Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 11 mars 2016
Restauration collective

Débat au Sénat sur le « manger local » et le bio

La discussion sur la proposition de loi écologiste sur l’ancrage local de l’alimentation dans les cantines n’a pas pu être achevée, au Sénat, mercredi. Après plusieurs heures de discussion, les sénateurs n’ont adopté qu’un seul article sur cinq, et la discussion est pour l’instant suspendue.
Ce texte, adopté par l’Assemblée nationale le 14 janvier, visait à fixer un objectif de 20 %, puis de 40 % en 2020 de produits « relevant de l’alimentation durable »  servis dans les restaurants collectifs gérés par l’État, les collectivités territoriales et les EPCI. Par « alimentation durable », les auteurs du texte entendent : « Des produits de saison ou sous signes d’identification de la qualité et de l’origine, en veillant à la proximité géographique entre les producteurs agricoles, les transformateurs et les consommateurs ». En séance, les députés ont supprimé le premier seuil de 20 % dans les six mois suivant la publication de la loi mais ont maintenu le taux de 20 % de produits « issus de l’agriculture biologique ».
Cet article premier du texte a été retoqué par les sénateurs, suivant en cela les recommandations de la commission des affaires économiques du Sénat. Le seuil obligatoire de « bio »  a été supprimé.
Les arguments des adversaires de cette mesure ont donc porté. De nombreux sénateurs ont exprimé l’opinion qu’il s’agit d’une « fausse bonne idée »  – ce qui est également le point de vue de nombreux maires. De son côté, l’AMF s’est dite depuis le début de la discussion, « défavorable à l’instauration de seuils obligatoires »  – pas seulement sur le bio mais y compris sur l’approvisionnement local. L’association, comme elle l’a exprimé l’été dernier quand a démarré le mouvement de protestation des éleveurs, est naturellement favorable aux circuits courts. Mais elle demande un accompagnement des élus notamment pour sécuriser leurs marchés publics en matière de restauration scolaire. Il est en effet interdit par le Code des marchés publics, à l’heure actuelle, de privilégier des critères géographiques, en vertu du principe de non-discrimination. Le ministre de l’Agriculture lui-même l’a encore rappelé en janvier 2015, pour répondre à une question d’un sénateur : « Un critère d'attribution fondé sur l'origine du bien acheté est prohibé, tout comme la mise en place d'un ensemble de critères dont l'objet serait de fonder l'attribution d'un marché sur l'origine géographique du produit. »  L’AMF appelle donc à « la prudence »  sur ce terrain, et estime que la proposition de loi revient à « exposer les élus aux risques de délit de favoritisme », ce qui lui paraît « particulièrement dangereux ».
Par ailleurs, l’AMF– et bon nombre de sénateurs – milite contre la multiplication des normes – et la proposition de loi en question en créerait bien une nouvelle – en particulier celles qui génèrent des dépenses supplémentaires. L’association n’a d’ailleurs pas manqué de souligner que « la proposition de loi ne prévoit aucune aide financière pour les collectivités territoriales », alors qu’il est évident que les produits locaux, sans parler des produits bio, sont plus coûteux.
De plus, sur la question spécifique du bio, le marché français ne semble pas encore à la hauteur des ambitions. Comme l’explique ce matin à Maire info Isabelle Maincion, maire de La Ville-aux-Clercs et membre du groupe du travail de l’AMF sur la restauration scolaire, « les maires sont évidemment favorables à l’amélioration de la qualité des produits servis dans les cantines, et ont déjà beaucoup travaillé notamment dans le cadre du programme Nutrition-santé. Et pour ce qui concerne l’AMF, nous n’avons pas attendu cette proposition de loi, puisque depuis 2006, nous travaillons sur cette question de l’approvisionnement local ! Mais il faut être clair : il n’y a aujourd’hui pas d’offre suffisante sur tout le territoire pour permettre d’atteindre 20 % de bio dans les cantines. Pour les atteindre, il faudrait donc aller acheter du bio à l’étranger ? Ce n’est pas comme ça que l’on va aider l’agriculture française… ». L’élue est donc formelle : « L’intention est évidemment louable, mais inapplicable en l’état actuel des choses. Pour 2020, c’est mission impossible. » 
Impossible, aussi, de dire ce qu’il va advenir de ce texte : aucune date n’a été fixée au Sénat pour la poursuite de la discussion, et il n’est pas impossible qu’il faille attendre des mois pour voir le débat reprendre.
F.L.

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