Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 22 mai 2019
Élections

Erreurs sur les listes électorales : l'instruction aux maires du ministre de l'Intérieur (exclusif)

À quelques jours des élections européennes, et au terme d’une réforme majeure de tout le dispositif de construction des listes électorales, le ministre de l’Intérieur vient de signer une instruction, que Maire info s’est procurée, dans laquelle il appelle les maires et les présidents de bureaux de vote à faire preuve de « tolérance »  et de « discernement »  lors du scrutin.
Pour Christophe Castaner, il s’agit de répondre aux difficultés rencontrées ces dernières semaines par les maires lors de l’édition des listes électorales, dont la presse s’est fait l’écho.

Une réforme pour « simplifier et stabiliser » 
Rappelons que la construction des listes électorales a fait l’objet d’une réforme majeure, avec la création du répertoire électoral unique (REU) géré par l’Insee, dont sont maintenant extraites toutes les listes éditées par les communes. Cette réforme, dont l’objectif était la fiabilisation des listes électorales, a apporté « deux changements majeurs pour les électeurs », comme l’explique à Maire info Alain Espinasse, directeur de la modernisation et de l’administration territoriale au ministère de l’Intérieur : « Premièrement, la simplification que représente l’inscription d’office pour les jeunes majeurs, les personnes naturalisées, ou celles dont l’inscription est ordonnée par un juge. Et, deuxièmement, la possibilité de s’inscrire au plus près du scrutin, de ne plus avoir cette date butoir du 31 décembre précédant le vote. » 
Cette possibilité a été plébiscitée par les électeurs puisque, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, pas moins de 750 000 personnes se sont inscrites entre le 1er janvier et le 31 mars.
Autres nouveautés induites par la réforme : la possibilité de s’inscrire en ligne, et celle de vérifier son inscription en ligne sur le site service-public.fr (lire Maire info du 14 mars). 350 000 connexions ont été enregistrées sur ce service.
Mais au-delà de ces simplifications, cette réforme visait surtout à sécuriser et à stabiliser les listes électorales : elle permet en effet la radiation automatique des personnes décédées et des personnes radiées par décision de justice et garantit « la fin définitive des doubles inscriptions », explique Alain Espinasse. Ce qui a été la source d’un certain nombre d’incompréhensions récentes, poursuit-il : « Il faut bien réaliser que nous sommes dans l’année zéro de la réforme, et que tout cela nécessite une phase d’appropriation par les maires et par les électeurs. Il y a des gens qui constatent qu’ils ont été radiés, mais cela ne signifie pas qu’ils ne sont plus électeurs – c’est juste qu’ils sont inscrits dans une autre commune, parce que leur double inscription a été supprimée. » 
Les véritables radiations ont été, en réalité, extrêmement marginales : selon le ministère, ce sont à peine 2 500 électeurs qui ont été réellement radiés, tout simplement parce que l'Insee « n’a pas réussi à prouver leur existence », explique Alain Espinasse, qui note que ce chiffre représente 0,005 % du corps électoral.

Redressements
Comment expliquer, alors, les difficultés qui ont été rencontrées par un certain nombre de maires, ces dernières semaines, pour éditer leur liste électorale ?
Revenons un peu en arrière : l’an dernier, entre le 21 octobre et le 31 décembre, l’Insee a renvoyé les listes électorales aux communes pour une opération de vérification. Un travail considérable – à propos duquel Alain Espinasse remarque que « toutes les communes de France ont été au rendez-vous ». À partir du 1er janvier, des communes ont saisi l’Insee pour d’ultimes modifications, notamment sur l’état civil des électeurs. C’est ce que le ministère appelle les « redressements ». Entre janvier et mars, quelque 80 000 requêtes de ce type ont été saisies à travers le portail Elire, explique-t-on au ministère. Et c’est entre la mi-avril et le début du mois de mai que certaines communes ont eu de réelles difficultés à saisir l’Insee. Le problème – réglé depuis – a été notamment dû à un éditeur « dont le logiciel effectuait une synchronisation qui prenait un temps considérable, ce qui a saturé les serveurs de l’Insee », détaille le directeur de la modernisation et de l’administration territoriale.
Autre problème qui a fait l’objet d’un certain nombre de remontées à l’AMF : des maires qui avaient tenté de corriger l’état-civil d’électeurs dans le REU ont constaté que ces corrections n’ont pas été prises en compte. L’explication est simple, selon le ministère : « Il y a là une confusion. La correction de l’état-civil dans le REU n’est pas possible : en effet, le REU est construit à partir de l’état-civil tel qu’il figure dans le RNIPP de l’Insee, c’est-à-dire le répertoire national d’identification des personnes physiques. Peut-être que certaines communes ont corrigé un état-civil dans leur logiciel, mais cela signifierait que leur éditeur ne leur a pas signalé cet état de fait. »  En réalité, seulement deux types de corrections sont possibles. Premièrement, les électeurs nés en France peuvent faire eux-mêmes une démarche via le site service-public.fr, pour demander une correction de leur état-civil. « La correction remonte à l’Insee, qui corrige le RNIPP, puis redescend vers le REU. Aujourd’hui, l’Insee travaille en flux tendu, et il n’y a pas d’attente », explique-t-on au ministère. Deuxième possibilité, qui concerne les électeurs nés hors de France : dans ce cas, ce sont les communes qui doivent remonter l’information via le portail Elire, et là encore les demandes sont traitées au fil de l’eau. Mais évidemment, si une commune fait une demande de ce type aujourd’hui, il y a peu de chances que la modification figure dimanche sur la liste d’émargement.

« Tolérance et discernement » 
C’est précisément l’objet de l’instruction à « mesdames et messieurs les maires »  que Christophe Castaner a envoyée hier, via le réseau des préfets. Il s’agit de clarifier « la conduite à tenir (…) en cas d’écarts d’état civil constatés entre la pièce d’identité fournie par l’électeur et les données le concernant sur sa carte électorale et la liste d’émargement ». Les demandes de correction les plus récentes ne pourront être prises en compte d’ici au scrutin, explique le ministère. Voire, « certains électeurs pourraient n’identifier (ces écarts) qu’en allant voter le 26 mai ». Il est donc demandé aux maires « d’attirer l’attention des présidents de bureaux de vote sur ces difficultés »  et de les « expliquer ». Et surtout, « de solliciter de leur part une tolérance (…) si les données d’état civil indiquées sur la liste d’émargement différaient de celles du document d’identité présenté ». Ceci, en particulier, dans les communes de plus de 1000 habitants où la présentation d’un document d’identité est obligatoire pour pouvoir voter.
En clair, il ne saurait être question de refuser à un électeur de participer au vote pour une erreur d’orthographe sur leur nom, prénom, ou lieu de naissance sur leur carte électorale dès lors qu’il pourra être identifié grâce à un titre d’identité.
Le ministère de l’Intérieur rappelle par ailleurs que comme lors de tout scrutin, un électeur qui constaterait, le jour du scrutin, qu’il ne figure pas sur les listes électorales, peut saisir sur le champ le juge d’instance, qui aura la possibilité, au vu des pièces présentées, de faire inscrire l’électeur de bonne foi.
Franck Lemarc
Télécharger l’instruction ministérielle du 21 mai 2019.

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