Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 21 mars 2017
Interview

Christophe Rouillon : « Il faut maintenir une politique de cohésion territoriale après 2020 car elle fait partie de l'ADN de l'Union européenne Â»

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© Mdf
La Commission européenne a présenté, le 1er mars, un livre blanc sur l'avenir de l'Europe. Celui-ci constitue sa contribution au Sommet de Rome, du 25 mars prochain, à l'occasion duquel l'Union débattra de ses réalisations au cours des 60 dernières années mais également de son avenir à 27. Et notamment du maintien de sa politique de cohésion territoriale après 2020. Dans un entretien avec Maire info, Christophe Rouillon, maire de Coulaines (Sarthe) et président de la commission Europe de l’AMF, revient notamment sur les enjeux du débat pour la France.

A mi-parcours de la programmation 2014-2020, le taux de programmation des fonds européens vous inquiète-t-il ?
On peut certes regretter le retard pris pour la programmation des 28 milliards d’euros octroyés à la France d’ici à 2020 au titre des fonds européens structurels et d’investissement (FESI). Mais la situation n’est pas dramatique : 6 milliards d’euros sont déjà engagés au titre du FEDER, du FSE, du FEADER et du FEAMP (1). Plusieurs facteurs expliquent le retard à l’allumage : 2014 a été une année blanche à cause des élections municipales. Les régions sont devenues autorité de gestion des fonds au moment où plusieurs d’entre elles connaissaient une profonde modification de leur périmètre, avec les conséquences que vous imaginez en terme de réorganisation. Enfin, beaucoup de collectivités ont tardé à consolider leurs projets. Il reste quatre ans pour consommer les crédits et je pense raisonnablement que nous éviterons la procédure du dégagement d’office.

Des élus soulignent la complexité persistante des procédures. Qu’en pensez-vous ?
Il ne faut pas se laisser abuser par cette idée de complexité. Ce qui manque souvent aux petites communes, c’est l’expertise et l’ingénierie. Celles-ci doivent être portées par les intercommunalités ou les pays, en lien avec les régions, la commune restant le niveau de réalisation du projet. Je reconnais cependant qu’il existe des procédures trop lourdes, par exemple pour le volet du FEDER concernant les entreprises innovantes ou les contrôles beaucoup trop stricts appliqués à l’utilisation des crédits du FSE. Il faut simplifier les choses car la bureaucratie ne doit pas primer sur la réalisation des projets.

Les débats sur l’avenir de la politique de cohésion européenne après 2020 sont d’ores et déjà engagés. Quels sont les enjeux ?
Le livre blanc de la Commission européenne, présenté début mars, nous inquiète car l’un des cinq scénarios envisagés pour l'Union à l'horizon 2025 consisterait à « faire moins mais de manière plus efficace ». Dans ce cadre, l’UE cesserait notamment d’intervenir dans certains « domaines du développement régional ». Or, les élus locaux veulent absolument le maintien d’une politique de cohésion territoriale qui fait partie de « l’ADN »  de l’Union européenne. Celle-ci est essentielle pour réduire les inégalités et concentrer les moyens financiers sur des priorités stratégiques comme la recherche, l’innovation, l’emploi et la transition énergétique.

Que craignez-vous ?
Nous redoutons un effet de ciseau entre l’augmentation du budget européen consacré aux politiques de défense et de sécurité, d’une part, et, de l’autre, le refus de certains Etats d’augmenter leur contribution. Une situation aggravée par l’impact du Brexit sur le budget européen dont il risque de minorer les capacités redistributives. Ces facteurs expliquent aujourd’hui les questions que se pose la Commission européenne sur l’identité, l’utilité et les moyens de la politique de cohésion. Nous répondons que la politique de cohésion ne doit pas servir de variable d’ajustement du budget européen.

Comment les élus peuvent-ils peser sur le débat ?
L’AMF, l’AFCCRE et le Comité des régions vont défendre la préservation des FESI dont le bénéfice doit continuer de concerner tous les pays et toutes les régions : les grandes régions françaises abritent des territoires riches et d’autres, fragiles, qu’il faut prendre en compte. Or, le Brexit va abaisser le niveau de PIB moyen au sein de l’Union européenne qui sert de critère pour les dispositifs d’aides aux régions françaises. Nous allons aussi nous mobiliser pour que de nouvelles ressources (la TVA, la taxe sur les transactions financières…) soient affectées à la cohésion territoriale. Nous ferons pression sur le prochain gouvernement français pour qu’il porte ces questions à Bruxelles et à Strasbourg. Il ne faudrait pas qu’à la baisse des dotations de l’Etat -qui ne devrait pas s’inverser dans les prochaines années- s’ajoute une raréfaction des FESI. Cette double peine freinerait considérablement l’investissement public local.
Propos recueillis par Xavier Brivet

1. FEDER (fonds européen pour le développement régional) ; FSE (fonds social européen) ; FEADER (fonds européen agricole et de développement rural) ; FEAMP (fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche).

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