Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 13 mai 2004
Environnement

Charte de l'environnement : les autorités publiques ne devraient pouvoir appliquer le principe de précaution que "dans leurs domaines d'attribution respectifs"

La charte de l'environnement a entamé mercredi son parcours parlementaire, avec l'adoption par la Commission des lois d'amendements visant à désarmer l'opposition de nombreux députés UMP au projet, avant la discussion en séance publique le 25 mai. "Il y a un consensus chez une grande majorité de députés UMP", a estimé le président de la Commission des lois Pascal Clément, tout en reconnaissant que "10, 20 ou 50 députés" restaient mécontents du texte, ce qui augure de débats agités en première lecture. La charte, projet du président Chirac, consacrera pour la première fois dans la Constitution le droit de chacun à "vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé". L'environnement entrerait à égalité dans la plus haute loi française à côté de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et des droits économiques et sociaux de 1946. Le texte a surtout une portée symbolique : les principes que la charte énonce (réparation des dommages, prévention, précaution...) figurent déjà dans le droit français et dans les traités internationaux ratifiés par la France. Sa principale innovation réside dans son article 5 qui définit plus précisément le principe de précaution que le traité de l'Union européenne a adopté à Maastricht en 1992 par exemple. La charte stipule que "lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent (...) à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées (...) ainsi qu'à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques encourus". Le principe de précaution fait peur : nombre d’élus craignent une avalanche de procès, le patronat une paralysie de l'innovation et certains scientifiques redoutent qu'il n'entrave la recherche. Les amendements les plus radicaux, qui annihileraient le principe de précaution, ont été repoussés. Mais plusieurs amendements adoptés en restreignent l'application. L'un deux précise que les autorités publiques ne devront appliquer le principe de précaution que "dans leurs domaines d'attribution respectifs". En clair, un maire ne pourra pas interdire par arrêté des cultures OGM dans un champ situé sur le territoire de sa commune, cette compétence relevant de l'Etat : il s'agit de rassurer nombre d'élus inquiets de voir leur responsabilité engagée. Un autre amendement donne aux parlementaires la possibilité de légiférer pour préciser l'application du fameux principe (par ajout de la "préservation de l'environnement" à l'article 34 de la Constitution). Concrètement, les députés pourront préciser dans une loi les modalités d'application, "en cas de dérapage ou d'imprécision", a expliqué Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP), rapporteur du projet. Pour les écologistes, cette disposition enlève beaucoup de force au principe de précaution. "Il reste d'application directe", a rétorqué Mme Kosciusko-Morizet : un simple citoyen pourra saisir le juge administratif pour réclamer le retrait d'autorisation d'un pesticide en cas d'incertitude. Les députés Verts ont prévenu qu'ils ne voteraient pas une charte affaiblie. Yves Cochet souligne déjà l'absence en tant que tel du principe pollueur-payeur, devenu simple "contribution à la réparation des dommages". Pour leur part, les députés socialistes abordent le débat dans "un esprit positif", selon Christophe Caresche, député de Paris. Pour être définitivement adoptée, la charte devra être soumise à référendum ou, selon le souhait du président, aux deux Assemblées réunies en Congrès (à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés)

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