Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 6 janvier 2016
Terrorisme

Un projet de loi pour « pérenniser » certaines mesures de l'état d'urgence

Alors que le débat sur la déchéance de nationalité fait rage dans la classe politique, et divise fortement aussi bien à gauche qu’à droite, le gouvernement a déposé au Conseil d’État, juste avant les fêtes, un projet de loi visant notamment à renforcer les pouvoirs de la police. Il s’agit du projet de loi Taubira de réforme pénale, en préparation depuis des mois, mais qui a été très largement remanié après les attentats du 13 novembre. Ce texte, qui devrait être présenté en Conseil des ministres début février, a été en grande partie publié hier par Le Monde et l’AFP. Il prévoit un durcissement très net du Code pénal.
Le texte vise à « adapter notre dispositif législatif de lutte contre le crime organisé et le terrorisme »  et à « renforcer de façon pérenne les outils et moyens mis à disposition des autorités administratives et judiciaires ». Le mot le plus important de cette présentation est certainement « pérenne » : pour l’instant, le renforcement important des pouvoirs de police des autorités administratives (avec par exemple la possibilité de permettre des perquisitions administratives à toute heure et de prononcer des assignations à résidence) n’est possible que dans le cadre de l’état d’urgence. Et celui-ci est borné dans le temps : douze jours au maximum suite au décret pris en Conseil des ministres, puis pour un délai défini dans une loi votée après un vote du Parlement (pour l’état d’urgence actuel, le délai a été fixé à trois mois). Le projet de loi présenté par le gouvernement vise donc à pérenniser certaines mesures et à les rendre possibles en permanence, hors d’une situation d’état d’urgence.
Parmi les mesures les plus emblématiques de ce texte, l’article 20, qui permettrait d’assouplir les règles d’engagement armé des forces de l’ordre. Alors qu’aujourd’hui, les policiers ne peuvent tirer qu’en situation de légitime défense (danger imminent pour eux-mêmes ou pour autrui), la nouvelle loi permettrait aux policiers et aux gendarmes d’utiliser leur arme « pour mettre hors d'état de nuire une personne venant de commettre un ou plusieurs homicides volontaires et dont il existe des raisons sérieuses et actuelles de penser qu'elle est susceptible de réitérer ces crimes dans un temps très voisin des premiers actes ». En clair, un criminel qui viendrait de tirer sur des personnes et serait en train de se déplacer en vue de faire d’autres victimes, son arme à la main, pourrait être abattu par un policier ou un gendarme sans risque pénal pour celui-ci.
Autre mesure phare – et qui ne sera certainement pas moins controversée – , la possibilité pour les forces de l’ordre de fouiller les véhicules et les bagages, « sur autorisation du préfet, aux abords d’installations, d’établissements ou d’ouvrages sensibles ». L’autorisation du préfet serait valable pendant douze heures. Typiquement, on imagine par exemple qu’avant une grande rencontre de football, en cas de suspicion de danger terroriste, un préfet pourrait permettre la fouille de tout véhicule ou bagage pendant douze heures aux abords du stade. Le fait que les préfets puissent prendre cette décision, et non un procureur de la République, est, selon les spécialistes interrogés par Le Monde, « sans précédent ».
Le projet de loi prévoit également de permettre aux policiers de retenir pendant quatre heures une personne, même mineure et même munie d’une pièce d’identité, hors de la présence d’un avocat, s’il y a « des raisons sérieuses »  de penser qu’elle pourrait être liée à une activité terroriste. Jusqu’à maintenant, seule la vérification d’identité d’un individu, en cas de refus de celui-ci ou d'impossibilité de justifier de son identité, pouvait permettre aux policiers et gendarmes de retenir quelqu’un pendant quatre heures.
Enfin, le texte propose de permettre l’assignation à résidence de personnes revenues de Syrie ou d’Irak et soupçonnées d’y avoir été en lien avec des djihadistes. L’assignation à résidence n’est aujourd’hui pas possible en dehors de l’état d’urgence.
Le Conseil d’État devrait rendre son avis sur ce texte fin janvier.
F.L.

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