Maire-info
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Édition du mardi 26 mars 2024
Commande publique

Délais de paiement : les « retards » des collectivités seront rendus publics « d'ici la fin d'année »

Alors que les délais de paiement des collectivités repartiraient « très légèrement » à la hausse, le gouvernement a annoncé qu'il publierait dans les tout prochains jours ceux des communes de plus de 3 500 habitants. Il prévoit également de rehausser les sanctions pour les « mauvais payeurs ».

Par A.W.

Les délais de paiement des collectivités seront désormais rendus publics. C’est ce qu’a annoncé, la semaine dernière, la ministre chargée des Entreprises, Olivia Grégoire, dans un entretien accordé aux Échos, dans lequel elle affirme que c’est un « enjeu majeur »  pour les entreprises.

15 milliards d’euros « dans la nature » 

« Alors que leur trésorerie se tend, les TPE, les artisans, peuvent se sentir découragés face aux retards de paiement des grandes entreprises ou des collectivités locales », a déploré la ministre. D’autant qu’un « retard de paiement sur une grosse facture »  peut être « la goutte d'eau »  qui « met en péril une entreprise ».

« Ce n'est ni acceptable ni entendable », a-t-elle dénoncé, en soulignant que « le montant de cette trésorerie dans la nature s'élève à 15 milliards d'euros, c'est colossal ». Or, « les défaillances peuvent être liées à ces mauvais comportements, notamment dans le bâtiment ou la construction », a-t-elle précisé.

En 2023, 346 entreprises ont ainsi écopé d'amendes administratives à hauteur de 58 millions d’euros sur les 766 contrôlées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (depuis 2014, ce sont 2 000 entreprises qui ont fait l'objet d'amendes pour un montant global de 157 millions d'euros, selon les chiffres du ministère). Ce qui représente « une hausse de 19 % »  par rapport à l’année précédente. 

Dans ces conditions, Olivia Grégoire a annoncé vouloir rehausser les sanctions pour les « mauvais payeurs », en « doublant le plafond »  des amendes, qui est aujourd’hui de 2 millions d’euros, mais en recourant également « plus régulièrement »  au « name and shame », pratique qui consiste à rendre public leur nom dans la presse. 

« Effet pédagogique » 

Cependant, estime la ministre, « nous devons aussi balayer devant notre porte et améliorer ce qui se passe chez les acteurs publics ». 

À ce titre, elle a indiqué avoir « cosigné à l’automne dernier un courrier avec Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, et Thomas Cazenave, ministre des Comptes publics, faisant part aux collectivités locales que leurs délais de paiement seront publiés », conformément à une disposition « inscrite dans la loi Pacte et [qui] doit entrer en vigueur ». 

D’ailleurs, l’Observatoire des délais de paiement, mis en place par la Banque de France, soulignait, dans son dernier rapport publié en juin dernier, « l’importance qu’attachent les entreprises à la mise en œuvre de la base de données des délais de paiement des collectivités locales »  puisque « celle-ci permettrait aux entreprises de s’informer avant de répondre à un appel d’offres public et aurait vraisemblablement un effet pédagogique sur les comportements de paiement de certaines collectivités ».

Concrètement, ce sera à la Direction générale des finances publiques (DGFiP) – qui collecte ces données – de les publier « sur le site open data du gouvernement ». Une première étape aura lieu « d’ici au 15 avril pour les communes de plus de 3 500 habitants »  et, une seconde, « d’ici à la fin de l’année, pour l’ensemble des collectivités ». 

En outre, Olivia Grégoire a fait savoir qu’elle souhaitait que cette mesure soit étendue à « tous les établissements publics ». « Nous n’excluons pas de communiquer aussi sur ces mauvais payeurs. C’est une question de justice économique », a-t-elle ajouté.

Des délais en « très légère hausse »  en 2023

Alors que Bercy indiquait, en février, que « la future loi de simplification devrait contenir des mesures pour améliorer » les délais de paiement des collectivités, ceux-ci auraient été une nouvelle fois « en très légère hausse en 2023 », selon les informations du Moniteur obtenues « auprès de la DGFiP ». 

Une deuxième année d’augmentation donc puisque l’Observatoire avait déjà constaté une hausse de ces délais de 1,3 jour pour s’établir à 28,9 jours, en 2022, pour les collectivités territoriales et la fonction publique hospitalière. « Même si ce délai moyen reste inférieur à la limite de 30 jours qui prévaut dans le secteur public, cette tendance, qui concerne toutes les tailles et tous les types de collectivités, s’inscrit à contre-courant de plusieurs années d’amélioration régulière », rappelle-t-il. 

« D’une manière générale, le délai de paiement a légèrement augmenté pour chaque type de collectivités locales », observe l’Observatoire en constatant que « le délai de paiement des communes a quelque peu augmenté pour atteindre 19,5 jours en 2022 contre 18,7 jours en 2021, soit une hausse de 4,3 % », quant elle a été de 2,1 % pour les départements (19,3 jours) et de 2,7 % (25,6 jours) pour les régions. 

Des augmentations qui arrivent toutefois après une baisse continue sur plusieurs années puisque les délais de paiement des communes avaient atteint un minimum de 18,7 jours en 2021, à comparer avec les 19,2 jours enregistrés en 2020 et les 23,7 jours en 2015 par exemple. 

Les plus petites communes, meilleurs payeurs

« Cette évolution à la hausse n’empêche toutefois pas les collectivités territoriales du bloc communal de continuer à soutenir largement l’économie des territoires et donc celle des entreprises de manière directe et/ou indirecte », rappelle l’Observatoire. 

« Comme les années précédentes, une corrélation entre le délai de paiement et la taille des collectivités apparaît : plus les collectivités sont démographiquement importantes, plus le délai de paiement tend à s’allonger. Par exemple, les communes de moins de 500 habitants observent un délai de paiement de 13,5 jours contre 27,2 jours pour les communes de 50 000 à 99 000 habitants », bien que la tendance s’inversait pour les communes de plus de 100 000 habitants (24,2 jours). Cette corrélation est aussi liée au fait que l'augmentation de la taille de la commune implique nécessairement que la facture s'inscrive dans le cadre d'un marché public. Ce qui augmente les délais, les factures étant plus compliquées à traiter.

« Dans le même ordre d’idée, au sein des groupements à fiscalité propre, les communautés de communes ont le délai de paiement le plus faible, avec 20 jours en 2022, alors que les communautés d’agglomérations présentent un résultat à 25,3 jours », note l’Observatoire.

À noter que, malgré l’allongement du délai de paiement des collectivités, seules 16,7 % d’entre elles dépassaient le seuil réglementaire de 30 jours en 2022, contre 25 % en 2021. S’agissant des communes, le taux est passé de 4,4 % à 5,3 % en 2022, bien moins toutefois que celui des départements (8,6 %) et celui des régions (16,7 %). « La même tendance est observée par strate, avec une augmentation plus significative s’agissant des communes de plus de 100 000 habitants, dont le taux de dépassement égale 18,4 % en 2022 au lieu de 12,5 % en 2021 », détaillait l’Observatoire.

Consulter l’Observatoire des délais de paiement pour 2022.

 

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