Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 23 octobre 2014
Interview

Jean-Claude Frécon : « Notre rôle est de représenter les 200 000 collectivités du Conseil de l'Europe »

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© D.R.
Sénateur de la Loire et conseiller municipal de la commune de Pouilly-lès-Fleurs, dont il a été le maire de 1983 à 2006, Jean-Claude Frécon vient être élu, pour deux ans, président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe (CPLRE). Membre de cette instance européenne depuis vingt ans, Jean-Claude Frécon est le premier Français à être élu à sa présidence depuis 2000. Il explique à Maire info les principales missions du Congrès, tout en regrettant qu’il soit aussi peu connu des élus français.

Vous venez d’être élu président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe. Quel est son rôle au juste ?
Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux est la deuxième chambre du Conseil de l’Europe après l’Assemblée parlementaire. Le congrès est la chambre qui représente les collectivités territoriales de l’ensemble du continent européen, c’est-à-dire plus de 200 000 collectivités territoriales des 47 pays membres du Conseil de l’europe. Ce n’est pas l’Union européenne qui, elle, regroupe 28 pays.
Le Congrès comprend 318 délégués titulaires, dont 18 Français, et 318 suppléants. Notre rôle est de représenter les intérêts de ces 200 000 collectivités territoriales en s’appuyant sur notre texte fondateur, la Charte européenne de l’autonomie locale. Cette Charte établit les principes que chaque pays membre du conseil de l’Europe doit respecter concernant les rapports entre l’Etat central et les collectivités territoriales. Il faut d’abord que les élus de ces collectivités soient désignés au suffrage universel libre. Il faut ensuite que l’Etat reconnaisse aux collectivités territoriales des compétences et que la répartition de ces compétences entre l’Etat et les collectivités soit inscrite dans la loi. Il faut enfin que l’Etat assure aux collectivités territoriales les ressources suffisantes pour exercer leurs compétences et que, parmi ces ressources suffisantes, existe une partie importante de ressources propres qui ne doivent pas être des dotations de l’Etat, mais des ressources décidées par la collectivité elle-même. Notre rôle est de vérifier, par des enquêtes ou des visites que nous faisons dans chacun des pays du Conseil de l’Europe, que ces trois éléments essentiels de la Charte sont bien appliqués.

Vous êtes-vous déjà fixé des priorités pour votre mandat ?
Le Congrès n’est pas en dehors de l’actualité. Pour nous, l’actualité c’est la crise en Ukraine. L’Ukraine et la Russie sont deux pays membres du Conseil de l’Europe aujourd’hui en conflit. Nous sommes donc naturellement appelés à apaiser la situation. Comme je l’ai rappelé dans mon discours d’introduction, le Congrès des pouvoirs locaux affirme que dans cette région, il faut aussi respecter le principe selon lequel chaque pays, quand il adhère au Conseil de l’Europe, s’engage à respecter les frontières établies avant son adhésion. Nous constatons que la Russie ne respecte pas son engagement et nous lui demandons de revenir aux positions qu’elle s’était engagée à tenir quand elle a adhéré en 1996. Actuellement, nous condamnons la Russie. Elle a carrément annexé une région de l’Ukraine, la Crimée. Le texte préparé par le bureau du Congrès demande à la Russie de retirer ses troupes et cette motion a été adoptée par 82 voix contre 21 lors de la 27e session du Congrès qui se tenait la semaine dernière à Strasbourg.

Le travail du CPLRE vous semble-t-il assez connu des élus français et tout particulièment des maires ?
Non, il ne l’est pas et j’en prends forcément une part de responsabilité. Nous sommes 18 en France et nous essayons partout, dans nos communes, dans les communes qui sont proches de nous, d’expliquer notre travail. Mais le Conseil de l’Europe est dans son ensemble méconnu des Français, pas uniquement le Congrès. Les Français connaissent bien l’Union européenne. Quand on leur parle de l’Europe, il ne parlent que de l’Union européenne.

Comment l’expliquez-vous ?
L’Europe n’intéresse pas beaucoup les Français. L’Union européenne est connue parce qu’elle distribue un certain nombre de subventions. Le budget du Conseil de l’Europe est 20 fois moins élevé que celui de l’Union et nous ne distribuons jamais de subventions. Donc, on parle moins de nous.

L’une des missions du CPLRE est d’encourager le processus de décentralisation et de régionalisation. A ce titre, allez-vous porter un avis sur la réforme territoriale en cours en France ?
On n’émet d’avis que lorsque l’on fait un rapport sur un pays et le rapport sur la France commencé il y a trois ans a été interrrompu avec le changement de gouvernement. On devrait reprendre le travail sur ce rapport en début d’année prochaine. Avec un avis très clair là-dessus : le respect des principes que la France a ratifiés : décentralisation et pas recentralisation, autonomie des collectivités territoriales et obligation d’organiser un grand débat national lorsque l’on veut supprimer une collectivité territoriale.

Comment devient-on président d’une telle instance européenne ?
Je suis membre du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux depuis vingt ans sur la proposition de l’Association des maires de France, dont j’étais alors l’un des vice-présidents. Le gouvernement de l’époque a confirmé ma nomination et, depuis, j’ai fait mon chemin. Je me suis engagé, j’ai participé aux commissions, puis j’en suis devenu l’un des responsables. A ce moment-là, je suis entré au bureau du Congrès, plusieurs années. Ces deux dernières années, j’en étais le premier vice-président. La présidence arrive un peu naturellement, même un scrutin n’est jamais joué d’avance.

Propos recueillis par Christine Nemarq





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