Édition du vendredi 19 juillet 2019
Réforme de la fiscalité locale : nouvelles précisions apportées par le gouvernement
Lors d’une audition devant la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale, avant-hier, Jacqueline Gourault (ministre de la Cohésion des territoires) et Olivier Dussopt (secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Compte publics) ont donné un certain nombre d’informations sur la réforme de la fiscalité locale – en particulier des chiffres précis sur les communes qui seront sur ou sous-compensées.
Olivier Dussopt a en effet rappelé que le gouvernement avait définitivement tranché sur la manière dont sera compensée la fin de la taxe d’habitation (TH) : affectation aux communes de la part de taxe foncière actuellement versée aux départements, et une fraction de la TVA nationale pour les intercommunalités. Pour les communes, le transfert de la taxe foncière apportera « 14,1 milliards d’euros », a précisé l’ancien maire d’Annonay, soit 900 millions d’euros de moins que le produit actuel de la TH (15 milliards d’euros). Le gouvernement prévoit de combler ce déficit de 900 millions d’euros « par de la dotation ». On peut d’ores et déjà se demander comment l’État va financer près d’un milliard de dotation annuelle pour compléter le financement de la compensation en cette période de restriction budgétaire.
Deux précisions ont été par ailleurs annoncées par le secrétaire d’État : « La taxation sur les résidences secondaires sera maintenue ». Pour cela, le gouvernement entend créer « un équivalent taxe d’habitation sur les résidences secondaires ». Par ailleurs, il va « maintenir la possibilité pour le bloc local d’avoir une surtaxe sur les logements vacants ».
La révision des valeurs locatives des locaux d’habitation sera engagée « dès 2021 », selon la même méthodologie que ce qui a été fait pour les locaux professionnels. Olivier Dussopt a précisé que la collecte des données se déroulerait sur les années 2021-2022, avec un premier rapport en 2022, et qu’il faudrait plus d’une dizaine d’années pour aboutir (« on parle ici de 47 millions de locaux », a rappelé le secrétaire d’État).
Surcompensation et sous-compensation
Olivier Dussopt a également confirmé les informations qui avaient déjà filtré ces dernières semaines (lire Maire info du 19 juin), en donnant néanmoins des chiffres beaucoup plus précis. Il y aurait, selon les simulations du gouvernement, 24 656 communes qui seraient surcompensées – c’est-à-dire qui toucheraient davantage via le transfert de taxe foncière que ce qu’elles levaient en taxe d’habitation. 77 % d’entre elles sont des communes de moins de 1000 habitants, 387 ont plus de 10 000 habitants et sept comptent plus de 100 000. Une ville comme Toulouse se verrait surcompensée de quelque « 33 millions d’euros ». Olivier Dussopt a confirmé que les communes « faiblement surcompensées » (jusqu’à 15 000 euros) auraient le droit de garder le bénéfice. Cela concernerait environ 10 000 communes.
Bien plus compliqué, évidemment, est le cas des communes qui seront sous-compensées. Elles seraient au nombre de 10 721, dont 6 306 de moins de 1000 habitants. Pour certaines grandes villes, la chute sera brutale (83 millions d’euros pour Lyon, 11 millions pour Cannes). Mais y compris des petites communes – parmi les plus aisées – connaîtront une sous-compensation drastique – Olivier Dussopt a cité le cas d’une commue de 1 500 habitants qui perdrait 210 000 euros. Pour Paris enfin, la sous-compensation se chiffrera « en centaines de millions d’euros ».
Le secrétaire d’État a dévoilé le choix du gouvernement pour verser le solde aux communes sous-compensées. « Nous proposons de ne pas mettre en place un dispositif équivalent au FNGIR » (fonds national de garantie individuelle des ressources, qui avait été mis en place pour compenser la fin de la taxe professionnelle). « L’expérience du FNGIR, dix ou quinze ans plus tard, montre les limites du dispositif », a poursuivi Olivier Dussopt, notamment son caractère « figé », indépendamment de l’évolution, positive ou négative, de la situation financière des communes.
Le gouvernement va donc proposer de mettre en place « un coefficient correcteur », que Jacqueline Gourault a comparé à une forme de « prélèvement à la source ». Le dispositif serait le suivant: « Si une commune percevait 80 de TH et que demain la part de la taxe foncière est égale à 100, le mécanisme correcteur serait de 0,8 ». Les communes surcompensées (de plus de 15 000 euros) auront donc « une correction à la baisse » – laquelle « correction », si l’on comprend bien le dispositif, permettra d’alimenter les budgets des communes sous-compensées.
Ce dispositif, selon le secrétaire d’État, aurait reçu un accueil « plutôt favorable » des associations d’élus.
Des questions encore à trancher
Reste deux questions très importantes que le gouvernement n’a pas encore tranchées : d'abord, quelle sera l’année de référence choisie pour calculer la compensation initiale ?
Le gouvernement voulait initialement fixer l’année de référence à 2017. Sauf que cette solution ne serait pas juste pour les communes qui ont augmenté leur taux en 2018 ou en 2019, et en perdraient ainsi le bénéfice. Le débat est « ouvert » sur cette question, a indiqué le ministre, et il aura certainement lieu à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances.
Reste la question de la formule exacte du coefficient correcteur. Sur ce sujet, le gouvernement dit attendre les retours et les « positionnements » des associations d’élus – qui, de leur côté, disent être toujours en attentes d'informations complémentaires du gouvernement.
Le coefficient correcteur lui-même sera-t-il fixe, ou va-t-il évoluer d’année en année ? « Les deux solutions ont des avantages et des inconvénients », a détaillé Olivier Dussopt. « Modifier le coefficient chaque année serait redoutablement compliqué d’un point de vue technique. Mais à l’inverse, si le coefficient est fixe, cela signifie que la collectivité qui verrait sa situation évoluer pourrait ressentir une forme de préjudice : celles qui font le choix d’une politique de taux à la hausse ne percevraient pas la totalité de ce que le contribuable va payer en plus, alors qu’elles en porteront la responsabilité. »
Même année de référence pour tous
Enfin, le secrétaire d’État a tranché sur une question qui a été souvent posée : quelle sera l’année de référence pour les 20 % de contribuables qui seront exonérés entre 2021 et 2023 ? Réponse claire : ce sera la même année que pour tous les autres (2017 ou une autre année, selon le résultat de la discussion en cours). Explication : « Nous voulons que le mécanisme entre en vigueur en 2021, et nous souhaitons que pour les communes, l’entrée en vigueur concerne 100 % de la recette de TH. » Pour ce faire, le gouvernement va « nationaliser la recette de TH versée par les 20 % de contribuables les plus riches ». L’État percevra ces recettes et exonérera lui-même, au fur et à mesure, ces contribuables.
Ces informations vont certainement alimenter les travaux du nouveau groupe de travail créé par André Laignel, président du CFL, sur la réforme de la fiscalité locale. Ce groupe tiendra sa première réunion mardi prochain, à l’Assemblée nationale.
Olivier Dussopt a en effet rappelé que le gouvernement avait définitivement tranché sur la manière dont sera compensée la fin de la taxe d’habitation (TH) : affectation aux communes de la part de taxe foncière actuellement versée aux départements, et une fraction de la TVA nationale pour les intercommunalités. Pour les communes, le transfert de la taxe foncière apportera « 14,1 milliards d’euros », a précisé l’ancien maire d’Annonay, soit 900 millions d’euros de moins que le produit actuel de la TH (15 milliards d’euros). Le gouvernement prévoit de combler ce déficit de 900 millions d’euros « par de la dotation ». On peut d’ores et déjà se demander comment l’État va financer près d’un milliard de dotation annuelle pour compléter le financement de la compensation en cette période de restriction budgétaire.
Deux précisions ont été par ailleurs annoncées par le secrétaire d’État : « La taxation sur les résidences secondaires sera maintenue ». Pour cela, le gouvernement entend créer « un équivalent taxe d’habitation sur les résidences secondaires ». Par ailleurs, il va « maintenir la possibilité pour le bloc local d’avoir une surtaxe sur les logements vacants ».
La révision des valeurs locatives des locaux d’habitation sera engagée « dès 2021 », selon la même méthodologie que ce qui a été fait pour les locaux professionnels. Olivier Dussopt a précisé que la collecte des données se déroulerait sur les années 2021-2022, avec un premier rapport en 2022, et qu’il faudrait plus d’une dizaine d’années pour aboutir (« on parle ici de 47 millions de locaux », a rappelé le secrétaire d’État).
Surcompensation et sous-compensation
Olivier Dussopt a également confirmé les informations qui avaient déjà filtré ces dernières semaines (lire Maire info du 19 juin), en donnant néanmoins des chiffres beaucoup plus précis. Il y aurait, selon les simulations du gouvernement, 24 656 communes qui seraient surcompensées – c’est-à-dire qui toucheraient davantage via le transfert de taxe foncière que ce qu’elles levaient en taxe d’habitation. 77 % d’entre elles sont des communes de moins de 1000 habitants, 387 ont plus de 10 000 habitants et sept comptent plus de 100 000. Une ville comme Toulouse se verrait surcompensée de quelque « 33 millions d’euros ». Olivier Dussopt a confirmé que les communes « faiblement surcompensées » (jusqu’à 15 000 euros) auraient le droit de garder le bénéfice. Cela concernerait environ 10 000 communes.
Bien plus compliqué, évidemment, est le cas des communes qui seront sous-compensées. Elles seraient au nombre de 10 721, dont 6 306 de moins de 1000 habitants. Pour certaines grandes villes, la chute sera brutale (83 millions d’euros pour Lyon, 11 millions pour Cannes). Mais y compris des petites communes – parmi les plus aisées – connaîtront une sous-compensation drastique – Olivier Dussopt a cité le cas d’une commue de 1 500 habitants qui perdrait 210 000 euros. Pour Paris enfin, la sous-compensation se chiffrera « en centaines de millions d’euros ».
Le secrétaire d’État a dévoilé le choix du gouvernement pour verser le solde aux communes sous-compensées. « Nous proposons de ne pas mettre en place un dispositif équivalent au FNGIR » (fonds national de garantie individuelle des ressources, qui avait été mis en place pour compenser la fin de la taxe professionnelle). « L’expérience du FNGIR, dix ou quinze ans plus tard, montre les limites du dispositif », a poursuivi Olivier Dussopt, notamment son caractère « figé », indépendamment de l’évolution, positive ou négative, de la situation financière des communes.
Le gouvernement va donc proposer de mettre en place « un coefficient correcteur », que Jacqueline Gourault a comparé à une forme de « prélèvement à la source ». Le dispositif serait le suivant: « Si une commune percevait 80 de TH et que demain la part de la taxe foncière est égale à 100, le mécanisme correcteur serait de 0,8 ». Les communes surcompensées (de plus de 15 000 euros) auront donc « une correction à la baisse » – laquelle « correction », si l’on comprend bien le dispositif, permettra d’alimenter les budgets des communes sous-compensées.
Ce dispositif, selon le secrétaire d’État, aurait reçu un accueil « plutôt favorable » des associations d’élus.
Des questions encore à trancher
Reste deux questions très importantes que le gouvernement n’a pas encore tranchées : d'abord, quelle sera l’année de référence choisie pour calculer la compensation initiale ?
Le gouvernement voulait initialement fixer l’année de référence à 2017. Sauf que cette solution ne serait pas juste pour les communes qui ont augmenté leur taux en 2018 ou en 2019, et en perdraient ainsi le bénéfice. Le débat est « ouvert » sur cette question, a indiqué le ministre, et il aura certainement lieu à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances.
Reste la question de la formule exacte du coefficient correcteur. Sur ce sujet, le gouvernement dit attendre les retours et les « positionnements » des associations d’élus – qui, de leur côté, disent être toujours en attentes d'informations complémentaires du gouvernement.
Le coefficient correcteur lui-même sera-t-il fixe, ou va-t-il évoluer d’année en année ? « Les deux solutions ont des avantages et des inconvénients », a détaillé Olivier Dussopt. « Modifier le coefficient chaque année serait redoutablement compliqué d’un point de vue technique. Mais à l’inverse, si le coefficient est fixe, cela signifie que la collectivité qui verrait sa situation évoluer pourrait ressentir une forme de préjudice : celles qui font le choix d’une politique de taux à la hausse ne percevraient pas la totalité de ce que le contribuable va payer en plus, alors qu’elles en porteront la responsabilité. »
Même année de référence pour tous
Enfin, le secrétaire d’État a tranché sur une question qui a été souvent posée : quelle sera l’année de référence pour les 20 % de contribuables qui seront exonérés entre 2021 et 2023 ? Réponse claire : ce sera la même année que pour tous les autres (2017 ou une autre année, selon le résultat de la discussion en cours). Explication : « Nous voulons que le mécanisme entre en vigueur en 2021, et nous souhaitons que pour les communes, l’entrée en vigueur concerne 100 % de la recette de TH. » Pour ce faire, le gouvernement va « nationaliser la recette de TH versée par les 20 % de contribuables les plus riches ». L’État percevra ces recettes et exonérera lui-même, au fur et à mesure, ces contribuables.
Ces informations vont certainement alimenter les travaux du nouveau groupe de travail créé par André Laignel, président du CFL, sur la réforme de la fiscalité locale. Ce groupe tiendra sa première réunion mardi prochain, à l’Assemblée nationale.
Franck Lemarc
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