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Édition du mardi 19 décembre 2023
Discriminations

Emploi : la Défenseure des droits alerte sur les discriminations liées aux maladies chroniques

Une personne sur six atteintes de maladies chroniques est confrontée à une discrimination au travail. C'est ce que dénonce la Défenseure des droits dans le 16e baromètre de la perception des discriminations dans l'emploi, dévoilé jeudi dernier. Elle préconise notamment de rendre systématique l'obligation de formation des recruteurs, notamment dans l'emploi public.

Par Lucile Bonnin

Chaque année, la Défenseure des droits, Claire Hédon, réalise avec l’Organisation internationale du travail (OIT) une enquête dressant « un panorama des discriminations dans l’emploi, privé et public, en interrogeant un échantillon représentatif de la population active » . Pour 2023, un focus a été fait sur les maladies chroniques comme le diabète, les cancers, le VIH, la dépression chronique, l’endométriose ou encore les maladies cardio-vasculaires.

« Trop souvent stigmatisés et discriminés au travail », les malades chroniques ont apporté de nombreux témoignages à la Défenseure des droits qui rappelle que « tous les employeurs, privés comme publics, sont tenus à »  des obligations à l’égard des travailleurs. 

13 % des personnes malades confrontées à une discrimination 

Les maladies chroniques sont loin d'être des cas isolés. En 2019, la part de la population active atteinte d’une maladie chronique était estimée à 15 % et elle devrait atteindre, selon l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), 25 % dès 2025. 

En dépit de cette augmentation et donc de cette généralisation, « environ une personne sur six atteintes de maladie chronique (13 %) a été confrontée dans le cadre de l’emploi à une discrimination ou un harcèlement discriminatoire en raison de son état de santé ou de son handicap, contre 3 % pour le reste de la population active » .

Par ailleurs, les personnes atteintes de maladies chroniques témoignent être victimes de discrimination notamment lorsqu’elles connaissent des limitations dans leurs activités habituelles du fait de leur maladie. Elles ont en effet « quatre fois plus de risques d’être discriminées que celles qui n’en ont pas ». Dans le cadre de la recherche d’emploi, « 30 % des personnes malades ou reconnues handicapées rapportent avoir été confrontées, lors d’entretiens de recrutement, à des propos stigmatisants contre 13 % du reste de la population active ». 

L’une des conséquences de cette situation est que « seulement la moitié des malades ont informé leur employeur ou supérieur hiérarchique de leur état de santé et, parmi ceux qui ne l’ont pas fait, 40 % déclarent avoir peur des répercussions négatives ». 

L’emploi public aussi concerné

« En 2022, au sein des réclamations adressées au Défenseur des droits pour discrimination, 20 % des saisines étaient relatives au motif du handicap, 11 % à celui de l’état de santé » , peut-on lire dans l’enquête. Dans le champ de l’emploi, 31 % des réclamations liées à l’état de santé concernent l’emploi privé et 35 % l’emploi public. Pour le handicap, 20 % des réclamations concernent l’emploi privé et 22 % l’emploi public. 

Les discriminations dans l’emploi se retrouvent donc aussi bien dans le public que dans le privé et de nombreux témoignages pointent des manquements de la part des employeurs. Par exemple, le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation relative au rejet d’une candidature pour un poste au sein d’un conseil départemental. « Après avoir reçu un avis favorable à sa candidature et transmis ses bulletins de salaire, sur lesquels était mentionnée sa rémunération à demi-traitement en raison de son placement en congé de maladie, la réclamante a été informée du rejet de sa candidature. Le département a fait valoir que l’intéressée avait manqué à ses obligations de loyauté et de transparence compte tenu de sa réticence à transmettre les informations sollicitées par le service chargé de son recrutement. La Défenseure des droits a rappelé au département que seul le médecin du travail est habilité à connaître des informations relatives à l’état de santé des agents publics et a considéré que la réclamante a fait l’objet d’une discrimination à l’embauche fondée sur son état de santé » 

Obligations des employeurs 

La Défenseure des droits rappelle que « tous les employeurs, privés comme publics, sont tenus à une obligation « d’aménagement raisonnable »  à l’égard des travailleurs en situation de handicap, et donc des travailleurs atteints de maladie chronique » . Des mesures appropriées doivent donc être prises « pour permettre aux travailleurs concernés d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification » . Pour le moment, la CIDPH constate que 29 % des salariés atteints d’une maladie chronique ne bénéficient pas d’un aménagement alors qu’ils en auraient besoin.

Autre point de vigilance soulevé par l’enquête : « les discriminations dans l’emploi arrivent rarement seules et s’accompagnent souvent de situations de dévalorisation » . Ainsi, l’employeur se doit de faire de la prévention notamment à travers des campagnes internes de sensibilisation. Enfin, la Défenseure des droits recommande aux pouvoirs publics d’encourager les employeurs, privés comme publics, à « rendre l’obligation de formation des recruteurs instituée par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté pleinement effective et d’y intégrer les enjeux liés aux maladies chroniques et aux discriminations fondées sur l’état de santé et le handicap » . Elle recommande notamment au ministère de la Transformation et de la Fonction publique de modifier le Code général de la fonction publique pour y inscrire cette obligation.

Consulter l'enquête.

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