Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 27 septembre 2018
Numérique

Le Défenseur des droits s'inquiète d'une « dématérialisation trop rapide » des services publics

« D’ici 2022, 100 % des démarches administratives pourront être effectuées depuis Internet – sauf première délivrance des documents d’identité officiels. Il sera, par exemple, possible pour le citoyen de faire une demande de procuration électorale sans se rendre au commissariat. »  Et si la politique de dématérialisation des services publics promise par Emmanuel Macron était « trop rapide » ? En rendant sa décision le 3 septembre dernier, Jacques Toubon, le Défenseur des droits, sonne l’alerte. « L’enjeu est celui du maintien de la cohésion sociale : une dématérialisation trop rapide des services publics entraîne des risques d’exclusion et une augmentation du non-recours aux droits, mettant en péril l’égalité de toutes et tous devant le service public qui constitue un principe fondamental de la République. » 
Point de départ de ce message adressé au Premier ministre Édouard Philippe et au ministre de l’Intérieur Gérard Collomb : « plusieurs milliers de saisines relatant les difficultés rencontrées avec l’Agence nationale de titres sécurisés (ANTS) ». Dans le cadre du Plan préfectures nouvelle génération (PPNG), mis en place en 2015, celle-ci remplace l’accueil auparavant assuré en préfecture ou en sous-préfecture par des démarches en ligne. Pour l’essentiel, les usagers dénoncent « les délais excessifs »  de traitement de leurs demandes de permis de conduire ou de certificat d’immatriculation de véhicule, « les nombreuses pannes informatiques »  ou encore « leurs difficultés à joindre les services de l’ANTS ».

« De nombreuses atteintes aux droits des usagers de service public » 
Au vu de ces interpellations, le Défenseur des droits juge que les usagers ont « été insuffisamment informés en amont de la réforme, trop peu accompagnés une fois celle-ci généralisée »  et leurs « difficultés particulières d’accès et de maîtrise d’Internet n’ont pas été prises en compte ».
En mars 2017, une enquête publiée par le Défenseur des droits révélait que 27% des Français sont « toujours sans accès à Internet »  et 33% sont « peu à l’aise avec cet outil ». Le résultat du Baromètre numérique 2018, selon lequel 13 millions de Français sont en difficulté avec les outils numériques, confirme cette tendance. Pour faire reculer ce que Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État au Numérique, appelle « l’illectronisme », le gouvernement a pour ambition de former 1,5 million de Français au numérique chaque année (lire Maire info du 20 septembre).

« Ne pas dématérialiser un service sans une alternative papier ou humaine » 
Dans ce contexte, le Défenseur des droits rappelle que « la responsabilité de l’État est de ne pas dématérialiser un service sans mettre à disposition une alternative papier ou humaine faute de quoi l’usager perd toute possibilité d’échanger avec l’administration lorsqu’un bug informatique se produit ou lorsqu’un dossier est perdu ».
Jacques Toubon critiquait déjà dans son rapport annuel 2017 une « complexité croissante des procédures administratives et distance accrue entre les administrations et les usagers »  (lire Maire info du 13 avril 2018). À cet égard, le Défenseur des droits réitère sa demande « d’introduire dans la loi une clause de protection des usagers, prévoyant l’obligation d’offrir une voie alternative au service numérique dans le cadre de la mise en œuvre de toute procédure de dématérialisation d’un service public ».
Il adresse, par ailleurs, au gouvernement une série de préconisations portant notamment sur les délais de traitement et de délivrance des demandes de titres de circulation, sur les difficultés à joindre les services de l’ANTS sur la plateforme téléphonique, sur les difficultés liées à l’insuffisance de l’accompagnement du public dans les points numériques ou encore sur l’absence de procédure alternative à la voie numérique.

Ludovic Galtier

Télécharger la décision du Défenseur des droits du 3 septembre 2018.

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