Édition du jeudi 1er octobre 2009
PLF pour 2010: une «rupture profonde dans le financement de l'action publique locale et la décentralisation», selon Philippe Laurent
Après la réunion du Comité des finances locales mardi, Philippe Laurent, maire de Sceaux et président de la commission des finances de lAMF, a estimé dans un texte publié sur son blog que «le projet de loi de finances pour 2010 marque une rupture profonde dans le financement de laction publique locale et la décentralisation».
Selon lui, «dores et déjà, la capacité dautofinancement du secteur public local sérode régulièrement depuis 2004. Celle-ci sélevait à 19,2% des recettes de fonctionnement en 2004, elle est ramenée à 16,3% en 2008, soit une diminution moyenne du taux de 0,7 point par an. Ceci, malgré la hausse régulière de la pression fiscale. Sans celle-ci, la diminution tendancielle aurait été supérieure à 1 point par an», précise-t-il en ajoutant: «les collectivités locales ont compensé cette dégradation par une augmentation, certes raisonnable, du recours à lemprunt. Cette situation est aujourdhui encore maîtrisée, elle le sera de moins en moins dans la mesure où leffet de ciseau va saccentuer considérablement sous le double effet dune augmentation inéluctable des dépenses et de la stagnation, voire du recul, des recettes.»
Le président de la commission des finances de lAMF a également rappelé que «les collectivités paieraient elles aussi la taxe anti-carbone sans en être le moins du monde compensées, contrairement à tous les autres acteurs économiques». Il estime à environ 2 euros par habitant le coût de cette taxe pour les collectivités locales, soit près de 150 millions deuros par an et 0,5 point dimpôt sur les ménages.
Quant aux recettes, «principale inquiétude» à ses yeux, il note que «la progression limitée à +0,6% de lenveloppe des dotations - soit un chiffre moitié moins important que linflation prévue pour 2010 - va provoquer une diminution très sensible de la dotation globale de fonctionnement (DGF) perçue par plusieurs milliers de communes moyennes, dont certaines pourraient perdre jusquà 3% de leur recette de DGF.
Jugeant la situation «totalement inédite», Philippe Laurent lestime «dautant plus pénalisant(e) que, contrairement aux déclarations permanentes de lEtat, la DGF de base (dite forfaitaire) a perdu régulièrement du pouvoir dachat pendant ces dernières années: entre 2002 et 2008, la DGF forfaitaire a progressé de 8,5%, linflation officielle de 11,8% et lindice du panier du maire (AMF/Dexia), qui mesure laugmentation spontanée des dépenses des communes, de 20%. Lérosion des dotations dEtat est donc avérée pour la plupart des communes, même si quelques-unes ont pu être épargnées au nom de la péréquation.»
Enfin, le maire de Sceaux commente la suppression, dans le PLF pour 2010, de la taxe professionnelle et son remplacement par diverses recettes: «On a de nouveau pris en considération avec beaucoup de soin les contribuables - en loccurrence les entreprises - sans porter la même attention à ceux qui recevaient limpôt, à savoir les collectivités locales. Les lobbies économiques ont fonctionné à merveille pour faire en sorte que la réforme ne fasse que des gagnants du côté des acteurs économiques, même chez ceux qui, profitant des effets daubaine dun système effroyablement complexe, étaient déjà largement épargnés.»
En revanche, affirme-t-il, «faute dune volonté clairement affirmée, le texte reste peu abouti quant à la répartition des impôts de remplacement entre les collectivités locales, et il est dailleurs à craindre que la complexité qui se dessine déjà ne conduise dans les prochaines années à une évolution technique de même nature que celle que nous avons connue depuis trente ans avec la taxe professionnelle.»
«Surtout, précise-t-il, que la réforme conduira à des recettes dune part beaucoup moins évolutives que lancienne TP - qui avait certes beaucoup de défauts, mais rapportait beaucoup aux collectivités locales et reste à lorigine de leur relativement bonne santé financière - et dautre part, sur lesquelles les élus nauront pratiquement plus de marge de manuvre de taux. En cela, il sagit dun recul considérable de lautonomie locale, qui aura dimmenses conséquences dans les années à venir, avec un recul important des capacités financières, et donc dinvestissement public, du secteur public local.» Pour lui, le projet de loi de Finances marque donc «une profonde rupture. Clairement, le pouvoir central sacrifie linvestissement public, après avoir réclamé le soutien au plan de relance. Cest un discours en apparence contradictoire, mais qui procède dune logique profonde de remise en question de la décentralisation, qui pourrait navoir été quune parenthèse de courte duré dans lhistoire du pays.»
Pour lire le texte de Philippe Laurent sur son blog, voir lien ci-dessous.
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