Édition du jeudi 5 octobre 2023

ZAN
Décrets ZAN : le « oui, mais » du Conseil d'État 
Le Conseil d'État a rendu hier sa décision sur les recours que l'AMF a déposés, en juin 2022, sur les deux décrets « ZAN » d'avril 2022. Si le Conseil d'État n'a pas accepté d'annuler les deux décrets, comme le demandait l'association, il a tout de même partiellement reconnu la validité des arguments de celle-ci. 

C’est une initiative rare qu’a prise l’AMF en juin 2022 : demander l’annulation de deux décrets, dont elle contestait la légalité. Mais le sujet était d’ampleur : il s’agissait de deux décrets d’application de la loi Climat et résilience donnant les modalités d’application du dispositif « zéro artificialisation nette » (ZAN). Le Conseil d'État a rendu, hier, sa décision sur ces deux recours

Échelle et « polygones »

Il s’agissait des deux décrets communément appelés « nomenclatures » et « Sraddet ». 

Le décret nomenclatures (« relatif à la nomenclature de l'artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d'urbanisme ») a pour objectif de « déterminer les surfaces devant être considérées comme artificialisées et celles comme non artificialisées ». La loi Climat et résilience disposait en effet que « la nomenclature des sols artificialisés ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification d’urbanisme » devaient être établies par décret. 

Or le décret du 29 avril ne fixe pas avec précision cette « échelle », se contentant d’établir que « l'occupation effective est mesurée à l'échelle de polygones dont la surface est définie en fonction de seuils de référence précisés par arrêté du ministre chargé de l'urbanisme selon les standards du Conseil national de l'information géographique ». 

Dans sa requête, l’AMF a soutenu que ces dispositions sont illégales dans la mesure où elles délèguent à un arrêté une décision qui devait être prise par décret ; et parce que « les standards du Conseil national de l’information géographique » ne représentent pas un critère objectif fixé par la loi. 

Le Conseil d’État a validé cette analyse. Dans sa décision, il estime que le décret ne remplit pas le rôle qui lui a été confié par la loi, à savoir « définir l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents d’urbanisme ». Le Conseil d’État annule donc cette partie du décret, ce qui conduit à l’annulation du 3e alinéa de l’article R101-1 du Code de l’urbanisme

À l’AMF, on commentait hier cette décision en estimant qu’il s’agit « d’une clarification très attendue », dans la mesure où le Conseil d’État reconnaît que « les conditions d’observation doivent désormais être nécessairement fixées à travers un décret et non au gré d’arrêtés ministériels ou de standards d’observations techniques qui n’ont pas en soi de valeur réglementaire ». 

Hiérarchies des normes

Concernant le décret Sraddetrelatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l'espace et de lutte contre l'artificialisation des sols du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires »), en revanche, le Conseil d’État n’a pas suivi l’AMF. Mais il a tout de même exprimé des nuances par rapport au contenu du texte. 

Rappelons que la loi a inscrit la trajectoire ZAN à 2050 dans la  hiérarchie des normes entre les différents niveaux de collectivités et les documents qu’elles produisent : les objectifs en matière de lutte contre l’artificialisation des sols sont fixés par les régions, et inscrits dans le Sraddet (schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires). Ces objectifs sont ensuite déclinés au niveau infrarégional : les SCoT doivent « prendre en compte » les objectifs fixés dans les Sraddet et être « compatibles » avec les règles du fascicule ; et en l’absence de SCoT, les PLU et les cartes communales doivent être « compatibles » avec les règles du Sraddet..  

Le décret dispose que les Sraddet doivent « déterminer une cible d’artificialisation nette des sols au moins par tranche de dix années ». L’AMF, dans son recours, a estimé que le décret outrepassait en cela la loi, qui ne parlait pas de « cibles » mais de simples « objectifs ». Par ailleurs, le décret « n’impose pas que les efforts déjà réalisés » en termes de lutte contre l’artificialisation soient pris en compte dans le Sraddet pour la fixation de ces objectifs. 

Le Conseil d’État n’a pas jugé ces dispositions illégales, et les a donc maintenues. Il juge que la loi Climat et résilience a bien confié au Sraddet « le soin de fixer des objectifs de maîtrise de l’artificialisation des sols », ce qui permet que ces objectifs « se traduisent par des règles s’imposant aux documents locaux d’urbanisme par un rapport de compatibilité ». 

Tout dépend ensuite de la façon dont sont appliquées ces dispositions : l’AMF dit prendre acte « du souhait affirmé par le Conseil d’Etat de donner sa pleine portée au dispositif ZAN » et  relève les « difficultés » qui risquent immanquablement d’apparaitre si le rapport de compatibilité entre les objectifs du Sraddet et les documents d’urbanisme « ne sont pas appréciés avec la souplesse nécessaire ». 

« Efforts passés »

Quant aux efforts déjà réalisés par le passé, s'ils ne figurent pas dans la liste des points à prendre en considération au moment de l’élaboration du Sraddet établie dans le décret, le Conseil d’État juge que ce n’est pas nécessaire puisque ce point figure déjà dans la loi Climat et résilience , à l’article 194  : « Afin de tenir compte (…) de la réduction du rythme d'artificialisation des sols déjà réalisée », la région « associe » les établissements chargés de l’élaboration des SCoT « à la fixation et à la déclinaison des objectifs ». Le Conseil d’État reconnaît donc clairement que les SCoT peuvent faire « remonter » à la région le critère des « efforts passés », ce qui apparaît comme une demi-victoire pour l’AMF. 

L’association estime donc que les décisions du Conseil d’État apportent des clarifications utiles, en regrettant toutefois qu’elles ne lèvent pas « toutes les ambiguïtés d’interprétation de la loi ». 

Quoi qu’il en soit, les cartes vont maintenant être rebattues. Dès le congrès de l’AMF de l’année dernière, le ministre de la Transition écologique a en effet annoncé que les deux décrets allaient être « révisés » (lire Maire info du 23 novembre 2022), peu après avoir demandé aux préfets de « lever les stylos », selon son expression, et « de ne pas appliquer un décret qui souffre d’un certain nombre de remarques ». 

Deux nouveaux décrets sont donc sur le métier. Ils sont même prêts, et ont été validés par le Conseil national d’évaluation des normes du 27 juillet dernier, les représentants des élus ayant donné un avis favorable. Ces textes ont fait l’objet d’une consultation publique en juillet et en août. On reste donc dans l’attente de leur publication au Journal officiel. Maire info reviendra sur le contenu dès leur publication. 




Logement social
Rénovation énergétique : le gouvernement promet 1,2 milliard d'euros pour le parc social
Alors qu'un rapport publié hier invite à accélérer la rénovation thermique et à soutenir les organismes HLM, le ministre du Logement a annoncé la création d'un fonds de 1,2 milliard d'euros sur trois ans pour les bailleurs sociaux, lors de sa venue hier au Congrès HLM.

Le ministre du Logement, Patrice Vergriete, n’a pas attendu son discours de clôture du congrès HLM, qui aura lieu aujourd’hui, pour distiller ses premières annonces. Des déclarations qui vont d’ailleurs être particulièrement scrutées par le monde HLM, après celle, encore floue, d’un « choc de décentralisation » sur la politique du logement faite, la veille, par Christophe Béchu. Une annonce qui n’a pas franchement convaincu la présidente de l’USH, Emmanuelle Cosse, qui attendait « plus de concret ».

400 millions d'euros par an sur trois ans

À l’occasion de sa visite dans les allées du congrès, hier, l’ancien maire de Dunkerque a donc annoncé le déblocage d’une enveloppe de 1,2 milliard d’euros sur les trois prochaines années (400 millions d'euros annuels dès 2024) afin de soutenir la rénovation thermique du parc social. « On ne doit pas choisir entre la production de logements sociaux et la rénovation énergétique. Il faut faire les deux », a-t-il assuré alors que les bailleurs sociaux se trouvent confrontés à cette double urgence. 

Plus largement, le ministre a annoncé la signature d’un « contrat d’engagements réciproques » entre l’État et l’USH.

Tout au long de son congrès, le monde HLM a pointé la disparition des aides directes à la rénovation des logements sociaux au sein du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, contrairement aux propriétés privées.

Dans la foulée de la présentation du projet de budget, la semaine dernière, la présidente de l’USH, Emmanuelle Cosse, avait dénoncé un texte « déconnecté du problème posé aujourd'hui par la crise du logement » et « incohérent avec les objectifs affichés de planification écologique ». Déplorant le fait que « les bailleurs sociaux ne disposeront d'aucune aide budgétaire pour assurer la rénovation énergétique classique des logements sociaux […] là où le plan de relance 2021-2022 puis le PLF 2023 avaient permis la mobilisation de 700 millions [d’euros] d'aides à la rénovation énergétique », le monde HLM estimait ainsi que cette situation allait « complique[r] encore la tâche des bailleurs sociaux pour faire face à leurs obligations en la matière ».

Des craintes également avancées dernièrement par la Banque des territoires qui prévoit un impact important sur la production de logements neufs. Dans une étude récente, cette dernière estime ainsi que la construction de HLM risque de chuter autour de 66 000 logements par an à partir de 2030, faute de moyens suffisants et du fait même que les bailleurs sociaux soient contraints de rénover en priorité leur parc de « passoires thermiques ».

Pour rappel, l'interdiction de location des biens classés G, F et E sur le DPE arrive à grands pas (respectivement 2025, 2028 et 2034), et à même déjà commencé pour les pires passoires thermiques (celles classées G+).

Dépenses publiques : « Un relèvement très substantiel s’impose »

Ces 400 millions d'euros annuels annoncés sur les trois prochaines années par le ministre du Logement viennent, au moins en partie, satisfaire les recommandations présentées le jour même par deux députées. 

Dans leur rapport d’information sur la rénovation thermique des bâtiments, dans lequel elles formulent 47 propositions, Julie Laernoes (écologiste) et Marjolaine Meynier-Millefert (Isère, Renaissance) estimaient qu’il fallait abonder les subventions des bailleurs sociaux de 1,5 milliard d’euros.

Selon les rapporteures, les financements publics sont à « renforcer » au regard des besoins d’investissement. En effet, bien que « les soutiens apportés à la rénovation énergétique des bâtiments progressent, leur importance peut être relativisée », assurent-elles.

Ainsi, « il apparaît établi que les aides publiques de l’Anah laissent subsister un reste à charge qui exerce des effets dissuasifs sur l’engagement de travaux ». Une contrainte de financement qui pèserait aussi bien sur les ménages que sur les bailleurs sociaux. 

« D’après les éléments produits par l’Union sociale de l’habitat (USH), la réduction des émissions à gaz à effet de serre et la mise à niveau du parc social exigeraient un investissement annuel de l’ordre de 9 milliards d’euros, soit un doublement des crédits alloués à la réhabilitation », relèvent les deux députées, qui confirment que « le niveau d’endettement (soit un encours de 150 milliards d’euros) et la dégradation des capacités d’autofinancement (dans le contexte de la hausse du livret A) rendent cet effort peu envisageable sans l’apport de nouvelles ressources ».

Résultat, les rapporteures considèrent « qu’un relèvement très substantiel et rapide des dépenses publiques en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments s’impose » et appellent à porter les montants « des crédits budgétaires alloués à MaPrimeRénov’ à 4,5 milliards d’euros à compter de 2024 » et « renforce[r] les ressources allouées à la rénovation énergétique dans le parc social », à hauteur de de 1,5 milliard d’euros donc.

In fine, elles proposent de porter les dépenses annuelles de l’État en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments à « 14 milliards d’euros supplémentaires d’ici à 2030 ».

Outre la massification des aides publiques, le rapport préconise également de faciliter le recours aux prêts dédiés, de « changer de paradigme » en privilégiant l'isolation et la rénovation globale des logements et de mettre en place « une loi de programmation relative à la rénovation des bâtiments ». 

Pour rappel, la France compte 7,2 millions de passoires énergétiques. D'ici à 2050, 95 % du parc immobilier doit faire l'objet d'une rénovation globale et performante, ce qui suppose de rénover 500 000 logements par an à compter de 2017 puis 900 000 à compter de 2030.

Télécharger le rapport.
 




Fonction publique territoriale
En 2022, le covid-19 a fait monter la température de l'absentéisme territorial
Si le taux global d'absentéisme (9,7 %) a encore progressé l'an dernier, les arrêts maladie liés à la pandémie pèsent lourdement sur les indicateurs. Pour les collectivités, le coût moyen des absences s'élève à 2 288 euros par agent titulaire.

En 2022, année marquée par l’impact de plusieurs vagues de covid-19 sur la santé de la population, le taux d’absentéisme global au sein de la sphère territoriale a de nouveau progressé. Il s’établit à 9,7% contre 9,6% un an plus tôt. Un niveau historique correspondant à l’absence de l’équivalent d’un agent sur dix tout au long de l’année. C’est ce qu’indique notamment le Panorama 2023 Qualité de vie au travail et santé des agents dans les collectivités territoriales publié le 2 octobre par le groupe Relyens (ex-Sofaxis). 

L’analyse des données recueillies par le spécialiste européen en assurance et management des risques auprès de 462 000 agents affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales (CNRACL) et répartis au sein de 15 835 entités territoriales, nécessite toutefois une double lecture. La réalité des absences liées au covid-19 peut, en effet, donner une représentation en trompe-l’œil de la santé au travail dans la fonction publique territoriale. 

La maladie ordinaire, première cause de l’absentéisme territorial

Dans le détail, cette étude montre que la maladie ordinaire représente plus de huit arrêts maladie sur dix et concerne plus des trois quarts des agents absents au moins une fois dans l’année. Ainsi, si le nombre des arrêts est globalement en progression, la part des arrêts compris entre 3 et 7 jours (soit la durée d’absence prescrite pour les cas d’infection au covid-19) représente à elle seule 39,3 % (contre 27,9 % en 2021) du total des arrêts maladie. Dans le même temps, les arrêts les plus courts (moins de 2 jours) restent sur une tendance à la baisse observée depuis 2018. À noter que la proportion des arrêts de 16 à 90 jours connaît également un reflux (24,8 % contre 32,1 % un an auparavant). 

Le Panorama 2023 présente en contre-point une analyse affinée de l’absentéisme dans les collectivités territoriales en « neutralisant » l’effet des arrêts spécifiques liés au covid-19 sur les absences enregistrées en 2022 et en rapportant le volume des arrêts maladie de 3 à 7 jours à leur niveau de 2021. Une opération qui met en évidence un impact inverse sur la fréquence (nombre d’arrêts) et la gravité (durée) des arrêts maladie. 

« Sur cette base, la fréquence recalculée serait de 41 arrêts pour 100 agents employés et la gravité, ou durée moyenne d’arrêt, serait de 32 jours. Ce qui place les indicateurs d’absences dans la tendance des années précédentes », souligne l’étude en rappelant que l’indice de gravité a progressé de 24 % en maladie ordinaire entre 2017 et 2022 et que le taux d’absentéisme a bondi de 17 % sur la même période. 

Impact du vieillissement de la population territoriale et du demi-traitement

Principale explication de cette tendance de fond : la pyramide des âges de la territoriale qui impacte de plus en plus la santé des agents. « La hausse de la gravité des arrêts maladie reste portée principalement par le vieillissement de la population active des collectivités, sur des métiers considérés comme pénibles et exercés dans des conditions relativement contraintes », indique l’étude en précisant que l’âge moyen des personnels des collectivités est de 48 ans (contre 44 ans pour l’ensemble des agents des trois versants de la fonction publique et 41 ans dans le secteur privé). 

Autre élément mis en évidence dans l’étude : la progression des périodes d’absence à demi-traitement et les risques de perte de revenu qui en découle pour les agents absents. Ce dispositif, qui peut s’appliquer à la suite d’une maladie ordinaire, d’une longue maladie, d’une maladie de longue durée, mais également lors d’une disponibilité d’office, peut également survenir lors de l’accumulation de plusieurs arrêts en maladie ordinaire si la somme des absences est supérieure à 90 jours sur une année roulante. Selon le Panorama, le taux d’exposition au demi-traitement est de 3,3 % en 2022 (+ 5,7 % en 5 ans) et la part des agents absents à demi-traitement est de 18,3 % en 2022 (+3 % en 5 ans).

« L’augmentation de la gravité des arrêts, associée au fait que les agents les plus âgés tendent à s’arrêter plus longtemps, produit une hausse de la part de demi-traitement visible, avec des conséquences sociales sur les agents en termes de précarité », précise l’étude.

Des coûts élevés pour les finances des collectivités 

Si l’absentéisme fragilise la carrière des agents territoriaux, il pèse également lourdement sur le budget des collectivités. En 2022, les absences ont représenté un coût direct moyen de 2 288 euros par agent titulaire pour les employeurs publics territoriaux. « Ce coût moyen individuel, rapporté à l’effectif d’une collectivité, permet d’estimer le coût global annuel des absences pour raison de santé. Ainsi, une collectivité de 100 agents a en moyenne un coût direct de 228 800 euros », observe le groupe Relyens. Les coûts les plus élevés pour la collectivité sont liés aux arrêts pour maladie ordinaire (1 132 euros en moyenne par agent en 2022). Viennent ensuite les coûts découlant des arrêts pour longue maladie et maladie de longue durée (604 euros), ceux concernant les accidents du travail (404 euros) et les coûts consécutifs aux congés maternité (148 euros). 

Télécharger l’étude. 




Montagne
Accès aux sites naturels: malaise au pied des falaises
L'escalade victime de la « judiciarisation » de la société ? Suite à un accident et à ses effets boule de neige, des propriétaires de terrains interdisent l'accès à certaines falaises, alarmant les grimpeurs et alimentant le débat sur l'accès aux espaces naturels. Des solutions sont envisagées, impliquant les collectivités locales. 

« Déconventionnement » : le mot, un peu barbare, est devenu un sujet brûlant dans le petit milieu épris de liberté de la grimpe, popularisé dans les années 1980 par des figures légendaires comme Patrick Edlinger. Le terme fait référence à une décision prise par la Fédération française de la montagne et de l’escalade (FFME) après un accident survenu en 2010 à Vingrau (Pyrénées-Orientales), qui avait fait deux blessés graves et avait donné lieu à une longue saga judiciaire. 

Poursuivie et condamnée en tant qu’exploitante et gardienne de la falaise, la Fédération décida alors de dénoncer plus d’un millier de conventions qui la liaient de longue date aux propriétaires des terrains et les déchargeaient de leur responsabilité en cas d’accident. 

Ce processus de déconventionnement, achevé fin 2022, laisse en première ligne les propriétaires, qu’ils soient publics ou privés, et a conduit certains à interdire l’accès à leurs sites pour se prémunir contre d’éventuelles poursuites judiciaires. Ces fermetures – une quarantaine à ce jour sur environ 2 500 selon la FFME – ont suscité une vive émotion chez les pratiquants, qui craignent un effet tache d’huile et peinent à faire leur deuil de sites naturels parfois spectaculaires.

 « Émotion »

« Dans le Vercors, beaucoup de falaises où j’allais régulièrement ont été fermées. Ce sont des falaises très populaires, irremplaçables », regrette ainsi le grimpeur et alpiniste Symon Welfringer, piolet d’or 2021. C’est notamment le cas du secteur dit « Pierrot Beach » dans le village de Presles (Isère) : il s’agit d’une « grosse perte, une falaise unique dans la région grenobloise », comprenant des voies d’une extrême difficulté, souligne-t-il. 

« À Cimaï (Var), une falaise historique est en train de fermer. On a commencé à déséquiper des voies. C’est un choc, il y avait des voies mythiques », renchérit Laurence Guyon, vice-championne du monde 1995 et journaliste spécialisée. « C’est un appauvrissement de la pratique, c’est dommage d’en arriver là », déplore-t-elle.

D’autres pratiquants accusent à mots plus ou moins couverts la Fédération d’avoir délaissé les sites naturels au profit de la pratique en salles, devenue en 2021 sport olympique. 

Mise en cause, la FFME dit « comprendre l’émotion » que suscitent les interdictions auprès d’un public passionné, selon son président Alain Carrière, qui appelle toutefois à « garder raison ». « Quant à dire que la fédération ne s’intéresse plus aux falaises, c’est juste une négation de la réalité », assène-t-il. 

Conflit en Chartreuse

Plusieurs pistes impliquant les collectivités locales sont actuellement testées, pour éviter aux propriétaires de porter l’entière responsabilité juridique et ainsi permettre la réouverture des falaises, pour certaines avec succès. Les fédérations d’escalade espèrent en outre démontrer aux maires et aux assureurs, chiffres à l’appui, que la discipline est bien moins dangereuse que ne le veut sa réputation.

Mais la réflexion devrait être plus large car en réalité, l’escalade est loin d’être la seule concernée par ces problématiques, estime Olivier Moret, directeur de la Fondation Petzl, une entité dédiée au soutien de « projets d’intérêt général en lien avec la montagne et le monde vertical ». 

« On peut tout à fait imaginer que ça s’applique à énormément de pratiques récréatives sportives en milieu naturel », souligne-t-il, mentionnant en exemple le litige opposant un marquis, propriétaire d’un grand domaine dans la réserve naturelle des Hauts de Chartreuse près de Grenoble et des randonneurs à qui il en a récemment interdit l’accès. 

Pour « sortir par le haut » des conflits, la Fondation soutient un projet visant à rédiger un nouveau texte de loi faisant consensus, qui pourrait donner « un statut particulier à ces espaces dont on reconnaîtrait le caractère de bien commun et l’intérêt général ». On est, de fait, arrivé à un « point de crispation» entre usagers et propriétaires sur ces questions et c’est donc «le bon moment pour en parler », estime-t-il.

               




Aménagement numérique du territoire
Fibre optique : un accord pour faciliter le raccordement aérien
La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), Enedis et Infranum ont signé il y a quelques jours un « protocole d'engagement » visant à alléger les conditions d'utilisation des pylônes électriques pour la réalisation des raccordements finals optiques.

Lors de la conférence annuelle des territoires organisée par l’Arcep, des inquiétudes se sont fait entendre à propos du rythme de déploiement de la fibre dans les zones très denses qui est « très insuffisant », selon le régulateur des télécoms (lire Maire info du 29 septembre). Ce même jour, à quelques kilomètres de l’Institut du Monde arabe, à Paris, où se tenait ce rendez-vous important pour la filière des télécoms, un début de réponse était en train d’être apporté à travers la signature d’un protocole entre la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), Enedis, gestionnaire du réseau de distribution d'électricité et Infranum, la fédération des opérateurs d’infrastructures de télécommunication.

À travers ce nouvel accord, ce trio s’engage « à améliorer le modèle national de convention « appuis communs » pour faciliter l’utilisation des supports électriques pour le déploiement de la fibre optique ». Concrètement, les trois acteurs ajoutent leur pierre à l’édifice pour simplifier au maximum les conditions d’utilisation des supports aériens basse tension du réseau public de distribution électrique – propriété des collectivités – pour la réalisation des raccordements finals optiques. 

Mise en pratique d’un arrêté 

Vouloir simplifier l'utilisation des poteaux électriques pour le raccordement des particuliers à la fibre optique n’est pas une idée nouvelle. En effet, rappelons qu’un arrêté publié le 29 décembre 2021 visait à « faciliter la mutualisation avec les poteaux d’Enedis, en exonérant de calcul de charge pour les pylônes du réseau électrique basse tension n’accueillant pas [déjà] de desserte optique ».

Cette facilitation d’accès aux infrastructures électriques était très attendue par les acteurs publics et privés impliqués dans l’aménagement numérique du territoire (lire Maire info du 10 janvier 2022). Plus d’un an après, les trois acteurs concernés par l’arrêté proposent une mise à jour de la Convention d’appuis communs et notamment un modèle d'avenant qui précise les conditions particulières du déploiement d’un réseau de communications électroniques à très haut débit sur les ouvrages basse tension du réseau public de distribution d’électricité (RPD). 

Si dans la plupart des cas il n’y aura plus de calcul de charge, il y aura tout de même d’autres conditions. Par exemple, on peut lire dans cet avenant qu’Enedis pourra « faire produire des informations par retraitement de photographies géolocalisées et horodatées » à l’opérateur qui installe la fibre.

Concrètement, Enedis, la FNCCR et Infranum invitent dès à présent « les acteurs locaux à mettre à jour leur Convention sur la base du modèle d’avenant » « afin de se conformer aux dispositions de l’article 7 de l’arrêté et à se fixer comme objectif que cette mise à jour soit, dans la mesure du possible, effective au plus tard le 31 décembre 2023 ».

Une première réponse, mais encore du travail 

 « De surcroît, la FNCCR, Enedis et InfraNum devraient produire par la suite un nouveau modèle de convention plus adapté et complet, peut-on lire dans le communiqué. Le "protocole d’engagement" signé le 28 septembre témoigne de cette volonté commune de poursuivre les discussions pour améliorer encore les conditions du déploiement et de l’exploitation des réseaux FTTH en France ». Ce n’est donc qu’un début, alors même qu’avec le Plan très haut débit, le gouvernement s'est engagé à ce que la fibre optique couvre l'ensemble du territoire d'ici à 2025. Le défi est donc de taille, d’autant que les trois acteurs estiment que sur « les 11 millions de prises FTTH à construire en zones moyennement denses et rurales d’ici à 2025 », la moitié pourrait être concernée par le recours aux supports aériens. 

Selon l’ANCT, « une partie importante des déploiements de fibre optique mobilise en effet le réseau de distribution d’électricité d’Enedis, qui dessert 95 % du territoire et compte environ 12 millions de supports en France. La mobilisation de ces infrastructures (...) permet d’éviter aux opérateurs et collectivités territoriales d’implanter leurs propres appuis, ce qui représente un gain de temps conséquent pour les déploiements ainsi qu’un coût estimé à 25 millions d’euros au total ».







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