Maire-info
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Édition du mardi 10 décembre 2013
Social

Vers plus de régulation sur la question des « travailleurs détachés » dans le bâtiment

Le ministre français du Travail, Michel Sapin, a obtenu hier de ses homologues européens à Bruxelles un accord sur la question du statut des « travailleurs détachés », sur les positions souhaitées par la France.
Le gouvernement français – d’accord en cela avec l’exécutif allemand – se posait le problème de lutter contre les dérives du système mis en place par la directive européenne du 16 décembre 1996 : un employeur membre de l’UE qui remporte un contrat dans un autre pays membre peut le faire exécuter par des travailleurs de son propre pays, qu’il « détache »  dans le pays concerné. Selon la directive, si les travailleurs détachés doivent toucher le salaire du pays dans lequel ils sont envoyés, les cotisations sociales, en revanche, sont celles du pays d’origine. Dans plusieurs secteurs, dont le bâtiment en particulier, ce système est très employé, parfois avec une cascade de sous-traitants, permettant qu’au bout de la chaîne, sur un chantier de construction de logements dont une collectivité est maître d’ouvrage – et sans qu’elle en ait conscience – on trouve des travailleurs roumains ou polonais sous-payés et employés dans des conditions de travail et de sécurité déplorables.
Le recours aux travailleurs détachés a connu une hausse véritablement exponentielle ces dernières années : selon un rapport du Sénat publié au printemps dernier, entre 2004 et 2011, leur nombre a augmenté de 1 000 % dans le bâtiment et dans l’agriculture, et même de 3000 % dans les entreprises de travail temporaire ! Il y a aujourd’hui 170 000 travailleurs détachés en France, contre 7500 en 2000. Mais le ministère du Travail estime qu’il pourrait y avoir, en plus, quelque 200 000 à 300 000 travailleurs détachés non déclarés.
Tout récemment, de premières décisions judiciaires ont été prises pour contrer les dérives du système. Ainsi début novembre, pour la première fois en France, une cour d’appel (celle de Chambéry) a condamné un promoteur immobilier à une lourde amende pour avoir fait appel à un sous-traitant polonais (ou plus précisément, à une société de maçonnerie turque qui avait elle-même sous-traité le chantier à une société polonaise en faisant jouer le statut de travailleurs détachés…).
L’accord obtenu hier par la France et l’Allemagne est un premier pas vers une régulation de ces pratiques, devant permettre de remonter les filières de ce nouveau dumping social. Il ne s’agit en aucun cas, a précisé Michel Sapin, de revenir sur la directive de 1996, mais plutôt d’accroître les pouvoirs des inspections du travail et de renforcer les contrôles. L’accord élargit en particulier la liste des documents que les entreprises devront fournir concernant leurs travailleurs détachés, afin de limiter les risques de fraude.
Enfin, dans le secteur du BTP, le principe de la « responsabilité conjointe et solidaire »  devient obligatoire : elle rend le donneur d’ordre responsable des agissements des sous-traitants qu’il a choisis.

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