Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 19 septembre 2018
Santé publique

Emmanuel Macron dévoile ses pistes pour résorber les déserts médicaux

Emmanuel Macron a présenté hier, au cours d’un discours officiel à l’Élysée, les grandes orientations de son plan santé. Au-delà de la suppression annoncée du numerus clausus (lire Maire info du 7 septembre), le président de la République a présenté une série de mesures volontaristes pour tenter de résorber les déserts médicaux. Les professionnels de santé et les acteurs locaux que sont les maires ont découvert les contours de ce plan seulement le jour de sa présentation.
Emmanuel Macron a tranché : « Le numerus clausus sera supprimé pour cesser d'entretenir une rareté artificielle. Dès la rentrée 2020, il n’y aura plus de concours en fin de première année. »  Mais chacun sait que cette mesure, au mieux, ne produira ses effets que dans plusieurs années, et qu’elle ne saurait suffire à résoudre la question de la rareté des médecins dans ce qu’il est convenu d’appeler les déserts médicaux. « Ces fameux déserts médicaux, a dit hier le président de la République, qui sont aujourd'hui une source d'anxiété pour nombre de nos concitoyens, pour leurs élus, (…) et qui ne sont pas que dans les campagnes : ils sont bien souvent dans les périphéries proches des grandes villes, dans les quartiers les plus difficiles. » 
Face à cette problématique, le chef de l’État a clairement indiqué qu’il était opposé à la contrainte – c’est-à-dire au fait d’obliger les jeunes médecins à aller exercer dans les zones en tension, comme c’est le cas, par exemple, pour les enseignants. « La contrainte unilatérale venant d’en haut peut faire plaisir aux élus qui sont sur ces territoires », a-t-il déclaré, mais « elle ne marchera pas ».

« Libérer du temps médical » 
Première mesure : 400 postes de médecins généralistes seront « financés et envoyés dans les territoires prioritaires »  dès 2019. Ils seront « salariés par le centre hospitalier de proximité ou un centre de santé ».
Par ailleurs, afin de dégager du temps aux médecins pour l’unique exercice de la médecine, de « libérer du temps médical », le gouvernement va créer une nouvelle profession, celle « d’assistants médicaux ». Il s’agira de « professionnels »  chargés d’effectuer à la fois certaines tâches administratives mais également des gestes médicaux simples (tension, température, prise des constantes, etc.). Le président a affirmé que l’État en financera « autant qu’il en faudra pour accompagner ce mouvement dans tous les territoires », et que « les premiers arriveront dans les quartiers prioritaires et les zones sous-denses dès 2019 ». 4000 assistants médicaux seront déployés pendant le quinquennat. Mais, a répété le président, « nous en financerons autant que de besoin ».

Communautés territoriales de santé
Le deuxième axe innovant du plan santé est l’incitation aux professionnels à « travailler ensemble », au travers de « communautés professionnelles territoriales de santé »  (CPTS). Celles-ci devront « couvrir tous les territoires d’ici au 1er juillet 2021 ». L’exercice « isolé »  devra devenir « marginal », devra même devenir « une aberration »  et « disparaître »  à l’horizon 2022. Pour aller dans ce sens, toutes les communautés professionnelles qui se créeront dans les 18 mois seront « aidées financièrement sur dix ans ».
De quoi s’agit-il au juste ? D’inciter tous les professionnels de santé d’un territoire, « au-delà des frontières de statut », (médecins, kinés, pharmaciens, infirmiers, etc.) à s’organiser ensemble, de façon à ce que « l’ensemble de celles et ceux qui portent la bonne santé d'une population en soient coresponsables ». Les CPTS devraient couvrir chacune « entre 20 000 et 100 000 patients ».
Cette nouvelle organisation devra faire l’objet d’un « pacte »  avec les professionnels de santé, et fera l’objet d’une négociation à venir. Le président souhaite qu’elle fasse l’objet d’un « accord plutôt que d’une loi ».
Parmi les missions essentielles qu’Emmanuel Macron va fixer à ces CPTS, figurera celle de « désengorger les services d’urgence des hôpitaux ». Pour « inverser cette spirale d’engorgement », il souhaite mettre en place « des structures plus légères », qui pourraient aussi bien assurer les consultations classiques que des opérations de « radiologie ou de suture ». Demain, « les urgences non vitales doivent donc pouvoir être prises en charge en ville par les professionnels organisés dans leur communauté professionnelle », afin d’organiser « une permanence de soins non programmés de jour, tous les jours jusqu’à 20 heures ». Emmanuel Macron a révélé que lui-même aurait, personnellement, souhaité que ce soit jusqu’à 22 heures, mais qu’il lui avait été dit qu’en imposant cela, il ouvrirait « une guerre absolument impossible ».
Enfin, le président de la République souhaite engager une réforme des hôpitaux de proximité, afin de les recentrer sur la médecine quotidienne. Demain, l’activité des hôpitaux devra s’organiser sur « trois niveaux », dans des établissements distincts : « Médecine, gériatrie, réadaptation, soins non programmés »  au premier niveau ; « chirurgie, maternité, médecine spécialisée »  au deuxième, et enfin « soins ultra-spécialisés »  au troisième. « Je préfère qu'un patient subisse une opération lourde à 50 km de chez lui, avec le plus haut niveau de qualité, s'il peut ensuite faire sa rééducation, son suivi postopératoire au plus près de chez, entouré de ses proches dans un établissement de proximité », a résumé le président.
Sur la question du financement, bien que ce plan santé doive être accompagné d'un effort budgétaire d'environ 400 millions d'euros par an jusqu'en 2022, le président de la Fédération des hôpitaux de France (FHF) et maire de Fontainebleau, Frédéric Valletoux, s’est dit déçu, dans un entretien au Figaro, et ne pas voir « comment cela suffirait à financer les assistants médicaux, les 400 médecins des zones prioritaires et à réoxygéner l'hôpital! ». Il a notamment rappelé « qu'en 2018 on demande au secteur 1,6 milliard d'économies, dont 960 millions pour les seuls hôpitaux publics ». « Cette rallonge de 400 millions, c'est juste la moitié des économies qu'on nous demande de faire cette année, a-t-il souligné. On va rapidement s'apercevoir que tout cela est insuffisant pour accompagner la mutation du système. » 
F.L.

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