Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 4 septembre 2018
Mobilité durable

Projet de loi d'orientation des mobilités : une petite révolution pour les territoires ruraux

On dispose enfin d’un texte pour la future loi d’orientation des mobilités (LOM) : c’est celui qui a été envoyé fin août par le gouvernement au Conseil d’État. Ce texte, riche d’une trentaine d’articles, se veut aussi ambitieux que la Loti (Loi d’orientation des transports intérieurs) de 1982 et touche à de nombreux domaines : organisation territoriale des transports, partage des données, mobilités « actives ». Le texte présenté ici pourra certes être amendé par le Conseil d'État, mais il permet d'en savoir plus sur les intentions du gouvernement. 
Maire info aura l’occasion de revenir dans de prochaines éditions sur les différents chapitres du projet de loi, mais le plus spectaculaire est indiscutablement celui qui, conformément à la promesse de la ministre des Transports Élisabeth Borne, vise à résorber les « zones blanches de la mobilité »  en créant des autorités organisatrices dans les communautés de communes.
Qu’on se le dise : la notion de « transports »  et surtout celle de « transports en commun »  n’a plus la cote. Place aujourd’hui à la « mobilité » : il est aujourd’hui admis qu’il n’est pas cohérent d’opposer les transports individuels et les transports collectifs. Ces deux notions sont donc englobées dans celle, plus générale, de « mobilité », qui peut, selon les cas et les situations, prendre un caractère individuel ou collectif. Le projet de loi commence donc en proposant de remplacer dans tous les textes de loi le mot « transports »  par celui de « mobilité ».
Alors que, jusqu’à présent, la notion « d’autorité organisatrice des transports »  était réservée (outre l’État, les régions et les départements) aux agglomérations (ce que l’on appelait naguère les périmètres de transport urbain ou PTU), le projet de loi LOM donne une compétence « d’autorité organisatrice de la mobilité »  (AOM) à tous les niveaux d’EPCI, y compris les communautés de communes « après transfert par les communes membres ».
Les communes membres d’une communauté de communes auraient jusqu’au 31 décembre 2020 pour transférer à l’intercommunalité leur compétence d’organisation de la mobilité. Faute de quoi, la région pourrait alors prendre la main et devenir autorité organisatrice de la mobilité sur le territoire de la communauté de communes. Cette situation pourrait être inversée, avec un nouveau transfert cette fois de la région vers la communauté de communes, en cas de modification du périmètre de l’EPCI ou de création d’un syndicat mixte à l’échelle de la communauté de communes. Dans ce cas, la région transférerait à l’EPCI « les charges et bien nécessaires à l’exercice de cette compétence ».
Les communautés de communes ayant pris la compétence d’organisation de la mobilité pourraient donc gérer, sur leur territoire : les services réguliers de transport public et de transport scolaire, les services de transport à la demande, les mobilités actives (piétons et vélos) et l’autopartage. Elles devraient également mettre en œuvre des « plans de mobilité », sans seuils de population pour les instaurer, lesquels remplaceront là où ils existent les anciens plans de déplacements urbains (PDU). Dans les cas où ce sont les régions qui exerceraient la compétence à la place des communautés de communes, elles devraient élaborer des plans de mobilité « au maximum à l’échelle d’un bassin de mobilité ».
La loi prévoirait également que les régions puissent déléguer « un ou plusieurs services de mobilité »  à des collectivités ou EPCI d’échelle infrarégionale, « à la demande d’une ou plusieurs AOM constatant un besoin de mobilité dépassant leur ressort territorial respectif et non satisfait ».

Le versement transport nouveau
Dans les agglomérations, le financement du transport collectif est en grande partie assuré, depuis les années 1970, par le versement transport, une taxe à laquelle sont assujetties les entreprises de plus de 10 salariés. La LOM prévoit de transformer le versement transport en « versement mobilité ». La loi prévoit déjà que ce versement peut être institué dans le ressort de tout EPCI compétent pour l’organisation de la mobilité : les communautés de communes gagnant, via la LOM, cette compétence, la collecte d’un versement mobilité y serait donc possible.
Plusieurs questions se posent néanmoins : la loi fixe actuellement un seuil de 10 000 habitants dans une commune ou un EPCI pour pouvoir instaurer le versement transport. Dans sa version actuelle, le projet de loi LOM ne prévoit pas de changement. Se posera alors la question des quelque 200 communautés de communes, regroupant près de 4 000 communes, qui n’atteignent pas ce seuil. Par ailleurs, la densité d’entreprises étant mécaniquement beaucoup plus faible dans les communautés de communes que dans les agglomérations, on peut se demander si le rendement de ce futur versement mobilité sera suffisant pour financer l’organisation de la mobilité. D’autant plus que le projet de loi permet la possibilité d’un versement réduit à zéro pour certains employeurs, « selon un critère de fragilité économique ».
Toutes ces questions feront certainement l’objet d’âpres discussions au Parlement – probablement pas avant 2019, vu le calendrier parlementaire surchargé d’ici là. Il sera intéressant, en attendant, de lire l’avis que le Conseil d’État rendra sur ce texte et, plus encore, l’étude d’impact que le gouvernement devrait fournir sur ce projet de loi fondamental.
Franck Lemarc
Télécharger le texte soumis au Conseil d’État.


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