Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 11 octobre 2018
Territoires

L'Agence de cohésion des territoires revient au Parlement par un chemin inattendu

Les travaux préparatoires à la création de la future Agence nationale de cohésion des territoires n’en finissent pas de réserver des surprises. Il semble que le gouvernement ait maintenant choisi de s’appuyer sur une proposition de loi des sénateurs RDSE (radicaux de gauche) pour avancer.
Résumé des épisodes précédents : la création de l’Agence nationale de cohésion des territoires, réclamée de longue date par l’AMF et promise par Emmanuel Macron en juillet, a d’abord été envisagée par le gouvernement sous forme d’ordonnance. Un amendement surprise a été ajouté au projet de loi Élan dans ce sens, et repoussé par le Parlement, les sénateurs dénonçant le caractère « brutal »  et sans concertation de la méthode. Puis, cet été, le préfet Serge Morvan, chargé d’une mission de préfiguration de l’Agence, a rendu son rapport au gouvernement, qui ne l’a pas rendu public… mais qui a été diffusé, de façon non officielle, par un syndicat (lire Maire info du 3 septembre). Dans ce rapport, Serge Morvan disait espérer que des textes législatifs seraient présentés et votés suffisamment vite pour que l’agence soit créée avant la fin 2018.

Proposition de loi vs projet de loi
Nouvelle surprise, la semaine dernière : ce sont des sénateurs du groupe RDSE qui ont présenté un texte « portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires ». Deux éléments permettent de savoir que ce texte a le soutien du gouvernement : premièrement, parmi les signataires du texte, on trouve Josiane Costes, la propre suppléante du ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard. D’autre part, lors d’une audition devant la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale, le 2 octobre, le même Jacques Mézard a lui-même évoqué ce texte, indiquant qu’une proposition de loi allait être déposée « sous peu »  et que le gouvernement espérait aussi une issue « avant la fin de l’année ».
Reste que la méthode a de quoi étonner : en général, un projet porté par le gouvernement donne lieu à un projet de loi – c’est-à-dire un texte présenté au Parlement par le gouvernement lui-même – et non une proposition de loi – un texte présenté par les parlementaires. La différence entre les deux n’est pas que sémantique. Un projet de loi répond en effet à des règles plus strictes qui permettent de bien mieux en cerner les conséquences, notamment pour les collectivités : d’abord, parce qu’il doit faire l’objet d’une étude d’impact. Ensuite, parce qu’il doit être examiné par le Cnen (Conseil national d’évaluation des normes), ce qui permet aux représentants des élus locaux de donner leur avis en amont.
Rien de tout cela n’aura donc lieu pour ce texte.

La question de la place des élus locaux toujours floue
La proposition de loi du groupe RDSE reprend, en partie, les préconisations du rapport Morvan. Il s’agirait de créer une structure qui soit « en capacité de coordonner et mobiliser les opérateurs de l’État intervenant dans le domaine de l’aménagement et de la cohésion des territoires ». Les sénateurs mettent néanmoins la barre un peu moins haut que le préfet Morvan en matière d’intégration des agences existantes. Celui-ci proposait que la future agence – qu’il proposait d’appeler France territoires – absorbe totalement le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), l’Agence du numérique, l’Anah, l’Anru et l’Épareca (Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux) ; et qu’elle s’allie, dans une relation de « client-fournisseur »  avec l’Ademe et le Cerema.
Les sénateurs, eux, proposent uniquement une fusion avec l’Épareca, l’Agence du numérique et le CGET. L’agence aurait pour mission « d’accompagner les projets portés par les collectivités territoriales (…) à des fins d’aménagement et de cohésion des territoires », notamment en fournissant « une offre d’ingénierie adaptée ». Elle assurerait, « après accord des conseils municipaux ou des organes délibérants des EPCI, la maîtrise d’ouvrage d’actions »  concernant les surfaces commerciales et artisanales (création, extension, transformation ou extension). Elle devrait également accompagner le développement du numérique, assurer le pilotage du plan France très haut débit et « favoriser le développement de l’usage du numérique auprès de la population ».
L’agence serait dotée d’un « comité d’action territoriale », composé des directeurs généraux de l’Anah, de l’Anru, de l’Ademe et du Cerema – toutes agences qui ne disparaîtraient donc pas.
La proposition de loi reste relativement vague sur deux points : le financement, d’abord. Il est simplement précisé que l’agence serait financée « par des subventions de l’État », mais aussi, « le cas échéant », par « des personnes privées ». Aucune indication n’est donnée sur le montant du budget.
Enfin, le rôle et le poids des élus locaux dans la gouvernance de la future agence n’est pas précisément fixé. Par rapport aux deux scénarios proposés par le préfet Morvan (participation directe des élus au conseil d’administration ou présence des élus dans un « conseil stratégique » ), les sénateurs ont choisi l’option la plus favorable aux élus : ils souhaitent que ceux-ci soient présents dans le conseil d’administration avec « voix délibérative ». Le nombre d’élus, et donc leur poids dans les décisions, n’est en revanche pas fixé. Seule indication figurant à ce jour dans le texte : les représentants de l’État devraient être majoritaires au sein du conseil d’administration.
Il reste maintenant à savoir quand ce texte sera examiné au Sénat. Ses auteurs espèrent que ce pourrait être le cas dès cet automne. Il sera alors fort intéressant de regarder les amendements que le gouvernement introduira dans ce texte.
Franck Lemarc
Télécharger la proposition de loi

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