soit placé à la tête des exécutifs « un tandem paritaire ». Ce tandem serait constitué du ou de la maire ou du ou de la président(e) et d’un ou une adjoint(e) de l’autre sexe.
Les auteurs du rapport demandent aussi qu’une réflexion soit menée pour définir des règles qui garantissent la parité dans les conseils communautaires, ce qui semble, de loin, le plus compliqué au vu du mode de désignation des conseillers. Ces réflexions devraient être menées d’ici aux élections de 2020 et d’ici là, propose le HCE, il conviendrait de veiller à remplacer tout conseiller communautaire empêché par un conseiller « du sexe le moins représenté ».
Pour l’élection de 2020, le HCE propose deux pistes de réflexion. La première est d’élire les conseillers communautaires au suffrage universel direct, avec obligation de parité. On sait que ce mode de suffrage n’a pas la faveur de l’AMF, qui vient encore de s’exprimer sur ce sujet dans le Manifeste à l’attention des candidats à la présidentielle qu’elle a publié cette semaine (lire Maire info du 1er février). Pour l'AMF, « l’élection au suffrage universel des conseillers communautaires
par fléchage communal doit être conservée afin d’assurer la juste représentation des populations et la légitime représentation de chaque commune » .
La deuxième piste s’appuie sur un dispositif assez complexe. Premier cas, le plus simple : quand une commune doit désigner un nombre pair de conseillers, le HQE propose d’imposer qu’il y ait autant de femmes que d’hommes. Mais les choses se compliquent quand le nombre de conseillers à désigner est impair. Dans ce cas, le conseil propose que les communes se mettent d’accord, à l’échelle de l’EPCI, pour que le nombre global de conseillers soit, au total, paritaire. Si les communes n’arrivent pas à un consensus garantissant la parité, il est proposé que le préfet organise un tirage au sort afin de déterminer le sexe du dernier conseiller. Les règles de probabilité garantissent en effet que, si un tirage au sort est effectué, sur toutes les collectivités disposant d’un nombre impair de délégués communautaires, une stricte parité sera assurée.
Ce dispositif paraît à première vue très compliqué, mais le HCE rappelle qu’il est déjà en vigueur dans certaines instances comme les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, et fonctionne de façon satisfaisante.
F.L.
Télécharger le rapport.


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