Loi Notre, 80 km/h, cartes d'identité : à Grand-Bourgtheroulde, Emmanuel Macron « ouvert » à des aménagements
Par - Ã Grand-Bourgtheroulde
« Je ne vais pas parler longtemps aujourd’hui parce que l’objectif, c’est de vous entendre ». Lorsqu’il prend pour la première fois la parole devant les 600 maires normands, invités par l’Élysée à Grand-Bourgtheroulde (Eure) dans le milieu de l’après-midi hier, Emmanuel Macron ignorait peut-être qu’il conclurait la première étape du grand débat national – « l’Acte II » de son mandat – plus de six heures plus tard. En cumulé, le président de la République, rompu à l’exercice de l’échange direct, s’est exprimé sans note pendant plus de trois heures aussi bien sur la désertification médicale, que subit de plein fouet le monde rural, l’accès aux services publics, les évolutions de la DGF, que sur la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et les conséquences de la loi Notre.
Accueilli fraichement, le chef de l’État a quitté le complexe sportif Benedetti avec plusieurs cahiers de doléances – qu’il a rebaptisés « cahiers de droits et de devoirs » – sous le bras, sous les applaudissements nourris des maires. Que faut-il en retenir ?
Des maires à la fois « facilitateurs » et « acteurs » du grand débat national
« Allons-nous participer seulement au recueillement des doléances ou également au dépouillement ? », a demandé, en guise d'introduction, Sophie de Gibon, maire de Canteloup (Calvados). Après la première salve de questions, réparties en amont du débat par Sébastien Lecornu, ministre local de l’étape, Emmanuel Macron a précisé aux maires quelle serait leur place dans le dispositif. « La première chose que j’attends – de ceux qui sont prêts à le faire – c’est qu’ils soient des facilitateurs. » Concrètement, l’idée est « d’aider à organiser ceux qui souhaitent organiser un débat localement, en leur mettant une salle à disposition par exemple. »
"Les #maires sont remis au coeur du débat. Jusqu'à présent, on avait l'impression d'être malmenés", dit une maire à Emmanuel #Macron. Elle est acclamée. #GrandDebatNational #GrandBourgtheroulde
— Maire info (@Maireinfo2) 15 janvier 2019
« Rouvrir la loi Notre »
Une fois le cadre posé, Jean-Paul Legendre, maire d’Iville et président de l’Union des maires de l’Eure, est ensuite entré dans le vif du sujet : « Quand est-ce que l’on arrête la machine à broyer la proximité ? », a-t-il demandé. En réponse, le chef de l'État s'est dit « prêt à rouvrir la loi Notre ». Cette loi, adoptée en 2015, a entraîné des transferts de compétences des communes vers des communautés de communes et d’agglomérations et eu un impact ( que certains élus n'hésitent pas régulièrement à qualifier de « catastrophiques » – sur les plans démocratique et financier. « Je suis prêt à rouvrir le sujet de l’intercommunalité obligatoire, il n’y a pas de tabou (…) Je suis prêt à rouvrir la loi Notre, pas pour dire "on va repartir pour des années de discussions en sachant quelle compétence on met à tel endroit, quelle compétence à tel autre" », a poursuivi Emmanuel Macron. « Mais on voit bien qu'il y a besoin d'une respiration sur des choses qui ont été mal faites », a-t-il reconnu.
Le président en a profité pour présenter les grandes lignes d’une éventuelle transformation de l’organisation de l’État dans les territoires, dont l'une des mesures pourrait être le renforcement de la présence des « fonctionnaires de guichet » – au détriment de « trop nombreux fonctionnaires de circulaires ». L'objectif : délivrer « un service public au plus près ». « Redonnez-nous la possibilité de faire les cartes nationales d’identité en mairie », ont alors rétorqué bon nombre d’élus. « J’ai bien noté l’idée », a répondu le chef de l’État, évoquant aussi les passeports et les cartes grises.
Sophie de Gibon, maire de Canteloup : "Mr le président, arrêtez de changer les lois tout le temps, parce que moi, avec une secrétaire de mairie présente 8h par semaine, il faudrait que j'aie fait l'ENA pour m'en sortir !" #GrandBourgtheroulde #granddebatnational
— Maire info (@Maireinfo2) 15 janvier 2019
La vitesse sur la route, autre sujet, a, elle aussi fait parler. On le sait, dans les zones rurales, le passage de la limitation de 90 à 80 km/h a été décrié par de nombreux élus. Si Emmanuel Macron a préféré saluer une mesure « courageuse » en phase avec « nos exigences de sécurité », il a ouvert la voie à des aménagements : « Dire : on pense qu'on a des propositions plus intelligentes, mieux acceptables pour la population et qui seraient tout aussi efficaces, parce que nous on sait quel est le tronçon qui est dangereux, quel est celui qui ne l'est pas ou autre... À mon avis, peut-être qu'on peut y arriver ».
ISF, RIC : réponses fermes
Interrogé également sur ses réformes économiques et sociales, le chef de l’État a défendu bec et ongles la suppression de l’ISF, dont le retour est réclamé par les Gilets jaunes. Si le sujet « n’est pas un tabou, ni un totem », pour Emmanuel Macron, « il ne faut pas raconter des craques : c'est pas parce qu'on remettra l'ISF comme il était il y a un an et demi que la situation d'un seul Gilet jaune s'améliorera. Ça, c'est de la pipe ».
Autre revendication des Gilets jaunes, le référendum d’initiative citoyenne (RIC) ne trouve pas plus grâce à ses yeux. S’il ne veut « pas l’éluder », il refuse l’idée qu’un « référendum d'initiative citoyenne [puisse] revenir chaque matin sur ce que les parlementaires ont voté [car] là on tue la démocratie parlementaire ».
Emmanuel Macron « a marqué des points »
Une fermeté qui faisait craindre à Richard Jacquet, maire du Pont-de-l’Arche (Eure), en fin de soirée, que le président de la République « soit dans la justification. Il y a une tentative de pédagogie. Il dit que l’ISF n’est pas un tabou, pas un totem mais il ne veut pas revenir dessus. »
À l’issue de ce marathon, Georges Mézière, maire de Saint-Victor-de-Chrétienville (Eure), est plus optimiste : « Le président de la République est dans l’obligation d’écouter. Je ne sais pas ce qu’il retiendra de ces témoignages, mais au moins il écoute. » Jean-Paul Legendre, président de l’Union des maires de l’Eure, reconnaît, quant à lui, « qu’il a marqué des points ». « Il n’a pas fait preuve de mépris. Cette journée est de nature à apaiser les maires ». Pas sûr qu’il en soit de même pour les Gilets jaunes, qui ont été maintenus à l’extérieur du périmètre toute la journée par les forces de l’ordre. Des heurts ont éclaté sur la place de la mairie.
Reste à savoir à présent quelle traduction concrète vont prendre ces annonces, comment vont-elles être négociées et avec qui. Le gouvernement va-t-il, dans la foulée de ce grand débat, se remettre à travailler avec les associations d'élus ?
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