Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 2 septembre 2015
Interview

Yann Arthus-Bertrand : « Je veux montrer que ce qui nous rassemble est plus important que ce qui nous sépare »

Maire-Info
© A. Faidy
Yann Arthus-Bertrand propose à tous les maires d’organiser, en partenariat avec l’AMF, des projections-débats de Human, son dernier film. Un film qui « nous aide à comprendre l’humanité, à regarder le monde les yeux ouverts », explique-t-il à Maire info. Le photographe ajoute souhaiter que son « film soit vu par des gens en groupe afin qu’ils puissent en débattre et qu’ils puissent partager ensemble ».

Pouvez-vous expliquer le projet « Human » ?
Je porte ce projet en moi depuis trente ans, c’est un peu le film de ma vie. Il mélange la photographie aérienne, que je pratique depuis près de quarante ans, et ce travail d’interviews que nous avons commencé en l’an 2000 pour le projet « Sept milliards d’autres »  qui a été présenté au Grand Palais à Paris. Nous avons posé quarante questions sur le sens de la vie à 2 000 personnes dans soixante-dix pays. Nous leur avons demandé par exemple qu’est-ce que le bonheur, comment est leur famille, ce qu’ils veulent changer dans leur vie, s’ils croient en Dieu, s’ils pardonnent facilement, quel est l’événement le plus difficile qui leur soit arrivé et ce qu’ils en ont appris… Bref, les questions essentielles qu’on devrait se poser plus souvent. On a travaillé sur des sujets qui me passionnent : la guerre – pourquoi on se bat encore après des milliers d’années de philosophie ? –, l’amour, l’argent, l’homophobie, l’amitié, le travail… Le bonheur, les Africains savent bien en parler. Pour parler des réfugiés, on a été à Calais, à Lampedusa, à Melilla… Sur la guerre, nous avons rencontré des Irakiens, des Syriens, des Jordaniens, des Rwandais, des Ukrainiens, des Israéliens, des Palestiniens, des vétérans américains…
De ces 2 000 heures d’interviews, on a gardé deux heures durant lesquelles entend une centaine de personnes s’exprimer et on voit de plus une centaine de portraits muets. Le film comporte aussi une heure d’images de vues aériennes qui sont destinées à permettre de souffler et de réfléchir entre deux interviews. Au total, il dure trois heures et huit minutes dans sa version cinéma. Il y a un format pour la télévision, moins long et différent.
Quel effet souhaitez-vous provoquer avec ce film ?
Tous les gens qui ont vu Human disent qu’il est long mais qu’il leur a permis d’entrer dans une humanité très forte, de se sentir plus humains. Ce n’est pas du tout un film pessimiste, c’est surtout un film qui pousse à l’introspection : les personnes interviewées vous parlent droit dans les yeux, en plan fixe, sans que l’on entende l’intervieweur, elles vous parlent de cœur à cœur. Cela nous ramène en nous, nous pousse à nous interroger à notre tour. C’est un film pour écouter l’autre. Et en même temps, ce film nous aide à comprendre l’humanité, à regarder le monde les yeux ouverts.
Comment avez-vous financé ce projet ?
Human représente trois années de travail dont un an de montage. Les 13 millions d’euros du budget de ce film ont été entièrement financés par la Fondation Bettencourt Schueller. D’abord parce que j’aurais eu beaucoup de mal à trouver un budget pour faire ce film, qui était un projet très utopiste. Et aussi parce que cela permet que le film ne soit pas un objet commercial, qu’il puisse être vu par le plus grand nombre. Par essence, ce film ne peut pas gagner d’argent. On va donc associer les exploitants de cinéma, France Télévision et l’AMF pour avoir la plus large diffusion possible. Par ailleurs, Google organise un "Human Day" et une projection du film aura lieu au siège des Nations Unies à New York le 12 septembre.
Qu’attendez-vous des maires ? Que leur proposez-vous ?
J’attends des maires qu’ils projettent Human à leurs administrés et qu’ils ouvrent le débat avec eux. C’est un film de cinéma, il n’est pas fait pour être montré dans de mauvaises conditions, il faut une bonne qualité de son et d’image. C’est pourquoi je souhaite qu’il soit diffusé en priorité dans les salles de cinéma locales indépendantes en partenariat avec les mairies, à un tarif spécial si possible. Mais en l’absence de telles salles, il peut aussi être projeté dans les salles municipales : salles polyvalentes, salles des fêtes, etc. Les communes qui n’ont pas de cinéma et qui veulent le projeter par leurs propres moyens peuvent nous demander un blue ray et nous le leur enverrons gratuitement. J’aimerais que le film soit vu par des gens en groupe, même lors de son passage à la télévision, afin qu’ils puissent en débattre, qu’ils puissent partager ensemble. L’objectif est de montrer que ce qui nous rassemble est plus important que ce qui nous sépare.
Propos recueillis par Antoine Blouet

Pour organiser une projection : www.human-themovie.org (rubrique Projections).

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