Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 11 septembre 2018
Énergie

Débat public sur la programmation pluriannuelle de l'énergie : les collectivités « particulièrement présentes »

Après les trois mois de débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), entre mars et juin, l’heure est au bilan. C’est demain que Chantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public, va officiellement présenter les conclusions de ce débat. Si elle salue, notamment, l’implication grandissante des collectivités territoriales, elle n’est pas tendre, en revanche, sur la manière dont le maitre d’ouvrage – l’État – a conduit les débats.
86 réunions publiques en trois mois, 8000 participants, 561 avis déposés. Le débat public sur la PPE 2019-2023 a été un réel succès, surtout, note Chantal Jouanno, compte tenu de sa durée très courte et « de l’insuffisance des moyens financiers qui lui ont été alloués ». Surprise – par rapport à de précédents débats sur des thématiques similaires : « Le débat a été peu conflictuel. Il était craint que la question nucléaire préempte la critique ; ce ne fut pas le cas. »  Preuve d’une évolution indéniable des consciences : « Les contributions climato-sceptiques [doutes exprimés sur la validité du réchauffement climatique – ndlr] ont été peu exprimées pendant ce débat. La nécessité de la transition énergétique n’est pas remise en cause. » 

Les collectivités particulièrement innovantes
Chantal Jouanno salue l’implication des collectivités, qui « se sont fortement mobilisées pour organiser des réunions publiques ». « L’implication des collectivités (…) est nouvelle. Elles ont témoigné d’une volonté d’être un acteur reconnu de ce débat et de territorialiser la question de l’énergie. » 
Dans le compte rendu complet du débat public (téléchargeable ci-dessous, 107 pages), un chapitre entier est consacré à cette question. Il révèle que dans le questionnaire adressé aux participants aux réunions du débat public, 80 % des répondants ont dit leur conviction que les collectivités territoriales devaient avoir un poids « plus important »  dans la conduite des politiques énergétiques. Un certain nombre de contributions ont remis en avant la question des régies et d’un « service public local de l’énergie », qui serait confié aux communes. « Tous ont noté la lenteur de la mise en place des Sraddet [Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires] », souligne le compte-rendu, et nombre de participants ont estimé que l’EPCI est « la bonne maille pour une planification au plus près des usages ».
La question des rapports entre territoires ruraux et métropoles a également fait l’objet de nombreux débats : « Les territoires ruraux ne doivent pas devenir de simples fournisseurs en énergie des centres urbains », a noté un participant à la réunion de Mazamet. « Des contrats de réciprocité sont à prévoir »  et doivent « être développés par les pouvoirs publics », a plaidé un autre.
La question de l’implication des citoyens dans l’élaboration des projets énergétiques locaux a également fait l’objet de maints débats : « De nombreuses réunions ont souligné également l’impression qu’ont de nombreux habitants de voir ''tomber'' des projets d’en haut, sans qu’ait été explicité le rapport coûts/avantages, sans qu’aient été exposées des alternatives possibles, sans que le partage des retombées pour les territoires n’ait été clairement exposé », rapporte le compte rendu. Un participant a par exemple demandé : « Les petites communes rurales manquent tellement de ressources financières qu’il est extrêmement difficile pour un maire et son conseil de refuser les offres permanentes des promoteurs éoliens qui leur promettent d’augmenter considérablement leur budget grâce aux éoliennes. Étant donné les conséquences extrêmement importantes pour les habitants, pour leur cadre de vie, leur santé ou la valeur de leur maison (surtout les gîtes et chambres d’hôtes), est-ce bien normal qu’un projet éolien soit décidé par deux simples conseillers ? » 

Critiques sur le rôle de l’État
Dans son bilan, Chantal Jouanno, si elle se réjouit de la qualité des débats et de la participation du public, se montre en revanche très critique sur la façon dont l’État a géré ce débat. Il y a, pour elle, un « décalage »  très fort entre la vision du maître d’ouvrage (la Direction générale de l’énergie et du climat – DGEC) et celle du public : « La DGEC pense la PPE comme un document technique, alors que le grand public appréhende cet outil comme porteur de valeurs politiques. »  Mais derrière la DGEC, qui « a fait de son mieux pour contribuer au débat », il y a « le gouvernement, véritable maître d’ouvrage de la stratégie énergétique ». Celui-ci s’est montré, déplore Chantal Jouanno, « peu explicite sur ses attentes », et n’a pas suffisamment expliqué « les conditions de prise en compte de ce débat ». Pour elle, cela « discrédite le principe même de débat public ».
Chantal Jouanno regrette également fortement que l’État ait été si peu présent dans les débats eux-mêmes : selon les comptes rendus, l’État n’a participé qu’à… six réunions sur 86 ! C’est, pour la présidente de la commission, une forme de non-respect de la parole publique.
Enfin, l’ancienne secrétaire d’État chargée de l’Écologie formule une dernière critique particulièrement acérée : le fait que le gouvernement ait plusieurs fois pris la parole sur des sujets énergétiques en plein milieu du débat public. « Il aurait été opportun et pas si difficile, écrit-elle, de s’abstenir d’intervenir pendant 103 jours sur la méthanisation, le photovoltaïque, la rénovation des logements ou l’hydrogène. Le temps du débat est un temps d’écoute, (…) le minimum de respect à l’égard du grand public est d’écouter avant de décider. À défaut, nos concitoyens considèrent que la participation est un leurre pour cautionner des décisions déjà prises. » 
Fermez le ban.
Franck Lemarc
Télécharger le compte rendu du débat public et le bilan de la présidente.

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