Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 22 décembre 2015
Interview

« Le rôle de l'Arafer est aussi de protéger le service public »

Maire-Info
© F.L.
Depuis la loi Macron, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf) a vu ses compétences étendues aux activités routières, et est devenue l’Arafer. Lorsque sont créés des lignes d’autocars privées pour des liaisons de moins de 100 km, c’est elle qui peut être saisie par les autorités organisatrices et qui peut, ou non, décider de limiter ou d’interdire un service privé si elle estime qu’il porterait atteinte au service public. Anne Yvrande-Billon, vice-présidente de l’Arafer, explique à Maire info les règles de cette régulation.

L’Arafer (Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières) a aujourd’hui pour rôle, notamment, de s’assurer que les nouvelles liaisons par autocar ne représentent pas une concurrence dangereuse pour le transport public. Sur quel critère se fera cette appréciation ?
L’analyse se fera en plusieurs étapes. Lorsqu’une liaison de moins de 100 km est déclarée et fait l’objet d’une saisine par une autorité organisatrice, la première étape sera de regarder si des services conventionnés existent sur cette liaison. Dans ce cas, il faudra analyser dans quelle mesure il pourrait y avoir transfert de voyageurs d’un mode à l’autre. Pour ce faire, dans un premier temps, nous allons prendre en compte un taux de report du transport conventionné vers le transport libéralisé de 60 à 90 %. Partant de là, on essayera de chiffrer l’impact financier de ce report en multipliant ce nombre de voyageurs par le prix moyen d’un service conventionné. Cela nous donnera une appréciation de la recette commerciale perdue par le transport conventionné. Il faudra donc analyser s’il y a un impact financier et s’il est substantiel. L’analyse se fera au cas par cas, en fonction d’aspects qualitatifs – qu’est-ce qu’apporte le service librement organisé ? – et en termes financiers.

La notion « d’impact substantiel »  n’est-elle pas un peu subjective ? Sur quoi va-t-elle se fonder ?
D’abord sur le résultat du calcul que j’évoquais – le rapport entre les recettes potentielles que peuvent capter les services librement organisés et les recettes commerciales du service conventionné et des subventions qu’il perçoit. On ne s’est pas engagés sur un seuil, car nous sommes pour l’instant en phase de découverte de ce marché. Dans nos missions, il ne s’agit pas seulement d’analyser la concurrence, mais aussi d’analyser la complémentarité. Nous avons pour mission de protéger, de préserver les services publics, de bien vérifier qu’ils sont garantis dans le temps. Notre appréciation sera transparente. Tous les arguments utilisés seront exposés, nous aurons des échanges avec les autorités organisatrices, nous leur demanderons pourquoi elles estiment le cas échéant, qu’il y a atteinte à la préservation d’un service public.

Avez-vous déjà été saisis par une autorité organisatrice à ce sujet ?
Pas encore. Selon les tous derniers chiffres, 79 liaisons de moins de 100 km ont été déclarées. Les autorités organisatrices ont deux mois pour nous saisir si elles considèrent que ces liaisons portent atteinte aux services qu’elles conventionnent. La première liaison a été déclarée le 29 octobre ; la première « deadline »  est donc le 29 décembre. L’une des conditions pour nous saisir est d’avoir un dossier qui soit le plus complet possible, pour permettre une discussion et une décision les plus objectives possible. On peut donc imaginer que le délai de deux mois sera utilisé à plein et on verra, à partir du 29 décembre, si nous sommes saisis.

Les autorités organisatrices qui peuvent vous saisir ne seront-elles que des régions, ou cela pourrait-il aussi être des agglomérations ?
Nous pouvons être saisis par toute autorité organisatrice de mobilité. Cela pourrait être l’État, si une liaison porte atteinte à un TET [train d’équilibre de territoire], les régions, ou les départements aujourd’hui, tant qu’ils gèrent encore les liaisons interurbaines. Mais les agglomérations, non, parce que le transport urbain n’est pas dans le champ de nos analyses, qui ne concernent que le transport interurbain .

Un sujet qui intéresse beaucoup les élus locaux est celui des points d’arrêts et des gares routières. Une ordonnance est en cours de rédaction sur ce sujet. Qu’est-ce que vous en attendez ?
Ce texte est en cours d’analyse par le Conseil d’État. Elle devra préciser le champ d’intervention de l’Arafer. Mais on sait déjà, par la loi, que nous aurons la charge de préciser les règles d’accès aux gares routières et aux arrêts, qu’il s’agisse de règles tarifaires ou plus générales ; et de faire respecter ces règles selon un principe d’accès libre et non discriminatoire de tous les opérateurs. L’Arafer sera également chargée d’établir un inventaire des gares et des conditions d’accès, et devrait aussi le pouvoir de régler des différends : si un opérateur s’estime victime de pratiques discriminatoires, il pourra saisir l’autorité de régulation.

Mais selon vous, comment doit s’organiser le financement ? Ce sont les transporteurs qui doivent payer ?
Si demain, il entrait dans le cadre des missions de l’Arafer de définir les obligations permettant un accès libre et transparent aux gares routières, si nous devions définir les caractéristiques des investissements à mettre en place pour cela, nous le ferions bien sûr. Mais il ne peut entrer dans nos attributions, en revanche, de dire qui doit payer quoi. Ce n’est pas le rôle du régulateur.
Propos recueillis par Franck Lemarc

Visionner l’intégralité de l’interview (11 mn).

 

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