Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 21 mai 2015
Interview

Dominique Bussereau : « Plus les régions sont grandes, plus on a besoin des départements »

Maire-Info
© Mélanie Chaigneau
Dominique Bussereau, député et président du conseil départemental de Charente-Maritime, vient d’être élu président de l’Assemblée des départements de France (lire Maire info du 18 mai). Il donne à Maire info, ce matin, les grandes orientations de son mandat et sa vision des coopérations qui peuvent se dessiner entre départements, communes et intercommunalités.

Dès votre prise de fonctions en tant que président de l’ADF, vous avez déclaré que vous souhaitiez travailler « de façon plus transversale »  avec les autres associations d’élus, notamment l’AMF et l’ARF. Pourquoi ?
Si l’on veut promouvoir l’esprit de décentralisation dans ce pays, il ne faut pas que les grandes associations d’élus se tirent dans les pattes au nom de la défense de leurs paroissiens. J’ai l’habitude, en tant que député et en tant que président de département, de travailler avec mon association départementale des maires. J’ai bien l’intention de faire de même au niveau national avec l’AMF – d’autant que j’ai des relations très anciennes et très amicales avec son président, François Baroin, tout comme j’ai d’excellentes relations avec Alain Rousset, le président de l’ARF.
Il y a une complémentarité entre toutes les collectivités. Il faut travailler ensemble et ne pas chercher à tirer la couverture de son côté. Regardez la baisse des dotations : elle est pour tout le monde – département, communes, intercommunalités. Le problème du financement des prestations sociales, qui est posé aux départements, se répercute sur les communes, puisque les personnes qui en sont allocataires y habitent et ont besoin d’elles. De même, les grands programmes d’aménagement, sur le numérique par exemple, ne peuvent se faire qu’en coopération avec les communes et les intercommunalités.

Dans son discours de Carcassonne, lundi dernier, le président de la République a décrit le rôle du département comme celui de « coordonnateur entre les différents niveaux de collectivités ». Qu’en pensez-vous ?
Vis-à-vis des communes par exemple, j’ai l’habitude de dire que le département est le banquier de celles qui n’en ont pas. Il n’y a pas de projet, dans les collectivités les plus modestes, qui puisse se faire sans l’aide du département. Alors, « coordonnateur », en charge d’une certaine forme de péréquation territoriale entre des espaces plus ou moins riches, oui, pourquoi pas, cela me va bien.

Dans le cadre de la réforme territoriale en cours, il a été dit que les départements allaient disparaître sous leur forme actuelle. Que pensez-vous de l’évolution de la situation ?
Le projet de faire disparaître les départements était, pour moi, une faute politique. Ceux qui le portaient ont d’ailleurs été lourdement sanctionnés aux élections.
Mais les départements se sont très bien tirés de la première lecture du projet de loi Notre au Parlement : beaucoup de choses que le gouvernement voulait, à tort, leur enlever, ont été maintenues. En ce qui me concerne, j’ai bien l’intention de continuer à me battre, en deuxième lecture, sur un certain nombre de dossiers. Par exemple, le gouvernement s’obstine à vouloir séparer le transport scolaire, qui irait aux régions, et le transport des enfants handicapés, qui resterait aux départements. C’est absurde, et même discriminatoire. Il faudra se battre aussi sur la question des ports, qui ne peuvent à mon sens être gérés qu’au plus près, par les départements, et non par d’immenses régions.

Le gouvernement parlait, à un moment, de remplacer les conseils départementaux par des fédérations d’intercommunalités. Il n’y a pas, selon vous, de concurrence entre départements et grandes intercos ?
Non. Dans mon département, il y a au contraire un partenariat, qui fonctionne très bien, qui est même indispensable lorsque l’on est sur des projets d’aménagement importants. Sans cofinancement et travail en commun, les projets ne se font pas. D’ailleurs, on le voit dans certains départements où la collaboration ne fonctionne pas, il n’y a pas de projets.

Parmi les dossiers importants qui sont sur le bureau des départements, il y a la nécessité d’achever la couverture de toutes les zones rurales en téléphonie mobile. Beaucoup de bonnes intentions ont été exprimées ces derniers temps…
On verra. C’est un problème majeur qui pose un certain nombre de problèmes économiques graves – installation d’entreprises, présence de médecins… Les opérateurs doivent faire leur travail. Alors oui, il y a beaucoup de discours, mais jusqu’à présent il y a eu assez peu de réalisations.

Vous êtes vice-président du Gart et ancien ministre des Transports. Indépendamment de la question du transport scolaire que vous évoquiez, quels sont les dossiers transport les plus importants en ce début de mandat ?
La mise en place du covoiturage. Dans mon département, nous créons une centaine d’aires de covoiturage, qui se font sur des terrains le plus souvent mis à disposition par les communes – coopération, là encore.
Par ailleurs il va y avoir beaucoup de travail avec l’ouverture à la concurrence des autocars permise par le projet de loi Macron – et à laquelle je suis depuis très longtemps favorable. Sur ce sujet, il va y avoir un vrai défi à relever, ensemble, entre communes, intercommunalités, départements et régions : c’est celui des gares intermodales, qui sont souvent financées par tous ces niveaux de collectivités. Nous avons en France très peu de gares routières, celles qui existent sont déshumanisées. Il va falloir avoir une vraie politique à ce sujet.

En conclusion, quel sera pour vous la place et le rôle des départements dans les futures super-régions ?
Cette réforme va conforter le rôle des départements. Si l’on était resté dans un modèle avec de petites régions, alors des concurrences auraient pu exister. La future région où s’intégrera mon département, Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, aura la taille de l’Autriche et la population du Danemark. Pensez-vous que l’on va gérer tous les arrêts de bus de ce territoire depuis Bordeaux ? Bien sûr que non. Plus les régions sont grandes, plus on a besoin des départements. Les régions XXL, à mon sens, redonnent une activité aux départements.
Propos recueillis par Franck Lemarc

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