Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 16 février 2024
Numérique

Inclusion numérique, cybersécurité, déploiement de la fibre : les élus sur tous les fronts en 2024

Mercredi dernier, la Commission numérique de l'AMF s'est réunie pour faire le point sur plusieurs sujets d'actualité notamment la cybersécurité, le déploiement de la fibre mais aussi l'avenir des conseillers numériques. Les retours du terrain sur ces politiques permettent de pointer, bien souvent, un décalage entre la théorie et la pratique.

Par Lucile Bonnin

Co-présidée par Patrick Molinoz, maire de Venarey-les-Laumes (Côte-d'Or), et Michel Sauvade, maire de Marsac-en-Livradois (Puy-de-Dôme), la Commission numérique de l’AMF s’est réunie mercredi matin afin de faire un point d’actualité sur les grandes échéances à venir dans le calendrier des maires de France. 

L'année 2024 va être marquée par l'accélération de la fermeture des réseaux cuivre dans de nombreuses communes, par le déploiement de la feuille de route France Numérique Ensemble, ou encore par la transposition d’une nouvelle directive européenne sur la cybersécurité qui concernera les collectivités. Un programme chargé, pour lequel les maires ont pointé quelques inquiétudes et interrogations. 

Feuilles de route territoriales 

En septembre dernier, la feuille de route France Numérique Ensemble élaborée dans le cadre du Conseil national de la refondation numérique a été publiée. Concrètement, quatre grands objectifs ont été fixés à l’échéance 2027 : accompagner huit millions de personnes éloignées du numérique ; former 20 000 aidants numériques ; rendre 2 millions d’ordinateurs reconditionnés accessibles aux ménages modestes et créer 25 000 lieux de médiation numérique (lire Maire info du 13 septembre). 

La déclinaison territoriale de cette feuille de route a été détaillée dans une circulaire ministérielle datée du 28 juillet 2023 qui indique que les collectivités locales ou leurs groupements doivent « présenter aux préfets de région/département leur volonté de porter ou de continuer à porter une gouvernance locale pour l’inclusion numérique à l’échelle qu’ils jugeront la plus pertinente et définir et mettre en œuvre leur feuille de route associant l’ensemble des acteurs de leur territoire ».

Ainsi, depuis janvier 2024, 76 départements sont engagés dans le processus avec au moins une collectivité co-porteuse identifiée, 15 départements dont les discussions sont en cours et 10 départements sans collectivité co-porteuse. 

Sur ce sujet, l’AMF estime que le calendrier proposé par le gouvernement est « trop serré », notamment parce que l’élaboration des feuilles de route départementales est attendue pour le 30 juin 2024. Les retours du terrain sont hétérogènes : certains vont pouvoir sans problème rendre leur copie en juin mais d’autres auront plus de difficultés. Plusieurs élus ont regretté la mauvaise articulation au sein des différents services de l’État, qui ne facilite pas la tâche : « Là où le bât blesse, c’est qu’il n’y a pas d’échange entre l’ANCT et les préfets », a indiqué Noël Pereira Da Cunha, maire de Pierrefitte-Nestalas (Hautes-Pyrénées). Kevin Guellaff, chef de projet départemental des Vosges, constate au contraire que « ça ne se passe pas trop mal »  grâce à une « bonne articulation à l’échelon communal et intercommunal ». 

Autre sujet épineux qui a été mis sur la table : « Lors du comité de suivi national, les associations d’élus ont aussi fait part de leur retour sur le manque de compréhension entre la gouvernance départementale et le recrutement des coordinateurs des conseillers numériques » , a indiqué Patrick Molinoz à ses collègues élus. Pour le moment, selon les chiffres du gouvernement,  environ 100 postes de coordinateurs ont été attribués.

Cybersécurité

Entre janvier 2022 et juin 2023, l'Agence de sécurité des systèmes d'information (Anssi) a enregistré et traité 187 cyberattaques visant les collectivités territoriales. Depuis plusieurs années, toutes les collectivités, même les petites communes plus vulnérables, sont particulièrement touchées par des cyberattaques. « Une collectivité sur 10 déclare avoir déjà été victime d’une ou plusieurs attaques au cours des 12 derniers mois, notamment d’hameçonnage à 46 % », selon Cybermalveillance.gouv.fr.

C’est dans ce contexte que la directive du 14 décembre 2022 dite « NIS 2 » « concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union, doit être transposée en France avant le 17 octobre 2024 », comme le rappelle Patrick Molinoz. 

Ainsi, certaines mesures seront applicables aux collectivités. Mais pour le moment, les informations sur le cadrage, afin de « voir ce que ce nouveau référentiel impose comme nouvelles pratiques »  et surtout de « connaître le périmètre d’application », ne sont pas encore fixées. L'AMF est en lien avec l'Anssi pour définir le type de collectivités qui seront visées par la directive.  

Le but est de trouver un équilibre entre « deux injonctions contradictoires »  soulignées par Patrick Molinoz :  suivre l'ambition légitime d'une meilleure cybersécurité des communes mais prendre en compte les moyens financiers et humains disponibles pour le faire. Comme l’ont souligné plusieurs élus, la maturité numérique au sein des équipes est inégale d’une commune à l’autre et les recrutements sont particulièrement difficiles dans un contexte de crise de la filière. Tous ces paramètres seront à prendre en compte lorsqu’une première étude d’impact sera communiqué par l’Anssi. 

Du cuivre à la fibre 

Autre sujet incontournable de ce siècle pour les élus du numérique : la transition du cuivre vers la fibre. De ce côté, Michel Sauvade a rappelé que le 10 janvier dernier la fermeture commerciale du lot 3 a débuté. Ce dernier compte 2 145 communes et 2,5 millions de locaux et concerne 92 départements. « On est désormais dans la phase active de ce plan de fermeture du réseau cuivre », résume le co-président. 

Les associations d’élus demandent depuis plus d’un an la mise en place d’une instance tripartite neutre, État, associations de collectivités locales et opérateurs pour accompagner les usagers et les élus dans cette bascule du cuivre vers la fibre (site internet, numéro vert…). « Ce système n’a pas été réalisé », regrette Michel Sauvade qui déplore par conséquent que la question de la communication aux administrés « reste entière ». Il alerte : « le maire n’a pas à prendre à sa charge la communication des opérateurs ». 

En effet, les particuliers ne vont pas tous migrer vers la fibre de manière spontanée et le risque de déconnexion, notamment pour les personnes âgées, inquiète les élus. Christian Quatre, maire de Léojac-Bellegarde (Tarn-et-Garonne), regrette le peu de temps laissé aux élus par l’opérateur Orange pour obtenir des informations sur les clients qui ont migré ou pas au sein de la commune. « Ces informations ne seront délivrées que 3 mois avant la fermeture définitive en janvier 2026 », explique le maire. « Cela laisse peu de temps pour savoir quoi faire pour ces clients qui n’ont pas migré… »  Pour lui, « il y a un manque de coordination de l’information »  qui laisse le maire seul face aux interrogations des administrés. 

Effectivement, « la mairie risque de faire pompier au dernier moment », comme le remarque Michel Sauvade qui rappelle enfin que le ralentissement des déploiements de la fibre dans les grandes villes (zone très dense) et les zones AMII (zone moyennement dense – 3 000 communes) inquiète de plus en plus à mesure que le temps passe et amplifie l’agacement de certains citoyens pas encore fibrés. La question des raccordements complexes dans les zones rurales devra aussi être suivie de près. Sur ce point, « la Caisse des Dépôts et les opérateurs vont apporter une solution mutualisée pour assurer le portage financier des investissements nécessaires aux raccordements les plus complexes (absence de génie civil, fourreau bouché…). Le dispositif devrait être opérationnel au début de l’année 2024 ».
 

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